Les mythique de la Mavic - Thévenet: «Wiegant aimait ses coueurs»



Par DOMINIQUE TURGIS
Propos recueillis par JEAN-CHARLES DANCERELLE
Le 7 janvier 2018, 19:30

Paul Wiégant a eu un bon professeur. Il a terminé sa carrière de coureur indépendant au VC Levallois, sous la coupe de Paul Ruinard, l'homme qui a formé la quasi totalité des sélectionnés olympiques jusqu'en 1948.

De son passage chez les "Olympiens" comme on les appelait, le directeur sportif de l'ACBB - à droite sur la photo - a retenu plusieurs principes comme regrouper ses coureurs autour d'un service-course.

APPRENDRE A ÊTRE QUELQU'UN DE BIEN

Le "Père la Ruine" se déclarait déjà satisfait quand il avait réussi à apprendre à ses élèves à tenir convenablement une fourchette et un couteau. Monsieur Wiegant apprend le métier de coureur cycliste à ses apprentis-coureurs "mais aussi à se conduire en gentleman en dehors de la course, à être poli. Un champion devait être quelqu'un de bien", se souvient Bernard Thévenet. Là où aujourd'hui les Anglo-Saxons parlent de "développement", comme on développe une machine outil sur la table à dessin ou l'ordinateur.

Paul Wiegant inculquait aussi une devise à ses coursiers. "Si tu veux gagner de l'argent, tu perdras des courses. Si tu veux gagner des courses, tu gagneras de l'argent". Trop long aujourd'hui pour tenir sur un mot-dièse de twitter ou sur un maillot d'équipe.

MICKEY DEPUIS 1933

Paul Wiegant est né en 1915 à Amsterdam. Il débute dans le vélo au Club Sportif Henri Esders à Paris. En 1933 il participe à la Médaille du Vel' d'Hiv', une épreuve de détection de vitesse, où les jeunes coureurs s'affrontent tous les froids dimanches matin de l'hiver dans des éliminatoires pour désigner les meilleurs qui participeront à la finale. Sur la piste parisienne, il arbore un maillot décoré avec le Mickey de Walt Disney. Dès décembre 1933, les journaux l'appellent "Mickey Wiegant". Son surnom est né et les "populaires" dans les tribunes en font leur chouchou.

Pendant les éliminatoires de la Médaille, le chemin du sociétaire du VC du Parc Monceau croise celui de l'ACBB. En janvier 1935, il se fait arranger par Daniel Clément, acébébiste et futur formateur du cyclisme français.

Dans sa carrière de cycliste chez les indépendants, il sera un bon coureur d'Américaine avant donc de devenir directeur sportif de l'ACBB en 1949.

PANTALONS DE SKI

Tenant de la tradition du steack avec des pâtes à 4 heures du matin avant le départ de Paris-Ezy, une organisation de l'ACBB, Mickey Wiegant pouvait aussi avoir des idées originales. "Il nous faisait porter des pantalons de ski pour garder les muscles au chaud", se souvient Paul Sherwen dans L'Equipe en 2015. Trente-cinq ans plus tard, la fédération anglaise se fait passer pour novatrice en faisant enfiler, surtout devant les caméras, des pantalons chauffants à ses coureurs, le temps des JO de Londres, dans un vélodrome déjà à 27°C.

Après avoir quitté l’ACBB, il monte en 1986 une équipe amateur sur la Côte d’Azur où il habite : l’ASCM Toulon, un club Peugeot où il fera venir un Australien, Dean Woods, Champion du Monde Juniors de poursuite. Jusqu’au bout, il a fait confiance aux coureurs étrangers. Paul “Mickey” Wiegant est mort en 1991.

Pour parler de Paul Wiegant, DirectVelo a demandé à Bernard Thévenet, Acébébiste en 1968 et 1969 avant de passer chez les pros dans la maison-mère Peugeot-BP, de nous raconter ses souvenirs.

DirectVelo: Comment êtes-vous rentré à l'ACBB?

Bernard Thévenet: J'ai été recruté par Paul Wiegant qui est venu me voir chez mes parents. Il a eu du bol car j'étais militaire et j'étais justement en permission, sinon, il ne m'aurait pas trouvé. Il avait vu que j'avais terminé 3e du Grand Prix des Nations et 4e du Grand Prix de France en 1966. Il était toujours intéressé par les coureurs de contre-la-montre. Mais je ne voulais pas aller à l'ACBB !

« IL M’A BARATINÉ TOUT UN APRÈS-MIDI »

Pourquoi?

On m'avait dit qu'il tuait ses coureurs qu'il leur en demandait trop. Je faisais mon service militaire au Bataillon de Joinville à Fontainebleau. Paul Gardet, du CSM Puteaux, le grand ennemi de l'ACBB, était venu me voir avant Wiegant. Je cherchais un club sur Paris pendant l'année de mon service. Il m'avait dit "On se reverra". Mais chez mes parents, Wiegant m'a baratiné pendant tout un après-midi et finalement, j'ai signé chez lui.

Comment se comportait-il avec ses coureurs?

Il était dur, directif. Il vouvoyait ses coureurs car il voulait garder une certaine distance. Mais il voulait aussi faire de ses coureurs des hommes, des gentlemen. Dans la vie courante, il fallait être poli, correct, c'était sa philosophie. Pour devenir un champion, le coureur devait être quelqu'un de bien. Au fond, il aimait ses coureurs. Et il se battait pour nous défendre.

« IL SE BATTAIT POUR SES COUREURS »

Dans quelles circonstances?

Sur la plupart des courses, il n'y avait pas la photo-finish. Alors quand c'était un peu juste, il n'hésitait pas à aller au podium pour défendre la place de ses coureurs. Il se battait aussi pour avoir un peu d'argent pour nous emmener courir, pour avoir du beau matériel.

Quelles étaient les relations de Paul Wiegant avec la marque Peugeot?

Il avait de bonnes relations. A mon époque on roulait sur des cycles Terrot, une filiale de Peugeot. Il avait ses entrées chez Peugeot et quand il avait des bons coureurs, la plupart allait chez Peugeot. Il y avait un accord moral avec l'équipe pro. L'ACBB recevait des vélos et en contre-partie, Paul Wiegant proposait en priorité à Peugeot, ses coureurs qu'il pensait prêt pour le passage chez les pros. Par exemple, je suis Champion de France en 1968, au mois de septembre, il me dit, "P'tit père - car il nous appelait tous "p'tit père" - je comprends que vous ayez envie de passer pro mais, à 21 ans, vous êtes encore trop jeune. Le professionnalisme c'est dur, c'est long et vous n'êtes pas encore assez aguerri. Il faut que vous fassiez une année de plus chez les amateurs". Tous les conseils qu'il m'avait donnés jusque là c'était révélé bons alors je suis resté chez les amateurs.

«PERSONNE NE L’APPELAIT MICKEY»

Il vous appelait "P'tit père" et, vous les coureurs, comment l'appeliez-vous? 

Il était surnommé Mickey depuis longtemps mais on l'appelait jamais "Mickey". C'était "Monsieur Wiegant".

Y avait-il la pression du résultat à l'ACBB?

Au début de la saison 1969, aucun de nous marchait, je ne sais pas pourquoi. Il nous a tous réunis pour nous passer une ronflée. Je faisais déjà mon maximum, ça ne m'a rien fait. Mais quelques uns se sont réveillés. Je crois même qu'on gagne Paris-Mantes après cette engueulade.

Sans l'ACBB auriez-vous eu la même carrière, seriez-vous passé chez Peugeot?

Oui car si j'étais allé à Puteaux, c'était aussi un club Peugeot.

«IL NE FALLAIT PAS LE DECEVOIR»

Mais ce club vous a-t-il fait progresser?

J'y ai appris à courir en équipes, le respect des coéquipiers mais aussi des mécaniciens et des soigneurs. On avait un ancien masseur de Jacques Anquetil. Il s'appelait Lesourd et on l'écoutait. J'avais 20 ans et lui 60 ans, il en avait vu. Pour un jeune coureur c'est valorisant de se faire masser par un mec qui a massé Jacques Anquetil.
Wiegant avait le sens de la course. Il était très à cheval sur la course d'équipe. Il avait dirigé l'équipe Helyett-Fynsec avec Jacques Anquetil, il savait ce que c'était une course d'équipe. Avant une course, il nous disait “là il risque d'y avoir du vent, des bordures” et souvent ça se passait comme il l'avait annoncé. D'ailleurs, au début chez Peugeot, j'ai eu l'impression de reculer d'un cran car les consignes étaient moins nombreuses et moins justes que celles de Wiegant. Avec lui, il fallait les respecter les consignes...

Sinon?

Si on faisait perdre l'équipe, on avait le droit à une ronflante. Je me souviens du Championnat d'Ile-de-France sociétés à Houdan, un contre-la-montre par équipes de quatre sur 100 bornes. Régis Ovion avait oublié ses chaussures, ça nous avait un peu déstabilisés. On était un peu en retard aux pointages et j'avais tiré un peu trop fort. Forcément, sur la fin, j'étais juste. A l'arrivée, Wiegant m'a reproché de ne pas avoir été bon jusqu'au bout et que je n'avais pas su doser mon effort.
Il était très sévère mais il aimait beaucoup ses coureurs. Il fallait surtout ne pas le décevoir.

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