10 000 mètres : Jimmy Gressier


Photo David J. Phillip. AP - Le Français Jimmy Gressier 
après sa victoire au 10 000 mètres, dimanche à Tokyo.

Le natif de Boulogne-sur-Mer s’est imposé à Tokyo dimanche. Il est le premier Français champion du monde sur cette distance.

Alain Mercier
15 Sep 2025 - Libération

Soyons honnête: la finale du 10000 m masculin, dimanche à Tokyo, ne figurait pas en tête de liste des moments forts d’une soirée où la fédération internationale d’athlétisme (World Athletics) avait eu l’improbable idée de caser en toute fin de programme les deux finales du 100 m, hommes et femmes, en moins de dix minutes. Avec ses 25 tours, la course la plus longue du stade avait tout, pour le public, d’un trop copieux et interminable plat de résistance. Et, pour ses concurrents, d’une guerre d’usure contre la chaleur et l’humidité à l’issue très incertaine.

«Défi». Mais un Français au visage mangé par une courte barbe blonde, fort en gueule mais fin comme une sardine, a déjoué tous les pronostics. Par la grâce d’un finish de meurt-de-faim, il a renvoyé par le fond les certitudes des habituels maîtres du jeu, Ethiopiens et Kényans, réveillé un stade gagné par la torpeur et écrit une page d’histoire. Son nom: Jimmy Gressier. A 28 ans, le Nordiste né et élevé entre football et athlétisme à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), dans le quartier du Chemin vert, a offert aux Bleus une médaille d’or qu’ils n’avaient jamais imaginée possible, même en rêve. Il a décroché le premier titre mondial de l’histoire de l’athlétisme français sur une distance supéhommes rieure au 800 m. Le chrono ? Il est sans importance. Avec une météo affichant 29 degrés au moment du départ et 80 % d’humidité, se cogner un 10 000 m sur piste frise la folie douce.

L’accompagner d’un temps record n’est tout simplement pas humain. Avec son chrono final de 28’55’’77, six centièmes de mieux que l’Ethiopien Yomif Kejelcha, Jimmy Gressier n’a pas secoué les stats. Personne ne lui en voudra. Mais l’essentiel était ailleurs. Il l’avait annoncé depuis plusieurs mois : «Cette année, les records ne m’intéressent pas. Il est temps pour moi d’aller chercher des médailles, et même des victoires. Je ne m’interdis aucun rêve et ne reculerai devant aucun défi.»

Souvent montré du doigt au bord des pistes d’athlétisme comme un fort caractère, punchy dans ses déclarations mais pas toujours très diplomate, Jimmy Gressier n’a jamais renié ses origines modestes et son parcours sans angle mort. Elevé dans une famille nombreuse –cinq frères et soeurs – où le père, ancien boxeur, savait montrer la marche à suivre, il aime répéter avoir longtemps considéré le sport comme un ascenseur social. De son enfance à Boulogne-sur-Mer, il se souvient avec tendresse des «moments simples» vécus avec ses potes : jouer au foot sur la plage, aller pêcher entre les bateaux, s’offrir une virée à la friterie du port.

L’an passé, il a cassé sa tirelire pour acheter plus d’une trentaine de places pour la finale du 10 000 m des Jeux de Paris 2024, puis les offrir à sa famille, ses proches et ses copains d’enfance, avant de louer un bus pour leur virée au Stade de France. «Ce que je suis devenu, comme athlète et comme être humain, je le dois beaucoup à mes origines et à tous ceux qui m’ont accompagné depuis l’enfance», suggère-t-il. Plus gênant, une enquête pour harcèlement sexuel en février 2024, à la suite d’un signalement quatre mois plus tôt par une ancienne partenaire d’entraînement. Il a contesté les faits. L’affaire a été classée sans suite.

Fin août, un succès de prestige sur 3 000 m en finale de la Ligue de diamant, à Bruxelles, avait donné un peu plus d’épaisseur à ses ambitions planétaires. «La plus belle victoire de ma carrière», avait-il certifié en recevant le bouquet du vainqueur. Dimanche soir, une dernière ligne pour l’histoire, avalée dans une grimace, les poings serrés et la rage dans les yeux, a recalé son tour de force bruxellois au second rang de ses états de service.

«Force mentale». «C’est un rêve d’enfant qui se réalise, a-t-il confié dans le stade de Tokyo, les épaules couvertes d’un drapeau français. J’ai toujours cru qu’un athlète, lorsqu’il entre sur la piste, peut réussir de grandes choses. Ma carrière le démontre. Certains ont pu douter de mon finish, mais j’ai toujours cru en moi. J’avais dit que je venais pour une médaille. Dans le dernier tour, j’avais une très grande force mentale. Je suis passé troisième, puis deuxième, puis j’ai vu l’or devant moi. Après en avoir discuté avec Jakob [Ingebrigtsen, le Norvégien double champion olympique, ndlr], j’ai modifié cette année mon entraînement. Il me disait que j’en faisais trop. Aujourd’hui, je contrôle mieux les choses.» Une soirée pour l’éternité. 
A.Me. (à Tokyo)

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