Pourquoi les Jeux de Paris ont marqué l’histoire olympique
Un coucher de soleil, le 4 août, sur la tour Eiffel,
lors d’une épreuve de beach-volley.
On a montré tout le potentiel que le sport peut apporter,
mais on a aussi vu que c’était fragile.
Il faut continuer à accompagner les investisseurs privés,
publics, pour faire en sorte que le sport français
occupe plus de place dans la société »
- Tony Estanguet président du comité d’organisation des Jeux de Paris 2024
« Le monde aspirait à un événement porteur d’espoir,
de joie et de fierté.
Un événement fédérateur auquel il pourrait croire.
Et c’est ce que furent les Jeux olympiques de Paris 2024 »
- Thomas Bach
président du CIO en décembre 2024
29 Sep 2025 Le Figaro
Jean-Julien Ezvan
Les Jeux de Paris remportent le titre honorifique des meilleurs Jeux de l’histoire », lançait El Pais en 2024 dans un concert de louanges internationales. Un événement offrant de « croire qu’accueillir les Jeux n’est pas une si mauvaise idée », avançait le Journal de Montréal. C’était la conclusion d’un été de feu, de fête, de rêve, de sourires et de larmes qui a tissé des souvenirs et des liens. Et marqué un tournant dans l’histoire des Jeux. C’était hier. Déjà si loin. Le 30 juin dernier, les ultimes membres du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques ont fermé, avec l’annonce de 76 millions d’euros d’excédent, la porte d’une folle aventure dont le sport français reparlera longtemps. La dernière étape se déroule ce lundi.
Quelques jours avant de lever le voile sur le contenu du bilan des Jeux olympiques de Paris 2024, Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, faisant le parallèle du chantier de l’achèvement des travaux de restauration liés à l’incendie de Notre-dame et des Jeux de Paris 2024, a lâché sur France Inter : « Ça a marché. On a confié la réalisation d’un chantier exceptionnel à un commando. Cet esprit, cette organisation souple et en même temps ferme, c’est quelque chose qui marche pas mal. » Une manière de voir, de faire, d’agir. Pour mener à bien des projets qui engagent, marquent et dont les effets infusent. Les Jeux de Paris 2024 ont, au-delà des records notamment avec 12 millions de billets écoulés (9,5 millions pour les Jeux olympiques puis 2,5 millions pour les Jeux paralympiques), des premiers Jeux strictement paritaires de l’histoire et des premiers placements de produits, marqués les esprits.
Avec la première cérémonie d’ouverture organisée en ville (suivie par 24,42 millions de téléspectateurs dans l’hexagone, la meilleure audience de l’histoire de la télévision française, hors allocutions présidentielles). Un défi logistique, sécuritaire et… météorologique. La pluie a copieusement arrosé la soirée, contraint les organisateurs à des ajustements sur des tableaux mais rien (pas même les critiques) n’a freiné l’élan d’une édition qui n’avait pas retenu le concept de parc olympique mais voulait une ville olympique. Et a fait bouger les lignes.
Avec une carte des sites de toute beauté convoquant l’histoire et la culture. Une mise en scène grandiose : les escaliers du Grand Palais, les couchers de soleil sur la tour Eiffel (beach-volley et cécifoot), les plongeons du pont Alexandre-iii, les figures aériennes du parc urbain de la Concorde, l’arrivée de la course cycliste au pied du Trocadéro, le faste du château de Versailles… et les enceintes sportives embellies (Stade de France, Roland-garros, Parc des Princes, Golf National, la piscine de Paris La Défense Arena électrisée par Léon Marchand, sans oublier la vague Teahupo’o de Tahiti et le Brésilien Gabriel Medina immortalisé le doigt tendu au-dessus des flots…).
Avec des nouveautés spectaculaires : le Parc des Champions pour le défilé des médaillés et les fan-zones noires de monde ou le marathon grand public permettant à une foule d’anonymes de vivre le rêve olympique de l’intérieur. Le temps d’une soirée et d’une nuit de communion et d’effort. Symbole du sport d’élite et du sport pour tous.
Avec ses héros, ses performances : 92 records du monde (12 durant les JO, 80 lors des Jeux paralympiques). Et ses spectateurs. Après les Jeux d’été de Tokyo en 2021 et d’hiver de Pékin en 2022 à huis clos en raison de l’épidémie de Covid-19, les Jeux de Paris 2024 ont été une fête partagée dans les bassins, sur les pistes ou les terrains. Puis dans les artères. De jour, comme de nuit.
Les Jeux de Paris 2024 se sont enfin parfaitement intégrés dans l’agenda 2020 du Comité international olympique avec un événement responsable en utilisant des infrastructures existantes pour mettre fin au gigantisme, plus respectueux de l’environnement : « Nous avons adopté l’agenda olympique en 2014 et là, nous avons vu les Jeux que nous avions imaginés. (…) Les Jeux d’une nouvelle ère, les plus jeunes, les plus ur bains, les plus inclusifs et les plus durables de l’histoire», a apprécié Thomas Bach, alors président du CIO.
Plus loin, le bob des volontaires, après avoir été l’objet star des braderies, a été copié sur les routes du Tour de France 2025 et a fait de la concurrence aux traditionnels couvre-chefs de la Grande Boucle. Les tee-shirts et polos ont encore été portés durant les festivals de musique ou sur les plages, ne sont pas restés enfermés au fond des placards en 2025.
La butte Montmartre a offert un clin d’oeil et un bain de foule qui a marqué le peloton de la Grande Boucle 2025 et libéré d’intenses effluves olympiques. Un an après les Jeux, la vasque olympique a, du 21 juin au 14 septembre, retrouvé une place dans le ciel de Paris. La Seine, traversée par le cheval de fer, fil rouge de la cérémonie d’inauguration imaginée par Thomas Jolly et Thierry Reboul, a vu défiler 100 000 nageurs. Le 14 septembre, la première Fête du sport a vu se déployer 5 000 événements et démonstrations organisés par 73 fédérations. Dans un contexte budgétaire contraint. Entre doux souvenirs et brutale réalité. Amélie Oudéa-castéra et Marie-amélie Le Fur, présidentes des comités olympique et paralympique français ont, dans une tribune, regretté que le sport ait « été fragilisé par les coupes budgétaires ».
Car les Jeux n’ont pas tout changé en un coup de baguette magique : « Au niveau des partenariats, des sponsors, c’est presque plus dur, puisque beaucoup d’entreprises voulaient s’investir pour les Jeux de Paris. Et ne voyaient pas trop la suite. Finalement, cela rend les choses presque plus compliquées. On aurait espéré que ce soit différent, que le handisport passe un cap, mais on s’y attendait un petit peu. Ce n’est pas une surprise. La vie continue, il faut essayer d’aller chercher de nouvelles médailles », assure Florian Jouanny, médaillé d’or de paracyclisme.
Le 5 octobre, Yann Cucherat (manager général de la haute performance) lèvera le voile sur Ambition bleue 20252032, la nouvelle stratégie. « L’agence nationale du sport avait dit avant les Jeux de Paris 2024 que l’ambition de la France était de s’installer durablement à la 5e place du tableau des médailles des JO. Je ne pense pas que cela change. C’est à Los Angeles qu’on mesurera s’il y a eu un héritage pour le haut niveau », annonce Fabien Canu, le directeur de l’insep.
La France, qui a, en août, organisé des championnats du monde de badminton (Adidas Arena, porte de la Chapelle), va orchestrer les championnats d’europe de cyclisme en octobre sur les routes de la Drôme et de l’ardèche, avant de mettre en lumière le centre aquatique olympique de Saint-denis lors des championnats d’europe de natation du 25 juillet au 8 août 2026, puis les championnats du monde de cyclisme en 2027 en Haute-savoie. En préparant les Jeux d’hiver 2030 dans les Alpes.
La France devient-elle un pays de sport ? Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux de Paris 2024, observait en juillet : « On n’est pas au bout du chemin. On a montré tout le potentiel que le sport peut apporter, mais on a aussi vu que c’était fragile. Il faut continuer à accompagner les investisseurs privés, publics, pour faire en sorte que le sport français occupe plus de place dans la société. » Et d’insister : « C’est bien que des acteurs publics continuent à investir dans le sport. On va avoir besoin de tout le monde pour continuer à défendre la place du sport en France dans des moments un peu incertains où l’europe vit sur soi, où la peur de l’inconnu est toujours là. Le sport agit comme un levier pour rassurer, faire vivre des moments communs, pour localement, à petite échelle, apaiser les choses, faire que les gens se parlent, se retrouvent. »
En décembre à Lausanne, Thomas Bach, qui était encore président du CIO, révélait le fruit de plusieurs études menées par des instituts indépendants qui assuraient que les Jeux de Paris 2024 avaient battu des records d’audience, « touché 84 % de l’audience mondiale potentielle, soit 5 milliards de personnes dans le monde entier. » Et de souligner : « Le monde aspirait à un événement porteur d’espoir, de joie et de fierté. Un événement fédérateur auquel il pourrait croire. Et c’est ce que furent les Jeux olympiques de Paris 2024.» Avant, de lancer en français : «Merci beaucoup Paris 2024, et chapeau… »
La France a marqué l’histoire des Jeux. En 1900, Paris a ouvert les Jeux aux femmes. En 1924, Paris a installé le premier Village olympique, hissé le drapeau olympique et lancé les Jeux de l’enfance préfigurant les Jeux de la jeunesse (créés en août 2010). Grenoble en 1968 était le théâtre des premiers JO en couleurs à la télévision et «Shuss» devenait la première mascotte de l’histoire. À Albertville en 1992, les inspirations de Jeanclaude Killy et la poésie de Philippe Decouflé ont transformé la cérémonie d’ouverture. Prolongement de cette tradition, Paris 2024 a contribué à renforcer ce lien étroit avec les Jeux pour se classer parmi les éditions les plus inoubliables des Jeux d’été avec Berlin 1936 (Jesse Owens faisant de l’ombre à Adolf Hitler), Barcelone 1992 (la flèche de feu, la Dream Team et une ville qui s’ouvre, se métamorphose), Sydney 2000 (Cathy Freeman le symbole, une ville et un pays en fête), Tokyo 1964 (une première sur le continent asiatique, le retour du Japon sur la scène internationale), Mexico 1968 (des records et des poings levés), Los Angeles 1984 (Carl Lewis en 4 dimensions, l’homme fusée de la cérémonie d’ouverture, les plongeons de Greg Louganis) ou Londres 2012 (la reine et James Bond sautant en parachute, des Jeux paralympiques fantastiques)…
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