ROD STEWART - CELTIC GLASGOW Chardon ardent
Le chanteur n’est pas seulement un amoureux transi de la sélection écossaise et du Celtic, c’est plus globalement un vrai mordu de football, qu’il a longtemps pratiqué avec assiduité.
5 Jan 2025 - L'Équipe
PIERRE-ÉTIENNE MINONZIO
«Alors lui, c’est vraiment un grand malade de foot.» Voilà comment Andy Carroll, hilare, a spontané ment décrit sir Rod Stewart en octobre dernier à la fin d’un entretien qu’il nous avait accordé, au Haillan, à propos de son expérience bordelaise. Sans l’avoir rencontré, l’attaquant anglais connaît indirectement le chanteur aux 120 millions de disques vendus, à qui il a racheté en 2019 sa mythique propriété située à Epping, à trente kilomètres au nord de Londres. Et Carroll n’a pas oublié sa stupéfaction, lors de sa première visite du domaine, en découvrant à côté du manoir le «Stewart Stadium», un terrain de football en parfait état, complété de petites tribunes, d’un système d’éclairage et de deux vestiaires aux murs couverts de dédicaces. «J’ai reconnu des signatures d’anciens joueurs du Celtic, de Liverpool, de Newcastle… Il y en avait partout. C’était dingue.»Rod Stewart, écharpe du Celtic Glasgow en mains, avant le coup d’envoi d’un Old Firm que son équipe favorite remportera contre les Rangers, le 31 mars 2019 (2-1).
Il faut dire que Rod Stewart, né en 1945, qui fêtera ses 80 ans vendredi prochain auprès de sa large tribu (il a eu huit enfants de cinq mères différentes), a développé un rapport obsessionnel avec le football, comme d’ailleurs avec ses autres passions. «Quand Rod aime, il ne compte pas, quitte à être parfois dans l’excès, remarque Étienne Fournier, auteur d’une BD numérique (non publiée) dédiée à celui qui a incarné le groupe de rock Faces entre 1969 et 1975. Dans les années 1970, Rod passait des nuits entières à boire avec Ronnie Wood ( le guitariste de Faces) et Keith Moon ( le batteur de The Who, décédé en 1978 d’une overdose de médicaments). Plus tard, il s’est intéressé aux voitures de sport et, aujourd’hui, on ne compte plus les Lamborghini et Ferrari qu’il possède. Et c’est pareil avec les trains miniatures, sa collection est incroyable… Roda même fait la une de magazines spécialisés en modélisme ferroviaire, ce qui constitue pour lui une immense fierté.»
Mais si certaines de ses lubies se sont affirmées avec le temps, l’histoire d’amour entre Stewart et le football se distingue par sa précocité. Dès son enfance à Highgate, un quartier populaire du nord de Londres, son père Robert, un Écossais qui entraîne des équipes de jeunes, l’initie à la pratique de ce sport et au culte du onze du Chardon. «En 2021, avec sa chanson Touchline, Roda rendu un magnifique hommage à son paternel, qui a eu une énorme influence sur lui, relève Eric Tessier, auteur de
Rod the Mod et Sir Rod superstar (éd. Camion Blanc). Si Rod se sent si proche des Écossais, alors qu’il est anglais, c’est donc à cause de son père, mais aussi parce que ses deux grands frères avaient dans leur chambre des photos de George Young et Gordon Smith ( internationaux écossais des années 1950). »
Cette vénération familiale pour la sélection écossaise s’accompagne d’un rejet farouche de l’équipe d’Angleterre, comme le rappelle Fournier: «Le jour de la finale de la Coupe du monde 1966 ( remportée par l’Angleterre face à la R FA ,4-2 a.p .), Robert avait interdit àRodd’ allumer la télé, alors que tous les Anglais étaient devant leur poste, en lui disant: “Tu ne vas quand même pas regarder un truc pareil.”» Et l’un des plus beaux moments de complicité entre le père (décédé en 1990) et le fils se déroule le 4juin 1977, lorsqu’ils assistent ensemble à Wembley au match Angleterre-Écosse (1-2), alors que le début de carrière solo de «Rod the Mod» connaît un succès fulgurant. À la fin du match, malgré le regard désapprobateur de son géniteur, il participe à un envahissement de terrain avec d’autres supporters écossais. Une scène que le chanteur nous a racontée au téléphone début juin, dans le cadre de la promotion d’un concert au Zénith de Paris: «Au moment où j’escaladais le grillage, un policier m’a retenu. J’ aire dressé le chapeau que je portais, il m’ a reconnu et il m’ a dit :“Ah c’ est vous! OK, vous pouvez y aller .”»
L’année suivante, en 1978, il enregistre un hymne foutraque à la gloire des Écossais en vue de la Coupe du monde en Argentine ( Ole Ola), avant de renouveler l’exercice avec un titre plus apaisé, Purple Heather, avant l’Euro 1996. Au fil des années, Stewart, qui a prénommé l’un de ses fils Liam McAlister en hommage à Gary McAllister ( le capitaine de l’Écosse dans les années 1990), s’ est imposé comme le plus célèbre supporter d’ une sélection qu’il est allé encourager en tribune s lors de chaque phase finale à laquelle elle a participé, entre le Mondial 1974 et l’Euro 2021. Une persistance méritoire compte tenu des déboires répétés de cette nation qui n’a jamais franchi le premier tour d’un tournoi.
En larmes après une victoire du Celtic contre le Barça de Messi
En retour, Stewart, qui se rêvait footballeur professionnel dans sa jeunesse (passant même à 16 ans, sans réussite, un test pour intégrer Brentford), a été invité à s’entraîner à plusieurs reprises avec l’équipe d’Écosse dans les années 1980 et 1990.« Ce n’ était pas des sessions très physiques, hein, juste des petites opposition s durant lesquelles je pouvais me débrouiller, relatait-il en juin.
En 1998, j’ai commis l’erreur de me présenter à un entraînement avec des chaussettes aux couleurs du Celtic et le sélectionneur de l’époque, le regretté Craig Brown, m’a conseillé de les retirer au plus vite, sinon je risquais de me faire découper par les joueurs de la sélection évoluant aux Rangers…»
Car l’image de Stewart est autant associée à celle du onze du Chardon qu’à celle du Celtic FC, qu’il encourage avec frénésie depuis plus de cinquante ans, en opposition cette fois à son père, qui en pinçait, lui, pour Hibernian. Dans une interview à la radio Talksport, l’auteur du tube discoDaYaThinkI’ mS ex y( en 1978) a récemment expliqué avoir eu un coup de foudre en 1973 pour les Hoops (le surnom des joueurs du Celtic): «Un matin, Kenny Dalglish, Jimmy Johnstone et Harry Hood ( qui évoluaient au Celtic) ont frappé à la porte de ma chambre d’hôtel. On avait donné la veille un concert à Glasgow avec Faces et ils étaient venus nous réveiller, Ronnie (Wood) et moi, pour qu’on aille s’entraîner avec eux. Ronnie n’a pas réussi à se lever, mais j’y suis allé et j’ai rencontré Jock Stein (entraîneur mythique du Celtic, de 1965 à 1978), qui a explosé de rire en voyant mes chaussures de ville. Voilà, c’est à ce moment précis que je suis devenu un supporter du Celtic.»
Depuis, il ne cesse de mettre en scène cet attachement, en s’affichant avec la gourmette du club sur la pochette de son album The Tears of Hercules (2021) ou en se rendant régulièrement au Celtic Park, où il avait pleuré de joie, le 7novembre 2012, après avoir assisté à une victoire face au FC Barcelone de LionelMessi (2-1). Mieux, en 1977, dans son morceau You’re in My Heart – une déclaration d’amour à l’actrice Britt Ekland (sa compagne de l’époque) –, Stewart glisse une référence au Celtic… mais aussi à Manchester United: «You’re Celtic, United » (« Tu es mon Celtic, mon United»). Il expliquera plus tard avoir temporairement encouragé les Red Devils quand l’attaquant écossais Denis Law, son idole, en portait les couleurs (entre 1962 et 1973).
Cette infidélité n’a jamais empêché de nombreux fans de Stewart de se rendre à ses concerts avec des écharpes du Celtic et de les jeter sur scène au moment où débute You’re in My Heart, une manière de déclarer leur flamme à la fois aux Hoops et à l’artiste. Un autre rituel footballistique a longtemps ponctué ses shows: pendant qu’il interprétait Hot Legs (1978), «Rod the Mod» tirait 36 ballons de foot dédicacés en direction de ses spectateurs. Fournier y voit une illustration, parmi d’autres, de la prégnance du football dans le quotidien de Stewart: «Il s’est toujours débrouillé pour taper le ballon dès que l’occasion se présentait. Comme lorsqu’il a improvisé, avec Faces, un match contre les membres de Slade dans les couloirs de la BBC, où les deux groupes se produisaient (en 1971). De même, en Californie (où il a déménagé en 1975), Rod a longtemps joué au sein des Exiles, une équipe regroupant des Anglais expatriés.»
Et lorsqu’il revenait au Royaume-Uni, il organisait, dans son fameux «Stewart Stadium», des matches opposant des amis à lui à des équipes locales. Bientôt la qualité des installations a attiré des clubs professionnels et, en juillet 2005, le chanteur aux cheveux blonds décolorés a vécu un rêve éveillé quand le Celtic, avant un match amical à Fulham, est venu littéralement s’entraîner en bas de chez lui… Mais Stewart, qui a donc vendu sa propriété d’Epping il y a cinq ans, n’a plus aujourd’hui la possibilité de procéder à de telles invitations. De même, il ne s’aventure plus à shooter vers le public pendant qu’il entonne Hot Legs, notamment parce qu’un fan américain a porté plainte contre lui en 2014, parce qu’un ballon tiré par l’Anglais lui aurait cassé le nez… Plus étonnant encore, Stewart n’a assisté à aucun des matches disputés par l’Écosse en Allemagne pendant l’Euro 2024, alors qu’il donnait au même moment des concerts outre-Rhin pour promouvoir son dernier album composé de reprises de standards de jazz. Interrogé en juin sur ce choix, il nous l’avait justifié ainsi: «Je suis en pleine tournée et c’est quand même difficile, quand tu vas au stade, de résister à l’envie de crier et de boire des coups, ce qui n’est pas recommandé pour ma voix. »
Comme s’il était temps, à bientôt 80ans, de légèrement modérer sa passion maladive pour le ballon rond.
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