Un rêve nouveau


Trente-deux ans après l’inoubliable «Dream Team» de Barcelone, les États-Unis ont assemblé un nouvel effectif hors norme pour les Jeux de Paris. Mais la comparaison entre les deux équipes est un exercice à manier avec précaution.

23 Jul 2024 - L'Équipe
AMAURY PERDRIAU et GAÉTAN SCHERRER

Jordan - James 
Les patrons 

LONDRES – Une évidence pour commencer : le petit jeu de la comparaison entre la Dream Team de 1992 et celle assemblée pour les Jeux de Paris cet été, trente-deux ans plus tard, ne constitue rien d’autre… qu’un petit jeu, précisément. Le basket a trop changé en trois décennies pour que l’analogie entre ces deux effectifs de légende soit recevable, surtout si l’on juge la qualité d’une équipe à celles des adversaires qu’elle a vaincues.

Le tournoi olympique de Barcelone avait été si facile pour Michael Jordan et ses compères que Chuck Daly, le sélectionneur d’alors, n’avait pas eu à demander un seul temps mort de toute la compétition. Grâce aux stars qui la constituaient, bien sûr, mais aussi parce que le jeu avait à peine entamé son processus de globalisation. «Notre équipe est sans doute aussi forte que la Dream Team, mais en 1992, le monde n’était pas aussi bon qu’aujourd’hui, loin de là, résume Steve Kerr, qui a repris la sélection américaine il y a trois ans. À l’époque, seule la Yougoslavie aurait pu mettre les Américains en difficulté, mais la Serbie et la Croatie venaient alors de gagner leur indépendance.

Ils n’ont donc jamais été menacés. Notre équipe est peut-être aussi forte, mais le niveau global a évolué. C’est un défi bien plus difficile qui nous attend à Paris.»

La victoire quasi miraculeuse obtenue face au Soudan du Sud (101-100), samedi lors de l’avant-dernier test des Américains en préparation du tournoi olympique, avant leur succès à peine plus net contre l’Allemagne hier (92-88), l’a prouvé dans des proportions auxquelles ils ne s’attendaient sans doute pas. Cela étant dit: jouons.

Les deux effectifs ont ceci de commun qu’ils ont chacun été emmenés par le plus grand joueur de leur temps. Mais si LeBron James (39 ans) est aujourd’hui au crépuscule de sa carrière, Michael Jordan (29 ans à l’été 1992) était arrivé aux Jeux de Barcelone encore en pleine ascension. Il sortait de play-offs majestueux à 34,5 points de moyenne, dans des défenses plus resserrées et où les coups de sifflet étaient bien moins faciles à obtenir.

Il venait d’épingler à son palmarès son deuxième titre NBA (sur six) et n’était pas encore considéré comme le meilleur joueur de l’histoire du basket, puisqu’il n’avait alors « que » huit saisons pros dans les jambes, soit treize de moins que James actuellement. L’ailier des Lakers, capitaine du Team USA à Paris (Jordan avait laissé ce rôle au duo Larry Bird - Magic Johnson), fait office de vieux sage. Il participe à sa quatrième campagne olympique, vingt ans (!) après le bronze amer des Jeux d’Athènes, en quête d’un troisième titre après Pékin (2008) et Londres (2012).

Bien plus de similutudes entre eux que de dissemblances

Le «King» se présente à la fois comme le leader sportif (il a fini la phase de préparation deuxième scoreur et meilleur passeur de l’effectif américain) et l’âme de la sélection actuelle, voire de la délégation américaine tout entière, dont il sera le porte-drapeau. L’un était une légende en construction quand l’autre a déjà tout gagné. L’un arrivait au sommet de son art en 1992, l’autre défie le temps en s’y maintenant depuis près de quinze ans. Mais les deux joueurs, trop souvent mis en opposition alors qu’ils n’ont jamais joué en même temps (Jordan s’est arrêté en 2003, l’année où James a débuté en NBA), ont bien plus de similitudes que de dissemblances, surtout en sélection, où ils sont amenés à prendre moins de responsabilités offensives (Jordan, 14,9 points de moyenne, n’était même pas le meilleur marqueur de la Dream Team).

Aux Jeux, les qualités qui les démarquent du commun des mortels sont les mêmes: la supériorité athlétique, la polyvalence, le leadership et l’altruisme.

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1992,un banc de légendes

Clyde Drexler, Chris Mullin (au milieu de la photo) et David Robinson avaient été élus en 1992 dans le meilleur cinq de la saison NBA. Ils ont pourtant débuté la finale des Jeux de Barcelone en tant que remplaçants, un drôle de sort également réservé au triple MVP Larry Bird, au meilleur passeur de l’histoire John Stockton (à gauche) et à son équipier Karl Malone, ainsi qu’au surpuissant Charles Barkley (à droite) – cequinel’avaitpasempêché pas de finir meilleur scoreur américain du tournoi (18 points de moyenne, à 71% aux tirs).

La profondeur du banc de la Dream Team est sans équivalent dans l’histoire olympique. Elle est d’autant plus impressionnante qu’une partie de ces superstars se trouvaient dans leur «prime» pendant les Jeux de Barcelone (Drexler avait emmené Portland en finale NBA, Robinson avait été nommé meilleur défenseur de la ligue, Barkley sera élu MVP en 1993).

Cette année, des stars mais 
pas encore des superstars

Le banc des États-Unis en 2024 est très riche aussi, mais moins confirmé, à l’image de Tyrese Haliburton (24ans) et Anthony Edwards (22 ans), qui avaient pris une petite claque l’an passé dans le dernier carré de la Coupe du monde (défaites contre l’Allemagne et le Canada), ou de joueurs comme Devin Booker, Anthony Davis et Bam Adebayo, éléments majeurs mais qui ne sont pas des numéros 1 dans leur franchise.

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Johnson - Curry
Meneurs « Magic »

Privé de saison NBA en 1991-1992 à la suite de l’annonce choc de sa séropositivité, Earvin «Magic» Johnson n’avait disputé qu’une rencontre avant d’entamer la campagne des Jeux de Barcelone: le All-Star Game, en février. Malgré ce hiatus, le Laker de 32ans n’avait rien perdu de son sens du jeu étourdissant et avait fini deuxième meilleur passeur de la sélection américaine en Espagne (5,5 assists de moyenne).

Stephen Curry, 36ans déjà, sera moins responsabilisé sur l’organisation du jeu de Team USA, dont il tentera de sublimer l’attaque grâce à son shoot à trois points dévastateur, arme qui a révolutionné le jeu pratiqué en NBA depuis son arrivée chez les pros en 2009. Le sens du show des deux meneurs est un point commun qui promet, comme en 1992, de faire chavirer le public de 2024 à chaque arabesque.

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Pippen - Tatum
Agents doublés

Comme Michael Jordan, Scottie Pippen n’avait pas prévu de participer aux Jeux en 1992. Ce n’est qu’en comprenant qu’une équipe de rêve se préparait qu’il a changé d’avis. Les deux compères des Bulls en ont profité pour devenir les premiers joueurs de l’histoire à cumuler bague NBA et or olympique sur un même été. Une courte liste (depuis complétée par LeBron James – en 2012 –, Kyrie Irving – en 2016 –, Jrue Holiday et Khris Middleton – en 2021) que Jayson Tatum, champion avec Boston, peut ambitionner d’intégrer (avec Derrick White).

En 1992, Pippen, troisième plus gros temps de jeu de son équipe (21,4 minutes), avait terminé meilleur passeur américain (5,9 offrandes) et s’était distingué en défense (3 interceptions par rencontre). Tatum, élégant ailier et fort attaquant parfois posé en héritier de Kobe Bryant, occupera un rôle moins prépondérant cette année.

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Bird - Durant
Une fin sans les moyens

Il avait fallu convaincre Larry Bird, 35 ans et déjà retraité en NBA, de traîner son dons meurtri jusq natal, n'avait même pas pu assister à la cérémonie d'ouverture, incapable de rester quatre heures debout. Lors qu'il ne jouait pas (18 minutes en moyenne, 8,4 points), le triple MVP passait son temps allongé sur le ventre, devant le banc. Joueur d'appoint de luxe, il reimporta ainsi sa seule medaille d'or olympique.

Kevin Durant vise, lui, le quatre à la suite (2012, 2016, 2021), pour effacer le record codétenu avec Carmelo Anthony. L'ailier de Phoenix, 35 ans également et aussì indéfendable que l'etait Bird dans les années 1980, a été freiné par un mollet récalcitrant sur la préparation et pourrait lui aussi s'en tenir à un rôle limité.
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Ewing - Embiid -
Une histoire en commun

Une requête sur la Toile redirige vers cette question : « Embiid est-il un Ewing 2 ? » Les similitudes entre les deux pivots, 2,13m sous la toise, sont troublantes: palmarès NBA vierge, domination brute et physique près des paniers et, surtout, un statut de naturalisé en équipe nationale (Ewing est né en Jamaïque, Embiid au Cameroun).

En 1992, l’ancien intérieur des Knicks ne découvrait pas la sélection américaine, avec laquelle il avait remporté l’or en 1984, à côté de Michael Jordan, à l’époque où elle était composée de joueurs universitaires. Courtisé par la France, Embiid n’a prêté allégeance aux Américains qu’en octobre dernier. Et n’a pas tout à fait trouvé sa place dans ce collectif de stars, même s’il figure devant Anthony Davis et Bam Adebayo dans la hiérarchie. Ewing partageait lui l’affiche avec David Robinson et Karl Malone. Rien que ça.

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1992-2024 : 
un vrai match, une autre histoire

La Dream Team avait entamé son tournoi olympiqueenpassantun46-1auxAngolais (116-48 au final), dont Charles Barkley avait déclaré avant le match qu’il «ne savait rien, si ce n’est qu’ils sont dans le pétrin » . La troupe de Michael Jordan avait fini par gagner ses sept matches avec un écart moyen de 43,8 points: en finale, la Croatie de Drazen Petrović leur avait tenu tête dix minutes (23-22) avant de s’incliner de «seulement» 32 unités. Du reste, leurs adversaires étaient si ébahis de se retrouver sur le même parquet que les Américains que certains leurs demandaient photos et autographes avant de les affronter.

Depuis, le monde du basket a évolué. Il s’est épaissi. Les États-Unis demeurent une référence, mais ils ne sont plus seuls. En 1992, l’équipe type de la saison NBA était composée de cinq joueurs US. Cette année, elle comprend un Canadien (Shai Gilgeous-Alexander), un Serbe (Nikola Jokic), un Grec (Giannis Antetokounmpo), un Slovène (Luka Doncic) et Jayson Tatum.

Plus de joueurs MVP 
et de sélections au All-Star 
Game dans la version 2024

Cela ne veut pas dire que la sélection américaine qui s’apprête à démarrer les Jeux de Paris n’est pas aussi forte que celle de Barcelone. Svetislav Pesic, le sélectionneur serbe, la juge même potentiellement supérieure. « Cet effectif est plus fort que la Dream Team, affirme-t-il. J’étais là à Barcelone, je coachais la sélection allemande: à l’époque, on arrivait à peine à croire que de tels joueurs existaient. Plus maintenant.»

La sélection américaine de 2024  est-elle aussi impressionnante que la Dream Team? Sans aucun doute. Elle rassemble plus de MVP différents (4 contre 3), plus de sélections au All-Star Game (84 contre 67), plus de titres de meilleur scoreur de la saison régulière (9 contre 6). Est-elle plus forte? Ça se discute. Gagnera-t-elle aussi facilement le titre olympique à Paris que sa devancière à Barcelone? Jamais de la vie.

Grant Hill, l’actuel manager de Team USA, rappelait récemment que l’un des plus grands souvenirs de sa carrière est d’avoir battu la Dream Team (sa seule défaite connue) lors d’un match d’entraînement à l’été 1992, avec une équipe composée de jeunes joueurs universitaires survoltés. À l’époque, les seuls capables de battre les Américains… étaient d’autres Américains. Les règles du jeu ont désormais changé. Le spectacle n’en sera que plus éblouissant.

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