VINGEGAARD Vainqueur par chaos
À 56 km de l’arrivée, hier, la course est définitivement arrêtée et Jonas Vingegaard,
ici au côté du maillot vert, Mads Pedersen, est déclaré vainqueur.
Le Danois a remporté la première Vuelta de sa carrière sans avoir été fêté puisque la dernière étape, à Madrid, n’est pas allée à son terme en raison des manifestations pro-palestiniennes.
Vingegaard dut compter ses coups de pédale face au train mené par Almeida
15 Sep 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
MADRID – Les organisateurs de la Vuelta voulaient absolument rejoindre Madrid, ils ont vu des milliers de personnes remonter le Paseo del Prado, envahir la route de la course à un peu plus de 500 mètres de la ligne d’arrivée, avec les mêmes couleurs depuis l’arrivée de l’épreuve sur les terres espagnoles : le noir, le blanc, le rouge et le vert de la Palestine.
La journée avait pourtant débuté dans la légèreté, le peloton s’élançant comme de coutume pour une parade avec les flûtes de champagne, les jolies photos de l’équipe Visma rendant hommage à la victoire finale de Jonas Vingegaard mais aussi à Axel Zingle et
Victor Campenaerts, qui avaient dû abandonner quelques jours plus tôt. L’équipe UAE EmiratesXRG, également, posa pour les photographes et si elle fut la formation qui amassa le plus de succès (7 victoires d’étape), si elle termine à la première place du classement des équipes, sur le cliché, elle semblait désunie, loin de la force collective néerlandaise qui a résisté à toutes les attaques de ses adversaires.
Des slogans hostiles à tout le peloton
Pendant ce temps, la capitale espagnole voyait défiler la population en habits du dimanche, dans la torpeur d’un été indien mais, au fur et à mesure que l’on s’approchait de l’épicentre de la course, le long du Paseo del Prado, la tension devenait évidente, à la vue des forces de police, plus nombreuses que les jours précédents, des drapeaux (accrochés même aux poussettes) et des keffiehs qui se multipliaient. Les slogans, eux, se montraient de plus en plus hostiles à Israël, à l’équipe Israel-Premier Tech et à tout le peloton en général. La première alerte eut lieu, en début d’après-midi, Plaza de Colon, quand le centre culturel de la Villa fut évacué en raison de la présence de contestataires juste au-dessus de l’édifice enterré en sous-sol. Puis, plus loin, sur le Paseo del Prado, où l’arrivée devait être jugée, les drapeaux danois pour Jonas Vingegaard, drôle de vainqueur malgré lui du classement final, ceux colombiens d’Egan Bernal, se trouvaient en minorité. L’ambiance prenait une tournure mortifère quand un cortège défila avec dans les bras de l’homme de tête, un petit paquet caché dans un linceul blanc et ce message crié: «C’est un enfant palestinien mort.»
Le podium final sur le parking d’un hôtel madrilène
Daniel est fou de vélo, il le pratique mais, comme d’autres Madrilènes, il était en première ligne au moment où la dernière étape a basculé, vers 18 heures: «C’est le plus beau sport du monde mais face à un génocide, on ne peut pas rester silencieux, on doit dénoncer ce qu’il se passe. C’est plus important qu’une course de vélo. » Les premières barrières venaient de voler au sol, les policiers fuyaient le cortège, le long du musée du Prado, qui se nourrissait des émeutiers venus des rues adjacentes.
Quelques minutes après, les forces de l’ordre chargeaient mollement, les contestataires reculèrent de quelques mètres pour la forme mais sans s’écarter du tracé de la course, à 500 mètres de la ligne, où ils continuaient de scander « Ce n’est pas notre monde, c’est un génocide » pour dénoncer les opérations militaires menées par Israël à Gaza en réponse à l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. Il devenait alors évident que la dernière étape de cette Vuelta, déjà marquée par des débordements à Bilbao, à Castro de Herville et à Valladolid (trois étapes rabotées), lors du contre-la-montre par équipes (l’équipe israélienne avait été gênée dans sa progression), n’irait pas à son terme, le peloton étant stoppé peu avant le Palais Royal, à 56 kilomètres de l’arrivée.
Cela faisait une semaine que les équipes s’en inquiétaient; une semaine que les organisateurs, dépassés par la mobilisation populaire et le contexte politique (le Premier ministre Pedro Sanchez avait encore dit son admiration pour les manifestants pro-palestiniens), juraient qu’il n’y avait pas de «plan B» et que la Vuelta «irait jusqu’à Madrid » (Javier Guillen, son patron). De fait, hier, il n’y eut ni vainqueur de la 21e étape promise à un sprinteur ni protocole, même si le podium pour saluer la troisième victoire sur un grand Tour, après deux Grandes Boucles (2022 et 2023), de Jonas Vingegaard, se tenait finalement, à l’improviste sur le parking d’un hôtel madrilène, à l’initiative des équipes.
Le Danois avait débuté fort sa campagne espagnole, en s’emparant du maillot rouge dès la deuxième étape, qu’il remporta à Limone Piemonte, avant de le céder à David Gaudu puis de l’enfiler de nouveau, une journée seulement. Il le reprit à la faveur de son succès à Valdezcaray, lors de la 9e étape, une bonne idée puisque, malade, le leader de Visma-Lease a bike dut ensuite compter ses coups de pédales face au train mené par Joao Almeida et ses lieutenants. Déçu de ne pas s’imposer à l’Angliru, il comprit, ce jour-là, qu’il n’aurait plus assez de gaz pour s’imposer largement et il se contenta de suivre le Portugais.
Samedi, il termina malgré tout en beauté, en prenant le large à une borne du sommet de Bola del Mundo, pour asseoir sa domination au général. Évidemment, à la lecture des événements extra-sportifs, il n’est pas certain que, dans quelques années, l’édition 2025 retienne en premier sa victoire sur cette Vuelta.
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EN BREF
JONAS VINGEGAARD (DAN)
28 ans. 1,75kg ; 58kg.
Équipe : VismaLease a bike.
Ses principales victoires : 2 Tours de France (2022, 2023) +4 étapes (2 en 2022, 1 en 2023, 1 en 2024) ; 1 Vuelta (2025) + 5 étapes (2 en 2023, 3 en 2025) ; Tour du Pays basque 2023 ; Critérium du Dauphiné 2023 ; TirrenoAdriatico 2024 ; Tour de Pologne 2024...
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