Entretien


Philippe Diallo : « Il faut que notre football professionnel se réenchante »

« Je veux respecter le travail qu’a fait Didier Deschamps avec son staff jusqu’à la Coupe du monde sans qu’il soit perturbé par une annonce prématurée. Lorsque la Coupe du monde s’arrêtera, l’équipe de France aura un nouveau sélectionneur et un nouveau staff. Je serai prêt »
« Ousmane Dembélé a réalisé une saison exceptionnelle qui en fait l’un des favoris au Ballon d’or, le favori peut-être. Je me réjouis qu’on ait deux joueurs qui doivent être a minima sur le podium »

« Il faudra un peu de temps pour que notre chaîne, LFP Média, produise tous les effets par rapport à l’objectif que l’on poursuit. À savoir être capables de doter nos clubs de revenus suffisants pour qu’ils puissent continuer à être performants sur le plan national comme international »

12 Jun 2025 - Le Figaro
Baptiste Desprez

Au siège de la Fédération française de football dans le 15e arrondissement de Paris, Philippe Diallo prend la pose derrière la pile de dossiers qui figurent sur son bureau. «On a un peu de travail», plaisante-t-il avant près d’une heure d’entretien. À 61 ans, le président de la FFF, réélu pour quatre ans en décembre dernier, entend peser dans le débat du football français. Sur tous les sujets.« Deux ans après ma prise de fonction, j’ai le sentiment que la FFF se porte mieux qu’avant », assure Philippe Diallo, patron du football français.

LE FIGARO. - Quel bilan faites-vous des Bleus à un an de la Coupe du monde 2026 ?

PHILIPPE DIALLO. - Il est de très bonne facture. Les joueurs ont fait une belle saison. Elle a commencé par une volonté de Didier Deschamps d’amener un peu d’oxygénation. C’est ce qu’il a fait. On termine troisièmes de ce Final Four de Ligue des nations (remporté par le Portugal face à l’espagne, NDLR), après avoir battu l’allemagne (2-0), ce qui est toujours une référence. Je ressens une petite frustration contre l’espagne (défaite 4-5), avec deux moments d’oubli qui nous ont coûté cher. Mais je suis très satisfait de la réaction des joueurs, malgré les saisons chargées et cet écart de buts (4-0, puis 5-1), qui n’ont jamais lâché et ont tout donné. Il n’y a pas de classe d’écart avec l’espagne. Je n’ai pas ce sentiment-là.

Didier Deschamps quittera la sélection dans un an. En quoi vous impressionne-t-il encore ?

Par son professionnalisme. Avec son staff, ils ont pleine conscience de ce qu’est le haut niveau, des exigences, sur et en dehors du terrain. Tout est cadré, calculé et fait pour que l’équipe soit ultra-performante. Il est sans cesse à la recherche de la rigueur, de la haute performance, du top niveau. Par exemple, sur les horaires, les enchaînements, dans les déplacements, les transports, rien est laissé au hasard.

À 26 ans, Kylian Mbappé est le troisième meilleur buteur (50 buts en 90 sélections) et meilleur passeur de l’histoire des Bleus, mais reste très critiqué. Est-ce un mal français de brûler ses idoles ?

Kylian est non seulement un immense joueur, mais aussi un grand capitaine. En bleu, que ce soit contre l’espagne (1 but) ou l’allemagne (1 but, 1 passe décisive), il a été décisif. Il est au top niveau mondial et il le reste. En tant que capitaine, il assume pleinement son rôle auprès de ses coéquipiers. C’est une chance pour l’équipe de France d’avoir un capitaine et un joueur d’un tel niveau.

Dans le conflit qu’il a avec le PSG (55 M€ de primes et salaires non versés par le club à la fin de la saison 2023-2024), la position de la FFF est-elle indélicate ?

Nous avons des commissions qui sont indépendantes. Le président de la fédération n’a pas à s’immiscer dans les décisions qu’elles prennent, et maintenant ce sont les tribunaux de droit commun qui régleront ce litige, que je regrette.

Un sujet anime les débats et concerne le Ballon d’or. Pour qui voterait le président de la FFF ?

(Sourire.) Ousmane Dembélé a réalisé une saison exceptionnelle qui en fait un des favoris, le favori peut-être. Je me réjouis qu’on ait deux joueurs (Dembélé, Mbappé, NDLR) qui doivent être a minima sur le podium, et qu’ousmane Dembélé mérite de remporter ce trophée.

Être l’homme qui va nommer Zinédine Zidane à la tête de l’équipe de France après Didier Deschamps, est-ce quelque chose qui vous plaît ?

(Rires.) La question est bien amenée. Je vous vois venir. Je ne peux pas m’avancer sur des noms. On le fait pour vous… Oui, j’ai bien compris, mais je ne veux pas m’avancer parce que je veux respecter le travail qu’a fait Didier Deschamps avec son staff jusqu’à la Coupe du monde sans qu’il soit perturbé par une annonce prématurée. Lorsque la Coupe du monde s’arrêtera, l’équipe de France aura un nouveau sélectionneur et un nouveau staff. Je serai prêt.

Nommer Zidane chez les Bleus, est-ce le dossier le plus facile à gérer ?

D’abord, c’est un dossier d’une grande responsabilité parce que l’équipe de France tient à coeur aux Français. Avoir le privilège de désigner celui qui aura l’honneur de présider aux destinées de l’équipe de France, c’est une forte responsabilité. Je veux donner le meilleur à l’équipe de France. Didier a montré pendant tout son mandat l’étendue de ses qualités. Il me reviendra ensuite de trouver un successeur qui puisse lui aussi porter haut les résultats et les performances de l’équipe de France…

Pour clôturer la partie des sélections, l’équipe de France féminine disputera prochainement l’euro en Suisse (2-27 juillet). Est-ce enfin le moment de décrocher un titre ?

Je veux quand même souligner le parcours sans faute de notre équipe féminine. En Ligue des nations cette saison, elles ont gagné six matchs sur six. Elles sont qualifiées pour un Final Four qui aura lieu à l’automne. Cela montre que l’équipe est très compétitive et que Laurent Bonadei (qui a succédé à Hervé Renard après les JO) fait un bon travail. On va à l’euro avec de l’ambition. Tout en ayant conscience de la difficulté de la tâche parce qu’on a certainement le groupe le plus difficile (Angleterre tenante du titre, Pays-bas, pays de Galles). On a des joueuses de talent, un entraîneur de qualité. L’objectif sera d’atteindre les demi-finales, mais, avec les filles, on a une sorte de plafond de verre, qu’il faut absolument casser puisque nous avons été éliminés sept fois sur huit en quart de finale d’un grand tournoi. J’aimerais vraiment qu’on profite de cette compétition pour le briser. Il faut aller chercher un titre qui manque à notre football féminin.

Autre dossier brûlant : le Stade de France. Les Bleus disputeront leurs prochaines rencontres au Parc des Princes. Est-ce possible de ne plus voir jouer l’équipe de France à Saint-Denis ?

Les choses sont extrêmement claires. On a fait un appel d’offres il y a quelques semaines, parce que nous étions tenus par des échéances internationales. Je me réjouis que 14-15 villes aient répondu. Cela montre que l’intérêt de l’équipe de France est très important. Pour des raisons sportives et économiques, nous avons décidé de jouer nos trois premiers matchs au Parc des Princes (Islande, 9 septembre ; Azerbaïdjan, 10 octobre ; Ukraine, 13 novembre). Ensuite, les choses restent ouvertes, nous n’avons pas encore pris de décision. On observe l’évolution du dossier. Nous verrons quelles conditions sont faites à la FFF pour jouer ici ou là. Cela intègre évidemment le Stade de France, qui reste pour nous un stade mythique. Je n’exclus rien, mais dans des conditions qui méritent d’être ajustées. Si on trouve des accords, c’est bien volontiers qu’on ira au Stade de France. Rien n’est fermé, je suis ouvert à tout.

Vous avez proposé une réforme du football français, avec un autre mode de gouvernance, un rôle accru de la FFF, la disparition de la LFP et la création d’une société commerciale de clubs. Quels retours avez-vous eus ?

Ils sont très positifs. Il fallait une prise de conscience, une volonté d’aller de l’avant, de créer un projet. Cela fait consensus et ouvre une perspective positive pour notre football. Nous vivons une forme de paradoxe avec un champion d’europe dans notre championnat et en même temps des difficultés internes importantes. On a beaucoup d’atouts et il faut leur donner un cadre novateur pour faire en sorte que nos clubs puissent tirer vraiment le meilleur des potentialités qu’ils ont. La proposition de loi a été votée par le Sénat ce mardi et, ensuite, cela passera par l’assemblée nationale. Il faut que notre football professionnel de clubs se réenchante.

Est-ce que Vincent Labrune, président de la LFP, vous en veut de le pousser dehors ?

Depuis que je suis en fonction, j’ai toujours eu des bonnes relations avec la Ligue et son président. Et j’ai été totalement transparent avec lui, puisque je lui avais fait part des grandes orientations de ce projet à l’été 2024. Il soutient la démarche totalement. Je pense que Vincent, dans sa fonction de président, a partagé à la fois mes réflexions et elles rejoignent les siennes. De ce point de vue là, la Ligue et la fédération marchent d’un même pas.

La Ligue 1 reprend mi-août et les téléspectateurs ne savent pas concrètement ce qu’il en sera. Cette situation vous inquiète-t-elle ?

C’est un point de vigilance, mais il y a des évolutions positives. L’arrivée de Nicolas de Tavernost au sein de LFP Média va dans le bon sens pour assurer ce rebond. Le temps nous est compté, il faut avancer. Je n’ai pas d’inquiétude, parce que je sais que Nicolas est un grand professionnel. Mais je reste vigilant, car il y a un certain nombre de difficultés qui font que, quand nous lancerons cette chaîne, il faudra un peu de temps pour qu’elle produise tous les effets par rapport à l’objectif que l’on poursuit. À savoir être capables de doter nos clubs de revenus suffisants pour qu’ils puissent continuer à être performants sur le plan national comme international.

L’absence de droits TV met en péril l’avenir de certains clubs. Craignez-vous une banqueroute ?

À ce jour, je n’exclus rien. Il y a des clubs qui sont effectivement en difficulté : la moitié de la Ligue 1 et une bonne partie de la Ligue 2. C’est la raison pour laquelle j’ai appelé les clubs à faire preuve de solidarité. Pour faire en sorte que ceux qui n’ont rien aient quelque chose. Il appartient aux clubs professionnels de réfléchir et de trouver des solutions de redistribution des revenus pour que la L2 et une partie de la L1 puissent avoir des revenus qui permettent de passer ce mauvais cap. Il faut une répartition plus équitable.

Un récent rapport sur les Frères musulmans avance que le sport, notamment le football, est sujet au fondamentalisme islamiste. Que répondez-vous en tant que patron de la FFF ?

J’ai pris des positions claires sur ce sujet, celui du rapport entre la religion et le sport : liberté de conscience pour chacun et neutralité du terrain. C’est une position fidèle de nos statuts, des valeurs de la République et de la neutralité. Il y a deux choses. Un, la démarche de la Fédération française ne vise jamais à stigmatiser quiconque, parce que le football est un lieu de rassemblement, ouvert à toutes et à tous. Quelles que soient sa religion, son orientation sexuelle, sa couleur de peau. Ensuite, ce grand rassemblement ne signifie pas une naïveté. Oui, il y a des tentatives d’entrisme dans un certain nombre d’associations sportives. Il y a une vigilance à avoir en liaison avec les pouvoirs publics pour faire en sorte que, lorsque les valeurs du sport, du football, du vivre-ensemble sont mises en cause, il y ait des sanctions appropriées, pouvant aller jusqu’aux dissolutions d’associations. Ma ligne, elle est claire. Je n’en fais pas du tout une généralité, mais je ne suis pas dans la naïveté. J’ai 12 000 clubs et, fort heureusement, une immense majorité ne font pas l’objet de ces tentatives. Mais, si nous identifions des tentatives d’entrisme, ils auront la Fédération sur leur chemin.

Vous êtes en poste depuis deux ans à la tête de la plus puissante fédération sportive de France. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce rôle ?

Agir ! Depuis deux ans, nous réformons beaucoup, et ce n’est pas fini. On a battu le record de licenciés (2,4 millions), record de licenciés féminins (250 000). On a créé une ligue de football féminine professionnelle. On a réformé tout l’arbitrage. On a lancé un plan de futsal. On va créer un conseil consultatif du club amateur pour donner directement la parole au club amateur. On a réglé la question des droits d’image au niveau des sélections nationales. On a réalisé l’appel d’offres avec succès avec Nike. Deux ans après ma prise de fonction, j’ai le sentiment que la FFF se porte mieux qu’avant.

Votre prédécesseur, Noël Le Graët, vous a critiqué et assure n’avoir pas apprécié le comportement de la FFF à son égard. Que lui répondez-vous ?

Je n’ai pas envie de polémiquer, mais je voudrais simplement dire qu’il y a ce qu’il dit… et la réalité. Malheureusement, l’écart est grand entre les deux. Je ne partage ni de près ni de loin les appréciations portées par Noël Le Graët sur la période où il a été président, ma relation avec lui ou les prétendues actions que j’aurais pu formuler à son encontre. Tout cela est faux. ■

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