Des démons aux merveilles, enfin la coupe aux grandes oreilles

Rôle de Luis Enrique, geste le plus symbolique ou sens donné au récital parisien à Munich samedi… Retour en quatre points sur la finale qui a vu le PSG surmonter ses blocages passés pour rincer l’Inter.

2 Jun 2025 - Libération

«Ils en voulaient plus. C’est notre plus grand regret.» Le tout lâché sur un ton smart, détaché. Les traces sont fraîches : vingt minutes que l’Inter Milan a été rincé du sol au plafond (5-0) par le Paris-Saint-Germain, samedi à l’Allianz Arena de Munich, abandonnant sa deuxième finale de Ligue des champions en trois saisons. Et le milieu lombard Nicolò Barella referme la porte sans bruit, pour ne pas réveiller les morts. Accessoirisés par leurs adversaires tout le match, ridicules et parfois mauvais esprit, Benjamin Pavard et consorts n’ont aucune chance de s’en tenir au constat de Barella. L’heure des comptes n’est simplement pas encore venue. Plus tard, leur entraîneur, Simone Inzaghi, parlera d’un gouffre athlétique en laissant entendre, et ce n’est pas rien, que son équipe partait à l’abattoir : «Nous étions plus fatigués que le Paris-SG. Nous avons manqué de précision dans les passes. La fraîcheur était de leur côté. Nous savions très bien que ce serait dur mais, techniquement, le PSG a été largement au-dessus.»


Lointain écho des déclarations du coach de Liverpool, Arne Slot, après une victoire heureuse (1-0) des Anglais au Parc des princes début mars, confessant avoir tellement craint une raclée qu’il avait inversé son plan de jeu habituel en imposant à ses hommes une disposition tactique prudente pour protéger leur but. Certains joueurs n’avaient pas compris. Aujourd’hui, ça doit leur sembler plus net. Cette raclée, dans l’air depuis des mois, c’est l’Inter Milan qui l’a ramassée et lors d’une finale encore. Slot avait compris.

Quel sens les Parisiens ont-ils donné à leur victoire ?

Où l’on reparle du ballon d’or, de l’entraîneur parisien Luis Enrique et d’une ligne directrice qu’il a ­défendue jusqu’à l’après-match de ­samedi, signe aussi qu’il se voit des perspectives allant au-delà d’une victoire en Ligue des champions : «Nous avons montré, en tant qu’équipe, l’idée que nous avions. Notre niveau défensif a été exceptionnel. Tout le monde a l’air de se demander à qui je donnerais le ­ballon d’or [qui récompense chaque année le meilleur joueur du monde présumé, ndlr]. Je le donnerais à [l’attaquant] Ousmane Dembélé, juste pour la façon dont il a défendu dans cette finale. C’est cela, diriger une équipe avec humilité. C’est cela, diriger une équipe avec intelligence. Et je crois qu’il mérite le ­ballon d’or non seulement pour les titres gagnés, non seulement pour les buts [33 cette saison] mais pour la façon dont il a fait avancer les choses tout au long de la saison et plus particulièrement lors de cette finale.» Durant laquelle Dembélé n’a pas marqué. Voilà exactement ce qui intéresse Luis Enrique, et explique cet accessit individuel dont il est d’habitude si avare devant les caméras et les micros. On est au-delà de l’idée d’un couronnement individuel (le ballon d’or) obtenu à travers des achèvements collectifs, le club de la capitale ayant remporté toutes les compétitions où il était engagé cette saison. Qui aura vu Dembélé passer par une mise à l’écart cet automne, des discussions serrées avec le manager portant sur les joueurs sacrifiés et l’aversion du coach pour la contre-attaque (trois buts ont pourtant été inscrits sur des phases de transition samedi) et une évolution non pas technique, l’international tricolore ayant toujours défendu comme un chien durant sa carrière, mais psychologique. Sur la manière de défendre et les raisons de le faire. Dembélé devait simplement habiter le rôle différemment. Y compris dans le leadership, c’est-à-dire les prises de parole, parfois conflictuelles, avec son entraîneur. Ousmane, tu y gagneras confort mental et protection : voilà le message que Luis Enrique a fait passer à son joueur, le portant au pinacle un soir où tous les attaquants ont marqué sauf lui. Il n’est plus seul. Dans un club où une pression exacerbée, sportive et médiatique, avait entravé et même parfois écrasé tous les ­solistes désignés, d’Ibrahimovic à Mbappé en passant par Neymar, ce n’est pas n’importe quelle révolution quand même.

Quel geste symbolise le mieux la finale ?

Il importe d’aller chercher quelque chose des deux côtés du terrain pour tenir la note chantée par Luis Enrique, qui n’a parlé que de sacrifice défensif un soir où son équipe en a tout de même mis cinq. Le sauvetage du défenseur équatorien Willian Pacho, s’arrachant pour éviter un corner à la 20e minute, aura assurément une place de choix dans l’histoire que se raconteront les joueurs parisiens: quatre passes plus tard, Désiré Doué pliait la finale à l’autre bout du terrain. L’attitude de Pacho dit ainsi que même dans un sport à événements rares comme le foot (peu de points si l’on compare au hand, au basket, au volley, etc.), ­aucun geste n’est anodin. Et qu’un effet papillon, une cause infime et une conséquence sismique planent derrière chaque effort, chaque ­initiative du joueur.


Photos M. Bertorello et M. Stache. AFP

Il faut ainsi mettre toutes ces ­causes infimes, les fameux détails qui n’en sont plus, de son côté. Les entraîneurs se tuent à le dire. Les joueurs n’écoutent pas toujours. Mais ceux-là, si. Au-delà, on garde une place toute particulière pour la passe décisive du milieu portugais Vitinha, envoyant Doué à dame sur le troisième but : un geste simple en apparence, moins spectaculaire que la passe de la ­semelle dos au jeu effectuée par Dembélé deux ou trois secondes plus tôt, mais qui exprime la clarté, la ­propreté technique et l’intense efficacité d’une équipe pile poil dans les canons du jeu et des situations qu’il offre. Que cette passe ait lié ­Vitinha, ­méprisé par Lionel Messi quand ces deux-là cohabitaient dans le vestiaire ­parisien, et Doué, 20 ans mardi, qui s’est fait une place centrale en quelques mois dans une équipe capable de ravager l’Inter Milan en finale de Ligue des champions n’est pas n’importe quelle image non plus.

Luis Enrique doit-il être tenu comme dépositaire du succès parisien ?

La question est tranchée médiatiquement depuis longtemps, l’entraîneur parisien se présentant devant les micros une vingtaine de fois par semaine tous médias ­confondus dans un club où tout le monde vit caché, des joueurs jusqu’à ceux qui dessinent la politique du club depuis Doha en passant par le directeur sportif ou le président, Nasser al-Khelaïfi. Après le match de Munich, l’ancien sélectionneur de la Roja a aussi déplacé le curseur émotionnel sur sa personne en parlant de sa fille Xana, décédée en 2019 à l’âge de 9 ans, en réponse à un tifo des supporteurs évoquant le drame déployé à la fin du match. On y voyait la jeune fille de dos, avec un maillot du PSG floqué du numéro 8 qui fut celui de son père durant sa carrière de joueur.

On a quelque scrupule à déposséder les joueurs de tout ou partie des accomplissements atteints sur le terrain depuis janvier, un entraîneur n’existant jamais qu’à travers ce que ses joueurs veulent bien ­retenir de ce qu’il leur raconte. Quand on a posé au printemps à un coach jouant le haut de tableau de Ligue 1 la question d’un PSG collectif et équilibré, celui-ci a relativisé, sans rien retirer d’ailleurs au natif de «Gijón : «Sans les 20 buts de Dembélé depuis janvier, l’histoire n’est plus la même.» A l’autre bout de l’échelle de responsabilité, Doha a fait à Enrique des conditions royales, le débarrassant de toutes formes de contre-pouvoirs là où ses prédécesseurs étaient à la remorque des stars du vestiaire. Et lui laissant la main sur le recrutement quand Mauricio ­Pochettino avait vu Lionel Messi ­débarquer dans un vestiaire déjà encombré par Neymar et Mbappé, le western entre les trois hommes étant dès lors prévisible.

Reste que si un coach ne vit qu’à ­travers ses joueurs, leur progression individuelle et collective est obli­gatoirement la jauge permettant de juger son travail. Et il se trouve que la quasi-totalité des titulaires ou ­approchant, des plus ­confirmés comme Achraf Hakimi ou Gianluigi Donnarumma aux plus jeunes comme les trois joueurs (Bradley Barcola, Warren ZaïreEmery et ­Désiré Doué) qui ont ­découvert l’équipe de France sous sa man­dature, se sont réalisés dans des proportions qu’ils étaient ­parfois les seuls à espérer. «L’entraîneur, c’est la tête de cette équipe, a lâché Nuno Mendes après le match. Après, nous, on s’adapte sur le terrain. Il nous a beaucoup apporté, aussi bien défensivement qu’offensivement. C’est un cadeau pour lui, pour tout ce qu’il a fait ­depuis qu’il est arrivé au club la ­saison dernière.» Par nature, un joueur est conditionné pour ne pas aller au-delà de la reconnaissance liée à l’opportunité qu’on lui offre en lui donnant du temps de jeu : le reste, il se le doit. Les mots du défenseur portugais pèsent ainsi plus lourd qu’ils n’en ont l’air.

Quelle place dans l’histoire du football européen ?

Après Manchester City en 2023, le PSG est le deuxième club-Etat à remporter la Ligue des champions en trois saisons, enfonçant un coin dans la vieille structure d’un football européen où une demi-douzaine de clubs se taillent la part du lion. Dans les deux cas, l’actionnaire aura fait de l’entraîneur le personnage tout-puissant du projet. En lui donnant un horizon temporel infini, ce qui installe dans l’esprit du vestiaire l’idée que leur coach leur survivra: pas rien dans un club où Neymar n’avait qu’un mot à dire pour virer son entraîneur. Au fond, c’est comme s’il avait fallu mettre le poids d’un Emirat pour rééquilibrer la balance en faveur du club et au ­détriment de superstars dépassant de beaucoup la notoriété et la puissance de feu marketing de leurs employeurs. En abattant une carte maîtresse: avec 25 ans et 96 jours, le Paris-SG présente la plus faible moyenne d’âge d’une équipe championne d’Europe depuis l’Ajax Amsterdam de Patrick Kluivert, des frères De Boer et de Clarence Seedorf en 1995, étalon or d’une enfance de l’art qui vaut son pesant de tendresse et d’étoiles dans les yeux des amoureux du jeu de football. Le dernier but de la finale de samedi, un «à toi, à moi» de cour d’école entre Bradley Barcola et un Senny Mayulu formé au club et passé pro il y a tout juste un an, n’appartient qu’à ceux qui sont à l’aube d’une carrière. Puissent-ils prolonger autant que possible cette sensibilité-là. Et la chérir indéfiniment ensuite.

***


Nasser al-Khelaïfi, président du PSG.
Photo alexandra beier.AP

Avec la victoire, le Qatar touche à son but

L’émirat a atteint l’objectif qu’il affiche depuis son rachat du club parisien, en 2011. L’aboutissement d’une stratégie de soft power au service du «sportswashing».

HALA KODMANI

Au milieu de l’exultation générale, Nasser al-Khelaïfi a savouré aussi, sans la cacher, sa revanche. «Vous tapez sur nous tout le temps, a lancé le patron qatari du PSG aux journalistes à Munich après la victoire retentissante du club. Vous doutez de nous. Aujourd’hui, on a prouvé qu’on pouvait gagner, on est champions d’Europe! Pour la France, vous pouvez être fiers de nous. On a joué pour la France, pas seulement pour Paris.» Dans le même temps, sur la chaîne beIN Sports, «NAK» a «dédié cette victoire à sa majesté le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani», le chef de l’Etat qatari, «dont le soutien et les conseils ont contribué à cette réalisation historique».

Par ces deux premières réactions simultanées, le dirigeant a rappelé la place centrale qu’il occupe entre le Qatar et la France, surtout depuis le rachat du PSG en 2011 par le Qatar Sports Investments (QSI), le fonds d’investissement de l’Emirat dans les secteurs du sport, des loisirs et du divertissement. Malgré l’accumulation des affaires judiciaires qui le visent en France et ailleurs, le fidèle ami de jeunesse du dirigeant du Qatar reste un pilier de la stratégie d’investissement de son pays dans le football, qui vient de connaître un aboutissement éclatant avec la Ligue des champions – objectif claironné depuis l’arrivée des Qataris à Paris.

«Blanchiment». Une stratégie de soft power déployée au lendemain de l’attribution en 2010 par la Fifa de la Coupe du monde 2022 au Qatar, entourée de soupçons de corruption qui n’ont jamais pu être confirmés. Le lien entre cette attribution pour le moins surprenante et un fameux déjeuner, organisé à l’Elysée par Nicolas Sarkozy en novembre 2010 réunissant des responsables du Qatar et Michel Platini, fait toujours l’objet d’une enquête de la justice française, ouverte en 2019. L’enjeu est de comprendre si des contreparties ont été négociées avec le Qatar en échange du vote de l’ancien joueur, à l’époque patron de l’UEFA, alors que six mois après ce déjeuner, le PSG était racheté par le fonds souverain QSI.

Dans sa quête de soft power, le Qatar est devenu le champion du «sportswashing». Le terme est apparu en 2015, précisément pour qualifier la préparation de «sa» Coupe du monde par l’émirat, rappelle le chercheur américain Sarath K. Ganji dans un article intitulé «Comment le Qatar est devenu le leader mondial du sportswashing» publié dans la revue Journal of Democracy. Il s’agit «d’une forme de blanchiment de réputation par le sport qui devient un ­outil de manipulation de l’information», selon le spécialiste de la place du sport dans les régimes autocratiques, qui a longtemps travaillé dans les pays du Golfe. Il rappelle au passage que les attentions footballistiques du Qatar ne se sont pas portées que sur Paris : au lendemain de l’attribution de la Coupe du monde, la «Qatar Foundation», une organisation d’Etat sans but lucratif, a passé un accord de sponsoring avec le FC Barcelone représentant 220 millions de dollars pour le club catalan.

Reste que l’achat pour 58 millions de dollards du PSG par QSI représente l’investissement le plus spectaculaire du Qatar dans le foot. En acquérant un club dont le logo est frappé de la tour Eiffel, l’émirat achetait symboliquement

Paris. Il investissait d’ailleurs massivement parallèlement dans des bâtiments emblématiques prestigieux de la capitale, dont l’hôtel de la Marine ou le Crillon, place de la Concorde, ou le grand magasin Printemps. L’historique centre de conférences internationales du Quai d’Orsay, avenue Kléber, a été transformé en un blingbling hôtel nommé Peninsula. En arabe, péninsule se dit «al jazeera», autre symbole d’un émirat établi sur une presqu’île. Aujourd’hui, la visibilité de Qatar Airways sur les maillots du PSG et les panneaux publicitaires dans les stades pour «la meilleure compagnie du monde» dépasse largement l’emblème de Paris.

Cadeau. Pour revenir au PSG, même si les investissements ont été immenses (transferts, salaires, infrastructures), l’affaire serait rentable pour les Qataris en cas de revente. Selon le magazine Forbes, la valorisation du club est passée de 70 millions d’euros en 2011 à 4,2 milliards en décembre 2024. Et quand bien même l’aventure parisienne se ferait à fonds perdus : que représente le coût du PSG pour le Qatar, dont le PIB est passé de 120 milliards de dollars en 2010 à 221 milliards en 2024, selon le FMI, pour une population de moins de 3 millions d’habitants? ­Soit un PIB par tête de 102 000 dollars l’an dernier, le troisième le plus élevé au monde.

Comment ne pas rappeler, aussi, que le dernier cadeau de bienvenue à Donald Trump lors de sa visite au Qatar a été un Boeing valant 400 millions de dollars. Une cerise sur le gâteau d’accords économiques qui ont dépassé 243,5 milliards de dollars, dont 42 d’armement en provenance des Etats-Unis et 210 avions Boeing d’une ­valeur de 96 milliards via la compagnie Qatar Airways. De quoi relativiser les centaines de millions d’euros engloutis dans les arrivées des Neymar, Mbappé ou Messi au PSG.

***

Au Carillon, ici, c’est toujours Paris

Dix ans après les attentats ­du 13 Novembre, le bar parisien s’est fait la caisse de résonance de la ferveur entourant le succès du PSG en Ligue des champions. Une victoire de la vie.

Avec la forêt
de têtes et de drapeaux,
personne ne voyait rien, tout le monde
s’en foutait.

QUENTIN GIRARD

Du match, je n’ai rien vu, ou presque. J’étais trop loin de l’écran. Il fallait laisser voguer son imagination pour apercevoir des petits bonshommes bleus ­difficilement identifiables, virevoltant comme s’ils­répétaient le Lac des ­cygnes, dansant autour de plots jaunes immobiles et dépassés. Le ballon blanc n’était qu’une suggestion fugace, filant sur l’herbe verte et disparaissant avec plaisir dans les airs. Les buts n’étaient pas une ­réalité, mais un bruit, celui d’une foule hurlante, ­levant les bras, lançant ses verres pleins, s’embrassant. Alors, les talonnades de Doué et de Dembélé, les percées d’Hakimi, les sprints de Kvaratskhelia, je ne les ai pas compris en ­direct. Ça n’a pas ­d’importance. Il se passait quelque chose de plus fort, partout dans la ville : une pulsion de vie, un art de la joie. Précisément au ­Carillon, l’un des bars meurtris de 2015.

Il était évident que ce ne serait pas une journée comme les autres. Paris avait chaud : de l’attente ­fébrile de la finale depuis trois semaines, de la pluie du matin, du soleil de l’aprèsmidi, de l’alcool qui coule à flots trop tôt, et de l’orage menaçant de ­s’abattre sur la ville. Et qui ne vient pas. Plus tard, les poètes écriront que Luis Enrique et ses ­prométhéens avaient volé tous les éclairs pour ­foudroyer la défense ­intériste.

Très vite, nous savions tous que le Carillon serait trop ­petit. Pourtant, le bar avait fait les choses en grand : un bel écran à l’intérieur, toutes les chaises rangées, pour ­gagner de la place et être ­debout, à l’ancienne, un air de vieux stade, les portes-fenêtres grandes ouvertes et une télé, ­donnant sur ­l’extérieur, rue Alibert. Dès 18 heures, trois heures avant le match, les Parisiens s’amassaient là. Les hectolitres de pintes défilaient, les serveurs ne savaient plus où donner de la tête, mais gardaient le sourire et leur maestria ­habituelle pour le ­divertissement.

Ils ­tiraient avec des pistolets à eau sur les supporteurs ­réclamant un peu de ­fraîcheur. La foule ­grossissait, grossissait, s’étalait, s’étalait, allait chercher à boire au ­Franprix pour gagner du temps, des bobuns au Petit Cambodge ou des pizzas à Ottobre (qui a remplacé Maria Luisa). Au coup ­d’envoi, 500 personnes se faisaient la courte échelle, peut-être plus. Allez, on écrira même 1 000 parce que c’est plus joli. ­ L’ambiance était digne d’un festival de musique : des gens compacts, ­certains chanceux à ­l’intérieur, la majorité ­dehors, transpirant les uns contre les autres, applaudissant, chantant, prête à pogoter et à craquer des ­fumis. Avec la forêt de têtes et de drapeaux, personne ne voyait rien, tout le monde s’en foutait. Les rues étaient bloquées, les voitures tentaient de ­passer et renonçaient.

Ça se passait bien dans ce ­petit coin du Xe arrondissement, à deux pas du canal Saint-Martin.

Tout Paris était là. Des ­supporteurs avec des maillots de toutes les ­époques et aux infinis ­flocages. Des provinciaux qui n’ont pas grandi en ­aimant ce club, j’en fais partie, mais qui ont appris à accepter l’évidence : ils ­vivent ici, c’est aussi leur ville, c’est aussi à eux, et il faut toujours se saisir du bonheur quand il bondit en liberté dans les rues. Et des touristes, parfois les plus enthousiastes, trop heureux d’avoir la chance d’être ici ce week-end-là. Au Carillon, j’y vais désormais surtout pour les grands matchs de foot. Avec sa bière pas chère et son mauvais rosé, cela reste un bar de jeunes, et je ne le suis presque plus. Les beaux jours, sa terrasse est toujours bondée, il est ­difficile d’y trouver une place. Dès que j’y passe, je reste fasciné par la capacité que le bar, et le quartier autour, ont eu de garder une exaltation sincère, un ­plaisir de la fête populaire, une évidence à se reconstruire dans une volupté non feinte. Après le coup de sifflet final, tandis qu’une partie des présents allaient fêter à République, d’autres restaient là et ­profitaient des choix musicaux symboliques : Gloria Gaynor, I Will Survive ou Jacques Dutronc, Il est cinq heures, Paris s’éveille.

Après les attentats de ­novembre 2015, on a tous eu des grandes promesses : #jesuisterrasse, fluctuat nec mergitur («battu par les flots, mais ne sombre pas», devise de Paris), etc. ­Collectivement, la ville les a tenues et de manière spectaculaire. Paris est une fête. Ce n’est pas si courant de tenir ses promesses après une tragédie.

Bientôt, cela fera dix ans. A chaque but, des supporteurs faisaient exploser d’énormes pétards dans la rue. Les détonations sourdes résonnaient contre les murs. Plus personne n’avait peur. Voilà la victoire.

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Le titre européen du PSG vu depuis Marseille : «Au coup de sifflet final, il y a eu un silence de mort sur toute la ville»

Reportage dans les Bouches-du-Rhône, au lendemain de la victoire du club parisien, où des Marseillais ­racontent leur «seum» ou leur indifférence. Et, pour ­certains, une petite admiration quand même.

■ La presse étrangère acclame le PSG après son ­triomphe en Ligue des champions

Espagne, Italie, Allemagne… Les médias internationaux applaudissent le club de la capitale, et n’épargnent pas son adversaire italien.

■ La «fête», ce déversoir de la violence masculine Coup de gueule de notre journaliste Johanna Luyssen contre les ­déferlements de ­violence des hommes post-matchs

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