Sur le Tour, pas de chtis miracles à attendre
La 112e édition s’élance ce samedi depuis Lille, qui accueille le Grand Départ pour la cinquième fois de son histoire.
Côté course, l’affaire devrait se résumer à un duel entre Tadej Pogačar et Jonas Vingegaard, avec Remco Evenepoel en trublion.
Le Slovène, qui écrase tout sur son passage depuis plus d’un an, sera-t-il à la hauteur de son indécente domination, sur tous les terrains et toute la saison?
4 Jul 2025 - L'Humanité
Lille (Nord), envoyé spécial. JEAN-EMMANUEL DUCOIN
Après la canicule, les paysages du Nord se sont soudain rafraîchis à la ferveur d’un enthousiasme spectaculaire qui balayait toute morosité. Bienvenus à Lille, pour le Grand Départ de la 112e édition du Tour de France, ce samedi 5 juillet, quand les 184 coureurs s’élanceront pour trois semaines de labeur, 21 étapes et 3339 kilomètres. Dans le centre et le coeur de la capitale des Flandres, ce jeudi, un parfum de feuilles tendres projeté par les vents flottait dans le chaos préparatoire de la Grande Boucle. Une impression de bonheur.
Et puis, Grand’place, sous un soyeux soleil, des dizaines de milliers de personnes ont commencé à converger pour la présentation officielle des équipes. Dans cette chaleureuse ambiance de kermesse ensoleillée et dispendieuse en cris, nous entendions l’amour du Peuple à l’heure des retrouvailles. Beau à voir, cet amour populaire d’un des lieux uniques dans l’histoire du cyclisme à la mémoire racinaire. Cinquième départ de Lille, depuis la Seconde Guerre mondiale, sur une terre où la pratique de la Petite Reine a rencontré la culture ouvrière, avec Paris-roubaix comme Monument. Qu’on s’en souvienne : les Chtis aiment tellement le vélo que tous les passionnés voudraient être nés ici…
27 NATIONALITÉS DIFFÉRENTES AU DÉPART, UN SEUL AFRICAIN
Pour les amateurs des batailles vers les sommets, il faudra patienter. Mais attention néanmoins. Côtes qui s’enchaînent, bordures, vent, final explosif, petites routes, puncheurs, baroudeurs ou favoris : jusqu’à vendredi prochain à Mûrde-bretagne, le Tour s’annonce sans répit pour le peloton, qui va s’user physiquement et psychologiquement… avant d’attaquer la montagne (Le Mont-Dore) puis la haute montagne, les Pyrénées d’abord, le Ventoux ensuite, enfin les Alpes. Une seule question hante tous les suiveurs : le triple vainqueur (2020, 2021 et 2024), le Slovène Tadej Pogačar, qui écrase tout sur son passage depuis plus d’un an, sera-t-il à la hauteur de son indécente domination, sur tous les terrains et toute la saison, lui l’auteur consentant de tant de folies que les mots finissent par manquer ? D’ailleurs, attendra-t-il les pentes vertigineuses pour mettre la main sur l’épreuve ? Ce qui induit une autre interrogation : le Danois Jonas Vingegaard, lauréat en 2022 et 2023, laminé sur le dernier Dauphiné par le Slovène et manifestement meurtri moralement, retrouvera-t-il ses capacités d’antan pour oser défier son éternel concurrent ?
Sachant que le Belge Remco Evenepoel s’avance une nouvelle fois tel un épouvantail, nous pourrions très bien honorer les trois mêmes hommes que l’an dernier sur le podium final des Champs-Élysées, et probablement dans le même ordre. Qui en doute, en vérité? Qui osera avancer les noms d’autres prétendants?
Voilà pour le suspense, quasi inexistant. Le Tour, qui retrouve dans le Nord ses traditions et ses rites dans la candeur de juillet, chaque année répétée, continue de nous troubler parce qu’il nous parle d’un pays proche et d’un monde lointain. Pour la cinquième année de suite, 27 nationalités différentes sont au départ. Notons que l’érythréen Biniam Girmay est le seul représentant africain, alors que chaque édition depuis 2015 avait accueilli au moins deux coureurs du continent. Réjouissons-nous a minima. Si les Français n’espèrent évidemment que des victoires d’étapes (Martinez, Barré, Champoussin, Vauquelin ou Vercher ?), ils sont, comme en 2024, les plus représentés (38), devant les Belges (30) et les Pays-Bas (13). Nous attendons de nos Tricolores quelques coups d’éclat, faute de trouver parmi eux un successeur à Bernard Hinault, dont nous fêtons les quarante ans de son dernier triomphe en jaune.
LE RÉCIT QUOTIDIEN DES FORÇATS DE LA ROUTE
Quant au chronicoeur, sachez-le. Pour sa 36e participation au Tour, il vit cette année une réelle distorsion du temps, sinon une douce schizophrénie. Pas au sens médical, rassurez-vous. Mais du côté de ses attributions. À la fois le récit quotidien des Forçats de la route pour le journal fondé par Jean Jaurès et, dans le même mouvement, la représentation, comme rédacteur en chef, de Miroir du cyclisme, dont la republication ne passe pas inaperçue dans la caravane. Tout en double en somme. Un bon présage, non?
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