Le Tour va-t-il disparaître


La Grande Boucle, du moins telle que nous la connaissons aujourd'hui, pourrait bien ne plus exister dans un futur proche. Du réchauffement climatique à l'appétit de fonds souverains ou de multinationales, les menaces sonr concrètes et doivent pousser les organisateurs à vite réfléchir à l'avenir.

Florent Le Du
Miroir du cyclisme - n. 475/2025

Juillet 2045. Les Néerlandais de l'Alpe d'Huez s'ennuient à la Folie douce, aucune barrière ne coupe les rues de Pau, il n'y aura pas non plus de nounours Haribo géant paradant sur les Champs-Élysées. Ce mois-ci, le Tour de France n'a pas lieu. Trop dangereuse pour des coureurs étouffant de la chaleur, celle qui fut la plus grande course au monde, un symbole français, a d'abord été déplacée en septembre, puis en mars à la fin des années 2030. Sans l'été, ses congés payés et sa ferveur, le Tour n'était déjà plus le Tour. Pour relancer une épreuve perdant en popularité et boudée par les collectivités, plusieurs formules sont testées: des courses en circuit réservées à des spectateurs payants, des épreuves de moins d'une heure pour plaire aux télés, de nouveaux formats de course pour plus de spectacle... Mais la mayonnaise ne prend pas. En parallèle, des fonds souverains accompagnés par les plus grandes équipes ont lancé leur ligue parallèle. La World Cycling League et ses dix courses réparties sur le globe, à l'image de la Formule 1, attirent progressivement tous les meilleurs cyclistes, puis les droits télé et les sponsors. Étouffé, le Tour finit par être racheté et relégué en simple étape - rebaptisée Royal Gulf Bank's Tour de France - de cette coupe du monde sans âme. Cette dystopie est-elle si farfelue?

1. Coureurs en danger, le Tour menacé

Organiser une course cycliste de trois semaines en plein été, dans dix, vingt, trente ans ou plus, est-il plausible? Ces dernières années, déjà, des conditions météorologiques extrêmes ont chamboulé la Grande Boucle. En 2019, un violent orage de grêle conduit à l'annulation de l'antépénultième étape vers Tignes et change peut-être le cours de l'épreuve, où Julian Alaphilippe perd le maillot jaune au profit d'Egan Bernal. En 2022, une pointe à 45°C fait suffoquer le Tour, sur la route entre Rodez et Carcassonne. Victime d'une montée de fièvre, le Français Alexis Vuillermoz est évacué en ambulance.

Des étapes à plus de 40 °C, cela pourrait devenir la norme d'une course de trois semaines organisée dans l'Hexagone en plein été. « Il faut s'attendre à ce que les grandes canicules comme celles que nous avons connues dans la dernière décennie soient trois fois plus fréquentes qu'aujourd'hui, donc presque chaque année. Avec des températures avoisinant les 50 °C y compris dans le nord de la France », détaille le climatologue du CNRS Robert Vautard.

Un cocktail explosif pour la santé

Le problème se pose tout particulièrement en montagne. Selon les chiffres de Météo-France, les températures augmentent « deux fois plus vite dans les Alpes et les Pyré nées» qu'ailleurs en France. Il est aussi plus difficile pour un cycliste de limiter l'augmentation de sa température interne en montagne: allant moins vite, il reçoit moins d'air et a donc plus de difficulté à se rafraîchir et évacuer la sueur. Ajoutez à cela la réverbération de la chaussée et des parois rocheuses, et la diminution de la capacité à absorber l'oxygène en altitude, et vous obtenez un cocktail explosif pour la santé du peloton.

Alors que la température idéale pour le type d'efforts réclamés par une course cycliste est estimée entre 11 et 16 °C, indique le docteur Gilles Roussey, auteur d'une thèse sur l'acclimatation des sportifs à la chaleur, les conséquences du dérèglement climatique peuvent être dramatiques. Un rapport de WWF de 2021 estime qu'audelà d'une température extérieure de 32°C la santé des sportifs peut être mise en danger.

Concrètement, un effort en pleine chaleur va faire augmenter la température corporelle d'un sportif. Pour limiter cette hausse, la chaleur est éliminée en transpirant. Pour cela, davantage de sang doit affluer vers la peau, et la déshydratation va faire baisser son volume. Dès lors, tous les organes ne peuvent plus être irrigués en même temps. En priorité, le corps va cesser d'alimenter en sang le système digestif - d'où les vomissements-, les reins, puis les muscles voire le cerveau. « Les perfor mances vont donc diminuer à partir de 38 ou 39 °C de température interne, même si nous ne sommes pas tous égaux face à la chaleur. À partir de 40 °C, cela peut provoquer des malaises, surtout pour quelqu'un qui n'est pas préparé. Un sportif de haut niveau, habitué à ce type d'effort, pourra faire augmenter sa chaleur corporelle encore davantage », nous explique Valérie Bougault, membre du laboratoire motricité humaine, expertise, sport et santé de l'université de Nice-Côte d'Azur.

Pour les professionnels, la résistance à la chaleur se travaille. Ces dernières années, les équipes ont développé des technologies comme les « thermo training rooms », des espaces d'entraînement confinés. Mais cela ne doit pas faire oublier les risques encourus.

Car, même préparé, le corps a ses limites. Au-delà de 40 °C de température interne, la menace du coup de chaleur, potentiellement mortel, est réelle. « Cela arrive quand le corps ne parvient plus du tout réguler la chaleur interne, il dit stop. Alors, les muscles mais aussi le cerveau peuvent être détraqués, avec des conséquences parfois irréversibles », précise Gilles Roussey. «Il ne faudrait pas que demain on se rende compte que des coureurs ont les mêmes séquelles à long terme que les rugbymen avec les commotions cérébrales», s'inquiète Frédéric Grappe, directeur de l'innovation dans l'équipe Groupama-FDJ. De plus, la santé d'une autre catégorie de personnes, indispensables au Tour de France, pourrait être menacée: celle des spectateurs. Comment imaginer laisser des enfants et des personnes âgées plusieurs heures sur les bords des routes à 40°C ou plus? Pour protéger ses acteurs principaux, cyclistes et spectateurs, le Tour semble devoir se réinventer.

2. En soirée, en mars ou sans montagne, le Tour défiguré

Amaury Sport Organisation (ASO) ne semble pas faire du dérèglement climatique une priorité. Pour seule réponse à Miroir du cyclisme, ASO renvoie « vers l'UCI, qui a mis en place depuis quelques années un protocole de météo extrême pour toutes les courses cyclistes (et auquel) les organisateurs doivent se référer ». En cas d'inondation, de grêle, de température excessive et autre aléa, la fédération internationale prévoit depuis 2016 des adaptations possibles, pouvant aller jusqu'à la neutrolisation de la course. « On est en train d'atteindre les limites de la machine humaine, les protocoles ne seront bientôt plus adaptés », tranche Frédéric Grappe. Le scientifique du sport, enseignant à l'université de Besançon, plaide pour des mesures drastiques. « Au départ d'une étape, tous les coureurs ingurgitent une gélule permettant de mesurer leur température interne. Au-delà de 40, 40,5 ou 41°C, le coureur doit s'arrêter. » La proposition ne convainc pas la maîtresse de conférences à l'Université Côte d'Azur Valérie Bougault: «Des sportifs qui seraient naturellement mieux dotés ou mieux entraînés pour adapter leur corps à de fortes chaleurs corporelles seraient favorisés. »

Modifier les honaires des étapes

La solution la plus simple serait de modifier les horaires Des étapes tôt le matin. Ou prendre le départ en soirée, à partir de 17 heures ; cela a d'ailleurs été expérimenté en 2013 et 2019 pour l'arrivée sur les Champs-Élysées. «Le problème, c'est que les droits télévisés, qui représentent environ la moitié des recettes du Tour, risquent d'être affectés », remarque Fabien Ohl, sociologue du sport à l'université de Lausanne. C'est d'ailleurs la télévision qui incite à des arrivées de plus en plus tardives, l'horaire ayant évolué de 16 h 30 dans les années 1980 à presque 18 heures aujourd'hui. En outre, « il faudrait que tous les coureurs arrivent avant la tombée de la nuit, donc faire des étapes plus courtes», commente Cyrille Guimard, vainqueur de sept étapes du Tour comme coureur et de sept classements généraux comme directeur sportif (Van Impe, Hinault, Fignon). Mais les organisateurs ont-ils vraiment le choix? «Dans une vingtaine d'années, en juillet, les fortes chaleurs commenceront très tôt dans la journée et se termineront tard, avec des nuits extrêmement chaudes», projette Matthieu Sorel, climatologue chez Météo-France. 

Resterait une solution drastique: déplacer le Tour sur des saisons plus clémentes. Le Tour sans le mois de juillet (et inversement), une hérésie? En 2020, Covid oblige, la course s'est déroulée en septembre, continuant d'attirer des spectateurs. Mais comment maintenir la ferveur comme la mythologie de la Grande Boucle hors période de vacances? « Le Tour, juillet, les congés payés... C'est indissociable. Est-ce que ce serait toujours le Tour?» restitue Cyrille Guimard. «À un moment donné, il faut qu'on se pose et qu'on réfléchisse au problème, pense Philippe Raimbaud, ancien agent de coureurs et manager d'équipes (Vendée U, Bonjour, La Boulangère, Saur-Sojasun). Le cyclisme est en marge des réflexions de l'humanité. Les gens n'ont pas compris qu'on allait sortir d'un monde confortable pour entrer dans un univers où notre action sera guidée par une hiérarchie des renoncements. » Guillaume Martin-Guyonnet, le grimpeur de Groupama-FDJ, est l'une des rares voix du peloton alertant sur la nécessité de s'adapter. « Dans vingt ou trente ans, cette question risque de toute façon de s'imposer, donc il faut l'anticiper », plaidait-il dans l'Humanité magazine, en décembre 2023. 

Comme si cela ne suffisait pas, les routes sont elles-mêmes touchées le bouleversement climatique. « Le risque va devenir important en montagne du fait de l'augmentation des fréquences de gel et dégel et des mouvements de terrain. Les sols des montagnes souffrent du dérèglement climatique et il est possible qu'il n'y ait plus de routes praticables dans quelques années»>, nous explique Maël Besson, fondateur du cabinet de conseil Sport 1.5, spécialisé dans l'adaptation au réchauffement climatique. Et quand ce n'est pas le froid l'hiver, c'est la fournaise l'été qui fait fondre les routes, les affaisse, les fissure. La température du revêtement a été mesurée à 63 °C sur une étape en 2010. Les organisateurs emploient un camion-citerne qui déverse des centaines de litres d'eau sur le goudron fondu pour rafraîchir la chaussée et éviter la chute du peloton. Mais cette solution ne peut pas s'appliquer à un trop grand nombre de kilomètres de voirie. Surtout lorsque les départements traversés sont déclarés en restrictions d'eau.

3. Concurrencé ou racheté, le Tour dépassé

Popularité, prestige, exposition médiatique... Le Tour de France écrase tout depuis sa création en 1903. Aujourd'hui, les équipes, les sponsors et même l'UCI ont plus besoin du Tour que l'inverse. Mais cette hégémonie peut agacer les acteurs économiques et sportifs, d'autant que l'organisateur n'est pas du genre partageur: ASO ne reverse aucune part de ses droits télé aux coureurs. Seuls des « prix » sont attribués selon leur résultat, pour une enveloppe totale de 2,3 millions d'euros, qui correspond à moins de 10% du chèque annuel signé par France Télévisions ou de ce que la Grande-Bretagne va verser aux organisateurs pour accueillir le Grand Départ en 2027. « Une des grandes tensions, c'est que l'économie du vélo dépend des sponsors qui financent les équipes, observe Fabien Ohl. Or, les plus grosses écuries deviennent de plus en plus puissantes et cherchent des revenus pérennes. Leur budget de fonctionnement est passé de 25-30 millions en dix ans avec Sky (de 2010 à 2018-NDLR) à 50-60 millions d'euros aujourd'hui. » Ces équipes actuelles sont liées à des grandes firmes mondiales, notamment dans la pétrochimie (Total, le fabricant de plastique Ineos, les stations-service norvégiennes Uno X) ou à des États cherchant à propager leur soft power (Émirats arabes unis, Bahreïn, Israël, Arabie saoudite via l'équipe australienne Jayco-AlUla). Avec de tels soutiens financiers voire politiques, le Tour n'est plus en position de force. Une première dans son histoire. « À un moment, les équipes vont vouloir prendre le pouvoir, prédit Cyrille Guimard. Est-ce qu'ASO aura la capacité de résister aux puissances économiques?»

Les grosses équipes menacent le Tour 

Deux hypothèses sont envisageables: concurrencer le Tour ou le racheter. La première option impliquerait le montage d'une Super League comme dans le football, prévue pour supplanter la Ligue des champions, ou d'une NBA Europe qui promet d'écraser l'Euroligue de basket. L'idée serait de priver la Grande Boucle des meilleurs coureurs du peloton, pour à terme prendre le dessus.

«Cela fait des années qu'il y a des spéculations de ce type, analyse Cyrille Guimard. On se rapproche d'un circuit fermé qui impliquerait des épreuves en Chine, au Moyen-Orient, au Japon, aux États-Unis, avec des droits télé énormes. Pour que ça marche, il faudrait écrire une autre histoire autour de cela, mais l'argent peut aider. » Le Tour de France peut-il être détrôné par le projet One Cycling? Ce consortium a été lancé dans les années 2020 sous la houlette de Richard Plugge, patron de l'équipe Visma-Lease a bike, qui a remporté le Tour de France en 2022 et 2023 avec Jonas Vingegaard. L'objectif consiste à créer un « circuit » fermé, à mettre dans un pot commun des sponsors et les revenus des droits télé, et à se partager les gains entre les acteurs du sport. L'UCI hésite sur la conduite à tenir. Plusieurs équipes ont déjà dit oui (le nombre fluctue d'une réunion à l'autre). Et certains organisateurs de poids seraient partants pour intégrer le circuit, à l'image de RCS (qui détient le Tour d'Italie) et Flanders Classics (propriétaire du Tour des Flandres et autres classiques), lassés de la toute-puissance d'ASO. De son côté, Amaury Sport Organisation, justement, refuse d'entrer dans cette ligue, où elle a tout à perdre. « Ça nè m'intéresse pas, et je ne suis pas convaincu que cela intéresse grand monde », a évacué Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, auprès de Cyclism'Actu en 2024.

ASO résiste aux offensives

Il est vrai que, jusqu'à présent, ASO résiste à ces offensives. Elle avait fait plier l'UCI lors de la «guerre » du Pro Tour entre 2005 et 2008, lorsque la fédération internationale voulait redistribuer les recettes des organisateurs. De même, elle repousse les assauts d'un consortium d'équipes, Velon, qui avait expérimenté un microcircuit d'épreuves en 2017 et 2018, les Hammer Series. Mais, cette fois, Velon renaît sous le nom de One Cycling, et avec un atout considérable: son projet est soutenu par SRJ Sports Investments, une société du fonds public d'investissement d'Arabie saoudite, prête à « s'acheter » un circuit d'équipes et de courses cyclistes pour 250 millions d'euros par an.

Cette fois, rien ne dit qu'ASO remporte la bataille. « Si le rapport de force évolue, ASO pourrait être forcé de s'adapter, par exemple en redistribuant une partie de ses revenus aux équipes, pour calmer le jeu », imagine Philippe Raimbaud. Ou de laisser les équipes boycotter le Tour, en les remplaçant par des sélections nationales, comme ce fut le cas entre 1947 et 1961, puis en 1967-1968. Ce qui apporterait un joli second souffle à l'événement. L'autre séisme possible serait un rachat pur et simple du Tour. Si ASO ne veut faire « aucun commentaire » sur ce sujet, l'opération n'est pas aussi impossible qu'il y paraît. « Tout s'achète, il suffit d'y mettre le prix, et il est probable que le Tour coûte beaucoup moins cher qu'un club de football de Premier League, par exemple», estime Fabien Ohl.

Plusieurs tentatives de rachat, plus ou moins sérieuses, ont été documentées ces dernières années. Lance Armstrong aurait tâté le terrain en 2006, l'homme d'affaires Arnaud Lagardère et le milliardaire chinois Wang Jianlin aussi dans les années 2010, comme la banque Rothschild. Des membres du groupe bancaire auraient même, dans ce but, obtenu des postes à l'UCI après l'élection de Brian Cookson en 2013, mais n'ont pu arriver à leurs fins. La famille Amaury demeure l'intraitable propriétaire et l'unique actionnaire d'ASO.

Si le Tour est racheté, qui sait ce qu'il pourrait devenir? Rester le même, changer de format pour mieux répondre aux injonctions des télévisions et des sponsors, voire carrément déménager pour devenir un outil de soft power? Ce genre de transaction a beau être privé, les pouvoirs publics pourraient intervenir pour empêcher ce qui ressemblerait à une disparition du Tour de France. 

Fabien Ohl a du mal à croire à ces scénarios catastrophes: « Si ça ne colle pas à la culture, à la mythologie du Tour, la rentabilité ne sera plus au rendez-vous. Un investisseur qui par exemple prendrait le risque de tout délocaliser perdrait un ancrage, un public et une audience.» Mais Cyrille Guimard rappelle que « les pays du Golfe organisent des courses de premier plan (UAE Tour, Tour d'Arabie saoudite - NDLR) qui n'ont pas grand intérêt, que personne ne regarde... et pourtant ça leur convient ». 

Le Dakar (propriété d'ASO) ne pose plus ses roues en Afrique. La Coupe Davis, épreuve mythique, majeure du  tennis, est comme morte depuis son rachat en 2018 par le groupe Kosmos. En théorie, le Tour n'est pas à l'abri. Et s'il garde le nom de « Tour de France » et une place quelconque au calendrier, nul doute que déstructuré et en partie délocalisé, il aura en réalité bel et bien disparu...

4. Sans popularité, plus de raison d'exister

Derrière la belle vitrine du Tour de France, le cyclisme est en crise. Une crise environnementale. Mais aussi une crise de croissance et de technologies au niveau professionnel. Une crise de moyens et de licenciés au niveau amateur... Ces dix dernières années, la Fédération française de cyclisme a perdu 12 000 licenciés et 400 clubs. Le nombre de courses organisées chute aussi drastiquement, comme le contingent de coureurs. Si la base de la pyramide du vélo français s'écroule, son sommet va-t-il tomber? « Le Tour n'est pas dépendant du vélo amateur, donc le lien n'est pas évident, estime Philippe Raimbaud. En revanche, les équipes participantes ont quant à elles besoin des clubs, qui forment les jeunes...

Les écarts d'argent se creusent

Dans un sport où l'argent a longtemps manqué, les sous coulent désormais à flots, mais pas pour tout le monde. Les écarts se creusent par exemple entre les équipes. Au plus haut niveau, Ineos Grenadiers et UAE Emirates disposeraient de 55 millions annuels pour fonctionner, contre 17 millions pour les Belges d'Intermarché-Wanty. « De plus en plus, une poignée de formations se partagent les meilleurs, donc trustent toutes les victoires, peuvent comme la Sky des années 2010 cadenasser des courses, analyse Fabien Ohl. Le tout dans un cyclisme saturé de datas, de technologies qui réduisent la spontanéité de la course. » À n'en pas douter, le cyclisme s'éloigne de son caractère populaire, artisanal, familial. Or, si une baisse de popularité se confirme dans les chiffres, les droits télé et les sponsors ne suivront pas, affaiblissant le Tour. Les téléspectateurs sont déjà « prudents depuis les affaires Festina et Armstrong, les soupçons restant permanents », souligne Fabien Ohl, qui s'interroge aussi sur un « difficile renouvellement générationnel » des spectateurs et téléspectateurs de la Grande Boucle. Le décrochage entre le Tour de France et sa base pourrait aussi se produire à cause du dérèglement climatique. Le Tour est régulièrement visé pour son empreinte carbone, avec sa foule de voitures, ses hélicoptères, ses déplacements et autres sources de pollution. La caravane publicitaire, avec ses 150 véhicules et ses 18 millions d'objets distribués chaque année, est particulièrement pointée du doigt. Des efforts sont officiellement entrepris, via notamment l'électrification partielle des véhicules ou l'interdiction des emballages en plastique. Selon ASO, entre 2021 et 2024, les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 37%. « L'empreinte carbone diminue, mais ce ne sont pas des efforts cosmétiques qu'il faut engager. Le jour où il restera 100 litres d'essence, on les met dans le tracteur d'un agriculteur ou dans l'hélico qui suit le Tour?» interroge Philippe Raimbaud.

Depuis 2020, certaines villes comme Lyon, Besançon, Bordeaux, Poitiers ou Rennes ont refusé d'accueillir des étapes pour des raisons, entre autres, écologiques - avant parfois de faire machine arrière. Les refus pourraient se multiplier cette fois pour des motifs économiques. Être ville-étape coûte autour de 100 000 euros et jusqu'à 3 millions pour un «Grand Départ » en France, alors que le budget alloué aux collectivités rétrécit d'année en année. Ce que Christian Prudhomme a récemment minimisé, dans Ouest France: «Le rapport qualité-prix est plutôt très bon. (...) Le ticket d'entrée est d'environ 250 000 euros (pour une arrivée et un départ), c'est ce qu'on dépense dans la journée pour l'hébergement, donc qu'on réinjecte dans l'économie locale. »

Mais ce qui dissuade d'ores et déjà les organisateurs, c'est la transformation des routes. De plus en plus incompatible avec le passage d'un peloton cycliste. Le Tour est coutumier de demander aux collectivités la suppression temporaire d'un rond-point ou d'un îlot directionnel, mais il ne peut pas s'opposer au remodelage complet des villes. Les circuits automobiles, par exemple, peuvent offrir ce revêtement parfait aux coureurs. Autre parade, suggérée par Thierry Gouvenou, le « monsieur Parcours » du Tour, dans Ouest France: «Faire des arrivées en pleine campagne (...) entre deux communes, sur des routes sûres. » Précisant: « J'espère ne pas en arriver là, car ce n'est pas dans l'ADN du Tour d'arriver loin des centres-villes. Mais à l'avenir, qui sait?» Les circuits fermés présentent un avantage financier pour le Tour: mieux contrôler la foule et faire payer les spectateurs. Une solution catégoriquement rejetée par Christian Prudhomme, qui défend un événement populaire et gratuit. Mais l'idée monte dans le milieu du vélo. L'ancien champion du monde Philippe Gilbert s'est exprimé, sur la chaîne RTL Info, en faveur « du cyclisme sur circuit, parce qu'on aura la possibilité de créer des zones VIP, de générer des revenus, de contrôler également l'incidence du climat ». D'autres voix se montrent plus circonspectes. « On serait alors à mi-chemin entre une tournée des critériums et une course à étapes. Si on en arrive là, ça ne sera plus le Tour de France », sanctionne Philippe Raimbaud.
Florent Le Du

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Il Tour scomparirà?

La Grande Boucle, almeno così come la conosciamo oggi, potrebbe non esistere più nel prossimo futuro. Dal riscaldamento globale all'appetito dei fondi sovrani o delle multinazionali, le minacce sono concrete e devono spingere gli organizzatori a riflettere rapidamente sul domani.

Florent Le Du
Miroir du cyclisme - n. 475/2025

Luglio 2045. I neerlandesi sull'Alpe d'Huez si annoiano alla Folie douce, nessuna barriera blocca le strade di Pau, né ci saranno orsacchiotti Haribo giganti che sfilano sugli Champs-Élysées. Questo mese il Tour de France non si svolgerà. Troppo pericoloso per i corridori soffocati dal caldo, quello che era il più grande evento ciclistico al mondo, un simbolo francese, è stato prima spostato a settembre, poi a marzo alla fine degli anni 2030. Senza l'estate, le ferie pagate e il suo fervore, il Tour non era più il Tour. Per rilanciare una competizione che stava perdendo popolarità e che veniva snobbata dalle comunità, sono state testate diverse formule: gare su circuito riservate a spettatori paganti, gare di meno di un'ora per soddisfare le televisioni, nuovi formati di gara per un maggiore spettacolo... Ma l'idea non è decollata. Parallelamente, alcuni fondi sovrani affiancati dai team più importanti hanno lanciato una competizione parallela. La World Cycling League, con le sue dieci gare distribuite in tutto il mondo, proprio come la Formula 1, attira progressivamente tutti i migliori corridori, poi i diritti televisivi e gli sponsor. Soffocato, il Tour finisce per essere acquistato e relegato a semplice tappa - ribattezzata Royal Gulf Bank's Tour de France - di questa Coppa del mondo senz'anima. Questa distopia è così assurda?

1. Corridori in pericolo, il Tour minacciato

Sarà plausibile organizzare una corsa ciclistica di tre settimane in piena estate, tra dieci, venti, trent'anni o più? Già negli ultimi anni, condizioni meteorologiche estreme hanno sconvolto la Grande Boucle. Nel 2019, un violento temporale di grandine ha portato alla cancellazione della penultima tappa verso Tignes e forse ha cambiato il corso della gara, nella quale Julian Alaphilippe ha perso la maglia gialla a favore di Egan Bernal. Nel 2022, una temperatura massima di 45 °C ha soffocato il Tour, sulla strada tra Rodez e Carcassonne. Vittima della febbre, il francese Alexis Vuillermoz è stato evacuato in ambulanza.

Temperature superiori ai 40 °C potrebbero diventare la norma in una gara di tre settimane organizzata in Francia in piena estate. «Bisogna aspettarsi che le grandi ondate di caldo come quelle che abbiamo conosciuto nell'ultimo decennio siano tre volte più frequenti rispetto a oggi, quindi quasi ogni anno. Con temperature che sfiorano i 50 °C anche nel nord della Francia», spiega il climatologo del CNRS Robert Vautard.

Un cocktail esplosivo per la salute

Il problema si pone in modo particolare in montagna. Secondo i dati di Météo-France, le temperature aumentano «due volte più velocemente sulle Alpi e sui Pirenei» che nel resto della Francia. Inoltre, in montagna è più difficile per un corridore limitare l'aumento della propria temperatura corporea: andando più piano, riceve meno aria e quindi ha più difficoltà a rinfrescarsi e a eliminare il sudore. Aggiungete a ciò il riverbero dell'asfalto e delle pareti rocciose e la diminuzione della capacità di assorbire ossigeno in altitudine, e otterrete un cocktail esplosivo per la salute del gruppo.

Mentre la temperatura ideale per il tipo di sforzo richiesto da una corsa ciclistica è stimata tra gli 11 e i 16 °C, secondo il dottor Gilles Roussey, autore di uno studio sull'acclimatazione degli sportivi al calore, le conseguenze dei cambiamenti climatici possono essere drammatiche. Un rapporto del WWF del 2021 stima che oltre una temperatura esterna di 32 °C la salute degli atleti può essere messa a rischio.

In concreto, uno sforzo fisico in condizioni di caldo intenso fa aumentare la temperatura corporea di un atleta. Per limitare questo aumento, il calore viene eliminato attraverso la sudorazione. A tal fine, è necessario che una maggiore quantità di sangue affluisca alla pelle, ma la disidratazione ne riduce il volume. Di conseguenza, non è più possibile irrorare contemporaneamente tutti gli organi. Il corpo smetterà innanzi tutto di irrorare di sangue l'apparato digerente (da qui il vomito), i reni, poi i muscoli e persino il cervello. "Le prestazioni diminuiscono quindi a partire da una temperatura interna di 38 o 39 °C, anche se non tutti reagiamo allo stesso modo al calore. A partire da 40 °C, ciò può provocare malesseri, soprattutto per chi non è preparato. Un atleta di alto livello, abituato a questo tipo di sforzo, potrà aumentare ancora di più il proprio calore corporeo", spiega Valérie Bougault, membro del laboratorio di motricità umana, competenza, sport e salute dell'Università di Nizza-Costa Azzurra.

Per i professionisti, la resistenza al calore va allenata. Negli ultimi anni, i team hanno sviluppato tecnologie come le “thermo training rooms”, spazi di allenamento confinati. Ma questo non deve far dimenticare i rischi che si corrono.

Perché, anche se preparato, il corpo ha i suoi limiti. Oltre i 40 °C di temperatura interna, il rischio di colpo di calore, potenzialmente mortale, è reale. “Questo accade quando il corpo non riesce più a regolare il calore interno e dice basta. A quel punto, i muscoli ma anche il cervello possono subire danni, con conseguenze talvolta irreversibili”, precisa (il dottor) Gilles Roussey. «Non vorremmo che un domani ci rendessimo conto che i corridori hanno le stesse conseguenze a lungo termine come ii giocatori di rugby con le commozioni cerebrali», si preoccupa Frédéric Grappe, direttore dell'innovazione nel team Groupama-FDJ. Inoltre, la salute di un'altra categoria di persone, indispensabili al Tour de France, potrebbe essere minacciata: quella degli spettatori. Come si può pensare di lasciare bambini e anziani per diverse ore ai bordi delle strade a 40 °C o più? Per proteggere i suoi protagonisti, corridori e spettatori, il Tour sembra dover reinventarsi.

2. Di sera, a marzo o senza montagne, il Tour sfigurato

La Amaury Sport Organisation (ASO) non sembra considerare il cambiamento climatico una priorità. Come unica risposta a Miroir du cyclisme, ASO rimanda «all'UCI, che da alcuni anni ha messo in atto un protocollo per condizioni meteorologiche estreme per tutte le corse ciclistiche (e al quale) gli organizzatori devono fare riferimento». In caso di alluvioni, grandine, temperature eccessive e altri eventi imprevisti, dal 2016 la stessa Federazione internazionale prevede possibili adeguamenti, che possono arrivare fino alla neutralizzazione della gara. “Stiamo raggiungendo i limiti della macchina umana, i protocolli presto non saranno più adeguati”, afferma Frédéric Grappe. Lo scienziato dello sport, docente all'Università di Besançon, invoca misure drastiche. “All'inizio di una tappa, tutti i corridori ingeriscono una capsula che permette di misurare la loro temperatura interna. Oltre i 40, 40,5 o 41 °C, il corridore deve fermarsi”. La proposta non convince Valérie Bougault, docente dell'Università Côte d'Azur: «Gli atleti che sono naturalmente più dotati o meglio allenati per adattare il proprio corpo alle alte temperature corporee, sarebbero avvantaggiati»

Modificare gli orari delle tappe

La soluzione più semplice sarebbe quella di modificare gli orari delle tappe mattutine. Oppure partire la sera, con il via dalle 17:00; questa soluzione è stata sperimentata nel 2013 e nel 2019 per l'arrivo sugli Champs-Élysées. «Il problema è che i diritti televisivi, che rappresentano circa la metà delle entrate del Tour, rischiano di essere compromessi», osserva Fabien Ohl, sociologo dello sport all'Università di Losanna. È proprio la televisione che incoraggia arrivi sempre più tardivi, con l'orario che è passato dalle 16:30 degli anni '80 alle quasi 18:00 di oggi. Inoltre, «tutti i corridori dovrebbero arrivare prima del tramonto, quindi le tappe dovrebbero essere più brevi», commenta Cyrille Guimard, vincitore di sette tappe del Tour come corridore e di sette classifiche generali come direttore sportivo (con Van Impe, Hinault, Fignon). Ma gli organizzatori hanno davvero scelta? «Tra una ventina d'anni, a luglio, il caldo torrido inizierà molto presto durante il giorno e finirà tardi, con notti estremamente calde», prevede Matthieu Sorel, climatologo di Météo-France

Rimane una soluzione drastica: spostare il Tour in stagioni più clementi. Il Tour senza il mese di luglio (e viceversa), un'eresia? Nel 2020, a causa del Covid-19, la gara si è svolta a settembre, continuando ad attirare spettatori. Ma come mantenere il fervore e la mitologia della Grande Boucle al di fuori del periodo delle vacanze? «Il Tour, luglio, le ferie pagate... Sono indissociabili. Sarebbe ancora il Tour?», riflette Cyrille Guimard. «A un certo punto, dobbiamo fermarci e riflettere sul problema», pensa Philippe Raimbaud, ex agente di corridori e manager di squadre (Vendée U, Bonjour, La Boulangère, Saur-Sojasun). Il ciclismo è ai margini delle riflessioni dell'umanità. La gente non ha capito che stiamo uscendo da un mondo confortevole per entrare in un universo in cui le nostre azioni saranno guidate da una gerarchia di rinunce. Guillaume Martin-Guyonnet, scalatore della Groupama-FDJ, è una delle poche voci del gruppo che mette in guardia sulla necessità di adattarsi. «Tra venti o trent'anni, questa questione rischia comunque di imporsi, quindi bisogna anticiparla», ha dichiarato a L'Humanité magazine nel dicembre 2023. 

Come se non bastasse, anche le strade sono colpite dai cambiamenti climatici. «Il rischio diventerà significativo in montagna a causa dell'aumento della frequenza di gelate e disgelate e dei movimenti del terreno. I suoli montani soffrono dei cambiamenti climatici ed è possibile che tra qualche anno non ci siano più delle strade percorribili», spiega Maël Besson, fondatore della società di consulenza Sport 1.5, specializzata nell'adattamento al riscaldamento globale. E quando non è il freddo invernale, è il caldo torrido estivo a sciogliere le strade, a farle cedere e a creparle. La temperatura del manto stradale è stata misurata a 63 °C in una tappa del 2010. Gli organizzatori utilizzano un camion cisterna che versa centinaia di litri d'acqua sull'asfalto fuso per raffreddare la carreggiata ed evitare la caduta del gruppo. Ma questa soluzione non può essere applicata a un numero troppo elevato di chilometri di strada. Soprattutto quando i Dipartimenti attraversati sono soggetti a razionamenti idrici.

3. Concorrenza o acquisizione, il Tour superato

Popolarità, prestigio, esposizione mediatica... Il Tour de France domina incontrastato sin dalla sua creazione nel 1903. Oggi, le squadre, gli sponsor e persino l'UCI hanno più bisogno del Tour che viceversa. Ma questa egemonia può infastidire gli attori economici e sportivi, tanto più che l'organizzatore non è incline alla condivisione: la ASO non versa alcuna quota dei suoi diritti televisivi ai corridori. Vengono assegnati solo dei “premi” in base ai risultati, per un totale di 2,3 milioni di euro, che corrisponde a meno del 10% dell'assegno annuale firmato da France Télévisions o di quanto la Gran Bretagna verserà agli organizzatori per ospitare la Grande Partenza nel 2027. “Una delle grandi tensioni è che l'economia del ciclismo dipende dagli sponsor che finanziano le squadre”, osserva Fabien Ohl. Tuttavia, i gruppi sportivi più grandi stanno diventando sempre più potenti e cercano entrate durature. Il loro budget operativo è passato da 25-30 milioni in dieci anni con il Team Sky (dal 2010 al 2018, ndr) a 50-60 milioni di euro oggi. Queste squadre attuali sono legate a grandi aziende mondiali, in particolare nel settore petrolchimico (Total, il produttore di plastica Ineos, le stazioni di servizio norvegesi Uno X) o a Stati che cercano di diffondere il loro soft power (Emirati Arabi Uniti, Bahrein, Israele, Arabia Saudita tramite la squadra australiana Jayco-AlUla). Con tali sostegni finanziari e persino politici, il Tour non è più in una posizione di forza. Una novità assoluta nella sua storia. «A un certo punto, le squadre vorranno prendere il potere», prevede Cyrille Guimard. «la ASO avrà la capacità di resistere alle potenze economiche?»

Le grandi squadre minacciano il Tour 

Sono ipotizzabili due scenari: competere con il Tour o acquistarlo. La prima opzione implicherebbe la creazione di una Super League come nel calcio, destinata a soppiantare la Champions League, o di una NBA Europe che promette di schiacciare l'Eurolega di basket. L'idea sarebbe quella di privare il Grande Boucle dei migliori corridori del gruppo, per poi prendere il sopravvento.

«Sono anni che circolano speculazioni di questo tipo», analizza Cyrille Guimard. «Ci si avvicina a un circuito chiuso che implicherebbe gare in Cina, Medio Oriente, Giappone, Stati Uniti, con enormi diritti televisivi. Perché funzioni, bisognerebbe scrivere un'altra storia attorno a questo, ma il denaro può aiutare. Il Tour de France può essere detronizzato dal progetto One Cycling? Questo consorzio è stato lanciato negli anni 2020 sotto la guida di Richard Plugge, patron del team Visma-Lease a bike, vincitrice del Tour de France nel 2022 e nel 2023 con Jonas Vingegaard. L'obiettivo è quello di creare un “circuito” chiuso, mettere in un fondo comune gli sponsor e i ricavi dei diritti televisivi e dividere i guadagni tra gli attori del ciclismo. L'UCI è indecisa sul da farsi. Diverse squadre hanno già detto sì (il numero varia da una riunione all'altra). E alcuni organizzatori di peso sarebbero disposti a entrare a far parte del circuito, come RCS (proprietaria del Giro d'Italia) e Flanders Classics (proprietaria del Giro delle Fiandre e di altre classiche), stanchi dell'onnipotenza della ASO. Da parte sua, proprio la Amaury Sport Organisation rifiuta di entrare in questo campionato, dove ha tutto da perdere. “Non mi interessa, e non credo che interessi a molti”, ha dichiarato Christian Prudhomme, direttore del Tour de France, a Cyclism'Actu nel 2024.

ASO resiste alle offensive

È vero che, finora, la ASO ha resistito a queste offensive. Ha fatto cedere l'UCI durante la «guerra» del Pro Tour tra il 2005 e il 2008, quando la Federazione internazionale stessa voleva ridistribuire i ricavi degli organizzatori. Allo stesso modo, respinge gli attacchi di un consorzio di squadre, Velon, che aveva sperimentato un microcircuito di gare nel 2017 e nel 2018, le Hammer Series. Ma stavolta Velon rinascerebbe con il nome di One Cycling e con un vantaggio considerevole: il suo progetto è sostenuto dalla SRJ Sports Investments, una società del fondo di investimento pubblico dell'Arabia Saudita, pronta ad “acquistare” un circuito di squadre e gare ciclistiche per 250 milioni di euro l'anno.

Questa volta, nulla garantisce che la ASO vincerà la battaglia. “Se il rapporto di forza cambia, la ASO potrebbe essere costretta ad adattarsi, ad esempio ridistribuendo parte dei propri ricavi alle squadre, per calmare le acque”, ipotizza Philippe Raimbaud. Oppure lasciare che le squadre boicottino il Tour, sostituendole con selezioni nazionali, come è avvenuto tra il 1947 e il 1961, poi nel 1967-1968. Ciò darebbe un bel secondo slancio all'evento. L'altro possibile terremoto sarebbe un semplice acquisto del Tour. Anche se la ASO non vuole rilasciare «alcun commento» su questo argomento, l'operazione non è così impossibile come potrebbe sembrare. «Tutto si può comprare, basta pagare il prezzo giusto, ed è probabile che il Tour costi molto meno di un club di calcio della Premier League, per esempio», ritiene Fabien Ohl.

Negli ultimi anni sono stati documentati diversi tentativi di acquisizione, più o meno seri. Lance Armstrong avrebbe sondato il terreno nel 2006, così come l'uomo d'affari Arnaud Lagardère e il miliardario cinese Wang Jianlin negli anni 2010, oltre alla banca Rothschild. Alcuni membri del gruppo bancario avrebbero persino ottenuto, a tal fine, incarichi presso l'UCI dopo l'elezione di Brian Cookson nel 2013, ma non sono riusciti a raggiungere il loro obiettivo. La famiglia Amaury rimane l'intransigente proprietaria e unica azionista della ASO.

Se il Tour venisse acquistato, chi può sapere cosa ne sarebbe? Rimarrà lo stesso, cambierà formato per rispondere meglio alle esigenze delle televisioni e degli sponsor, o addirittura si trasferirà per diventare uno strumento di soft power? Anche se questo tipo di transazione è privata, le autorità pubbliche potrebbero intervenire per impedire quella che sembrerebbe una scomparsa del Tour de France. 

Fabien Ohl fatica a credere a questi scenari catastrofisti: «Se non si adatta alla cultura, alla mitologia del Tour, la redditività non sarà più garantita. Un investitore che, ad esempio, corresse il rischio di delocalizzare tutto, perderebbe un punto di riferimento, un pubblico e un'audience». Cyrille Guimard ricorda però che «i Paesi del Golfo organizzano gare di primo piano (UAE Tour, Tour dell'Arabia Saudita - N.d.R.) che non suscitano grande interesse, che nessuno guarda... eppure a loro va bene così».

La Dakar (anch'essa di proprietà della ASO) non fa più tappa in Africa. La Coppa Davis, mitico torneo di tennis, è praticamente morta da quando è stata acquistata nel 2018 dal gruppo Kosmos. In teoria, neanche il Tour è al sicuro. E anche se mantenesse il nome “Tour de France” e un posto qualsiasi nel calendario, non c'è dubbio che, destrutturato e in parte delocalizzato, in realtà sarà scomparso...

4. Senza popolarità, non ha più ragione di esistere

Dietro la bella vetrina del Tour de France, il ciclismo è in crisi. Una crisi ambientale. Ma anche una crisi di crescita e di tecnologie a livello professionale. Una crisi di mezzi e di tesserati a livello amatoriale... Negli ultimi dieci anni, la Federazione francese di ciclismo ha perso 12.000 tesserati e 400 società. Anche il numero di gare organizzate sta diminuendo drasticamente, così come il numero di corridori. Se la base della piramide del ciclismo francese sta crollando, la sua cima cadrà? “Il Tour non dipende dal ciclismo amatoriale, quindi il legame non è evidente”, afferma Philippe Raimbaud. D'altra parte, le squadre partecipanti hanno bisogno dei club, che formano i giovani...

Il divario economico si allarga

In uno sport in cui per molto tempo sono mancati i fondi, ora i soldi scorrono a fiumi, ma non per tutti. Ad esempio, il divario tra le squadre si sta ampliando. Ai massimi livelli, Ineos Grenadiers e UAE Emirates avrebbero a disposizione 55 milioni l'anno per funzionare, contro i 17 milioni della squadra belga Intermarché-Wanty. «Sempre più spesso, un manipolo di squadre si spartisce i migliori, quindi monopolizza tutte le vittorie e, come il Team Sky degli anni 2010, può controllare le gare», analizza Fabien Ohl. Il tutto in un ciclismo saturo di dati e tecnologie che riducono la spontaneità della corsa. Il ciclismo si sta allontanando dal suo carattere popolare, artigianale e familiare. Tuttavia, se il calo di popolarità sarà confermato dai dati, i diritti televisivi e gli sponsor non seguiranno, indebolendo così il Tour. Gli spettatori sono già «cauti dopo i casi Festina e Armstrong, con sospetti che permangono», sottolinea Fabien Ohl, che si interroga anche su un «difficile ricambio generazionale» degli spettatori e dei telespettatori della Grande Boucle. Il distacco tra il Tour de France e la sua base potrebbe anche verificarsi a causa dei cambiamenti climatici. Il Tour è sempre criticato per il suo impatto di carbonio, con la sua folla di auto, elicotteri, spostamenti e altre fonti di inquinamento. La carovana pubblicitaria, con i suoi 150 veicoli e i 18 milioni di oggetti distribuiti ogni anno, è particolarmente sotto i riflettori. Sono stati intrapresi sforzi ufficiali, in particolare attraverso la parziale elettrificazione dei veicoli e il divieto di imballaggi in plastica. Secondo la ASO, tra il 2021 e il 2024 le emissioni di gas serra sono state ridotte del 37%. «L'impatto di carbonio sta diminuendo, ma non sono sufficienti misure cosmetiche. Il giorno in cui rimarranno 100 litri di benzina, li metteremo nel trattore di un agricoltore o nell'elicottero che segue il Tour?", si chiede Philippe Raimbaud.

Dal 2020, alcune città come Lione, Besançon, Bordeaux, Poitiers o Rennes hanno rifiutato di ospitare tappe per motivi, tra l'altro, ecologici, prima di fare talvolta marcia indietro. Questa volta i rifiuti potrebbero moltiplicarsi per motivi economici. Essere una città tappa costa circa 100.000 euro e fino a 3 milioni per una “Grande Partenza” in Francia, mentre il budget assegnato agli enti locali si riduce di anno in anno. Christian Prudhomme su Ouest France ha recentemente minimizzato la questione: "Il rapporto qualità-prezzo è piuttosto buono. (...) Il biglietto d'ingresso è di circa 250.000 euro (per un arrivo e una partenza), che è quanto si spende in un giorno per l'alloggio, quindi viene reinvestito nell'economia locale".

Ma ciò che già scoraggia gli organizzatori è la trasformazione delle strade, sempre più incompatibili con il passaggio di un gruppo di corridori. Il Tour è solito chiedere alle autorità locali la temporanea rimozione di una rotatoria o di un'isola spartitraffico, ma non può opporsi alla completa ristrutturazione delle città. I circuiti automobilistici, ad esempio, possono offrire ai corridori un manto stradale perfetto. Un'altra soluzione, suggerita sempre su Ouest France da Thierry Gouvenou, il “Monsieur Parcours” del Tour, è: «Fare gli arrivi in piena campagna (...) tra due comuni, su strade sicure.» Precisando: «Spero di non arrivare a questo punto, perché non è nel DNA del Tour arrivare lontano dai centri urbani. Ma in futuro, chi lo sa?" I circuiti chiusi presentano un vantaggio finanziario per il Tour: controllare meglio la folla e far pagare gli spettatori. Una soluzione categoricamente respinta da Christian Prudhomme, che difende un evento popolare e gratuito. Ma l'idea sta prendendo piede nel mondo del ciclismo. L'ex campione del mondo Philippe Gilbert si è espresso, sul canale RTL Info, a favore «del ciclismo su circuito, perché avremo la possibilità di creare zone VIP, generare entrate e controllare anche l'incidenza del clima». Altre voci si mostrano più caute. «Ci troveremmo quindi a metà strada tra un giro di criterium e una corsa a tappe. Se si arrivasse a questo punto, non sarebbe più il Tour de France», afferma Philippe Raimbaud.

Florent Le Du

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