«IL ME BONDIT DESSUS»
Pour «L’Équipe», l’arbitre BENOÎT MILLOT raconte «l’intimidation physique» dont il a fait l’objet en se retrouvant front contre front avec PAULO FONSECA, l’entraîneur de l’OL.
Une attitude impardonnable, une semaine après les violentes attaques de Pablo Longoria, le président de l’OM, contre le corps arbitral.
L’entraîneur de l’OL, Paulo Fonseca, a défié front contre front l’arbitre de Lyon-Brest, M. Millot, pendant le temps additionnel, hier. Expulsé, il risque sept mois de suspension.
Démis de ses fonctions à Milan fin décembre après un match où il avait aussi été expulsé
3 Mar 2025 - L'Équipe
RÉGIS DUPONT
DÉCINES (RHÔNE) – Comportement menaçant, intimidant, déplacé ? Quelle que soit la terminologie qui sera retenue par les organes disciplinaires, Paulo Fonseca risque une très lourde sanction pour son comportement impardonnable dans le temps additionnel de Lyon-Brest. Alors que l’OL menait péniblement 2-1 et que l’arbitre venait d’aller vérifier une situation de potentiel penalty en faveur des Bretons sur l’écran du VAR, l’entraîneur portugais s’est approché jusqu’à entrer en contact front contre front avec M. Millot, qui venait de l’expulser.
Benoît Millot avait averti Paulo Fonseca en fin de
première période pour une première contestation.
Et on n’ose imaginer comment l’épisode se serait achevé si les membres du staff et des joueurs lyonnais n’avaient pas rete nu le successeur de Pierre Sage, prêt à revenir s’expliquer après un bref mouvement de retour vers son banc.
Sa suspension pourrait s’étendre jusqu’à sept mois selon le barème disciplinaire
Un authentique pétage de plombs, une semaine seulement après la tourmente liée au dérapage du président de l’OM, Pablo Longoria. Fonseca s’est excusé quelques minutes plus tard, une fois le succès de son équipe acquis. «Je veux dire seulement que je m’excuse pour ce geste, je ne devrais pas faire cela, mais le football... Peut-être qu’il fait qu’on a parfois des gestes qui ne sont pas corrects», a déclaré au micro de DAZN le technicien portugais, 52 ans mercredi. Peu de temps après, en conférence de presse, il n’a pas été plus disert : «Je veux seulement dire que je m’excuse pour ce geste, je ne dois pas faire ça. Honnêtement, je veux seulement dire que je m’excuse, je ne veux pas entrer dans les détails.»
C’était le moment où on a le mieux compris où Fonseca voulait en venir : faire profil bas, s’en tenir aux éléments de langage basiques, ne surtout rien dire qui pourrait l’enfoncer un peu plus, alors qu’il risque jusqu’à sept mois de suspension selon le barème disciplinaire (voir page 4).
Toujours au micro de DAZN, Laurent Prud’homme, le directeur général du club lyonnais, a appuyé : « C’est lui qui a insisté pour venir s’excuser et je pense que c’est important. Il a expliqué que c’était un coup de sang. On connaît le contexte du corps arbitral et on a voulu tout de suite apaiser les choses. Ce n’est pas l’image de l’OL, je ne suis pas fier de ce qu’il a fait, mais je suis fier de sa réaction, de ce calme et, une fois de plus, on s’excuse auprès de l’arbitre.»
Dans le monde du travail classique, les salariés lambda ont rarement le droit à des prises de paroles publiques aussi apaisées de la part de leurs supérieurs hiérarchiques quand ils sont accusables de faute grave dans l’exercice de leur métier. On imagine que les arbitres, le monde du football en général et les ennemis de l’OL en L1 en particulier, seront attentifs aux suites données à cette affaire.
Fonseca avait été démis de ses fonctions à l’AC Milan, le 29 décembre, après un match nul contre Rome (1-1) où il avait été... expulsé. Et hier, au Groupama Stadium, il avait été averti dès la 43e minute, déjà pour des invectives envers le corps arbitral. Deux autres membres de son staff ont aussi écopé d’un carton jaune. « On est de tout coeur avec lui, on est derrière lui, quoi qu’il arrive, a pourtant assuré Rayan Cherki.
Dans la période qu’on traverse, ce n’est pas cool de voir ça. Après, quand on est sur le terrain, les émotions, les sentiments, ça ne se contrôlepas.Onsaitqu’onfaitdeserreurs,les arbitres aussi. Il faut s’aider les uns les autres pour faire avancer le foot.»
Alexandre Lacazette a aussi suivi l’embrasement du temps additionnel depuis le banc, après son remplacement par Malick Fofana (83e). «C’est de la tension parce qu’il y a pas mal de choix discutables, je pense, a-t-il minimisé. Quandonvitlematch,onpeutparfois faire des choses, mais je ne suis pas là pour commenter, ce n’est pas mon rôle, on est tous derrière le coach.» Celui-ci a gagné sans convaincre. Mais son bilan vire, comptablement et seulement de ce point de vue, dans le positif (trois victoires, deux défaites), un soir où celui qui aurait pu légitimement se plaindre de l’arbitrage a observé tout cela d’un oeil navré.
«Je ne savais pas qu’on pouvait arrêter le ballon avec la main, a ironisé Éric Roy à propos de l’action de la 90e + 7 où le bras d’Ainsley Maitland-Niles est en cause. Après, je n’en veux pas à M. Millot qui a fait un match courageux, on a vu ce qu’il s’est passé. C’est désolant pour le foot, je préfère soutenir (les arbitres), même si je pense qu’on a été désavantagés à la fin du match. » L’attitude de Fonseca ? « J’ai eu des égarements et décidé qu’on ne m’y reprendrait plus. Et en aucun cas je ne vais juger un collègue », a lâché le coach brestois. Si le Portugais n’avait pas remplacé qui-vous-savez sur le banc lyonnais, on aurait évoqué une parole sage.
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Vincent Duluc
DÉSESPÉRANT
Ce n’est pas la première fois que le football français touche le fond et qu’il continue de creuser, mais quand même, on ne l’imaginait pas capable de nous surprendre à ce point, et de nous désespérer, par tant de ressources. Après une semaine de tempête autour de l’arbitrage et d’appels à la responsabilité, il était difficile d’imaginer qu’un acteur majeur de la Ligue 1 trouve le moyen de menacer physiquement un arbitre, en montrant qu’il n’avait absolument rien compris à ce qu’il se jouait, aujourd’hui comme toujours, mais en particulier aujourd’hui. L’image de Paulo Fonseca, hors de contrôle, se lançant tête contre tête avec Benoît M il lot qui venait de l’ expulser, est insupportable et scandaleuse. Elle est, aussi, une défaite pour le bon sens, pour l’intelligence, pour l’idée que l’on se fait d’un entraîneur et pour le technicien portugais lui-même, récidiviste et qui ne pourra pas faire très long devant ses joueurs, dans la semaine, sur la gestion des émotions dans le haut niveau. Il ne risque pas de reprendre la parole devant son banc avant longtemps, a plutôt intérêt à considérer le sémaphore ou la télépathie, depuis le poste haut qui lui sera proposé, loin de l’action, et il faut être clair : ses excuses ne l’excusent pas et il mérite d’être longuement éloigné du coeur du jeu, par-delà la bataille des jurisprudences à laquelle on va assister dans les jours qui viennent, puisque le clubisme va s’inviter, comme toujours, et nous fatiguer, beaucoup. On va reparler de Leonardo, peut-être de Medhi Benatia et de Pablo Longoria, on va convoquer le souvenir d’Alou Diarra qui avait bousculé un arbitre et pris six matches de suspension, de Gelson Martins qui en avait bousculé un autre et pris six mois, quand un amateur prend deux ans, et on va assister à un concours de «oui, mais…». Oui, mais rien, en fait. Il n’y a pas de mais.
Bien sûr, il est plus facile de ne jamais parler de l’arbitrage quand on est l’équipe dominante, que l’on est rarement mal arbitré et que cela ne suffirait pas à faire une différence vu la marge constatée sur le reste du monde, mais l’attitude et les mots de Luis Enrique, vendredi, à la veille de PSG-Lille (4-1), avaient une autre tenue et donnaient envie d’une autre contagion. Alors, plutôt que le spectacle navrant de la cacophonie en ligne des présidents au moment de la redistribution des recettes de la buvette, du « tout pour ma gueule » éternel et de l’absence absolue du moindre sens de l’intérêt général, il serait temps, sur l’attitude vis-à-vis de l’arbitrage comme sur quelques autres sujets, que le football professionnel de ce pays soit remis en ordre par un pouvoir fort, porté par une voix majeure, raisonnable et responsable. On peut toujours rêver.
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Millot: «Un effet desidération»
Intimidé et touché de la tête par Paulo Fonseca, l’arbitre de Lyon-Brest raconte ce qu’il a vécu et ressenti en fin de match.
“Dans le football amateur, on va se dire : moi aussi, je peux le faire ''
3 Mar 2025 - L'Équipe
ÉTIENNE MOATTI
Benoît Millot, 43 ans, arbitrait hier après midi la rencontre opposant Lyon à Brest (2-1). C'est lui qui a subil epétage de plombs de l’entraîneur de l’OL, Paulo Fonseca, en fin de match, alors qu’il s’apprêtait à rendre une décision favorable au club local après consultation du VAR. Il raconte ces instants électriques.
«Ques’est-il passé au départ avec Paulo Fonseca pourque vous lui mettiez un carton jaune, puis un rouge avant l’incident?
L’avertissement de la première période(43e) fait suite à un coup franc pour Brest pas loin de la zone technique de Lyon. Il est assez expansif... Ce la m’amène à aller à son devant dans un souci d’apaisement. Riende moins, rien deplus. Avec un échange rapide pour essayer decomprendre ce qui peut motiver son agacement. Là où je pense que ce la vapouvoir s’apaiser, il redouble un peu d’excitation. Je le laisse et jel’avertispour cette attitude. Arrive la seconde période avec cette situation de possible penalty (90e+7). Il ya un contrôle de l’assistance vidéo. Je vais voir moi-même à l’écrancette situation cruciale. Mais je n’ai pas vraiment le temps de ressortir dece contrôle vidéo... Il me bondit dessus avec une attitude d’intimidation, et je décide de l’exclure directement. Ce n’était pas un second avertissement, mais une exclusion directe.
Et c’est là qu’il sort des esgonds...
Ce la continue en effet de déraper. Il a cette attitude en core plus impressionnante de tenter de donner un coup, en fait. Un coup de tête. Je rest estoïque, un peu par l’effet desurprise, mais quel que part sur tout pour ne pas reculer devant cette intimidation. Des joueurs viennent pour le repousser, des agents desécurité aussi, mesemble-t-il, comme peut-être des membres de son staff. Il recule alors pour mieux revenir une deuxième fois... Et finalement quitter les abords de l’aire dejeu. Je n’avais même pas eu le temps defaire savoir la décision finalequis’avérera de ne pas accorder de penalty (à Brest).
On voit que son visage touche même le vôtre...
Il ya, semble-t-il, un léger contact denez pour être précis... Avec un effet desidération d’une telle attitude particulièrement intimidante, agressive, quel’onimaginemal d’un entraîneur professionnel. J’ai essayé de faire face en restant droit commeuni.
Commentavez-vous fait pour conserver votre sang-froid?
Onest structurés, professionnalisés. Celaveutdire que l’onest accompagnés, notamment avec des approches mentales, psychologiques, qui nous permettent de trouver des petit esclés pour déminer desconflits, tenterdene pas en rajouter. Mais ce n’était pas évident, car son attitude était plus que vindicative. Et lerisqueest malheureusement qu’il yait un mimétisme le week-end suivant sur les terrains. Si un grand entraîneurs ecomporte comme ça, dans le football amateur, on va se dire: “Moiaussi, je peux le faire.” La semaine dernière (avec les accusations du président marseillais Pablo Longoria), c’était une atteinte morale quand ila été dit que des arbitres pouvaient être corrompus. Là, ça vient toucher l’aspect de l’intimidation physique.
Êtes-vous choqué?
Ce qui meramèneà ça, ce sont toutes les marques d’affection, de soutien que j’ai pu recevoir du monde du foot, professionnel et amateur. Comme Jérémy Stinat (l’arbitre d’Auxerre-Marseille, 3-0, le 22 février). Fondamentalement, je vais bien. Mais lors que je reverrai les images, je serai peut être impressionné. Je trouverai peut-être ce la hardcore. En tout cas, on ne peut pas tolérer des comportements comme ça.
Êtes-vous prêt à arbitrer dès le week-end prochain?
Sans problème. Je vous l’aidit: onest préparés. Il y a des éléments plus marquants que d’autres. Ce lui-cien fait quand même partie. J’ai la chance d’avoir un peu d’expérience, même si c’est une première... Ce la dit, entoutcas, la tension sur les terrain set les bords de terrain. Mais j’ai en vie de repartir sur un match le plus vite possible.
Souhaitez-vous une sanction exemplaire pour Paulo Fonseca?
Je n’ai pas des ou hait. Ce la peut sembler être un discoursconvenu. Mais il ya une commission de discipline qui est là pour trancher en sonâme et conscience en s’appuyantnotamment sur les rapports. Mais ce qu’on avu n’est pas bon pour le football. Avec le risque que ce la sepropage vers le monde amateur. A un ive au pro, les bords de terrain sont sécurisés. Mais dans le monde amateur, onest à portée de baffe, de coup de poing ou de coup de pied.»
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«Ce que l’on vit depuis quelques semaines n’est pas acceptable»
Après l’intimidation physique de Paulo Fonseca, l’entraîneur de l’OL, aux dépens de Benoît Millot, Antony Gautier, le directeur de l’arbitrage, s’insurge et exprime le ras-le-bol de la profession.
“Le simple fait de se poser la question de savoir
s’il y a contact ou pas indique la gravité des faits''
- ÉRIC BORGHINI, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION FÉDÉRALE DES ARBITRES
ÉTIENNE MOATTI
Comme les accusations de corruption du président de l’ OM Pablo Longoria à l’égard des arbitre s français, la semaine dernière, la menace physique exercée par Paulo Fonseca sur Benoît Millot n’a pas vraiment eu de précédents en Ligue 1. Et elle va être sanctionnée à la mesure de la gravité d’un tel comportement.
L’article 8 du règlement disciplinaire de la FFF, applicable dans les Championnats professionnels, prévoit sept mois de suspension pour tout « comportement intimidant/menaçant» d’un entraîneur envers un officiel. Autant dire que le coach portugais, fraîchement arrivé à l’OL, devrait être écarté de son banc de touche et des conférences de presse pendant une longue durée.
Son cas sera étudié dès ce mercredi par la commission de discipline de la LFP. Une instruction n’est pas nécessaire sauf si elle considère que le technicien a « porté atteinte ou tenté de porter atteinte à l’intégrité physique d’un officiel ». Il risquerait alors (article11 – «Tentative de brutalité/tentative de coup ») dix-huit mois de suspension... Mais, logiquement, l’organe disciplinaire devrait s’en tenir à l’article 8 et le juger après demain.
Le tout dans un climat d’hystérie autour de l’arbitrage qui ne va pas inciter la commission à la clémence. Même si Fonseca, lors de son passage à Lille (2022-2024),
s’était plutôt bien comporté en matière de discipline.
Quoi qu’il en soit, cet épisode, après le « pétage de plombs » de Longoria, désole et révolte Antony Gautier, le directeur de l’arbitrage. « Je condamne avec la plus grande fermeté ces faits extrêmement graves qui sont tout simplement inadmissibles, lance-t-il.
C’est aujourd’hui une nouvelle charge inadmissible contre l’arbitrage. Nous avons eu la semaine passée une attaque contre l’intégrité morale de l’arbitrage français au sens large. Nous avons aujourd’hui des faits graves contre l’intégrité physique d’un arbitre. J’appelle à ce que les rencontres puis sent sedé rouler dans un climat de sérénité indispensable. Ce que l’on vit depuis quelques semaines n’est pas acceptable.»
En soutien, Éric Borghini, le président de la Commission fédérale des arbitres (CFA), dénonce «une séquence rarissime». «Le simple fait de se poser la question de savoir s’il y a contact ou pas indique la gravité des faits, poursuit-il.
Ce sont des images que l’on n’a pas l’habitude de voir. Et comme ça vient juste après le gros dérapage de Longoria, on se demande ce qui se passe dans le football profes- sionnel français. Son image est considérablement abîmée par des périodes comme celle-là.»
Faute de réaction, le patron de la CFA redoute le pire. «On ne peut pas continuer comme ça, prévient-il. Il y a un ras-le-bol des arbitres. Que l’on dise à un arbitre qu’il est mauvais, son ego en prend un coup... Mais quand tu mets en cause son intégrité (Longoria) ou pire que tu t’en prennes à son intégrité physique (Fonseca) devant toutes les télévisions, ce n’est plus possible. Il y a une ambiance délétère en ce moment.»
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