TONNERRE DE JEUNESSE
OKC LA MARQUE JEUNESS
Le Thunder, plus jeune équipe à remporter le titre NBA depuis un demi-siècle après avoir battu Indiana dans le match 7 de la finale, dans la nuit de dimanche à lundi, a un bel avenir devant lui.
"Une des pires célébrations de l’histoire!"
- OUSMANE DIENG
"On peut continuer à progresser.
C’est ce qui est génial.
On n’est pas beaucoup à être dans notre prime"
- GILGEOU'S-A'LEXANDER SHAI
24 Jun 2025 - L'Équipe
LOÏC PIALAT
OKLAHOMA CITY (USA) – Les journalistes avaient couvert leurs caméras et leurs appareils photos, certains avaient laissé leur sac dans un couloir du Paycom Center, d’autres, sorti le ciré en plastique, réflexes classiques pour une célébration post-titre. Ils ont suivi jusqu’au vestiaire Jalen Williams, masque de ski sur la tête et trophée Larry O’Brien dans les bras. « Désolé les médias mais vous n’avez pas le droit d’y toucher!», a crié la jeune star avant de rejoindre Chet Holmgren et Jaylin Williams pour l’une des centaines de photos qu’il a dû prendre dimanche soir.
À l’intérieur, des bâches recouvraient comme d’habitude les places des joueurs, mais le sol et les tee-shirts étaient secs, les habituelle odeurs de champagne et de bière absentes. Pas un joueur pour arroser la foule. Comme si l’Oklahoma City Thunder avait fêté sagement le premier titre NBA de son histoire. Même pas de hurlements de joie intempestifs, si ce n’est Kenrich Williams lâchant un «Je te l’avais dit!» à un membre du staff ou Lu Dort, joueur non drafté et champion à la fois, demandant qu’on coupe la musique parce qu’il répondait à une interview. La lumière s’est même brièvement éteinte.
« C’était l’une des pires célébrations de l’histoire ! », s’est marré Ousmane Dieng, le septième joueur français sacré. Quand on est l’effectif le plus jeune (25,6ans de moyenne) à gagner depuis presque un demi-siècle (Portland en 1977), il manque certains réflexes apparemment. «Personne ne savait comment faire. On regardait des tutoriels sur YouTube », a raconté Isaiah Hartenstein, champion de Lituanie, mais «làbas, il buvait de la tequila». Alex Caruso, doyen du groupe à… 31 ans et déjà champion avec les Los Angeles Lakers dans la bulle de 2020, a surgi pour guider les siens, comme il a apporté à l’équipe toute la saison grâce à son énergie défensive (17 interceptions dans cette finale).
«Tout le monde dit qu’il faut de l’expérience pour gagner. Mais cette équipe a appris sur le tas pendant les play-offs. Ce que la plupart des équipes apprennent dans la défaite, elle l’a appris dans le succès», a salué celui qui avait démarré sa carrière à Oklahoma City il y a neufans en G-League. «C’est une capacité unique pour des gamins de 21-27 ans ».
OKC a disputé 105 matches cette saison, en a gagné beaucoup et surtout le dernier (103-91).
Les fans de basket espéraient un feu d’artifice, un sommet d’intensité comme en 2016, la dernière fois que le sacre d’un champion avait pris sept rencontres. Mais la rutpure du tendon d’Achille droit de Tyrese Haliburton après 7 minutes de jeu (lire par ailleurs) a privé la NBA du spectacle attendu. Les Pacers, fidèles à eux-mêmes, n’ont pas lâché, finissant en tête à la pause (48-47), mais les shoots ont eu de plus en plus de mal à rentrer, et OKC a compté jusqu’à 22 points d’avance.
C’est injuste pour un aussi beau champion que le Thunder, mais des fans se demanderont toujours «et si?» en repensant à la conclusion de ce chapitre 2024-2025.
Des questions, les joueurs d’OKC ne s’en posaient pas sous la pluie de confettis et dans le brouhaha de We are the Champions de Queen. En voyant sa mère en larmes dans les tribunes, Jalen Williams a eu les yeux humides, lui aussi. «La dernière minute et demie du match, j’avais l’impression de ne plus être là, d’être sorti de mon corps. Arriver inconnu de l’université et être un champion NBA trois, quatre ans plus tard, c’est un cadeau de Dieu», a confié l’arrière de 23ans (20 points dimanche).
Sept ans que le champion NBA change, sept ans que les observateurs phosphorent sur une prochaine dynastie. À OKC? «Rien n’est garanti dans cette ligue », a rappelé Caruso. « On peut continuer à progresser. C’est ce qui est génial. On n’est pas beaucoup à être dans notre prime », a commenté Shai Gilgeous-Alexander (29 points, 12 passes) avant de traverser la salle de presse en serrant son trophée Bill Russell de MVP de la finale comme on ferait un câlin à un bébé.
Dans un an, les joueurs du Thunder seront un peu moins jeunes, peut-être un peu plus forts. Ils savent comment gagner un titre NBA et maintenant, ils savent aussi comment sabrer le champagne.
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La blessure de Tyrese Haliburton au début du match 7.
La rupture du tendon d’Achille droit de Tyrese Haliburton au début du match a été le coup dur de trop pour Indiana.
L. P.
Les Pacers dévastés
Alors qu’il restait encore 4’55’’ à jouer dans le premier quarttemps, tous les coeurs « se sont arrêtés » sur le banc des Pacers, a raconté le coach Rick Carlisle. Tyrese Haliburton, le leader d’Indiana, qui venait d’inscrire trois paniers primés, s’est écroulé sur un dribble. Allongé au sol, il a tapé sur le parquet, hurlant de douleur avant de sortir, le visage caché par une serviette. « On ne veut jamais voir un joueur se blesser, encore moins un des vôtres dans un moment aussi important, s’est désolé son coéquipier Myles Turner. Avoir réussi un tel parcours pour que ça se finisse comme ça, il y a de quoi vous briser le coeur. » Qu’ils aient déjoué les pronostics en tenant sept matches contre le favori ne change pas grand-chose pour le plus ancien joueur de l’effectif, drafté en 2015. Indiana a perdu et il est difficile de prédire quand l’équipe pourra revenir à ce niveau avec l’absence sans doute longue d’Haliburton.
« Ouais, c’était dur, a confirmé Pascal Siakam. On souhaite le meilleur à Tyrese. Je suis fier de ce gamin. Il a traversé tellement de trucs cette année. Un tas de critiques. Il y a eu du stress, mais il n’a jamais arrêté de se battre. » Tout comme le Camerounais, propulsé leader de substitution. « On se sent tous dévastés. C’est dur de voir votre franchise player sortir comme ça. Mais il fallait avancer » , a insisté l’autre meneur, T.J. McConnell, qui a inscrit 12 points d’affilée en seconde période.
Indiana a fini en tête à la pause (47-48), mais OKC a inexorablement creusé l’écart au retour des vestiaires. « Les efforts que nos gars ont faits pour gagner le quatrième quart-temps d’un point, c’était épique et symbolique de ce que cette équipe représente », a ajouté Carlisle.
Ça ne vaut pas un titre mais Siakam espère que ces Pacers ont plu, au-delà d’Indianapolis. « On n’est pas une équipe sexy. On n’est pas une équipe que tout le monde veut voir. Indy, personne n’en avait rien à faire. Maintenant, les gens s’intéressent à nous. On peut en être fiers. Mais on est déçus ».
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Prestidigitateur
Le titre d’OKC est une consécration pour Sam Presti, à la tête de la franchise depuis ses débuts en 2008 et souvent décrit comme le meilleur general manager de la NBA.
"Le vrai MVP là-bas, c’est Sam Presti"
- LEBRON JAMES, EN 2022
L. P.
Le bleu et l’orange descendaient encore du plafond du Paycom Center quand les « OKC ! OKC ! » se sont tus pour l’écouter. Du podium installé à la hâte sur le parquet, Sam Presti, le general manager du Thunder, a célébré Oklahoma City «comme une vraie équipe et pas seulement un vainqueur».
Ce titre restera comme la consécration d’un surdoué, le résultat d’une reconstruction entamée après le départ de Paul George en 2019 et l’apothéose d’une aventure démarrée un peu plus au nord. Quand Clay Bennett, le propriétaire des Seattle Supersonics, a fait confiance à son instinct plutôt qu’au Hall of Famer Lenny Wilkens pour recruter ce connaisseur de basket, même pas 30 ans à l’époque. Le jeune homme à lunettes avait déjà séduit R. C. Buford à San Antonio. C’est lui qui avait insisté pour que les Spurs donnent une deuxième chance à Tony Parker.
À Seattle, le GM de l’histoire drafte Kevin Durant en 2007. Puis Russell West brook quand l’équipe déménage dans l’Oklahoma en 2008 et James Harden en 2009. Trois futurs MVP, finalistes NBA dès 2012. Mais le Big 3 ne reste pas. Il faut tout reprendre à zéro quand Paul George rejoint les Clippers en échange d’un espoir canadien, Shai Gilgeous-Alexander. « J’ai compris très vite qu’il savait ce qu’il faisait», se souvient le MVP.
« Le vrai MVP là-bas, c’est Sam Presti », disait LeBron James en 2022. Le GM sait que son petit marché l’oblige à trouver des stars avant qu’elles ne le deviennent. Il se trompe parfois (Terrance Ferguson en 2017), mais «sans sa capacité à identifier le talent, cette équipe n’existe pas», insiste Ryan, venu de New York pour la finale. «Le seul truc que je lui reproche, c’est d’avoir drafté Steven Adams ( en 2013) au lieu de Giannis Antetokounmpo. Et encore Adam sa compté pour cette équipe », concède Malcolm. « Ce n’est pas que la draft. Il trouve aussi les joueurs libres dont on a besoin, comme Hartenstein et Caruso ( arrivés en 2024) », note Keshawn, croisé lors du match 5 au Paycom Center. Kyle, lui, parle de «Sam», même s’il ne le connaît pas, signe que la ville l’a adopté. Presti – amoureux de jazz au point d’avoir sorti un album quand il étudiait à Emerson College – joue parfois de la batterie localement, sans s’annoncer.
«On savait que c’était un savant du basket quand il est arrivé, mais on ne savait pas qu’il est fabuleux avec les gens », s’enthousiasme Berry Tramel, reporter au Tulsa World. Il raconte que Presti l’a appelé alors que sa femme attendait des jumelles. « Il savait que j’avais un frère jumeau moi-même. Il m’a dit que pour une fois, c’est lui qui allait m’interviewer», explique en souriant le journaliste, impressionné par la culture que le GM a construit ici. «Le Thunder ne perd pas beaucoup d’employés. Les gens aiment travailler pour l’organisation. Et lui aussi. LA ou Boston ont dû lui proposer une fortune, mais il est toujours là.»
Le titre à peine digéré, Presti doit s’occuper de la draft. OKC a encore trois picks cette année. Trop pour un effectif déjà dense?
«Je ne vois pas pourquoi on laisserait passer des occasions d’ajouter du talent sous prétexte qu’il n’y a pas assez de place à table », avait un jour expliqué le GM. Son Thunder a de l’avenir.
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