MERLIER - L’héritage en mémoire


Compagnon de la fille de Frank Vandenbroucke, le sprinteur belge, vainqueur de sa deuxième étape hier sur ce Tour, vit et respire le vélo au sein de la famille de l’ancien champion, disparu en 2009. Comme par procuration.

"Parfois, quand il voit le petit Jules trotter, 
il rigole en disant que ça serait bien qu’il ait à la fois 
sa pointe de vitesse et le moteur du grand-père"
   - JEAN-JACQUES VANDENBROUCKE

14 Jul 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

PLOEGSTEERT (BEL) – Dans une petite maison blanche à la sortie de Ploegsteert, tout proche de la frontière française, bat le coeur d’une partie de l’histoire du cyclisme belge. Au bout de la rue, on aperçoit par temps clair le haut du beffroi d’Armentières. On est en pleine Flandre occidentale néerlandophone mais on y parle le français, car cet endroit fait partie d’une enclave linguistique comme il y en a quelques-unes en Belgique. Souvent, on aperçoit le maillot de champion d’Europe rouler dans le coin, le long de la Lys. Tim Merlier s’arrête dans cette petite demeure chez Jean-Jacques et Chantal, les parents de Frank Vandenbroucke. Voilà six ans, il a rencontré Cameron, leur petite-fille, qui a longtemps vécu chez eux après le décès de son champion de papa. Ici, on l’appelle Tim, mais on tient à la prononciation flamande «Merlire». Il est devenu l’enfant de la famille.Tim Merlier a remporté hier sa troisième étape sur le Tour. Il avait levé les bras pour la première fois à Pontivy en 2021, la deuxième lundi dernier à Dunkerque (où il avait retrouvé sa petite famille, Cameron Vandenbroucke, sa compagne, et leur fils Jules) et hier à Châteauroux.

Quelques jours avant le départ du Tour de France, il est venu dîner à la maison avec Cameron et le petit Jules, âgé de 2 ans. « J’essaie de ne pas le déranger en parlant toujours de vélo mais dans notre famille, c’est difficile d’y échapper, rigole JeanJacques. Je me souviens de Cameron quand elle m’a annoncé sa rencontre avec lui sur un cyclo-cross: “Papy, j’ai rencontré un garçon, mais bon il est cycliste.” C’était inévitable chez nous.»

Il y a encore six ans, Tim Merlier ne s’imaginait pas faire une carrière sur route. Son hiver était consacré au cyclo-cross et l’été, c’était plutôt relâche. Mais René De Clercq, le frère de Mario, star du cyclocross dans les années 1990, triple champion du monde, l’a découvert lors du Tour du Brabant flamand en Espoirs et l’a vu batailler pour la… 18e place. «Je n’ai jamais vu quelqu’un sprinter comme ça » , lâcha-t-il alors à son frère, qui lui confirma, quelques jours plus tard après une kermesse, que ce Tim Merlier méritait peut-être d’avoir sa chance sur la route.

Il s’entraînait alors avec Angelo De Clercq, le fils de Mario, et Massimo Van Lancker, le fils d’Eric, ancien champion des années 1980 et 1990. Mais il n’avait pas imaginé changer quoi que ce soit à cette vie, à ses attaches à Wortegem près de Waregem, où il a toujours vécu, dans le petit café StArnoldus’t Pleintje tenu par sa mère, désormais devenu le lieu de rendez-vous de ses supporters qu’il retrouve parfois pour fêter ses victoires. Et il en a à fêter. Hier, il a engrangé la 62e de sa carrière, loin devant Jasper Philipsen (54) et Wout Van Aert (50). « Mais ça ne change rien à sa vie, raconte Jean-Jacques Vandenbroucke, toujours aussi passionné. C’est un garçon tellement simple, il écoute bien plus mes conseils que ne le faisait Frank à l’époque.»

Au-dessus du bar de la cuisine trône un portrait du champion, disparu à 34 ans (le 12 octobre 2009). Un souvenir auquel Tim Merlier ne peut échapper. Chaque année, en juin, il participe à la cyclosportive «VDB for ever» en hommage au père de sa compagne. « Il nous pose des questions sur Frank, poursuit Jean-Jacques. Parfois, quand il voit le petit Jules trotter, il rigole en disant que ça serait bien qu’il ait à la fois sa pointe de vitesse et le moteur du grand-père. » Son parcours n’a pas toujours été aussi linéaire. Au début de la saison 2019, il s’était retrouvé sans équipe alors que Nick Nuyens, le patron de Verandas Willems-Crelan, en conflit avec Wout Van Aert, avait mis la clé sous la porte. «Les frères Roodhooft (Philip et Christoph) l’avaient récupéré chez Coredon ( devenu Alpecin) en mai seulement, se souvient Chantal Vandenbroucke, il ne leur coûtait pas beaucoup d’argent.»

Sa timidité devant les micros tranche avec 
son caractère bien trempé au sein de l’équipe

Tim Merlier était censé alors se glisser dans la peau de poisson-pilote pour Jasper Philipsen. Au bout d’un mois, il remportait un sprint royal à Bruges sur la semi-classique Elfstedenronde, devant Fabio Jakobsen et le Limbourgeois, une semaine avant de décrocher le titre national devant Timothy Dupont, Wout Van Aert et Philippe Gilbert. «Tim n’était pas habitué au vedettariat, il a dû apprendre à parler devant les micros, sourit Jean-Jacques Vandenbroucke. Jusque-là, on ne faisait pas attention à lui, c’était juste un cyclo-crossman de seconde zone. Il était sélectionné en équipe nationale mais il ne faisait jamais mieux qu’une 5e ou 6e place sur les Coupes du monde.»

Toujours en quête de héros flandriens, le public flamand s’est pris de passion pour ce garçon qui sortait (presque) de nulle part. «Parce qu’il colle à l’image qu’on se fait des champions flandriens, soutient son voisin Hugo Coorevits, ancien journaliste au quotidien flamand Het Nieuwsblad. Il est simple et vient de ce peuple de terriens qui se bat avec ses armes pour réussir. Il coche toutes les cases.»

C’est sans doute aussi pour cette raison qu’il continue à écouter les conseils de Jean-Jacques Vandenbroucke qui l’appelle deux fois par jour, le matin à 9heures avant sa sortie d’entraînement et en début de soirée pour connaître le déroulement de sa journée. Et si par malheur il ne répond pas, le grand-père contacte sa petitefille Cameron avec inquiétude. « Tim est à l’écoute, bien plus que ne l’était Frank, rigolet-il. Mais c’est surtout quand Patrick (Lefévère) est entré dans le jeu en l’embauchant en 2023 alors qu’il avait Fabio Jakobsen dans son équipe qu’il a changé de dimension.» Sa timidité devant les micros tranche avec son caractère bien trempé au sein de l’équipe Soudal-Quick Step, où il apparaît comme le modérateur, « celui qui est toujours optimiste, qui remonte le moral à tout le monde, confie un membre du staff. Vu de l’extérieur, il n’y paraît peut-être pas mais c’est lui, le moteur de la vie de l’équipe.»


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EN BREF
TIM MERLIER (BEL)
32 ans 1,88m ; 76 kg Équipe : Soudal – Quick-Step

Principales victoires: 
Champion d’Europe 2025 ; 3 étapes Tour de France (2 en 2025, 1 en 2021) ; 4 étapes Giro (3 en 2024, 1 en 2021) ; 3 étapes Paris-Nice (2 en 2025, 1 en 2023) ; 3 Nokere-Koerse (2022, 2023, 2024) ; 2 GP de l’Escaut (2024, 2025) ; Bruges-La Panne 2022 ; 2 Brussels Classic (2020, 2025) ; GP de Fourmies 2023...

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