Nuno, esprit sain
Nuno Espirito Santo dimanche dernier,
lors d’Everton-West Ham (1-1) en Premier League.
Le manager portugais, qui a commencé la saison avec Nottingham Forest et la poursuit avec West Ham, est devenu un personnage installé de la Premier League.
"Je dirais qu’il est émotif.
Quand il est de bonne humeur ou
s’il y a un truc qui le tracasse,
ça se voit directement"
- ROMAIN SAÏSS, ANCIEN
DÉFENSEUR DE WOLVERHAMPTON
4 Oct 2025 - L'Équipe
DAMIEN DEGORRE
Qui se souvient que Nuno Espirito Santo était sur le banc du FC Porto, doublure de Vitor Baia, lors de la finale de Ligue des champions 2004 contre Monaco (3-0)? Lui, probablement. Jorge Mendes, son agent, dont il fut le tout premier joueur de l’écurie, également. Entre les deux, la relation a depuis débordé du cadre du travail. Guidé par cette amitié de plus de vingt ans, l’agent le plus influent du monde n’a jamais lâché son client historique devenu entraîneur.
Wolverhampton s’en sépare en mai 2021? Il signe un mois plus tard à Tottenham. Il est viré de Nottingham Forest le 9 septembre? En moins de trois semaines, il rebondit à West Ham, où il succède à Graham Potter. Cet art du rebond, Espirito Santo ne le doit pas qu’au talent de Mendes. En Angleterre, il est devenu un manager reconnu, qui n’est pas figé sur un schéma tactique mais place l’identité collective au-dessus de tout.
Il a dressé ses « Loups »
Du gardien de Porto à l’allure svelte, aux cheveux noir de jais, la barbe naissante et le teint hâlé, il ne reste que le teint hâlé. Espirito Santo a pris une dizaine de kilos, la barbe est blanche et soigneusement taillée, et le crâne dégarni. Toujours en survêt du club sur son banc, le technicien de 51 ans se moque des apparences. Moins de la copie rendue par son équipe. Homme de peu de mots en conférence de presse, il insiste surtout sur « les efforts » réclamés aux joueurs et «l’identité» , donc, que son équipe doit respecter. Romain Saïss, quatre ans sous ses ordres (de 2017 à 2021), confirme : « À Wolverhampton, il s’est servi de l’emblème du club, le loup. Il disait qu’on était une meute. S’il utilisait beaucoup la vidéo pour le travail tactique, on a aussi fait des séances au cours desquelles on analysait comment une meute de loups travaillait, comment elle allait chercher sa proie, et il nous demandait de faire en sorte que ça se retranscrive sur le terrain.»
Ses équipes deviennent difficiles à bouger. À deux reprises, Wolverhampton, avec qui il remportera le Championship (D2, 2018), son seul titre, terminera parmi les cinq meilleures défenses de Premier League (2018-2019 et 2019-2020). Ce fut le cas également de Nottingham Forest la saison passée (46 buts encaissés, 5e défense, 7e au classement), ce qui a permis aux Reds de retrouver l’Europe pour la première fois depuis 1996. «Ses équipes défendent bien, mais ce n’est pas le tout défensif non plus, plaide Marçal, le défenseur brésilien qui l’a connu chez les Wolves. Il veut juste qu’on soit compacts, qu’on se déplace ensemble, pas qu’on bétonne à vingt mètres devant notre but. » Cela suppose de nombreuses répétitions d’exercices, parfois sans ballon. «Il est attaché à l’idée que c’est le collectif qui va faire rejaillir les individualités» , reprend Saïss.
Pour obtenir cette unité, celui qui a débuté comme entraîneur principal à Rio Ave, en 2012, met en place des conditions de vie adaptées. À Forest, il a fait aménager le centre d’entraînement pour que les joueurs disposent d’un lieu de détente où ils nouent des liens, jouent au ping-pong, au billard, aux fléchettes ou au ludo (variante du jeu des petits chevaux). « Il avait fait la même chose à Wolverhampton, explique Saïss. Nuno insiste sur l’esprit de cohésion.» Marçal ajoute: «Il a changé beaucoup de choses, et notamment l’alimentation à la cantine. Avant, c’était une nourriture très anglaise. Il a exigé des repas plus universels, plus équilibrés.»
L’adhésion a été rapide. Parce que ses joueurs, à Wolverhampton comme à Forest, ont apprécié le caractère de leur manager. Déjà, adjoint de Jesualdo Ferreira au Panathinaïkos (2010-2012), Espirito Santo se distinguait par sa simplicité. «Un bon mec, proche des joueurs » , se remémore Djibril Cissé. Devenu numéro 1, il n’a pas changé. «Je dirais qu’il est émotif, sourit Saïss. Quand il est de bonne humeur ou s’il y a un truc qui le tracasse, ça se voit directement. Sur le banc, il parvient à masquer ses émotions même si, sur un but marqué, il peut exploser. Mais au quotidien, on voyait ce qui le touchait. » Marçal nuance à peine : « Je dirais plutôt qu’il est prévisible, pas émotif. S’il est content, il va sourire mais pas trop. S’il est fâché, tu vas voir son visage qui se ferme un peu, pas beaucoup. Mais dans ce cas, tu sais qu’il vaut mieux éviter d’aller lui parler.»
À Forest, cet été, Nuno a été tourmenté par le mercato. Il n’a pas réussi à cacher ses sentiments et l’a signifié à ses dirigeants. Il a été viré. Il l’a également été de Tottenham, où il avait pourtant commencé par un succès sur City (1-0), champion en titre, quatre mois après son arrivée (en 2021). « La difficulté qu’il a pu rencontrer, c’est dans la gestion des ego, estime un proche. À Wolverhampton, Nottingham, West Ham, ce n’est pas la même chose qu’un club avec des stars. À Al-Ittihad, pareil (20222023). Sa première année s’est bien passée. Quand les stars sont arrivées… » Il a tenu quatre mois. À West Ham, Espirito Santo devrait rester plus longtemps.
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