Le vagabond étoilé
Lors de son attaque, Tadej Pogacar a attendu plusieurs fois Remco Evenepoel
(au fond) avant de le lâcher, le Belge ne pouvant suivre le rythme.
Impossible à neutraliser malgré les stratégies collectives, Tadej Pogacar a conquis le maillot de champion d’Europe en s’isolant à 75 km de l’arrivée. Anachroniques, ses raids solitaires sont devenus une méthode plus qu’un plaisir tyrannique.
"Il est juste le meilleur du monde quand il faut maintenir
un effort tout seul pendant longtemps"
- MATEJ MOHORIC, COÉQUIPIER
DE TADEJ POGACAR
6 Oct 2025 - L'Équipe
LUC HERINCX
GUILHERAND-GRANGES (ARDÈCHE) – De la folie naissent parfois des idées raisonnables. Ce sont les emportements absurdes de Tadej Pogačar, ses élans téméraires, qui l’ont conduit ces dernières années à changer la face du cyclisme contemporain en n’attendant plus les vingt derniers kilomètres d’une course pour envoyer la dynamite. Ses 49,2km d’aventure solitaire sur les Strade Bianche en 2022 sonnaient comme une première bascule dans la démence, puis se sont succédé des triomphes plus invraisemblables les uns que les autres, dont ce chef-d’oeuvre absolu sur les Strade Bianche 2024, 81,1km en solo qui ouvrirent la voie à cette énième « attaque stupide », de son propre aveu, aux Mondiaux de Zurich où il s’affranchit de toute compagnie pendant 51,7 km.
Ces exploits impulsifs ont posé la base d’un nouveau monde pour le Slovène de 27 ans : partir en solo n’est plus un caprice, c’est devenu une méthode qui marche presque à tous les coups. La chevauchée extraordinaire d’hier, 75 km en solo pour s’octroyer le maillot de champion d’Europe, et celle au Rwanda une semaine plus tôt (66,6 km en solitaire) ont été préméditées. « Ce n’est pas que j’aime partir seul, a éclairé le champion du monde et d’Europe, hier, à propos de son attaque dans le troisième passage sur la montée de Saint-Romain-de-Lerps. J’avais déjà perdu beaucoup de coéquipiers, certaines nations étaient en supériorité numérique et il me semblait risqué de rester dans ce groupe.»
Esseulé face aux Belges, Français et Danois (malgré la défaillance précoce et décevante de Jonas Vingegaard), Pogacar avait totalement anticipé le scénario. « Quand je préparais la course mentalement, je savais qu’elle ferait 120km de long parce qu’il allait partir, a expliqué son coéquipier slovène, Matej Mohoric. Tadej nous avait dit qu’il voulait rendre la journée difficile, qu’on pousse fort en côte et qu’il essaierait d’attaquer au dernier passage sur la plus longue montée. Il n’était pas sûr d’y aller seul ou d’emmener quelqu’un avec lui…»
Une incertitude liée à la «petite» distance de course, 202,2 km au total qui pouvaient favoriser la fraîcheur des adversaires. Remco Evenepoel a d’ailleurs bien tenté de s’accrocher, la Belgique ayant misé sur ce genre de situation après avoir esseulé Pogacar. «On ne craignait pas d’avoir Remco seul avec lui, a expliqué le sélectionneur belge Serge Pauwels. Parce qu’avec le vent et les parties plates, on se disait qu’il perdrait sûrement moins d’énergie.» Pogacar n’était pas complètement opposé à la compagnie du meilleur rouleur du monde non plus, «d’ailleurs, si vous regardez quand il attaque, il attend plusieurs fois Remco, a expliqué le sélectionneur slovène, Uros Murn. Mais Evenepoel ne pouvait pas suivre le rythme de Tadej, qui a donc décidé d’y aller à fond. Puis il a contrôlé la course ».
Une impressionnante régularité
Et ce qui aurait ressemblé, il y a une décennie, à un suicide tactique est devenu la norme du succès pour Pogacar, d’une impressionnante régularité à chaque tour, car «il est juste le meilleur du monde quand il faut maintenir un effort tout seul pendant longtemps, analyse Mohoric. Pour lui, c’est clairement la meilleure tactique.» « Sa force, c’est que même s’il se fait reprendre après être parti de loin, il n’est pas perdu pour autant, abonde Pauwels. Il peut éventuellement repartir, placer une troisième attaque.»
L’Amstel Gold Race, au printemps, a donné l’aperçu d’une réalité légèrement différente. Repris à 8 km de la ligne après avoir passé près de 40 bornes en solitaire sur un coup de tête, Pogačar avait eu la force de sprinter mais Mattias Skjelmose lui avait enlevé la victoire. «En fait, on espérait un scénario semblable » , confie le sélectionneur belge. Mais les envolées du Slovène ne sont plus de même nature. Froidement préparée, l’offensive lointaine d’hier a permis de combler le fait que la Slovénie «n’avait pas la meilleure équipe », selon son sélectionneur.
Peu importe, la spontanéité des exploits de Pogacar, leur longueur renforcent en tout cas la légende du champion qui réunit maillot arc-en-ciel et étoilé, et ils métamorphosent le vélo dans son ensemble. Pauwels n’en revient pas: «Je n’avais jamais vu de tels écarts sur les Championnats. J’ai pris ma retraite il y a cinq ans, et c’est presque un sport différent.»
***
Evenepoel veut résoudre l’énigme
L. He.
Dauphin de Pogacar comme aux Mondiaux, le Belge a presque résisté à son accélération, puis maintenu l’écart dans sa poursuite en solitaire. Il espère trouver bientôt un moyen de le surpasser.
GUILHERAND-GRANGES (ARDÈCHE) – Sans problème mécanique, cette fois, Remco Evenepoel a pu se tester sur un éclair de Tadej Pogacar. «C’est l’une des premières fois depuis longtemps que j’arrive à suivre l’une de ses attaques » , a d’abord retenu le Belge (25ans). Collé à sa roue pendant près d’une minute, il a fini par craquer, mais n’a pas lâché l’affaire : dans un premier temps à la poursuite au sein d’un groupe de quatre « qui ne collaborait pas bien », le champion du monde et d’Europe du contre-la-montre s’est lancé dans un duel à distance avec le Slovène, comme au Rwanda, pour finalement échouer à 31 petites secondes du maillot étoilé. « Au final, Remco est plus proche de Pogačar que des coureurs de derrière, qui sont pourtant incroyablement bons » , constate le sélectionneur belge, Serge Pauwels.
Des retrouvailles samedi sur le Tour de Lombardie
«Si j’avais tenu trente ou quarante secondes de plus sur l’attaque, j’aurais peutêtre pu suivre car c’était plus plat. Mais je pense qu’il le savait » , a analysé le Brabançon. Et c’est l’une des pistes à investir : en maintenant l’écart en chassant Pogačar, Evenepoel a prouvé avoir la capacité à tenir le rythme et l’endurance du Slovène, mais la différence s’opère dans ces courts efforts explosifs. « Au final, c’est même plus que sur une minute d’effort, analyse-t-il. On avait déjà commencé à se bagarrer avant, donc c’est plutôt au bout de quatre ou cinq minutes que j’ai lâché. On a déjà essayé de le travailler cet été, mais on n’avait pas assez de temps. Cette course sera une bonne base à analyser cet hiver. Je vais changer d’équipe (il quitte Soudal Quick-Step pour Red Bull-BORA-hansgrohe), donc ce sera à eux d’étudier ça (il sourit).»
Alors que Jonas Vingegaard se triture l’esprit pour battre Tadej Pogačar sur les courses par étapes depuis deuxans, Evenepoel s’empare désormais de la même énigme sur les courses d’un jour, là où le Slovène le prive d’agrandir sonpalmarès. Dès samedi, leurs routes se recroiseront au Tour de Lombardie, où les «montées seront moins raides» qu’hier, d’après le Belge, particulièrement motivé pour le Monument italien, théâtre de sa terrible chute, il y a cinq ans.
***
Durante il suo attacco, Tadej Pogačar ha "atteso" più volte Remco Evenepoel
(in difesa) prima di staccarlo, poiché il belga non riusciva a tenere il passo.
Il fuggiasco stellato
Impossibile da neutralizzare nonostante le strategie di squadra, Tadej Pogačar ha conquistato la maglia di campione europeo isolandosi a 75 km dal traguardo. Anacronistiche, le sue fughe in solitaria sono diventate più un metodo che un tirannico piacere.
"È semplicemente il migliore al mondo quando si tratta
di mantenere a lungo uno sforzo in solitaria."
- MATEJ MOHORIC, COMPAGNO DI
SQUADRA DI TADEJ POGAČAR
GUILHERAND-GRANGES (ARDÈCHE) – Dalla follia a volte nascono idee ragionevoli. Sono le sfuriate assurde, spericolate, di Tadej Pogačar che lo hanno portato negli ultimi anni a cambiare il volto del ciclismo contemporaneo, non aspettando più gli ultimi venti chilometri di gara per far esp'lodere la dinamite. La sua avventura in solitaria di 49,2 km alla Strade Bianche del 2022 sembrava un primo punto di svolta verso la follia, poi è arrivata una serie di trionfi, uno più improbabile dell'altro, incluso quel capolavoro assoluto alla Strade Bianche del 2024, 81,1 km in solitaria che ha aperto la strada a questo ennesimo "attacco stupido", per sua stessa ammissione, ai Campionati del Mondo di Zurigo, dove si è liberato da ogni compagnia per 51,7 km.
Queste imprese impulsive hanno gettato le basi di un mondo nuovo per il 27enne sloveno: partire da solo non è più un capriccio, è diventato un metodo che funziona quasi sempre. La straordinaria pedalata di ieri, 75 km in solitaria per assicurarsi la maglia di campione europeo, e quella in Ruanda una settimana prima (66,6 km in solitaria) erano premeditate. "Non è che mi piaccia andare via da solo", ha spiegato ieri il campione del mondo ed europeo, a proposito del suo attacco al terzo passaggio sulla salita di Saint-Romain-de-Lerps. "Avevo già perso molti compagni di squadra, alcune nazionali erano in superiorità numerica e mi sembrava rischioso rimanere in quel gruppetto".
Da solo contro belgi, francesi e danesi (nonostante il deludente e precoce fallimento di Jonas Vingegaard), Pogačar aveva previsto appieno lo scenario. "Quando mi preparavo mentalmente per la gara, sapevo che sarebbe stata lunga 120 km perché lui sarebbe partito", ha spiegato il suo compagno di squadra sloveno, Matej Mohorič. "Tadej ci aveva detto che voleva rendere la giornata difficile, che avremmo spinto forte in salita e che avrebbe cercato di attaccare all'ultimo passaggio sulla salita più lunga. Non era sicuro se sarebbe andato da solo o se avrebbe portato qualcuno con sé..."
Un'incertezza legata alla "breve" distanza di gara, 202,2 km totali, che avrebbe potuto aiutare a tenere freschi gli avversari. Remco Evenepoel ha cercato di resistere, visto che il Belgio aveva puntato su quel tipo di situazione dopo aver isolato Pogačar. "Non avevamo paura di avere Remco da solo con lui", ha spiegato il ct belga Serge Pauwels. "Perché con il vento e i tratti pianeggianti, pensavamo che avrebbe speso meno energie". Nemmeno lo stesso Pogacar era del tutto contrario alla compagnia del miglior passista del mondo, "inoltre, se si guarda quando (Tadej) attacca, 'aspetta' Remco diverse volte", ha spiegato il ct sloveno Uros Murn. Evenepoel però non è riuscito a tenere quel ritmo, così Tadej ha deciso di dare il massimo. Poi, ha controllato la gara".
Continuità impressionante
E quello che dieci anni fa sarebbe sembrato un suicidio tattico è diventato lo standard dei successi per Pogačar, con una continuità impressionante a ogni giro, perché "è semplicemente il migliore al mondo quando si tratta di mantenere uno sforzo da solo per lungo tempo", analizza Mohorič. "Per lui, è chiaramente la tattica migliore". "Il suo punto di forza è che, anche se viene ripreso dopo una partenza da lontano, non è perso", aggiunge Pauwels. "Alla fine può ripartire e lanciare un terzo attacco".
L'Amstel Gold Race di primavera ha offerto uno scorcio di una realtà leggermente diversa. Ripreso a 8 km dal traguardo dopo averne percorsi quasi 40 da solo, per puro capriccio, Pogačar ha avuto la forza di scattare, ma Mattias Skjelmose gli ha sfilato la vittoria. "In realtà, speravamo in uno scenario simile", ha confidato il Ct belga. Ma le esplosioni di energia dello sloveno non sono più della stessa natura. Preparato con freddezza, l'attacco a lunga distanza di ieri ha compensato il fatto che la Slovenia "non avesse la squadra più forte", secondo il suo selezionatore.
In ogni caso, la spontaneità delle imprese di Pogačar, la loro durata, rafforzano comunque la leggenda del campione che indossa la maglia iridata e quella stellata, e trasformano il ciclismo nel suo complesso. Pauwels non riesce a crederci: "Non ho mai visto così tanti ritiri ai Campionati. Ho smesso cinque anni fa, ed è quasi un altro sport".
***
Evenepoel vuole risolvere l'enigma
L. He.
Secondo dietro a Pogačar, come ai mondiali, il belga ha quasi resistito alla sua accelerazione, poi ha mantenuto il distacco nel suo inseguimento in solitaria. E spera di trovare presto il modo di superarlo.
GUILHERAND-GRANGES (ARDÈCHE) – Stavolta senza problemi meccanici, Remco Evenepoel ha potuto mettere alla prova il suo coraggio contro quel fulmine di Tadej Pogačar. "È una delle prime volte da molto tempo che riesco a seguire uno dei suoi attacchi", ha commentato inizialmente il venticinquenne belga. Incollato a ruota per quasi un minuto, alla fine ha ceduto, ma non si è arreso: inizialmente inseguendo in un gruppo di quattro "che non funzionava bene insieme", il campione del mondo ed europeo a cronometro ha ingaggiato un duello a lunga distanza con lo sloveno, proprio come in Ruanda, arrivando infine a soli 31 secondi dalla nuova maglia stellata. "Alla fine, Remco è più vicino a Pogačar rispetto ai corridori dietro, che sono incredibilmente bravi", ha osservato il Ct belga Serge Pauwels.
Un incontro sabato al Giro di Lombardia
"Se avessi resistito trenta o quaranta secondi in più all'attacco, forse sarei riuscito a tenere il passo perché era più pianeggiante. Ma credo che lui lo sapesse", ha analizzato il corridore brabantino. E questa è una delle strade da esplorare: mantenendo il distacco mentre inseguiva Pogačar, Evenepoel ha dimostrato di saper tenere testa al ritmo e alla resistenza dello sloveno, ma la differenza sta proprio in quegli sforzi brevi ed esplosivi. "Alla fine, ci è voluto anche più di un minuto di sforzo", ha analizzato. "Avevamo già iniziato a lottare prima, quindi ci sono voluti più o meno quattro-cinque minuti prima che mi arrendessi. Avevamo già provato a lavorarci su in questa estate, ma non abbiamo avuto abbastanza tempo. Questa gara sarà una buona base per l'analisi di quest'inverno. Cambierò squadra (lascerà la Soudal Quick-Step per la Red Bull-BORA-hansgrohe), quindi spetterà a loro studiarlo (sorride)".
Mentre da due anni Jonas Vingegaard si scervella per battere Tadej Pogačar nelle corse a tappe, Evenepoel ora si trova ad affrontare la stessa sfida nelle corse di un giorno, nelle quali lo sloveno gli impedisce di aggiungere al palmarès altri successi. A partire da sabato, le loro strade si incroceranno di nuovo al Giro di Lombardia, dove le "salite saranno meno ripide" rispetto a ieri, secondo il belga, particolarmente motivato per la classica monumento italiana, teatro del suo terribile incidente di cinque anni fa.
Commenti
Posta un commento