Wilfried Nancy, l’entraîneur de football français qui a séduit l’amérique


Modeste joueur professionnel, le technicien champion de MLS sur le banc de Colombus a été décoré à la Maison-blanche.

1 Mar 2025 - Le Figaro
Ethan Daudel

Il faut attendre son tour pour poser ses questions. Avant la reprise du championnat américain, Wilfried Nancy a vu les sollicitations se multiplier et commence avec le sourire : « On ne va pas se plaindre, parfois, on nous oublie. Quand on ne nous oublie pas, c’est bon signe.» Si ce nom évoque peu de chose à première vue, c’est parce que cet ancien joueur professionnel français n’a jamais atteint les sommets et s’est contenté de matchs en deuxième division, de Toulon à L’US Raon-l’étape dans les années 19902000. En 2005, conscient qu’il ne trouverait pas la gloire dans l’hexagone, il fait ses bagages, met le cap sur le Canada, où il gravit les échelons, de l’académie du club de l’impact de Montréal au poste d’entraîneur adjoint de Rémi Garde, puis de Thierry Henry, avant d’atteindre en 2023 le sommet de la MLS, la Ligue de football nord-américaine, avec Colombus Crew, et de finir décoré à la Maisonblanche en septembre dernier.Wilfried Nancy donne ses consignes pendant le match remporté 4-2 par Columbus Crew face au Chicago Fire FC, lors de la 1re journée de MLS, le 23 février.

S’il rêvait d’abord de jouer dans les meilleurs championnats du monde, Wilfried Nancy ne s’est pas fait trop d’illusions et a vite pensé à devenir entraîneur : « Je savais que mon style de jeu ne plaisait pas à l’europe et qu’un jour j’entraînerais. Tout petit, déjà, quand je ne jouais pas, je m’occupais des U11 ou les U13 de mon club les dimanches. » C’est en 2005, après la fin de son aventure à Orléans, qu’à 28 ans il franchit le pas. « J’avais l’opportunité de signer dans un club du sud de la France et d’avoir un poste tranquille à la mairie ; finalement, j’ai préféré prendre mon sac à dos et tout quitter pour tenter l’aventure américaine un an. Après trois mois, j’ai su que j’y resterais longtemps. »

Le rêve américain lui a souri. À son arrivée, il jongle entre les matchs sur les terrains d’une université québécoise et sur le banc d’une jeune équipe. Les années passent et sa carrière prend un tournant, en 2012, avec l’arrivée de l’impact de Montréal au sein du championnat américain. S’il commence sur le banc des jeunes, de fil en aiguille, il va devenir entraîneur adjoint de l’équipe principale, l’occasion de seconder une vieille connaissance de 2019 à 2021, Thierry Henry. « On se connaissait bien, on jouait la Gambardella en même temps, moi avec Toulon et lui avec Monaco, on était potes. » Quand Henry quitte précipitamment la tête de l’équipe, Nancy est promu entraîneur. L’année suivante, il établit le record de sa formation avec 20 victoires en une saison. Une performance qui tape dans l’oeil de Colombus Crew, une équipe américaine qui l’engage, la suite relève du conte de fées.

«Jamais je n’aurais pensé entraîner en Amérique », révèle celui qui a permis au Crew de décrocher en 2023 le troisième titre de champion de MLS de son histoire (après 2008 et 2020). À 47 ans, il est le premier entraîneur français à soulever le trophée de la ligue nord-américaine et il a basculé dans une autre dimension. Avec un style de jeu distingué et plaisant, il est devenu, en l’espace d’un an, la coqueluche du championnat. Mais il garde les pieds sur terre. « Je sais qu’il faut être ambitieux et confiant pour ne pas se faire manger, mais on doit aussi rester humble. »

Il est aussi devenu le premier entraîneur noir à soulever ce trophée. « La première fois qu’on m’a dit ça, j’étais fier, mais, d’un autre côté, j’avais envie de pleurer, parce que ça ne devrait plus exister, on est au XXIE siècle, je ne vois pas comment on peut encore en être là », regrette-t-il.

Souvent interrogé sur ce sujet, il explique qu’il est important d’«éduquer les gens », mais révèle en avoir « marre » et être « fatigué » d’y répondre. Il précise : « J’ai des compétences, on s’en fout de la couleur, même si les choses ont évolué, le racisme est toujours là, c’est un virus.»

Depuis son arrivée sur le continent américain, à son échelle, Wilfried Nancy combat le racisme et essaie de changer «la mentalité des décisionnaires» pour leur faire comprendre que « tout est une question de compétence ».

En septembre dernier, la Maisonblanche a ouvert ses portes à celui qui a été élu meilleur entraîneur de l’année 2024 dans son championnat pour le décorer. « Je ne peux pas décrire ce que j’ai vécu, raconte-t-il. J’ai toujours été fasciné par les États-unis, c’est marrant de voir un petit cul comme moi, qui vient de Toulon, faire un discours à la Maison-blanche. Dès que j’ai mis les pieds dedans, des dizaines d’émotions me sont venues, j’ai passé cinq heures inoubliables. »

Le championnat américain, une ligue en plein essor

Une ligue fermée et sans relégation est tout de suite moins vendeuse que les gros championnats européens. Pourtant, la MLS sait séduire progressivement. Plongé dans l’ambiance nord-américaine depuis plus de dix ans, Wilfried Nancy ressent son évolution. « Il a fallu un temps d’adaptation, la culture nord-américaine, habituée à l’ambiance plutôt relax du basket ou du football américain, a été progressivement éduquée à celle d’amérique du Sud, avec des supporteurs très vocaux pour le foot, explique-t-il. On joue dans des stades de 6000 à 30000 personnes. Chez nous, c’est un mini-dortmund, on est complets à tous nos matchs avec 22 000 places, les propriétaires regrettent qu’on n’ait pas eu une capacité de 30 000, car on l’aurait rempli. »

Plusieurs éléments expliquent cet essor croissant. D’abord, l’arrivée en 2023 de l’octuple Ballon d’or Lionel Messi à l’inter Miami. « Depuis qu’il est là, l’engouement autour de la MLS a été multiplié par 1 000. » En plus de l’argentin, le spectre de la Coupe du monde 2026 a obligé les Américains à mettre les grands moyens pour faire du foot un sport populaire et reconnu. « Ici, ils sont bons pour s’inspirer de ce qui se fait de mieux et y ajouter leur touche, les gens vont être surpris de l’ambiance et de l’effervescence pour la Coupe du monde, on n’a rien à envier à la France et à l’europe », promet l’entraîneur.

Sportivement aussi le championnat a passé un cap depuis 2019, fini les équipes composées d’anciennes stars en bout de course. Face à la concurrence des équipes mexicaines et au niveau de l’équipe nationale américaine en déclin, les clubs privilégient des effectifs beaucoup plus jeunes. «Les joueurs plus âgés qu’ils continuent de prendre ont encore de bonnes capacités physiques, Giroud par exemple ne vient pas en préretraite, il joue souvent et bien », précise Wilfried Nancy.

Sa saison 2025 a bien débuté avec Colombus Crew dimanche dernier, avec un succès face au Chicago Fire (4-2). Dans les petits papiers de Rennes et de Saint-étienne ces derniers mois, le natif du Havre s’est dit flatté, mais a choisi de continuer son aventure américaine avant de (peut-être) retourner en Europe dans un futur proche.

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