POGACAR - Le coup de La Plagne


Sur le point de remporter son quatrième Tour, le Slovène masque de plus en plus difficilement sa lassitude de disputer des courses de trois semaines.

26 Jul 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS

LA PLAGNE (SAVOIE) – La veille, en haut du col de la Loze, il comptait les jours. Hier, sous un rideau de pluie, Tadej Pogacar égrenait carrément les dix-neuf kilomètres de l’ascension, les derniers de ce Tour qui lui semble interminable, entre la chute à Toulouse, la rencontre avec le coffre de la voiture de Visma au départ de Vif et le coup d’épaule involontaire d’un membre de la sécurité sur la ligne, à LaPlagne, après un sprint timide pour la deuxième place avec Jonas Vingegaard. Le Slovène, finalement troisième de la 19e étape, ne cache plus son empressement de plier les gaules et de rejoindre son domicile monégasque.

La dernière journée en haute montagne fut encore longue pour le champion du monde qui constate que son équipe, privée de Joao Almeida depuis Châteauroux, tire la langue chaque jour un peu plus, et lui-même commence à rouler sur la réserve. Hier, ses attaques à 14 puis à 7 kilomètres de l’arrivée n’avaient rien à voir avec les « fulguropoings » assénés ces derniers mois. Au pied de son car, son staff soufflait d’en finir avec la montagne – « il ne fallait pas une étape de montagne de plus» – et rembobinait une saison où il n’a pas tant couru (41 jours de course, contre 50 l’an passé à la même époque) mais où il a beaucoup gagné (15 victoires) et puisé dans des défis qui lui ont réussi (Strade Bianche, Tour des Flandres, Liège-Bastogne-Liège, Flèche Wallonne), d’autres qui lui ont résisté (Milan-San Remo, Paris - Roubaix).

« Bataille des nerfs » et signes d’agacement

« Je suis évidemment fatigué, admettait l’intéressé, hier. Et puis, ça n’a pas été facile, avec les coureurs qui m’attaquaient de tous les côtés, du premier au dernier jour, d’être concentré et motivé. Donc oui, je comptais les kilomètres, j’allais à mon rythme en espérant que personne n’attaquerait par-derrière.» Cette approche de petit comptable ne lui ressemble pas, mais parce que les années précédentes, il roulait «full gas» , comme il dit souvent, et qu’il offrait de la prise à son adversaire de VismaLease a bike (2022 et 2023), il a accepté de devoir gérer, contre-nature.Comme quand, de manière inexplicable, il n’est pas allé chercher Thymen Arensman, pourtant à portée de fusil dans le dernier kilomètre.

«On a surtout vu une bataille des nerfs, analysait après coup Mauro Gianetti, le manager général d’UAE. Vingegaard pensait que Tadej allait attaquer assez tôt pour revenir sur Arensman et sûrement que Tadej espérait que Vingegaard attaque également et puis, finalement, ni l’un ni l’autre n’a essayé. » Cette guéguerre psychologique, dont les deux équipes avaient usé l’an passé, lui pèse forcément et il s’ennuie probablement de devoir calculer ses coups de pédales, de constater que le vélo n’est plus un jeu.

Ce n’est pas la première fois qu’il montre des signes d’agacement. L’an passé, sur le Giro, il ne comprenait pas de devoir tous les jours «répondre aux mêmes questions » , de se plier à un protocole long et épuisant. Lors de la victoire de son équipier et ami Tim Wellens à Carcassonne, il a exprimé, bras levés et en soufflant, son exaspération face aux journalistes qui, à ses yeux, torpillaient leur bonheur partagé par des interrogations polémiques. À 26 ans, la pression fissure son image de gamin, qu’il n’est plus mais qui fonctionne encore à la carotte.

La Vuelta, de l’évidence à l’incertitude

Dans l’entretien que Jeroen Swart nous a accordé (voir page 12), le directeur de la performance de la formation émirienne cible sa fraîcheur mentale et se demande « combien de temps on peut le maintenir à ce niveau, et ce n’est plus une question d’âge mais principalement de motivation. Avec Tadej, le plus important est de maintenir son enthousiasme, et lui adore ce qui est nouveau, comme de s’essayer sur Paris-Roubaix ou tenter de gagner Milan-San Remo. Quelque part, le Tour est un casse-tête. Vous devez être bon sur les chronos, en montagne, rester en bonne santé, ne pas tomber, mais il n’y a rien de nouveau ( pour lui) ».

Si, l’an prochain, la quête d’un cinquième Tour sera paradoxalement plus simple pour lui, car il sera lié à l’histoire, se pose dorénavant la question de la Vuelta (23août-14septembre). En stage cet hiver, il avait été acté qu’il disputerait deux grands Tours (comme l’an passé) et, à partir du moment où le Giro a été rayé de son agenda, il semblait évident qu’il irait en Espagne à la fin de l’été, là où il s’était révélé pour la première fois sur un grand Tour (3e du général et trois victoires d’étapes en 2019) et qu’il aimerait remporter.

À l’entendre pendant la Grande Boucle, ce n’est plus du tout sûr, et son staff, pour le préserver, n’en fait pas des tonnes sur le sujet. «Je ne sais pas si je veux passer encore un mois entier loin de la maison» , a avoué Pogacar. En revanche, les Championnats du monde au Rwanda, sur quelques jours fin septembre, avec la perspective de garder son maillot arc-en-ciel, ça, oui, cela l’excite encore.

***


Encore raté pour Vingegaard

Sa deuxième place au général actée, le Danois visait la victoire d’étape hier. Il a fini devant Tadej Pogacar mais a manqué le coche, battu par Thymen Arensman.

26 Jul 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT

LA PLAGNE (SAVOIE) – Rigolard, Jonas Vingegaard a rejoint son bus, en blaguant avec Krists Neilands (Israel-Premier Tech), tandis que, quelques minutes plus tôt, Sepp Kuss pouffait auprès de Victor Campenaerts : « Quand je t’ai entendu demander “tu veux que je fasse le rythme?”, je me suis dit “oh, Viki est dans un bon jour!” », lâchait l’Américain.Jonas Vingegaard, hier dans la montée vers La Plagne, n’a pas réussi à gagner la 19e étape du Tour de France.

Ambiance décontractée chez les VismaLease a bike, passés proches d’une victoire d’étape, ce qui prouve bien qu’ils ont déjà acté, et digéré, leur échec dans ce Tour. « Tadej (Pogacar) est extrêmement fort, le plus fort. Il mérite de gagner, il faut savoir l’accepter et, désormais, je l’accepte » , avouait hier soir le Danois.

La veille, il avait promis qu’il tenterait encore, mais la nuit a porté conseil aux « Frelons », et le seul objectif, au départ d’Albertville, était de « tenter de gagner l’étape, expliquait Grischa Niermann, le directeur sportif. On savait que Tadej la voulait aussi, qu’UAE allait contrôler l’échappée, donc ça n’avait pas de sens d’attaquer tôt. Oui, on a vu Primoz Roglic faire “all in” dans la première ascension (en s’échappant), on aurait pu faire pareil avec Jonas, il y avait peut-être 0,1 % de chance que ça fonctionne… On savait que ça n’allait pas passer, donc on a joué l’étape. »

Il a préféré faire perdre Pogacar plutôt que de tenter de gagner

Le maillot à pois (par procuration) a donc joué petit bras, profité du travail de son adversaire dans l’ultime ascension vers La Plagne. Et l’a suivi, quand le Maillot Jaune a attaqué. « On a vu que Jonas était encore très fort, se félicitait son directeur sportif. Il a pu rester dans sa roue, garder des forces, il a très bien manoeuvré mais, finalement, ils n’ont pas pu revenir sur (Thymen) Arensman et gagner l’étape. »

Car si le plan de laisser rouler Pogacar a fonctionné, il y a eu un hic. Parti à 13 kilomètres du sommet, Arensman n’a jamais été repris, Vingegaard échouant à quelques mètres du Néerlandais d’Ineos. « Si Jonas avait lancé plus tôt, ils auraient pu le reprendre mais il y avait de grandes chances que Pogacar déborde Jonas ensuite » , résumait Niermann. Faire perdre Pogacar plutôt que tenter de gagner, donc.

« En Belgique, on dit que quand deux chiens se battent pour quelque chose, c’est souvent le troisième qui le prend » , imageait Campenaerts.

Le double vainqueur du Tour va ainsi quitter l’édition 2025 sans un os à ronger, puisque les deux dernières étapes ne lui conviennent pas.

« Mais on n’est pas déçus, promettait le moustachu belge. Il y a un coureur plus fort, le meilleur du moment et peut-être de l’histoire, et nous, nous avons le deuxième meilleur. »

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