Vauquelin a la bougeotte
À 5,5 km de la ligne, dans la dernière portion très raide du parcours (12 %),
Kévin Vauquelin place sa deuxième attaque, devant Oscar Onley, Jonas Vingegaard,
Tadej Pogacar et Mathieu Van der Poel (de g. à dr). Rien que ça.
De nouveau sous les projecteurs dans un final qu’il a animé, le coureur d’Arkéa-B&B Hotels a compris qu’il était marqué et que les favoris ne le laisseront plus en liberté.
“Plus on attaque, plus on est regardé et c’est sûr qu’à un moment,
ils se sont dit que je bougeais beaucoup trop ''
- KÉVIN VAUQUELIN
7 Jul 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
BOULOGNE-SUR-MER (PAS-DE-CALAIS) – Souvent, après une course qui n’est pas allée dans son sens, il ronchonne, souffle son dépit bruyamment, avec ses lèvres, et déverse sans filtre tout ce qu’il a dans le bide, en supposant qu’il en avait encore, hier, après avoir essayé d’atomiser la fin de course. Face à Emmanuel Hubert, le patron d’Arkéa-B&B Hotels, Kévin Vauquelin a d’abord râlé contre «les grandes équipes qui ne savent pas courir» , contre Matteo Jorgenson qui «n’a pas collaboré, alors que c’est un très bon rouleur et qu’on aurait pu aller à la gagne et ne pas le regretter». Finalement 8e de l’étape, à la sortie de cette succession de toboggans jusqu’à Boulogne-surMer, le Normand a ensuite appuyé sur l’interrupteur, retrouvé sa légèreté et sa bonhomie: «Vous voulez un mot, j’imagine?» La nuée de micros et d’enregistreurs dit sa notoriété nouvelle depuis le dernier Tour de Suisse, dont il fut le leader presque jusqu’au bout, jusqu’à ce que Joao Almeida l’aligne dans le dernier contre-la-montre. Mais c’est sur la route qu’il a vu changer son statut, ses équipiers aussi, à commencer par Clément Venturini: «Il fait partie des grands du peloton, c’est légitime qu’ils aillent le chercher. C’est comme ça qu’on fait partie de l’élite. Avec nos moyens, on essaie de le placer le mieux possible, de le protéger. Ensuite, c’est une histoire de grand homme quand tu es devant, et c’est son cas.»À 5,5 km de la ligne, dans la dernière portion très raide du parcours (12 %), Kévin Vauquelin place sa deuxième attaque, devant Oscar Onley, Jonas Vingegaard, Tadej Pogacar et Mathieu Van der Poel (de g. à dr). Rien que ça.
Mais il ne peut plus bouger sa boucle d’oreille sans qu’on lui saute sur le râble, son lot quotidien depuis des années, sauf que le casting a évolué et, hier, lors de ses quatre tentatives ( voir ci-contre), le leader d’Arkéa-B&B Hotels a vu Mathieu Van der Poel, Oscar Onley, Matteo Jorgenson puis Tadej Pogacar le harponner sur les six kilomètres où, de son propre aveu, il en a mis « un peu partout, et c’est probablement ce qui me coûte la victoire ou un meilleur résultat. C’est dommage. J’étais mal placé dans la première ascension, je suis remonté et c’est là que j’ai senti que j’étais bien. Plus on attaque, plus on est regardé, et c’est sûr qu’à un moment, ils se sont dit que je bougeais beaucoup trop. Ils ont pensé qu’ils n’auraient pas la gagne». Vainqueur à Bologne, l’an passé, de la deuxième étape, où les principaux leaders s’étaient expliqués deux minutes derrière lui, Vauquelin a perdu en liberté ce qu’il a gagné en crédit et la pancarte sur ses épaules clignote beaucoup trop. « La rançon de la gloire » , estime-t-il sans s’en formaliser : « C’est normal que je sois marqué après ce que j’ai fait, on m’a beaucoup vu.»
«Quelle que soit sa place au général ou dans l’étape, quand c’est Van der Poel qui bouge ses fesses, c’est que Kévin n’est pas loin d’être classé parmi les champions, qu’ils savent qui il est», constate Hubert. Deuxième de la Flèche Wallonne les deux dernières années – en avril dernier derrière Tadej Pogacar –, le coureur de 24ans, en fin de contrat en décembre, est sur les radars des managers des plus grosses formations du peloton et, donc, de leurs leaders qui ont raccourci la laisse de ce chien fou, ce qu’il est moins en dehors de la course depuis un an. Mais sur la route, il doit encore maîtriser sa fougue sans se renier non plus, estime Laurent Pichon, son directeur sportif : «Il a changé de statut, cela fait bizarre et il doit en prendre conscience. Il fait partie de ces champions, ils ne vont plus le laisser partir comme ça. Il était très fort au jourd’hui ( hier), il a beaucoup tenté, à mon avis, trop. Quand on est super fort comme lui, il ne faut en mettre qu’une mais une bonne. La forme est là, on va rectifier ça et je pense qu’il va nous entendre. On est très heureux de le voir en forme, il a les jambes pour en gagner une. » Pichon assume son exigence, «car je crois en lui. Ce ne sont plus des courses amateurs où tu vas plier les meilleurs mondiaux. Au-delà d’être fort, il faut être plus filou».
La bonne surprise du maillot blanc
Sur ce plan, on lui devine un certain potentiel, à exploiter maintenant au coeur du peloton, en ne grillant pas toutes les cartouches planquées dans sa musette. C’est pourtant ainsi qu’Emmanuel Hubert l’aime, « dans l’esprit de l’équipe. Ralentir, cogiter trop de choses… Il faut laisser le naturel s’exprimer, même s’il est surveillé. Cela l’énerve un peu car il a envie de gagner ». Combien de temps ses jambes de feu vont-elles le porter alors qu’après un stage en altitude avec Ewen Costiou, juste avant l’épreuve helvétique, il a vu son pic de forme arriver plus tôt que prévu ? Dans quelques jours, on arrive chez lui, à Bayeux, où ses parents Bruno et Valérie l’attendent avec la boîte de mouchoirs si ça veut bien sourire mais, dans sa quête d’une deuxième étape du Tour, Vauquelin veut bien oublier sa géographie émotionnelle (« en Normandie ou pas, une étape est une étape») et se tourner vers des forces invisibles s’il le faut (« au jourd’hui (hier) je me suis dit qu’il y avait peut-être un signe à voir, la deuxième étape, Boulogne-Bologne, c’est presque pareil, mais cela n’a pas marché»).
À vouloir arroser à l’extincteur toute la fin d’étape hier, le vainqueur de l’Étoile de Bessèges en février a tout de même gagné un truc, ce qu’il ignorait encore en arrivant devant son car. «Hein ? J’ai le maillot blanc ? », demanda-t-il à son patron qu’on soupçonne de vouloir le teindre d’une autre couleur, un peu plus jaune, puisque Vauquelin furète à la quatrième place du général, à dix secondes de Mathieu Van der Poel et juste derrière Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard. Une fois l’information confirmée qu’il était bien le meilleur jeune de la Grande Boucle, il a semblé interdit devant le poids de cette tunique symbolique: «Je ne peux pas dire encore ce que je ressens, cela fait bizarre. Être porteur d’un maillot distinctif sur le Tour, c’est quand mêmebeau. C’est cool.»
Cool et peut-être utile à son équipe, dont les deux sponsors ont confirmé qu’ils ne prolongeront pas l’aventure : « C’est valorisant, c’est pour cela qu’on ne peut que plaire à quelqu’un, prie Emmanuel Hubert. Je suis optimiste. Qu’il reste ou qu’il s’en aille, on a montré qu’on sait faire, qu’il a été formé chez nous. Mais je ne veux pas le mettre dans un piège, je veux qu’il ait l’esprit libre.»
Pour qu’il aille encore secouer tout le peloton, jusqu’à ses huiles, et que lorsqu’il fendra la foule, comme hier, ce sera la sienne et pas celle des supporters néerlandais postés devant le car d’Alpecin-Deceuninck.
***
Un panache mal payé
Avec quatre attaques, Kévin Vauquelin a été le coureur le plus offensif dans le final, hier, mais en vain. Trop généreux dans l’effort, il a aussi été victime d’un gros marquage.
LUC HERINCX
Vainqueur de la 2e étape à Bologne l’an dernier, 2e de la Flèche Wallonne au printemps et du dernier Tour de Suisse, Kévin Vauquelin a en quelque sorte été victime de son nouveau statut, marqué de près par les favoris, hier. Ses quatre banderilles en moins de 6 km ont été inutiles alors qu’il s’est employé sur des terrains bien différents, à l’image de sa polyvalence.
À 6,5 km : en descente
Profitant d’un temps mort, Vauquelin s’est échappé une première fois dans la descente de la côte de Saint-Étienne-auMont. Pris tout de suite en chasse par Mathieu Van der Poel – preuve de la méfiance qu’il inspirait –, le puncheur d’Arkéa-B&B Hotels a reçu le soutien du Néerlandais mais flairé le mauvais coup en cas d’arrivée au sprint. De toute façon, Matteo Jorgenson (Visma-Lease a bike) roulait très fort derrière, Vauquelin a renoncé.
À 5,5 km : dans un mur
Sa deuxième attaque n’a rien à voir: dans la dernière portion très raide du parcours (12 %) à 100 m du sommet de la côte d’Outreau, le puncheur de 24 ans a accéléré en danseuse – les grands moyens, puisqu’on le voit habituellement assis pour profiter de sa force au niveau des reins. Un coup tranchant, mais Oscar Onley (Picnic-PostNL) a voulu prendre la roue, ce qui a facilité le retour de tous les favoris à la bascule.
À 4,4 km : sur le plat
Profitant de ses qualités de rouleur, Vauquelin a tenté ensuite sur un replat, sûrement sa meilleure tentative dans un moment de flottement. Jorgenson a suivi et offert un premier relais, puis Alexey Lutsenko (Israel-PremierTech) les a rejoints. À trois, il y avait de quoi aller au bout mais, au grand désespoir du Normand, plus personne n’a voulu collaborer.
À 500 m : avant le sprint
Se sachant déjà battu en cas d’arrivée au sprint, Vauquelin a voulu anticiper en débordant tout le monde sur le côté gauche quand l’attention se portait sur Van der Poel. Une attaque manquant de vitesse, sûrement à cause des précédentes débauches d’énergie. Délogé par Tadej Pogacar dans la roue du Néerlandais, il pouvait définitivement enterrer ses chances de victoire.
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