PAUL MAGNIER - L’ITINÉRAIRE D’UN NOUVEAU CRACK


L’ANNÉE DE L’ENVOL

Auteur d’une fin de saison exceptionnelle (19 victoires en 2025), Paul Magnier, par son style, sa fraîcheur et son potentiel sur les classiques, a tout pour plaire au public français dans les années à venir.

"Paul est très rêveur, on est très prévenants, 
il n’anticipe jamais les problèmes"
   - SABINE ET LAURENT, PARENTS DE PAUL MAGNIER

27 Nov 2025 - L'Équipe
TEXTE : YOHANN HAUTBOIS 
PHOTOS : ALEXIS RÉAU

VARCES-ALLIÈRES-ET-RISSET (ISÈRE) – Au pied du Vercors, la grande maison surplombant le fort de la Bastille et le massif de la Chartreuse, noyés ce jour-là par la pluie, bruisse des souvenirs et des rires de Paul Magnier, sous le regard, parfois déconcerté, de ses parents Sabine et Laurent, installés dans la région grenobloise depuis quinze ans après un passage aux ÉtatsUnis.

Car c’est à Laredo au Texas qu’est né le coureur de Soudal Quick-Step, où il a vécu jusqu’à ses 4 ans, « sans aucun souvenir » , pas même la langue qu’il a dû réapprendre, plus tard. Laurent Magnier, alors ingénieur, travaillait « dans des maquiladoras (des firmes américaines à la frontière mexicaine). On y allait pour un ou deux ans et on y est restés plus de six ans. »

Magnier apprivoisa comme elle put le choc culturel, l’arrivée d’un premier enfant dans un pays étranger, loin de la famille. « On s’est rendu compte qu’on lui donnait des doubles doses dans les biberons pendant les premiers mois » , plaisante le père. Son aîné (1,87 m, 79 kg) rebondit : « C’est pour ça que je suis sprinteur et pas grimpeur! »

Son hyperactivité prématurée – « il ne voulait jamais dormir » – a vite engendré un Marsupilami sur double ressort qui a goûté, à son retour en France, au handball, au tennis, au ski, au VTT: « Le sport m’aidait beaucoup à me fatiguer, à me concentrer. » Un gamin qui vous rend dingue mais désamorce les tensions naissantes d’un sourire, d’un mot.

Assis sur les chaises rempaillées, autour de la table déjà décorée pour Noël, Sabine, aujourd’hui acheteuse dans le domaine nucléaire, et Laurent, chef de projet dans la production de seringues en verre, ont appris à vivre avec sa nonchalance, sa distance avec les ennuis, même les plus dramatiques. Sa chute au Tour de Grande Bretagne, en septembre 2024, sa commotion cérébrale, ses 36 points de suture sur la cheville, le genou et la hanche, la même phrase qu’il a répétée en anglais pendant vingt-quatre heures au médecin de QuickStep?

Sa mère ferme les yeux en y repensant, son père se souvient avoir craint « des séquelles irréversibles. Quand son agent, sur place, a proposé de le transférer à l’hôpital d’Herentals (en Belgique), Paul m’a appelé: “Papa, il ne pourra jamais traverser la mer en voiture.” J’ai vraiment eu peur. »

Un an et demi plus tard, le petit rigole « mais le docteur de Soudal ( Toon Cruyt) m’a quand même dit qu’il avait eu peur deux fois dans sa vie: avec ( Fabio) Jakobsen ( qui avait gravement chuté lors du Tour de Pologne 2020) et moi. Il a même dit “il aurait pu être con à vie “».

Chez ses parents, trilingues, analytiques et posés, on sent parfois une inquiétude sourdre, résignée, face à ce « Paul très rêveur. On est très prévenants, il n’anticipe jamais les problèmes. Son équipe nous a même demandé de le garder au domicile familial, le temps qu’il prenne son envol naturellement, quand il le décidera. Mais on ne veut pas d’un Tanguy dans la maison (rires)! » « Un Tanguy, c’est quoi? » , demande celui qui a remporté dix-neuf succès après un début de saison marqué par des chutes sur Tirreno-Adriatico et À Travers la Flandre. On lui relate le film, ça le fait marrer, ça glisse sur lui, mais il admet qu’à 21 ans, il a encore besoin d’être materné, que sa valise est « une catastrophe, je perds tout » . Mais son paternel se demande « si ce n’est pas sa force dans le vélo. Il ne pense pas à trente-six choses, il fait le vide. Mais pour l’entourage, on est obligés d’être son deuxième cerveau ».

Il réprime un fou rire quand son fils raconte avoir confondu le coefficient (16) avec sa note au bac: « À l’école, il disait toujours: “J’y vais au talent.” En fait, il faut que cela l’intéresse. » Son sport, par exemple, même si, ado, il était allergique aux entraînements qu’il esquivait en déplaçant de quelques mètres le vélo, les chaussures et le casque. « Je mentais, mais quand il pleuvait, mes parents voyaient bien que le vélo était propre. »

La bascule s’est effectuée en sport-études VTT à Voiron (Isère), loin des jeux vidéo auxquels il était accro: « Pas de téléphone, des entraînements en groupe, c’était difficile d’y couper. Là-bas, on m’a cadré. »

"Je crois que je suis un gros bosseur"
   - PAUL MAGNIER

Si sa mère ne se projetait « pas du tout » sur une carrière professionnelle, son père avait rapidement cerné « son potentiel, surtout dans les ascensions » , lors de leurs sorties communes, notamment la « montée de la mort » , à deux pas de la maison. Mais pas assez pour être au-dessus du lot, étonnamment, et de son propre aveu, à Voiron, puis à Besançon au pôle France VTT, sans référence en course, il était « le plus nul au départ, mais mon test VO2 max m’avait sauvé ».

L’enchaînement des séances, son «gros moteur», l’a rapidement mis sur les radars de Johan Molly, le recruteur de Soudal, qui lui conseilla d’apprivoiser la route avec l’équipe britannique Trinity Racing en 2022. Avant de rejoindre sans traîner la formation belge, avec une intégration express puisque dès le premier sprint d’entraînement, lors d’un stage à Calpe (Espagne) en décembre 2023, il avait devancé Tim Merlier, quand même, et sans gêne puisque sa culture du sport s’arrête un peu à Peter Sagan, période VTT.

Au grand désespoir de son père. « La première fois qu’il a rencontré Patrick Lefévère (ancien patron de Soudal Quick-Step), un monsieur, il ne savait pas qui c’était, il l’a tutoyé direct… Au Grand Prix de Fourmies, pareil, il ne connaissait pas Bernard Hinault, j’avais honte. Je lui ai pourtant donné plein de livres sur LeMond, Armstrong… »

Le sprinteur-puncheur s’insurge ( « j’ai lu celui d’Alaph, et moi, ce que j’aime, c’est faire du vélo » ) et se familiarise plutôt, après deux saisons professionnelles, avec ses contemporains auxquels on compare souvent ce potentiel Flandrien: le retraité Tom Boonen, Wout Van Aert, Julian Alaphilippe pour le côté français mais surtout Mathieu van der Poel, « la classe. Être un Mads Pedersen, ça me va aussi, beau coureur et travailleur ».

Dans le salon d’où les parents se sont éclipsés, il tourbillonne moins (sauf pendant la séance photo où il se grime en cowboy) et, derrière son dilettantisme, se dessine une personnalité déterminée, allergique à toute autre place que la première: « Mes parents me connaissent mieux que je ne me connais. Mais je crois que je suis un gros bosseur » , analyse-t-il, comme une promesse.

***

Paris-Roubaix et Milan San Remo en 2026

Il est sorti de sa saison avec dix-neuf succès (quinze sur les trois derniers mois notamment au Tour de Pologne, de Croati e, de Slova qui e et de Guangxi) et les félicitations du jury après un entretien individuel de fin d’année avec le staff, les entraîneurs et Jurgen Foré, son patron.

“Je me sens leader dans le sens où 
je dois finir le travail des équipiers"
   - PAUL MAGNIER

Et des promesses pour la saison à venir. Avec le départ de Remco Evenepoel - qu’il regrette « car j’ai toujours aimé avoir plus fort que moi, cela me tire vers le haut » -, Soudal va se recentrer encore plus sur son héritage, les classiques. Avec les recrutements de Jasper Stuyven et Dylan van Baarle, Magnier va bénéficier d’une garde expérimentée et cette année, sauf pépin, il sera aligné, à sa demande, sur Paris-Roubaix et Milan San Remo, en plus d’Omloop Nieuwsblad, GandWevelgem… Avec un nouveau statut assumé : « C’est à moi de tirer les autres vers le haut, Remco savait le faire. Je me sens leader dans le sens où je dois finir le travail des équipiers. Et maintenant je peux dire à un mec quand il ne fait pas le boulot. Même à un gars plus expérimenté car dans l’équipe, tout le monde dit ce qu’il a à dire. » 

Plus solide, il a « vraiment pris en vitesse et en résistance. L’an passé, j’avais 26 000 kilomètres à la fin de l’année. Cette saison, j’arrive à presque 30 000 et je ne suis pas plus fatigué. »

Prolongé jusqu’en 2027 chez les Belges où il a appris la culture des classiques, il est un peu le chouchou, le nouveau Loulou (le surnom de Julian Alaphilippe quand il était dans l’équipe). « Ils ne parlent que de ça tout l’hiver, ils n’évoquent pas le Tour de Croatie, ni les grands Tours ou presque. Les classiques, ce sont des courses dures, c’est la guerre, et c’est ce que j’aime le plus. » (Y.H.)

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