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Le Tour de France passera demain par la butte Montmartre et la fameuse rue Lepic. Le quartier se prépare à revivre l’euphorie des JO, mais avec quelques réticences.
"Tant pis si on fait une journée un peu moins bonne ( financièrement)"
- JEAN-YVES, RESPONSABLE DU
CAFÉ UN ZÈBRE À MONTMARTRE
26 Jul 2025 - L'Équipe
LÉA LEOSTIC
Comme pour sa rentrée des classes de CP, Tim, 28 ans, a réfléchi à sa tenue: son cuissard bien sûr, et un maillot à pois. Ou alors un vieux maillot AG2R-La Mondiale, « pour leur dernier Tour, ça leur rend hommage » . Reste à déterminer l’heure d’arrivée – «on a prévu 10 heures, mais c’est un peu tôt non?» – et le spot: «Rue Lepic, ça risque d’être trop blindé. Alors on va sûrement opter pour la rue Lamarck.»
Une étape du Tour, même sur le bord de la route, ça s’anticipe. Alors, jeudi, on est allé voir comment le quartier de la butte Montmartre se préparait. On est parti du bas de la rue Lepic, là où les barrières métalliques sont entassées avant d’être installées et là où les coureurs entameront leur tour de la Butte. Une rue mythique, qui a tant vibré pendant les Jeux, longue d ’1 km, avec une pente à 6,5% de moyenne, où a notamment vécu Vincent Van Gogh. Dans la boutique de souvenirs du bas de la rue, les oeuvres d’art ne sautent pas aux yeux, mais les maillots et casquettes du Tour de France sont sortis depuis quinze jours.
Quelques mètres plus haut, le café des Deux Moulins, celui du film le Fabuleux Destin d’ Amélie Poulain, se prépare. Psychologiquement surtout. Axel le Constantini, serveuse dans l’ établissement, s’attend à un public« plus chauvin qu’aux JO », comprendre «plus saoul». Il y a un an, « c’était très compliqué pour servir, il y avait des gens partout, c’était de la folie», se souvient-elle. Pour les bars, la journée de demain risque d’être intense, mais les commerces de bouche tordent le nez. Azia Lanciotti, qui tient la pâtisserie Les Petits Mitrons, se demande si elle va ouvrir. «L’an dernier, les spectateurs grimpaient sur la devanture, j’étais obligée de faire le gendarme!, sourit-elle. Et puis pour le Tour, les gens vont venir avec leurs glacières et ils veulent plus des bières que des pâtisseries. »
En revanche, il y a beaucoup d’enthousiasme au café Un Zèbre à Montmartre. « Le meilleur moment des JO», se remémore Jean-Yves, le responsable du café. Avec son ami Franck, qui habite lui aussi la rue Lepic, ils montrent fièrement leurs photos prises depuis leurs balcons et vantent chacun les mérites de leur vue imprenable. «Les gens négociaient pour monter chez moi, ils me proposaient de l’argent!», raconte Franck. «Alors tant pis si on fait une journée un peu moins bonne (financièrement)» , relativise Jean-Yves. Comme ses confrères, il devra ranger sa terrasse avant 15 heures. Devant chez lui, des ouvriers sont passés quelques jours plus tôt pour combler quelques gros nids-de-poule. Rassurez-vous, il en reste encore.
On remonte encore la rue, on atteint le fameux virage, très pénible à gravir en Vélib’d’ailleurs (encore faut-il en trouver un). Vincent Galeraud, restaurateur aux Beaux Parleurs, attend demain entre «impatience et anxiété, dit-il en riant, parce que j’ai de superbes jasmins et que les supporters ont de gros sabots ». Dehors, on entend les roulettes des valises claquer sur les pavés et un « oh this is Paris ! » lâché par une touriste. Le seul maillot jaune que l’on croise pour le moment, c’est un cycliste avec un sweat de l’AS Rome.
Au parc canin, juste en dessous du Sacré-Coeur, on a croisé Morgan, grand amateur du Tour, et son chien Trévise, moins loquace sur le sujet, deux habitants du quartier qui vont « essayer de choper une place rue Lepic » . Si Morgan se dit ravi du passage des coureurs, ce n’est pas le cas de tous ses voisins.
Des collectifs d’habitants dénoncent le surtourisme, en témoignent les banderoles affichées aux façades de certains immeubles. En 2024, le Sacré-Coeur a accueilli 11 millions de visiteurs, devenant le monument le plus visité de France, devant la tour Eiffel.
«Il y a eu un boom post-pandémie et on constate clairement un effet post-JO, regrette Anne Renaudie, présidente de l’association Vivre à Montmartre. On voit le développement d’une espèce de folklore avec des tours en side-car, en 2CV, en petits trains, etc. Après un deuxième événement cycliste, je suis sûre que quelqu’un va avoir l’idée d’organiser une location vélo en bas de la rue Lepic! Vous montez, quelqu’un récupère votre vélo en haut, un photographe vous prend en photo pour 20 euros et vous gagnez un jambon! Montmartre devient un parc d’attractions, et les événements sportifs, comme les films, ne font que concourir à la promotion d’un quartier. Y avait-il besoin de remettre Montmartre en lumière ? Non. C’est chouette, cette étape, mais il faut comprendre les répercussions derrière. »
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3 - Les coureurs passeront à trois reprises par la butte Montmartre. Le dernier passage est situé à 6,1 km de l’arrivée et pourrait bousculer le scénario habituel d’un sprint massif sur les Champs-Élysées.
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