Là où tout a commencé


Le centre d’entraînement de Musanze (en haut) accueille des jeunes coureurs venant 
de tout le continent africain. Les photos des premiers Rwandais à avoir fréquenté les 
lieux sont exposées sur un mur de l’atelier (en bas).

Aux origines lointaines du premier Mondial en Afrique, il y a, depuis vingt ans, le centre d’entraînement des coureurs rwandais de Musanze, à deux heures de route de Kigali. Au pied des volcans et du parc des gorilles.

24 Sep 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

MUSANZE (RWA) – À l’époque, cette ville de montagne de 150 000 habitants, que les Rwandais craignent pour ses températures, les plus basses du pays, s’appelait Ruhengeri. À environ 2000 mètres d’altitude, le thermomètre peut parfois frôler les 10°C, la nuit. On est au pied de la chaîne des volcans frontalière de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo, dans ce massif de Virunga où a été assassinée en 1985 Dian Fossey, la célèbre primatologue américaine qui étudiait la vie des gorilles des montagnes devenus, depuis, une des attractions touristiques les plus lucratives du pays. Pour les voir, les approcher, il faut monter et crapahuter pendant des heures, accompagné de pisteurs reconnus. Les cyclistes ne peuvent pas s’y aventurer, les routes se terminent bien en amont, au village de Kinigi, l’entrée officielle du parc des gorilles.

À un peu moins de cinq kilomètres de là, un centre d’entraînement pour cyclistes a été construit. Jonathan Boyer, équipier de Bernard Hinault et premier Américain à courir le Tour de France, en 1981, en avait été l’initiateur après avoir découvert ce pays en 2006, presque par hasard, en accompagnant un ami organisateur de courses de VTT. Il venait de purger une peine de prison de neuf mois pour harcèlement sexuel sur mineure, après avoir plaidé coupable. Le Rwanda avait subi, douze ans plus tôt, un terrible génocide perpétré par les Hutus contre les Tutsis, provoquant la mort de près de 1 million d’entre eux en seulement trois mois. Jonathan Boyer avait découvert un pays en pleine reconstruction, qui cherchait à ressouder les liens entre les deux communautés. Il y avait vu un signe qui ressemblait à son histoire, « celle de la deuxième chance ». Il n’était pas reparti, convaincu qu’il pouvait là donner du sens à sa vie, en aidant au développement du cyclisme.

Il avait vu tous ces gamins essayant de sortir de la misère sur leurs vélos-taxis brinquebalants, et avait refusé de leur tourner le dos sans leur donner leur chance. Il était pourtant loin d’imaginer que près de vingt ans plus tard, les Championnats du monde de cyclisme seraient organisés au Rwanda, que ces gamins seraient aujourd’hui les entraîneurs, les mécanos ou les masseurs de la troisième génération du centre de Musanze qui, comme la plupart des villes rwandaises, a été rebaptisé après le génocide pour tourner la page la plus sombre de l’histoire du pays. Il a vécu là quelques mois, rejoint par son épouse, avant de monter ce centre sur cette petite route grimpant vers les volcans, en association avec la Ferwacy, la Fédération nationale de cyclisme.

Entre enfants de Tutsis et de Hutus, 
une cohabitation d’abord compliquée

La cantine, l’atelier et la salle de cours sont toujours là, l’âme de Boyer un peu moins. En conflit avec les dirigeants rwandais, il est rentré aux États-Unis il y a cinq ans. L’enseigne «Africa Rising», qui recouvrait la façade du bâtiment principal, a été repeinte et remplacée par « Satellite du Centre mondial du cyclisme de l’UCI », censé accueillir à l’avenir toutes les jeunes pousses du continent. Le nom d’origine s’inspirait du documentaire Rising from Ashes, produit par l’acteur oscarisé Forest Whitaker, qui racontait le parcours des premiers occupants du centre en 2006 : Adrien Niyonshuti, Nathan Byukusenge, Obed Ruvogera, Abraham Ruhumuriza et Rafiki Uwimana, pour la plupart orphelins du génocide.

Leur poster est affiché, aujourd’hui, sur le mur de l’atelier. Ils étaient alors les premiers modèles du renouveau du Rwanda, regroupés là, à Musanze. Et, parmi eux, autant d’enfants de Tutsis victimes que de Hutus génocidaires. La cohabitation avait été compliquée au début, quand il avait fallu partager les mêmes chambres dans une dizaine de maisonnettes disséminées autour de la maison centrale du couple Boyer. Les témoins racontent les crises d’angoisse et d’hystérie, le soir, de certains adolescents qui avaient encore en tête les images des massacres douze ans plus tôt et qui refusaient de se parler. Aujourd’hui, des groupes de cyclo-sportifs américains, australiens ou anglais, venus pour des stages de vélo sur les pentes des volcans ou vers le lac Kivu, louent ces mêmes petits logements et partagent les repas avec les coureurs rwandais et leurs entraîneurs.

Ce lundi, le centre qui a permis à de nombreux gamins de rêver et de ne plus vivre sur les vestiges de l’histoire dramatique et violente de leurs parents et arrièregrands-parents était désert. Pendant trois mois, il a accueilli des dizaines de jeunes coureurs, venus de tout le continent, à l’initiative de l’UCI. Mais les Rwandais sélectionnés avaient déjà tous rejoint leur hôtel à Kigali avec tout le staff. Tous ne sont pas nés ici à Musanze, mais tous sont passés par ce petit îlot du cyclisme, aujourd’hui labélisé par l’UCI, entouré d’une végétation luxuriante et bordé par les roches d’anciennes coulées de lave des volcans voisins. Deux jardiniers balayaient les allées où pas une seule feuille morte ne devait rester. Mais ils n’ont pas pu empêcher les herbes de recouvrir la petite piste de BMX que Jonathan Boyer avait fait construire…

***

Il centro di allenamento di Musanze (in alto) accoglie giovani corridori provenienti 
da tutto il continente africano. Le foto dei primi ruandesi che hanno frequentato il 
luogo sono esposte su una parete del laboratorio (in basso).

Là dove tutto è cominciato

Alle origini lontane del primo Mondiale in Africa c'è, da vent'anni, il centro di allenamento dei corridori ruandesi di Musanze, a due ore di macchina da Kigali. 
Ai piedi dei vulcani e del parco dei gorilla.

24 settembre 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

MUSANZE (RWA) – All'epoca, questa città di montagna di 150.000 abitanti, temuta dai ruandesi per le sue temperature, le più basse nel Paese, si chiamava Ruhengeri. A circa 2000 metri di altitudine, il termometro può talvolta sfiorare i 10 °C durante la notte. Ci troviamo ai piedi della catena vulcanica al confine con l'Uganda e la Repubblica Democratica del Congo, nel massiccio del Virunga, dove nel 1985 fu assassinata Dian Fossey, la famosa primatologa statunitense che studiava la vita dei gorilla di montagna, diventati da allora una delle più redditizie attrazioni turistiche del Paese. Per vederli e avvicinarli, è necessario salire e arrancare per ore, accompagnati da tracciatori esperti. I corridori non possono avventurarsi in questa zona, poiché le strade terminano molto più a monte, nel villaggio di Kinigi, ingresso ufficiale del parco dei gorilla.

A poco meno di cinque chilometri di distanza è stato costruito un centro di allenamento per corridori. Jonathan Boyer, compagno di squadra di Bernard Hinault e  primo americano a partecipare, nel 1981, al Tour de France, ne è stato l'ideatore dopo aver scoperto questo Paese nel 2006, quasi per caso, accompagnando un amico organizzatore di gare di mountain bike. Aveva appena scontato una pena detentiva di nove mesi per molestie sessuali su minore, dopo essersi dichiarato colpevole. Dodici anni prima, il Ruanda aveva subito un terribile genocidio perpetrato dagli Hutu contro i Tutsi, che aveva causato l'assassinio di quasi un milione di persone in soli tre mesi. Jonathan Boyer aveva scoperto un Paese in piena ricostruzione, che cercava di ricucire i legami tra le due comunità. Vi aveva visto un segno che assomigliava alla propria storia, “quella della seconda possibilità”. Non era ripartito, convinto di poter dare un senso alla propria vita aiutando sul posto lo sviluppo del ciclismo locale.

Aveva visto tutti quei ragazzini che cercavano di uscire dalla miseria sui loro sgangherati risciò a pedali e si era rifiutato di voltare loro le spalle senza dargli una possibilità. Tuttavia, era ben lontano dall'immaginare che, quasi vent'anni dopo, i Campionati mondiali di ciclismo sarebbero stati organizzati proprio in Ruanda e che quei ragazzi sarebbero diventati, oggi, allenatori, meccanici o massaggiatori della terza generazione del centro tecnico di Musanze che, come la maggior parte delle città ruandesi, è stato ribattezzato dopo il genocidio per voltare pagina sulla pagina più buia nella storia del Paese. Ha vissuto là per alcuni mesi, raggiunto dalla moglie, prima di creare questo centro su una stradina che sale verso i vulcani, in collaborazione con la FeRwaCy, la Federazione nazionale di ciclismo.

Tra bambini tutsi e hutu,
una convivenza inizialmente complicata


La mensa, l'officina e l'aula sono ancora lì, l'anima di Boyer un po' meno. In conflitto con i leader ruandesi, è tornato negli Stati Uniti cinque anni fa. L'insegna “Africa Rising”, che ricopriva la facciata dell'edificio principale, è stata ridipinta e sostituita con “Satellite del Centro mondiale di ciclismo dell'UCI”, che in futuro dovrebbe accogliere i migliori giovani talenti del continente. Il nome originale si ispirava al documentario Rising from Ashes, prodotto dall'attore premio-Oscar Forest Whitaker, che raccontava il percorso dei primi occupanti del centro nel 2006: Adrien Niyonshuti, Nathan Byukusenge, Obed Ruvogera, Abraham Ruhumuriza e Rafiki Uwimana, per lo più orfani del genocidio.

Un poster che li raffigura è oggi esposto sulla parete del laboratorio. All'epoca erano loro i primi modelli del rinnovamento del Ruanda, tutti riuniti là, a Musanze. E tra loro c'erano sia figli di vittime tutsi, sia di genocidari hutu. All'inizio la convivenza era stata complicata, quando era stato necessario condividere le stesse camere in una decina di casette sparse intorno all'abitazione al centro, quella della coppia Boyer. I testimoni raccontano le crisi di angoscia e isteria, la sera, di alcuni adolescenti che avevano ancora in mente le immagini dei massacri di dodici anni prima e che si rifiutavano di parlarsi. Oggi, gruppi di corridori statunitensi, australiani o britannici, venuti per stage di ciclismo sulle pendici dei vulcani o verso il lago Kivu, prendono in affitto questi stessi mini-alloggi e condividono i pasti con gli allenatori ruandosi e i relativi corridori.

Questo lunedì, il centro che ha permesso a molti ragazzi di sognare e di non vivere più sulle vestigia della drammatica e violenta storia dei loro genitori e bisnonni era deserto. Per tre mesi ha ospitato, su iniziativa della UCI, decine di giovani corridori provenienti da tutto il continente. Ma i ruandesi selezionati avevano già raggiunto il loro hotel a Kigali con tutto lo staff. Non tutti sono nati qui a Musanze, ma tutti sono passati da questo piccolo isolotto del ciclismo, oggi certificato dalla stessa UCI, circondato da una vegetazione lussureggiante e delimitato dalle rocce di antiche colate laviche dei vulcani vicini. Due giardinieri spazzavano i vialetti dove non doveva rimanere nemmeno una foglia morta. Ma non sono riusciti a impedire che l'erba ricoprisse la piccola pista di BMX che Jonathan Boyer aveva fatto costruire...

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