Ligue 1 Après un été d’errance, Lyon lance sa saison à Lens


Pour la première journée du championnat 2025-2026, l’Olympique lyonnais, qui a frôlé la relégation administrative il y a quelques semaines, s’est imposé samedi dans l’Artois contre le RC Lens (1-0), sur le banc duquel a pris place son ancien coach Pierre

«Tout ce qui s’est passé cet été, la relégation, le repêchage, 
le départ de joueurs importants pour équilibrer les comptes, 
montrent que l’OL vit un moment charnière.» 
   - Jorge Maciel entraîneur adjoint
     de l’Olympique lyonnais

18 Aug 2025 - Libération
PAR GRÉGORY SCHNEIDER Envoyé spécial à Lens (Pas-de-Calais)

La soirée s’est donc terminée sur la pelouse du stade Bollaert-Delelis par un coach chapitrant des joueurs battus, disposés en cercle. Immobiles, resserrés, parfaitement silencieux. Leur entraîneur avait beau parler, ceux-là cherchaient assurément des réponses qu’ils n’auront jamais, telle situation de jeu mal négociée, et si j’avais fait ça… On s’est pointé samedi à Lens (Pas-de-Calais) pour voir les locaux tomber (0-1) contre l’Olympique lyonnais (OL) lors du lancement de la saison 2025-2026 de Ligue 1. Et leur tout nouvel entraîneur, Pierre Sage, refermer l’un des chapitres de sa vie professionnelle pour en ouvrir un autre.

Il y a vingt mois, le Jurassien de naissance, alors directeur du centre de formation de l’OL, était bombardé entraîneur de l’équipe première dans le fracas de la mandature John Textor, le désormais ex-président du club rhodanien, débarqué en juillet par ses débiteurs afin de sauver la place des Gones dans l’élite, menacée pour cause de dette abyssale, près de 130 millions d’euros. Et Sage avait inauguré son mandat le 2 décembre 2023 par une défaite (2-3) à Lens. Invité à se pencher dans l’Equipe de samedi sur sa vie dans le Rhône, il raconte une scène invraisemblable. Le jour de sa prise en main du groupe professionnel lyonnais, il a été prévenu au dernier moment que celui qu’il remplaçait, l’Italien Fabio Grosso, refusait de quitter le centre d’entraînement de Décines-Charpieu. Or, difficile de le croiser sans risquer l’incident diplomatique. Voire une situation que Grosso aurait pu plaider devant les prud’hommes pour gonfler ses indemnités. Sage est donc resté sur le parking. Il a attendu dans sa voiture. Il n’a pas précisé comment : en écoutant Mozart, ou France Info, ou encore Rires & Chansons, assurément plus raccord avec le cirque qu’est devenu l’OL quand Textor l’a pris en main.

Etrangement, cette question a fait débat samedi chez les suiveurs du club lyonnais : mais qu’est-ce qu’il a bien pu faire seul dans sa voiture, en attendant qu’un club à 250 millions d’euros de budget par saison lui donne le feu vert pour faire les soixante mètres le séparant du vestiaire ? Quand l’actuel entraîneur artésien en eut terminé avec l’exercice médiatique, ces mêmes suiveurs lui sont tombés dans les bras.

CHAPEAUX DE COW-BOY ET BONNETEAU

Quelques minutes plus tôt, Sage avait raconté quelque chose sur l’approche tactique de la rencontre de samedi qui avait collé l’assemblée au mur. «Il me manquait quelque chose dans la manière dont l’entraîneur lyonnais, Paolo Fonseca, faisait jouer son équipe, a-t-il développé. J’avais des vidéos des matchs amicaux de l’Olympique lyonnais ces dernières semaines, mais… la compétition, c’est très différent. Je sentais que… Bref : on a visionné une rencontre disputée par Lille voilà deux ans, quand Fonseca entraînait le club nordiste, contre Lens justement, qui évoluait en 3-4-3 [trois défenseurs axiaux, quatre milieux dont deux excentrés, et trois attaquants, ndlr], dans une disposition tactique proche de celle que nous adoptons aujourd’hui. Et j’ai vu les mêmes circuits dans les montées de ballon que ceux que les Lyonnais ont utilisés aujourd’hui. Les mêmes.»

Un peu fier quand même : excaver un match vieux de deux ans, à l’intuition, parce qu’il a flairé la comédie que Fonseca jouait au monde lors des matchs amicaux, c’est assez brillant. Mais c’est surtout le foot rendu au monde du travail. Les fantaisies managériales de Textor ont expédié l’OL dans les enfers : une rétrogradation en Ligue 1 prononcée par la Direction nationale du contrôle de gestion (le gendarme financier du foot français) en décembre, puis confirmée en juin, avant que les garanties bancaires des actionnaires et une forme d’intérêt général (le club est trop gros pour tomber) ne le sauvent sur le gong. Avant d’être débarqué en janvier pour laisser la place à Fonseca, Sage aura incarné au coeur même de la fantasia lyonnaise, les chapeaux de cow-boy de Textor et son bonneteau permanent sur le marché des transferts, une manière de simplicité et un ancrage dans le réel. Les grandes choses qui, toujours, prennent leurs sources dans les détails invisibles aux yeux du commun des mortels. Le foot rendu non seulement à ses vertus, mais à sa magie. Sage est depuis devenu lensois.

Mais l’Olympique lyonnais n’a plus besoin de lui. Il parvient désormais à toucher terre tout seul : ce fut la grande affaire du match de samedi. Il reste quand même quelques traces des folies passées. Cette semaine, certaines pièces du musée du club, situé côté virage nord du Groupama Stadium à Décines, étaient toujours plongées dans le noir : quelques factures d’électricité en souffrance, héritage de l’ère Textor. Et c’est Malick Fofana, passeur décisif pour Georges Mikautadze juste avant la mi-temps, qui leur a gagné le match. Autre héritage de l’ère Textor: rapatrié à l’hiver 2024 contre 17 millions d’euros que le Texan n’avait pas, l’attaquant belge n’a plus rien à faire là, la direction lyonnaise l’ayant placé sur la liste des transferts pour combler une partie du passif du club, disons 30 millions. L’attaquant belge a passé une tête devant les micros dans un couloir de Bollaert après le match.

Il faisait encore moins que ses 20 ans : «Dans le foot, tout peut arriver.» Et de laisser entendre qu’il serait content de rester à Lyon, son petit frère évolue du reste avec les moins de 16 ans du club. Et qu’il serait content de partir : le Bayern Munich ou Chelsea ne se refusent pas. Le Belge vit match par match : «On ne regarde pas au-delà.» Fofana est comme l’Olympique lyonnais, entre deux eaux. Mais il est vivant, compétitif, rasé de près, paré pour la suite quelle qu’elle soit. Le défenseur franco-sénégalais de l’OL Moussa Niakhaté : «En arrachant le maintien parmi l’élite, la direction du club a fait sa part de travail. Il y a eu beaucoup de parlotes, des trucs lancés à tort et à travers mais ceux qui sont dans les bureaux ont fait ce qu’ils devaient faire. Les joueurs doivent prendre le relais. On l’a fait à Lens. D’accord, on aurait pu être plus calmes parfois, mais ce que je retire du match, c’est le caractère qu’on a montré. Cette solidarité, cette solidité qu’on a développée lors des entraînements et dans la vie en dehors, on l’a vue sur le terrain.»

Jorge Maciel, entraîneur adjoint du club lyonnais : «Quand vous débutez une saison, vous ne savez jamais où vous en êtes. On a été très bon dans le jeu en première mi-temps, on a su être solidaires et souffrir ensemble en deuxième et quand vous superposez les deux visages de l’équipe [il met alors ses deux mains à plat l’une contre l’autre], vous obtenez un tout cohérent. Avant les matchs, entre joueurs, des mots très importants ont été dits pour alimenter la motivation. On reste un club fort, important. Il y a eu des départs [pour combler le déficit], le groupe est moins bling-bling. Mais le foot, ce sont des histoires et chaque saison a les siennes. Celui qui jouait dans les buts ce soir, Rémy Descamps, a passé toute la saison dernière sur le banc. Il a travaillé, il a été irréprochable mais voilà, il y avait un gardien titulaire devant lui [le Brésilien Lucas Perri, qui vient de filer à Leeds en Angleterre] et il n’a disputé que deux matchs. Le fait qu’il ait joué et qu’il ait été bon ce soir, symboliquement, c’est fort. Vous me demandez quelle est la place de ce nouveau Lyon, quels sont les nouveaux standards mais tout ça, ce sont des spéculations. Les standards d’une équipe, c’est ce qu’elle fait sur le terrain le week-end. Notre horizon, c’est que les gars puissent se regarder dans les yeux.»

LES PETITES CHOSES QUI FONT LES GRANDES

Puis : «Quand je parle d’une équipe moins bling-bling, je veux dire que ceux qui nous rejoignent ne débarquent pas depuis un grand championnat avec de grosses statistiques. Il y a encore pas mal de détails à régler, on a subi, nos adversaires ont touché énormément de ballons dans notre surface [49 selon le statisticien Opta]. Bien entendu, on doit gagner en maîtrise. Je ne dirais pas que les événements de cet été, le fait que l’on soit relégué administrativement en Ligue 2 et quasi donnés pour mort, sont une force en soi mais tu dois l’utiliser comme telle. Du staff technique aux joueurs, on a la chance d’être dans le foot et de faire quelque chose que l’on a choisi depuis qu’on était petit. Nos parents n’ont pas eu ce bonheur-là. Quand le club qui te paye accompagne cette passion, tu as une grande responsabilité vis-à-vis de lui. Tout ce qui s’est passé cet été, la relégation, le repêchage, le départ de joueurs importants pour équilibrer les comptes, montrent que l’Olympique lyonnais vit un moment charnière. Etre partie prenante de l’histoire du club à ce moment-là doit être une grande fierté.»

Une transparence: le discours tenu aux joueurs par la direction technique livré devant les micros tel quel, à l’os. «Ce club est un phénix, témoignait Pierre Sage. Je parle de cohésion entre les joueurs, d’une force mentale collective qui prend le pas quand l’équipe est en difficulté athlétique.» Encore les petites choses qui font les grandes et une sorte de loi astrale qui ramène les équilibres macroéconomiques à trois fois rien, un regard entre deux joueurs, l’un d’eux qui fait dix mètres de plus pour couvrir un coéquipier alors qu’il est à bout de forces, les fils qui tiennent les footballeurs ensemble.

Le buteur du soir, Mikautadze, a expliqué ça en peu de mots : «On entend les gens raconter qu’ils nous voient autour de la septième, huitième place. Pour ne rien vous cacher, on s’en fout un peu.» Au fait: qu’a raconté Pierre Sage à ses joueurs battus quand ceux-ci étaient disposés en cercle à la fin du match ? «Que j’étais fier d’eux et que s’ils continuaient ainsi, on prendra beaucoup de points.» Un blanc. Le coach lensois s’est repris : «Dites, je ne leur ai pas parlé sur le terrain, devant tout le monde, pour faire une opération de com. Certains joueurs allaient effectuer un décrassage dans la foulée et moi, je voulais parler à tout le monde.» C’était un soir à dire les choses comme elles sont.

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