POGACAR SANS PARTAGE
À PORTÉE DE MAIN
À la veille d’un contre-la-montre très attendu, TADEJ POGACAR a déjà posé sa patte en l’emportant à Rouen devant Mathieu Van der Poel, qui conserve le Maillot Jaune d’un souffle, et Jonas Vingegaard. Le Slovène signe ainsi la centième victoire de sa carrière.
Vainqueur de sa 18e étape sur le Tour, le Slovène a atteint la barre symbolique des cent succès depuis ses débuts professionnels en 2019.
"J’essaie toujours, mais c’est impossible contre toi"
- MATHIEU VAN DER POEL S’ADRESSANT
À TADEJ POGACAR, HIER
"Il attendait la 100e victoire,
il la voulait sur le Tour et il l’a.
Ailleurs, elle aurait eu un autre goût"
- MAURO GIANETTI, LE MANAGER
GÉNÉRAL D’UAE EMIRATES-XRG
9 Jul 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
ROUEN – «C’est un rêve, c’est le plus beau jour de ma vie sur un vélo.» Sa bouille pas totalement dégrossie irradiait ce 21février 2019, sur les hauteurs de Foia, à 900 mètres d’altitude, balayées par le vent et la grisaille lors de la 2e étape du Tour d’Algarve, son premier succès professionnel. La mâchoire en tension, Tadej Pogacar venait de passer la ligne sans cacher sa souffrance, ouvrant une ère que personne n’a vu venir, que personne ne pouvait imaginer, hormis peut-être Wout Poels et Enric Mas aux premières loges à l’instant d’être concassés dans le dernier virage par un môme de 19 piges. Six ans et demi ont passé, le Slovène a atteint la barre des cent victoires professionnelles, la dernière, hier, dans le grand huit rouennais, quand le Néerlandais et l’Espagnol, ses premières victimes, ont pris un petit coup de pelle en ne levant les bras respectivement qu’à huit et quatre reprises depuis 2019. Vainqueur du Tour de l’Avenir, la saison précédente, sous les couleurs de Ljubljana Gusto Xaurum, celui qui n’était pas encore « Pogi » débutait alors sa carrière professionnelle avec l’équipe UAE Emirates et, très vite, il empila les succès, le classement général de l’Algarve, puis celui du Tour de Californie en mai, et en été, trois étapes et la 3e place de la Vuelta remportée par son compatriote Primoz Roglic qu’il martyrisa, un an plus tard, à la Planche des Belles Filles, pour son premier Tour de France victorieux.
Le voilà à cent, «une statistique incroyable» , soufflait son équipier Pavel Sivakov, assis sur les marches du car de la formation émirienne. Simone Pedrazzini, l’un des directeurs sportifs, semblait sonné de le voir gagner sa 18e étape sur la Grande Boucle : «C’est incroyable. On dit toujours que c’est incroyable mais cela revient à chaque fois. Il arrive encore à me surprendre.»
« C’est un des meilleurs coureurs de l’histoire, c’est extraordinaire ce qu’il réalise», analyse de son côté le coureur français. «Il gagne avec tellement de facilité qu’on n’en prend pas vraiment conscience. Cela devient presque normal. Il est encore jeune, on ne sait pas jusqu’où il peut aller.»
Jusqu’où il veut aller plutôt puisque le champion du monde empile les trophées et les bouquets de fleurs un peu quand il le souhaite, porté par une forme d’hyperactivité qui l’amène à vouloir toucher à tout, le Giro remporté l’an dernier, Paris-Roubaix, en avril, où il buta sur Mathieu Van der Poel, et sur lequel il reviendra tant qu’il ne s’imposera pas au vélodrome.
Battu hier, le Néerlandais n’est pas rancunier et alors qu’il récupérait à côté de son bourreau qui lui demandait s’il avait essayé d’attaquer, il préféra en rire : « j’essaie toujours mais c’est impossible contre toi.» L’aveu d’impuissance d’un des plus grands champions de l’histoire, encore Maillot jaune pour une paille, situe la place du Slovène dans ce sport, tout en haut, fort de ses trois Tour de France, de son Giro, sans oublier ses huit Monuments et tout ce qu’il a pu gratter parce que c’est un glouton maladif, toujours prêt à se goinfrer, même d’un Tour d’Émilie la saison dernière car il ne voulait pas traîner avant d’étrenner son maillot arc-en-ciel enfilé à Zurich, six jours plus tôt.
Un palmarès encore à distance de celui d’Eddy Merckx (279 victoires professionnelles et 158 au même âge) ou de Bernard Hinault (146 mais 5 Tours de France). Pourtant, la marge se rétrécit autant que sa popularité ne cesse de croître dans des proportions absolument folles.
Si Lenny Martinez a remporté le prix de la combativité, le staff de Pogacar l’aurait mérité aussi pour ses slaloms au milieu d’une foule posée devant le bus d’UAE EmiratesXRG, indélogeable. Les «sorry, sorry» bienveillants laissèrent place à des « move, move» plus autoritaires et nécessaires tant les spectateurs grignotaient l’espace et l’oxygène de l’équipe du Slovène. L’assistant Giuseppe Desiderio tenta bien de glisser aux fans du premier rang que le Slovène ne reviendrait pas au car, ils restèrent, sentant l’entourloupe.
Acculés contre les coffres du véhicule d’UAE, ils eurent raison de planter la tente, de risquer de se faire écraser les arpions par les cars d’Israel-Premier Tech et de LidlTrek, car le vainqueur du jour finit par ouvrir la marée humaine sans même étendre les bras. Le ressac l’accompagna jusqu’à sa porte, il signa quelques autographes, prêta son sourire carnassier à des photos floues et volées, entretenant sa dimension irrationnelle. Ailleurs, en Slovénie, il est devenu comme un guide et sa maman Marjeta nous confiait, hier, qu’ «on parle beaucoup plus de cyclisme et du Tour à la télévision et à la radio depuis, les émissions sont plus longues et il y a de plus de gens qui se mettent au vélo, même des personnes âgées.»
Hier, perchés sur des poubelles à deux mètres du sol, l’âge n’avait plus d’importance et s’agglutinaient les amoureux de la première heure, les vieux râleurs («une heure qu’on attend!» ), les ados en direct sur TikTok, un Pikachu juché sur ses ergots, des convertis de la dernière heure, séduits par sa bonhomie sur les réseaux sociaux et dans la vie de tous les jours. En course, il se transforme en tueur. Avant de s’imposer dans les rues de la cité normande, il comptait onze victoires depuis le début de saison et il n’est pas interdit de croire que son cerveau débarrassé de toute émotion, clinique, a calculé qu’un succès lors de la dernière étape du Dauphiné, au plateau du Mont-Cenis, l’aurait privé du prestige de la Grande Boucle, ce que ne chercha pas à nier Mauro Gianetti, le manager général: «Il attendait la 100e victoire, il la voulait sur le Tour et il l’a. Ailleurs, elle aurait eu un autre goût. C’est un accomplissement incroyable pour un si jeune gamin. » Qui n’en a pas fini de traumatiser toute la cour de l’école, anticipe Sivakov, interrogé pour savoir si son leader est encore plus fort que l’an passé: «Il a toujours été exceptionnel. Il est très fort et il y aura d’autres étapes pour s’amuser, pour prendre du plaisir, faire mal aux autres.»
À l’issue d’un protocole qu’il vit comme un fardeau, il a précisé que «toutes les victoires ont quelque chose de spécial mais ma première victoire professionnelle au Tour d’Algarve a été quelque chose d’incroyable pour moi. Je ne l’oublierai jamais ». Quatre-vingtdix-neuf succès plus tard, la boucle n’est pourtant pas bouclée et comme il le publia sur Instagram, il a «toujours faim» de ce cyclisme qui est un jeu pour lui, une punition pour les autres.
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POGACAR INCONTRASTATO
Vincitore della sua 18ª tappa al Tour, lo sloveno ha raggiunto il traguardo simbolico dei cento successi dal suo debutto da professionista nel 2019.
“Ci provo sempre, ma contro di te è impossibile"
- MATHIEU VAN DER POEL A TADEJ POGACAR, IERI
"Aspettava la centesima vittoria, la voleva al Tour e l'ha ottenuta. Altrove avrebbe avuto un sapore diverso"
- MAURO GIANETTI, DIRETTORE GENERALE
DELLA UAE EMIRATES-XRG
A PORTATA DI MANO
ROUEN - “È un sogno, è il giorno più bello della mia vita in bicicletta”. Il suo volto non ancora maturo irradiava questo 21 febbraio 2019, sulle alture grigie e battute dal vento di Foia, a 900 metri sul livello del mare, durante la seconda tappa del Giro dell'Algarve, il suo primo successo da professionista. Con la mascella spalancata, Tadej Pogacar aveva appena tagliato il traguardo senza nascondere il dolore, inaugurando un'èra che nessuno si aspettava, che nessuno poteva immaginare, tranne forse Wout Poels ed Enric Mas in prima fila mentre venivano schiacciati all'ultima curva da un ragazzo di 19 anni. A distanza di sei anni e mezzo, lo sloveno ha raggiunto il traguardo delle cento vittorie da professionista, l'ultima ieri nell'ottovolante di Rouen, mentre l'olandese e lo spagnolo, le sue prime vittime, hanno preso una bella batosta alzando le braccia rispettivamente solo otto e quattro volte dal 2019. Vincitore del Tour de l'Avenir nella stagione precedente con i colori della Ljubljana Gusto Xaurum, il corridore che ancora non era “Pogi” aveva appena iniziato la sua carriera da professionista con la squadra UAE Emirates, e ha rapidamente accumulato successi, La classifica generale in Algarve, poi il Tour of California a maggio e, in estate, tre tappe e il terzo posto alla Vuelta, vinta dal connazionale Primoz Roglic, che lui poi avrebbe tormentato un anno dopo sulla Planche des Belles Filles nella sua prima vittoria al Tour de France.
Eccolo a quota cento, “una statistica incredibile”, ha commentato il suo compagno di squadra Pavel Sivakov, seduto sui gradini del pullman della squadra emiratina. Simone Pedrazzini, uno dei manager della squadra, è sembrato stupito nel vederlo vincere la sua 18ª tappa alla Grande Boucle: "È incredibile. La gente dice sempre che è incredibile, ma succede ogni volta. Riesce ancora a sorprendermi".
“È uno dei migliori corridori della storia, è straordinario quello che ha ottenuto”, ha analizzato il corridore francese. "Vince così facilmente che non ci si fa caso. È quasi normale. È ancora giovane, quindi non sappiamo fino a dove potrà arrivare”.
Il campione del mondo accumula trofei e mazzi di fiori come e quando vuole, spinto da una forma di iperattività che lo porta a voler toccare tutto: il Giro vinto l'anno scorso, la Parigi-Roubaix di aprile, dove si è scontrato con Mathieu van der Poel, e dove tornerà finché non vincerà nel velodromo.
Battuto ieri, il neerlandese non serba "rancore" e, mentre si riprendeva accanto al suo tormentatore, che gli chiedeva se avesse provato ad attaccare, ha preferito riderci su: “Ci provo sempre, ma contro di te è impossibile”. Questa ammissione di impotenza da parte di uno dei più grandi campioni della storia, ancora in maglia gialla per una pagliuzza (a parità di tempi, i milgiori piazzamenti, ndr), pone lo sloveno al vertice di questo sport, con le sue tre vittorie al Tour de France e al Giro, senza dimenticare gli otto Monumenti e tutto quello che è riuscito a racimolare perché è un inguaribile ghiottone, sempre pronto a ingozzarsi, anche in un Giro d'Emilia della scorsa stagione perché non voleva stare con le mani in mano sei giorni dopo aver conquistato a Zurigo la maglia iridata.
Il suo record di successi è ancora lontano da quello di Eddy Merckx (279 vittorie da professionista e 158 alla stessa età) o di Bernard Hinault (146 e 5 Tour de France). Tuttavia, il margine si sta riducendo tanto quanto la sua popolarità continua a crescere in proporzioni folli.
Lenny Martinez avrà pure vinto il premio per lo spirito combattivo, ma anche lo staff di Pogacar lo avrebbe meritato per i suoi slalom tra la folla di fronte al bus UAE Emirates-XRG, che non poteva essere spostato. Il benevolo “scusate, scusate” ha lasciato il posto a un più autoritario e necessario “muovetevi, muovetevi”, mentre gli spettatori rosicchiavano spazio e ossigeno alla squadra slovena. L'assistente Giuseppe Desiderio ha cercato di dire ai tifosi in prima fila che gli sloveni non sarebbero tornati al pullman, ma loro sono rimasti, intuendo il trucco.
Schiacciati contro il bagagliaio del veicolo della UAE, hanno fatto bene a piantare le tende e a rischiare di essere schiacciati sotto le fiancate dai pullman della Israel-Premier Tech e della Lidl-Trek, mentre il vincitore di giornata ha finalmente superato la marea umana senza nemmeno allungare le braccia. Una surfata che lo ha accompagnato fino alla porta di casa, lui ha firmato qualche autografo e ha prestato il suo sorriso sdentato a foto sfocate e rubate, mantenendo la sua dimensione irrazionale. Altrove, in Slovenia, è diventato come una guida, e sua madre Marjeta ci ha detto ieri che “ora si parla molto di più di ciclismo e di Tour in televisione e alla radio, i programmi sono più lunghi e c'è più gente che si dedica al ciclismo, anche gli anziani”.
Ieri, appollaiati su bidoni della spazzatura a due metri da terra, l'età non contava più, mentre si accalcavano tifosi della prima ora, vecchietti scontrosi (“stiamo aspettando da un'ora!”), adolescenti in diretta su TikTok, un Pikachu appollaiato sugli artigli e convertiti dell'ultima ora, sedotti dalla sua bonomia sui social network e nella vita quotidiana. In fuga, si trasforma in un killer. Prima della vittoria sulle strade della Normandia, aveva vinto undici gare dall'inizio della stagione, ed è facile credere che il suo cervello chirurgico e privo di emotività avesse calcolato che una vittoria nell'ultima tappa del Delfinato, sull'altopiano del Mont-Cenis, lo avrebbe privato del prestigio di farlo alla Grande Boucle, cosa che il direttore generale Mauro Gianetti non ha cercato di negare: "Aspettava la sua centesima vittoria, la voleva al Tour e l'ha ottenuta. Altrove avrebbe avuto un sapore diverso. È un risultato incredibile per un ragazzo così giovane". E che non ha ancora finito di traumatizzare l'intero cortile della scuola, anticipa Sivakov, alla domanda se il suo leader sia ancora più forte dell'anno scorso: "È sempre stato eccezionale. È molto forte e ci saranno altre tappe per divertirsi, per divertire, per far male agli altri".
Al termine di un protocollo che ha visto come un fardello, (Pogacar) ha spiegato che "tutte le vittorie sono speciali, ma la mia prima vittoria da professionista nel Tour dell'Algarve è stata qualcosa di incredibile per me. Non la dimenticherò mai". Novantanove successi dopo, non ha ancora chiuso il cerchio e, come ha postato su Instagram, è “ancora affamato” di questo ciclismo che è un gioco per lui e una punizione per gli altri.

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