Décryptage Matthew Brennan, multifacettes
Par Nicolas Perthuis
À tout juste 20 ans, il a les aptitudes d’un futur grand. Si le récent vainqueur du Tour de Norvège gagne grâce à sa pointe de vitesse, il possède des qualités dont le périmètre est bien plus vaste.
1 - MEILLEURE « PMAX » QUE VAN AERT
Quatorze victoires en 2025, dont quatre en World Tour, c’est le bilan de Matthew Brennan cette saison. Bilan phénoménal pour ce jeune sprinteur britannique qui a mis à son tableau de chasse Jonathan Milan et Kaden Groves sur des sprints massifs. Tout sauf une véritable surprise pour Mathieu Heijboer, le responsable performance de sa formation Visma-Lease a Bike : « À l’occasion de sa première saison chez nous, l’an dernier, dans notre structure Development, ses niveaux de puissance enregistrés nous ont permis de constater qu’il était hors norme sur deux temps d’effort bien précis : sur cinq minutes et cinq secondes. » En watts développés, la puissance max du Britannique – la puissance la plus élevée d’un sprint – s’approche des valeurs d’olav Kooij (onze succès cette saison dont deux sur le Giro) qui fait 7 kg de plus que lui. Rapportée à son poids, cette Pmax est supérieure à celle de Wout Van Aert. Ça vous classe le coureur !
2 - LA VISTA DU PISTARD
Dans la catégorie des juniors, Matthew Brennan a battu le record du monde de la poursuite individuelle sur trois kilomètres (3’07’’092) et enfilé, par la même occasion, le maillot de champion du monde de la discipline en 2023. Il en fera de même sur l’américaine en compagnie de Ben Wiggins, le fils de Bradley. « Cette capacité à être très fort sur trois minutes a habitué son organisme à tolérer les lactates, ce qui explique son succès sur la 1re étape du Tour de Catalogne cette saison, atteste
Heijboer. Ce sprint en faux plat montant a duré plus d’une minute. Prenant les choses en main pour d’abord rejoindre Tibor Del Grosso, il a géré cet effort avec Kaden Groves dans sa roue, ce dernier restant dans l’incapacité de le dépasser dans les derniers mètres. Une gestion incroyable pour son âge qu’il tient de sa pratique sur piste via les américaines où il faut constamment anticiper les mouvements de course avec des sprints souvent très longs. Ensuite, physiquement, il a démontré des qualités qui vont au-delà de celles d’un sprinteur. »
3 - DU MICHAEL MATTHEWS EN PLUS RAPIDE
Matthew Brennan grimpe mieux que Jasper Philipsen, réputé être le meilleur des sprinteurs actuels quand la route s’élève. En même temps, le Britannique ne dépasse pas les 70 kg, contre 75 kg sur la balance pour le Belge. « Il grimpe même très correctement, ajoute Heijboer. D’ailleurs, il gagne la 2e étape du Tour de Norvège qui faisait plus de 3 000 mètres de dénivelé, avec quelques montées très longues. Ce jour-là, il devance Maxim Van Gils, ce qui n’est pas rien. Dans cette optique, nous venons de recruter Filippo Fiorelli, un coureur solide qui, à l’instar de Matthew, passe bien les difficultés tout en ayant une bonne petite pointe de vitesse. Il pourra ainsi faire office de poisson-pilote sur des courses avec du dénivelé où un écrémage aura été fait. De par ses qualités physiques, Brennan me fait penser à Michael Matthews mais il est plus rapide que l’australien en vitesse pure ! »
4 - LAPORTE ET VAN AERT EN POISSONSPILOTES
Olav Kooij en partance pour Decathloncma CGM, le jeune Matthew devient donc le sprinteur n° 1 de la formation néerlandaise en 2026. « Sprints faux plat montants, sprints à très haute vitesse, il est efficace sur tous types d’arrivées. Il a donc notre confiance, concède Heijboer. Et puis, ce n’est pas rien, à 20 ans, comme il l’a fait sur la 1re étape du Tour d’Allemagne, de battre Jonathan Milan, Maillot Vert du dernier Tour de France, sur un sprint à très grande vitesse. La saison prochaine, pour ce genre de sprints, nous comptons sur Edoardo Affini, Christophe Laporte et Wout Van Aert pour le placer au mieux. Actuellement plus “véloce” que les autres sprinteurs, nous devons faire en sorte qu’il ne perde pas trop cette qualité. Ce qui arrivera forcément car la prise de force est indispensable pour être performant sur la route, mais une pratique sur les vélodromes l’hiver devrait atténuer cette légère perte de vélocité ! »
5 - À L’ASSAUT DE LA DURABILITÉ
Matthew Brennan a cette qualité essentielle de savoir courir à l’économie grâce à son placement optimal dans le peloton. « Il frotte à la perfection, ce qui lui évite les efforts inutiles, constate Heijboer. Jusqu’à la Trouée d’arenberg, par exemple, sur Paris-roubaix, il n’a jamais quitté les quinze premières places du peloton. C’est ensuite, soit après 200 km de course, qu’il a craqué physiquement. Il doit progresser pour être plus résistant et nous pensons qu’il lui faudra deux saisons, s’il n’a pas de pépin physique, pour jouer avec les meilleurs dans le final d’une grande classique. Car oui, Matthew n’est pas qu’un sprinteur, il a les aptitudes pour devenir un vrai bon coureur de classiques. Cette saison, nous avons mis l’accent sur le développement de sa PMax – qu’il va encore améliorer – mais il nous faut ajouter de la consistance dans les saisons à venir pour qu’il soit plus fort dans la durée durant les courses. C’est ce qu’on appelle la durabilité. Pour cela, la participation à un Grand Tour est envisagé l’année prochaine. »
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