Heulot: « Cela me pesait »
Stéphane Heulot quitte la formation Lotto
et envisage de s’inscrire dans un projet français.
Manager de Lotto-Dstny, devenu Lotto depuis 2022, le Français, qui paie entre autres la fusion avec Intermarché-Wanty, quitte la formation belge en ayant réussi à la ramener au niveau World Tour en 2026.
"J’ai besoin de me poser en famille,
je vais revenir habiter en Bretagne car j’ai des projets côté français"
25 Sep 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
Mardi prochain, Stéphane Heulot ne sera plus le manager de l’équipe Lotto. Trois ans après son arrivée et alors qu’une fusion entre la formation belge et son homologue d’Intermarché-Wanty est toujours en discussion, l’ancien Maillot Jaune (3 jours lors du Tour de France 1996) a décidé, en accord avec les actionnaires de la Loterie nationale belge, de quitter l’équipe, qui sera de retour en World Tour en 2026, une des missions qui avait été allouée au dirigeant français de 54 ans.
Le staff en sera informé dans la matinée avant que la nouvelle ne soit officialisée vers midi. En attendant, Heulot, sans pouvoir tout dire en raison de clauses de confidentialité, a accepté de se livrer (partiellement) à L’Équipe et à nos confrères du quotidien belge le Soir sur cette expérience réussie mais éprouvante par son contexte culturel et politique.
- Pourquoi quittez-vous Lotto après trois années commemanager de la formation belge?
Avant tout, j’avais besoin de retrouver ma famille car je mesuis impliqué à 1000 % depuis trois ans. Et cela a plutôt bien marché puisqu’on a amélioré la structure sur le plan sportif et organisationnel.
- On vous sent aujourd’hui soulagé.
Je suis le plus heureux des hommes (sourires). Mais malheureux pour monstaff et mescoureurs car j’ai adoré cette équipe et c’est toujours le cas. Je suis content de ce que j’ai vécu car j’ai, selon moi, réussi mamission, on a remonté l’équipe en World Tour.
- Ce qui n’était pas gagné en tant que Français à la tête d’une équipe belge…
La culture flamande est différente mais j’ai réussi à gagner leur confiance, je me sentais commechez moi (son épouse est flamande). Il y avait encore beaucoup de choses à faire mais j’ai le sentiment que des gens se sont remis en question, qu’ils ont exploité leur domaine d’expertise parce que je leur ai donné cette liberté. Sur le plan humain, on a réussi à créer ce climat, on a repris les bases. Il y a eu plein d’épisodes compliqués et le plus dur a sûrement été les trois mois avec Arnaud (De Lie), où l’on s’est retrouvé seuls (au printemps 2024).
- L’avoir remis sur pied psychologiquement et sportivement est votre plus belle réussite?
Ce n’est pas MA réussite, j’ai contribué à l’aider, à élucider les conséquences de la maladie de Lyme (1). Mais c’est sa réussite. Il devait prendre conscience que ce qu’il vivait n’était pas le fruit du hasard. Cela reste un jeune de 22 ans qui ne comprenait plus rien de la vie. J’ai réussi à lui faire comprendre qu’il devait créer son écosystème, on y a réfléchi ensemble, autour de sa famille, d’un cercle très réduit. Je ne suis pas surpris par ce qu’il réalise aujourd’hui.
- Qu’auriez-vous dû réaliser différemment et mieux en trois ans?
Mêmesi j’ai pris la bonne décision, j’ai mal géré la communication autour de (Caleb) Ewan (2). J’ai réagi de manière sanguine car j’ai pensé aux deux coureurs (Frederik Frison et Florian Vermeersch) qui avaient failli être mis hors délai à cause de son abandon précipité sur le Tour. J’aurais aimé aussi prendre des décisions plus rapidement sur le plan organisationnel, des choses qu’on ne voit pas forcément à l’extérieur, j’aurais pu être plus efficace. J’ai laissé parfois trop de temps au temps, la chance aux gens pour comprendre ce que j’attendais d’eux. On a établi toute la logique du “scanning”, un vrai suivi que j’ai mis en place au bout de deux ans et demi, afin que chaque élément pris, un gel ou un pneu, soit scanné. Quand je suis arrivé, c’était des post-it qui s’envolaient.
- Avez-vous eu les mains libres en trois ans?
Oui, j’ai fait en sorte de les avoir libres. Enfin… Non, c’est un processus que je n’ai pas vraiment connu puisque avant, j’étais le propriétaire de monéquipe (Sojasun de 2008 à 2014). Chez Lotto, il y a ce conseil d’administration. Il a du sens, avec des gens dans leur domaine d’expertise qui apportent leur feed-back et qui ont été des soutiens.
- Mais quand vos actionnaires vous parlent d’un projet de fusion avec Intermarché, n’êtes-vous pas un peu naïf de croire que vous resterez dans l’équation?
Ce n’est pas de la naïveté. Je suis dans la réflexion d’une logique sportive et financière, donc pour moi, cela n’a pas de sens (la fusion). On m’explique aussi que je ne suis pas actionnaire de l’équipe, donc pas impliqué, contrairement à (Jean-François) Bourlart (le patron de l’équipe Intermarché-Wanty). Je n’étais pas dans une guerre d’ego, j’ai mêmeenvoyé un message à Bourlart, avec lequel je n’ai ni accointance ni animosité. Il merépond logiquement qu’il est occupé avec des sponsors sur le Tour, qu’on verra ça le lendemain. Il ne m’a jamais rappelé. Là, je suis moins naïf. Et puis, à ce moment-là, ce n’est pas que je n’en ai rien à faire de partir ou de rester, mais c’est presque ça.
- Avez-vous envie de replonger tout de suite ailleurs?
J’ai déjà eu plusieurs propositions, mais avec souvent la question de savoir si je peux amener Arnaud ou un sponsor. Et c’est hors de question, car Arnaud, c’est Arnaud. Qu’on se retrouve plus tard, d’une autre façon, probablement, mais à ce jour, cela ne concerne que moi. C’est commesi tu venais de divorcer et que tu devais te remarier le lendemain. J’ai besoin de me poser en famille, je vais revenir habiter en Bretagne car j’ai des projets côté français, mais je dois réfléchir avant de m’engager de nouveau à 100%. Je ne dis pas non au vélo, bien sûr. Ce qui mesurprend le plus, c’est le phénomène de soulagement. Cela signifie que cela mepesait. »
(1) Une infection provoquée par une morsure de tique.
(2) Il avait déclaré: « J’ai sacrifié beaucoup de coureurs pour lui, et je le regrette… Je ne sais pas gérer ce type de caractère, je n’ai jamais vu ça », après l’abandon du sprinteur australien lors de la 15e étape du Tour 2023.
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