Géante providence


Sans trop y croire mais avec un sens tactique énorme et des jambes de feu, Valentin Paret-Peintre a sauvé hier le Tour des Français et celui de son équipe, morose depuis l’abandon de Remco Evenepoel. Un succès catalyseur d’émotions dans tous les rangs, même chez l’adversaire.

"Allez vous faire foutre parce qu’on gagne sur le Ventoux"
   - ILAN VAN WILDER, ÉQUIPIER DE 
     VALENTIN PARET-PEINTRE

23 Jul 2025 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL LUC HERINCX (avec A. Cl. et Th. P.)

MONT VENTOUX (VAUCLUSE) – On a crié dans son ancienne maison, Decathlon-AG2R La Mondiale, pour transmettre la bonne nouvelle à son grand frère Aurélien, qui a versé « une petite larme. Dans un moment comme ça, il n’y a plus de maillot ou d’équipe, même mes directeurs sportifs étaient super contents ». On a hurlé chez Soudal-QuickStep, sa formation actuelle, dont le directeur sportif Davide Bramati est devenu « complètement fou à la radio » , dixit un coéquipier encore plus timbré, Ilan Van Wilder, sanglotant: «C’est comme si je gagnais moi-même, on a créé une connexion, un moment émotionnel qu’on ne va jamais oublier. » Et on a mêmes ou richez EF Education-EasyPost malgré le revers de Ben Healy (2e de l’étape), car Alex Baudin a vécu deux ans avec le vainqueur à l’adolescence.

Origine de toute cette exaltation, Valentin Paret-Peintre admettait hier soir, avec sa voix enrouée attendrissante, ne pas encore en réaliser la portée. Comme presque tous les matins dans le fictif, il avait causé des plans de la journée avec son frangin. S’imposer comme le premier Français vainqueur d’une étape sur ce Tour – alors qu’on commençait à peine à ressortir les mauvais souvenirs des éditions blanches de 1926 et de 1999 – n’en faisait pas partie.

La tige de 24 ans n’avait pas spécialement coché cette journée, se glissant dans l’échappée « sans réellement y croire », persuadé que « (Tadej) Pogačar allait vouloir cadenasser la course » . Parce que le « Géant de Provence » est trop « mythique, il s’est passé tant de choses sur ces pentes… se disait ParetPeintre, fasciné par le rayonnement international de cette montée. Je suis dans une équipe belge, et quand on leur demande le col qu’ils connaissent le plus, tout le monde dit le mont Ventoux ». Contraint ou altruiste, le Maillot Jaune lui en a laissé le prestige.

La grosse échappée d’une trentaine de coureurs partie en première partie de course a étrangement engrangé plus de cinq minutes sur le peloton, comme un handicap au pied du col pour corser le défi de Pogacar, difficilement accusable de tyrannie. Flairant le gros coup, les SoudalQuick Step ne pouvaient pas ne pas en être. Avec Van Wilder et Paret-Peintre, le Néerlandais Pascal Eenkhoorn est donc venu rouler à l’avant de l’échappée « comme un fou dans la vallée, ce qui nous a permis de rester dans le jeu pour la victoire », a souligné le grimpeur belge (4e de l’étape).

Leur équipe n’était pas la plus à plaindre, avec déjà deux victoires de Tim Merlier au sprint (3e et 9e étape) et un succès de Remco Evenepoel en contre-la-montre (5e étape). Mais depuis l’abandon, samedi dernier, de son mâle alpha, maillot blanc et 3e du général, le « Wolfpack » était dans l’errance. Que faire sans son leader et dans l’attente d’une dernière chance au sprint aujourd’hui à Valence? «Ils ont connu des jours difficiles», confiait hier Aurélien Paret-Peintre, qui échangeait avec son petit frère pour essayer « de se soutenir, d’avancer ensemble».

Valentin confirmait : « C’était assez compliqué pour tout le monde le soir du Tourmalet. Mais on s’est vite remobilisés le lendemain en disant que ça pouvait nous ouvrir des opportunités. À la journée de repos (lundi), on a fait une réunion entre coureurs et directeurs sportifs pour se remotiver. Il restait six étapes, six opportunités. » Avec un mobile supplémentaire : éteindre les critiques de la presse belge, qui jugeait cette équipe trop faible, notamment pour épauler Evenepoel, piégé dans les bordures le premier jour à Lille. « On a travaillé tellement fort ! s’est rebiffé après le succès d’hier le principal lieutenant du Brabançon, Van Wilder. On a passé des journées de merde sur les dernières étapes et on s’est repris à bloc pour montrer de quoi on était capables. On disait qu’on n’était pas assez forts et blablabla. Maintenant je leur dis : allez vous faire foutre parce qu’on gagne sur le Ventoux. »

Rusé dans le final

Et avec la manière. Bluffant fut Paret-Peintre dans sa gestion du final, ne prenant quasiment jamais un relais sans pour autant lasser ses adversaires. « J’ai parlé avec lui quelques kilomètres avant le pied du Ventoux, racontait Van Wilder. Il m’a dit qu’il ne sentait pas ses jambes. J’ai répondu : bon, moi je les sens, je vais rouler pour toi. C’était facile de faire ce choix, car je ne suis pas égoïste. » Après le trav a i l de s on équi pi er belg e, le Haut-Savoyard a fait la sangsue derrière Healy pour boucher le trou avec Enric Mas (Movistar).

Une fois l’Espagnol repris, Paret-Peintre n’a jamais paniqué, sautant sur les moindres banderilles de l’Irlandais et profitant des moments de temporisation pour faciliter le retour de Van Wilder, tellement héroïque qu’on le soupçonne de s’être planqué avec sa monture dans un camion pour en ressurgir à 700 m du sommet et propulser le Français. Une sorte de tactique du satellite, mais… par l’arrière. « Quand j’ai vu les gars un peu plus loin, j ’a i poussé, j’ai poussé, a-t-il expliqué. Avec le vent de face, c’était une situation difficile pour Valentin, car le Maillot Jaune approchait assez vite.

Je n’ai pas hésité et j’ai direct fait un pressing à bloc jusqu’à la fin. Heureusement, Healy est parti en premier et Valentin a su sortir de sa roue, je pense que ça s’est passé comme ça. »

Le grand frère informé par des spectateurs

Déposé par la violence du punch des deux hommes, Van Wilder n’a pas vu grand-chose de l’ultime combat, mais sa description est fidèle. Environ dix bornes plus bas, Aurélien Paret-Peintre a tout manqué aussi, l’émotion fut immense quand même. « J’ai eu du mal à savoir au début, a raconté le grand frère (29 ans). Quand j’étais au niveau du Chalet Reynard, avec la foule je n’entendais pas trop à l’oreillette. Les dernières infos que j’avais, c’était qu’il était dans la vallée derrière les six-sept premiers mecs. Et après tout le monde m’a mi s au courant, peut-être 500 spectateurs me l’ont dit! J’étais avec Bastien (Tronchon), ça m’a fait accélérer un petit coup sur le moment (il sourit).»

Le jour de l’anniversaire de leur soeur, cadette d’Aurélien, Valentin a fait frémir tout le monde. « Gagner au Ventoux, vous imaginez? nous interrogeait sa mère, Céline, au téléphone hier soir. Ce sont des émotions qu’on ne peut même pas expliquer, il m’a donné des frissons. J’ai appelé sa grandmère, qui était toute tremblante. C’est grandiose. »

***

Décryptage

Le chef-d’oeuvre du Ventoux

Valentin Paret-Peintre a su produire hier ses efforts au bon moment pour décrocher la plus grande victoire de sa carrière.

AUDREY QUÉTARD

La victoire de Valentin Paret-Peintre au sommet du mont Ventoux hier lors de la 16e étape du Tour de France est « extraordinaire » – il le dit lui-même – parce qu’inscrire son nom dans la légende du «Géant de Provence» a tout de l’irréel, mais surtout car « ce n’était pas le plan ».

Le plan ne pouvait être autre chose qu’assister à un cinquième lever de bras de Tadej Pogacar puisque le glouton slovène ne saurait se priver de la conquête du mythique mont Chauve.

Seulement voilà, la course a accouché d’une grosse échappée qui a, bizarrement, pris son envol, si bien que même les attaques répétées de Jonas Vingegaard (Visma-Lease a bike) dans l’ascension n’ont pas barré la route au succès d’un baroudeur. Comment un tel exploit a-t-il pu surprendre le leader d’UAE-XRG dans le final?

1. Une première dynamite

À 14 km de l’arrivée, Enric Mas (Movistar) fait exploser le trio de tête (composé de Thymen Arensman et de Julian Alaphilippe) avec une attaque tranchante. Quelques secondes plus tôt, Paret-Peintre dynamitait le groupe qui les chassait à 1’47''.

Le Français est finalement repris par quelques coureurs issus du groupe de chasse: Ben Healy (EF Education-Easy Post), en tête, ainsi que Michael Woods (Israel-Premier Tech) et Santiago Buitrago (Bahrain Victorious). Cette petite équipe accumule alors un retard de 1’25” sur Mas.

À mesure que la pente se durcit, Healy imprime un énorme tempo, si bien qu’à 5 km du bout, il n’y a plus que Paret-Peintre dans sa roue. Le Français ne prend, dans un premier temps, aucun relais. Ce qui n’empêche pas le duo de revenir sur Mas un kilomètre plus loin et de déposer l’Espagnol quelques secondes après.

2. Le sacrifice de Van Wilder

Tout proche de la flamme rouge, un court round d’observation permet au coéquipier du futur vainqueur, Ilan Van Wilder, de regagner le groupe de tête. Le Belge se sacrifie dans les dernières centaines de mètres pour accélérer le rythme – ce qui va définitivement annihiler la possibilité d’un retour du tandem Pogacar-Vingegaard – et offrir une rampe de lancement idéale au Haut-Savoyard.

3. Un dernier virage gagnant

À 300 mètres de l’arrivée, Healy lance en premier le sprint. Paret-Peintre s’accroche, en force, sur un gros braquet, assis sur la selle. La victoire va se jouer entre les deux. Le Français profite du dernier virage à droite pour bénéficier une dernière fois de l’aspiration de l’Irlandais, avant de se mettre en danseuse pour se relancer dans le mur qui termine l’ascension du mont Ventoux.

Le fougueux Healy aura donc attaqué de trop loin. D’autant plus qu’il est resté sur le même braquet, alors que le Français a choisi de tourner un peu plus les jambes afin de mieux avaler les derniers terribles pourcentages. En le débordant, le coureur tricolore prend tout de suite l’ascendant psychologique. De quoi faire craquer le vainqueur de Vire, qui ne peut que s’incliner.

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8 - Seuls huit Français ont triomphé lors d'une arrivée au sommet d'une étape de montagne sur le Tour au XXIe siècle.  Thibaut Pinot (2 victoires),  Romain Bardet (2 victoires),  Pierre Rolland (2 victoires),  Christophe Riblon (2 victoires),  Warren Barguil, Richard Virenque, Brice Feillu et désormais Valentin Paret-Peintre.

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Les précurseurs

Avant Valentin Paret-Peintre, quatre autres Français s’étaient imposés sur le Tour de France au sommet du mont Ventoux.

2002
RICHARD VIRENQUE - Échappé durant 202 kilomètres, Virenque finit par résister au retour de Lance Armstrong, alors Maillot Jaune, pour s’imposer en solitaire au sommet du mont Ventoux avec 2’20’’ d’avance sur l’Américain, qui se classe 3e de l’étape.

1987
JEAN-FRANÇOIS BERNARD - Pour cette 18e étape, Jean-François Bernard survole le contre-la-montre dans la montée du Ventoux et détruit les chronos des meilleurs grimpeurs. Il s’impose avec 1’39’’ d’avance sur le Colombien Luis Herrera et 1’51’’ sur l’Espagnol Pedro Delgado. Cette victoire permet au Français de prendre le maillot jaune, qu’il perdra le lendemain.

1972
BERNARD THÉVENET - À moins de deux kilomètres du sommet, Bernard Thévenet, pourtant distancé dans les premières pentes du mont Chauve, laisse sur place Eddy Merckx, Luis Ocaña et Raymond Poulidor. Il s’impose en solitaire avec 34 secondes d’avance sur le coureur belge, alors leader au classement général.

1965
RAYMOND POULIDOR - Il restera à jamais le premier vainqueur français en haut du Ventoux sur une étape du Tour de France. Le 6 juillet 1965, Raymond Poulidor lève les bras devant l’Espagnol Julio Jimenez et reprend du temps au leader Felice Gimondi. L’Italien conservera néanmoins sa première place pour 34 secondes, privant « Poupou » d’un premier maillot jaune.

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