En maîtrise totale


Jorgenson monte leson

17 Mar 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT

En position de force après les démonstrations de Visma au contre-la-montre par équipes et dans les bordures, Matteo Jorgenson a régné sur Paris-Nice. Vainqueur surprise l’an dernier, l’Américain est cette fois devenu un patron.

"Patron, non, mais leader, oui. 
C’est un de mes objectifs cette année, 
de maîtriser l’équipe, 
donner mon opinion dans les meetings" 
   - MATTEO JORGENSON

From page 1 NICE – Enfin, au bout du bout d’une semaine passée sous la pluie, le vent, le froid, la neige et un peu de soleil, Matteo Jorgenson s’est relâché. Seul pour passer la ligne derrière le vainqueur, Magnus Sheffield (lire ci-contre), le Maillot Jaune a jeté un poing rageur, hier, pour célébrer sa deuxième victoire en douze mois à Paris-Nice, ce que personne n’avait fait depuis Alexandre Vinokourov en 2002-2003, si l’on zappe l’édition rabotée par le Covid en 2020. Joie, soulagement, fierté, l’Américain (25 ans) a livré un concentré d’émotions qu’il s’est autorisé de vivre sur la promenade des Anglais alors que tout lui était tombé dessus, un an plus tôt, vainqueur le dernier jour après une nuit très courte, rongé par le stress.

Cette fois, il a laissé son dauphin Florian Lipowitz (Red Bull-BoraHansgrohe) à 1’15’’, plus gros écart enregistré depuis trente ans (Laurent Jalabert vainqueur avec 1’40’’ en 1995) sur une course qui se joue souvent à la poignée de secondes. À la chasse aux bonifications en début d’épreuve, bien placé par le contre-la-montre par équipes et le coup de bordure des Visma-Lease a bike, il était «putain de fort », s’est exclamé Thymen Arensman (Ineos Grenadiers), troisième homme sur le podium, quand Jorgenson est venu le féliciter. « Imbattable », appuyait son équipier moustachu Victor Campenaerts. Mais surtout « tous les jours en contrôle, appréciait Edo- ardo Affini. Ce Paris-Nice était bien plus dur que l’ an dernier, plus rapide, et Matteo a toujours bien manoeuvré. Je l’ai senti plus en confiance, car il savait ce qu’il était capable de faire, il a très bien géré l’équipe en disant qu’il voulait Untel à tel moment, ou qu’un autre face ceci ou cela. Il se développe vraiment en ce que je considère un bon leader.»

Le Jorgenson version 2024 était l’un des meilleurs coureurs de la saison, capable de gagner une course d’une semaine comme une classique flandrienne avant de se mettre au service de Jonas Vingegaard sur le Tour (8e). Mais après cette première année réussie chez Visma-Lease a bike, où il a trouvé un parfait environnement pour subvenir à ses envies de pousser chaque détail à l’extrême, le Jorgenson 2025 semble parti pour aller encore plus haut.

Vendredi matin, alors que Jonas Vingegaard quittait l’équipe après sa chute, c’est lui qui a motivé ses équipiers et fixé le point clé du parcours. Résultat : un coup de bordure qui a piégé un paquet de rivaux. « Il est serein, a un flegme naturel, c’est plaisant de le côtoyer», soulignait Axel Zingle. Hier, les Red Bull l’ont testé, isolé. Mais le Maillot Jaune est resté stoïque : deux attaques de Lipowitz dans la côte de Peille, deux réactions immédiates, avant l’envol dans le col d’Èze, où personne n’a réussi à prendre sa roue, la descente qu’il fait tous les jours, un coup d’oeil vers sa maison sur la Moyenne Cor niche, et la ligne droite finale où il a pu profiter, bien qu’ il n’ ait pas pu rattraper Sheffield, son compatriote, qui l e qualifie de « légende » après ces deux victoires de rang.

« Cela fait quatre mois que je pense à cette semaine », rappelait Jorgenson. Quatre mois qu’il avait fait le forcing pour revenir, alors que son équipe voulait l’aligner sur Tirreno. «Après la coupure, en novembre, j’ai rappelé Grischa (Niermann, son directeur sportif) pour lui dire que je n’étais pas aussi motivé à m’entraîner pour Tirreno que pour Paris-Nice, donc j’ai demandé à venir ici. Je suis content que Jonas et lui aient accepté.»

Le leadership partagé avec le Danois aurait pu devenir un problème, et l’attaque du double vainqueur du Tour à la Loge des Gardes (4e étape), alors que Jorgenson était en jaune, posait d’ailleurs question sur la stratégie d’équipe. La chute du grimpeur le lendemain a balayé le sujet. Et le patron a parlé. « Patron, non, mais leader, oui, répondait le Niçois d’adoption. C’est un de mes objectifs cette année, de maîtriser l’équipe, donner mon opinion dans les meetings.»

Un atout pour Visma sur les classiques flandriennes

Ses objectifs sportifs étaient de faire aussi bien, et après son succès d’hier, c’est sur les classiques flandriennes qu’il sera un atout précieux du collectif néerlandais. Ensuite, il se préparera pour le Tour de France, comme simple équipier, promet-il. Visma lui avait proposé d’être la tête d’affiche au Giro, en mai, mais le garçon passé par le Chambéry CF a refusé. Il y a « beaucoup réfléchi pendant l’hiver», et préfère attendre un peu, « mais c’est un objectif que je me mets dans ma carrière. Avant, j’avais des objectifs que je voyais comme impossibles et je les ai atteints, comme Paris-Nice, que je n’imaginais pas gagner et que je viens de remporter deux fois. Maintenant, il en faut d’autres un peu plus hauts». Parmi ceux-ci, remettre ça l’an prochain sur la Course au Soleil, puisqu’il a déjà donné rendezvous, sans attendre de savoir ce que ses dirigeants en pensent.


EN BREF

MATTEO JORGENSON (USA) 25 ans.
1, 90 m ; 69 kg. 
Équipe : Visma Lease a bike. 
Pro depuis 2020. 
Palmarès : 2 Paris-Nice (2024, 2025); À Travers la Flandre 2024 ; Tour d’Oman 2023.

***

Leur dimanche au soleil

Magnus Sheffield, le vainquer de le étape, Mads Pedersen, maillot vert après avoir fait la course devant, et Clément Champoussin, premier Français, ont terminé Paris-Nice avec de belles couleurs.

Sheffield, le beau premier

"J’avais tout le temps l’impression qu’il me 
manquait quelque chose, quelques secondes"

Il est parti comme un avion dans la descente du col de Peille en ne pensant qu’à une chose: pédaler comme un forcené pour aller chercher sa première victoire en World Tour. Et lorsqu’il a compris qu’il allait s’imposer sur la promenade des Anglais, après avoir semé Mads Pedersen dans l’ascension du col des Quatre-Chemins puis contenu le retour de Matteo Jorgenson, Sheffield a senti les larmes monter. À l’arrivée, il était extrêmement ému par ce succès : « C’est incroyable, j’ai été deuxième à tant de reprises, et là je gagne enfin, cela signifie tellement pour moi. C’est devenu tellement dur de gagner dans le cyclisme. Vous n’avez pas idée à quel point cela représente quelque chose… »

Le rouleur d’Ineos Grenadiers, vainqueur de la Flèche Brabançonne en 2022 quelques jours avant ses 20 ans, reprend là le fil d’une carrière prometteuse qui avait subi un coup d’arrêt après une grosse chute au Tour de Suisse en juin 2023, celle où Gino Mäder avait trouvé la mort. «Ça justifie tous mes efforts. Je suis très ému, ajoutait Sheffield. Après le Tour de Suisse, ç’a été vraiment très difficile, je voulais juste passer du temps avec ma famille, je devais aussi réparer mon corps et tenter de retrouver mon niveau. J’avais tout le temps l’impression qu’il me manquait quelque chose, quelques secondes… » Son équipe, bien placée au général (trois hommes dans le top 10 dont deux dans les 4), a été remarquable stratégiquement hier, au bout d’une semaine où elle semblait manquer d’ambition. Sheffield a mis la jolie touche finale.

Pedersen, le grand guerrier

"Je savais que je n’y arriverais
pas dans la dernière montée"

Mads Pedersen vainqueur d’une étape de montagne sur ParisNice ? Le coup n’est pas passé si loin que cela, le Danois n’ayant été déposé par Magnus Sheffield qu’à 12,3 kilomètres de l’arrivée dans la dernière difficulté de la journée. Mais avant, quel festival, quelle bête de course et quel guerrier… Le sprinteur de LidlTrek (29 ans) a fini très fort la semaine, vainqueur au sprint vendredi dans des conditions difficiles, 10e d’une ascension pour pur grimpeur sous la neige samedi et à l’attaque de bout en bout dimanche.

Pedersen a assuré son maillot vert et il a surtout fait des gammes d’intensité très précieuses en prévision de Milan-San Remo samedi prochain.

La côte de Peille (6,7 km à 6,8 %), le sprint au col d’Èze après 1,6 km à 9,1 % et des passages à 13 %, et pour terminer le col des Quatre Chemins (3,6 km à 8,7 %) sont autant d’efforts répétés qui mettent le Danois dans des conditions idéales avant de se frotter à l’enchaînement Capo Mele, Cervo, Berta et bien sûr la Cipressa et le Poggio. Pas les mêmes kilométrages ou pourcentages mais des similitudes, forcément.

« Je n’ai jamais pensé pouvoir gagner l’étape. J’ai brûlé tellement de cartouches ! Je savais que je n’y arriverais pas dans la dernière montée, avouait Pedersen sur la ligne. Mais avec cette forme, la semaine prochaine, avec San Remo et les classiques qui arrivent, ce sera vraiment sympa. Maintenant, il faut juste rester en bonne santé et continuer… »

Champoussin, la jolie surprise

"Il est arrivé chez nous comme un vrai leader"
   - NICOLAS VINOKOUROV, SON COÉQUIPIER

Quatre secondes de moins et c’était encore une place gagnée au général. Clément Champoussin, dans sa ville natale et après avoir croisé famille et amis le long du parcours, a terminé 5e de la dernière étape de Paris-Nice et 7e du général. Son meilleur résultat sur une course par étapes. « J’étais bien, j’ai tout mis, je n’ai aucun regret. C’est une course qui m’a toujours fait rêver, c’est bien de pouvoir accrocher un beau résultat cette année, confiait en fin de journée le Niçois. Les jambes étaient bien. Ça fait plaisir, je me suis accroché tous les jours. » Deuxième jeudi derrière Lenny Martinez à La Côte Saint-André, il était encore avec les meilleurs samedi à Auron (9e) et très à l’aise hier.

Pour sa deuxième saison chez XDS Astana, Champoussin (26 ans) confirme sa montée en puissance depuis sa victoire au Tour de Toscane en septembre 2024. Il confirme aussi une dimension de leader en devenir au sein de la formation kazakhe. «Il est arrivé chez nous comme un vrai leader, je pense qu’il n’était pas exploité de la bonne façon chez Arkéa selon moi, là il a des libertés, il performe plus, confie son coéquipier Nicolas Vinokourov, installé à Monaco et qui connaissait lui aussi les routes par coeur. Il fait un début de saison énorme. » « Je pense que je me suis bien entraîné cet hiver. Je suis plus relax, plus détendu », admettait Champoussin, premier Français de ce Paris-Nice et lancé vers un début de printemps ambitieux.

***

In completo controllo

17 Mar 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT

In posizione di forza dopo le dimostrazioni di Visma nella cronometro a squadre e nei cordoli, Matteo Jorgenson regna sulla Parigi-Nizza. Vincitore a sorpresa dello scorso anno, l'americano è ora diventato il capo.

“Capo no, ma leader sì. 
È uno dei miei obiettivi di quest'anno, 
controllare la squadra, 
dare la mia opinione durante le riunioni”. 
   - MATTEO JORGENSON

Da pagina 1 NIZZA - Finalmente, al termine di una settimana trascorsa tra pioggia, vento, freddo, neve e un po' di sole, Matteo Jorgenson si è rilassato. Solo a tagliare il traguardo alle spalle del vincitore, Magnus Sheffield (vedi a lato), la Maglia Gialla ha battuto ieri un pugno festoso per festeggiare la sua seconda vittoria in dodici mesi alla Parigi-Nizza, doppietta che nessuno aveva centrato dai tempi di Alexandre Vinokourov nel 2002-2003, se si esclude l'edizione cancellata dal Covid-19 nel 2020. Gioia, sollievo, orgoglio, l'americano (25 anni) ha espresso un concentrato di emozioni che si è lasciato vivere sulla Promenade des Anglais, mentre tutto gli era caduto addosso un anno prima, quando aveva vinto all'ultimo giorno dopo una notte brevissima, consumata dallo stress.

Questa volta ha lasciato il secondo classificato Florian Lipowitz (Red Bull-Bora-Hansgrohe) a 1'15'', il maggiore distacco registrato da trent'anni a questa parte (Laurent Jalabert vinse con 1'40" nel 1995) in una gara che spesso si decide per una manciata di secondi. A caccia di abbuoni all'inizio della gara, ben piazzato dalla cronometro a squadre e dalla Visma-Lease a bike, era “fottutamente forte”, ha esclamato Thymen Arensman (Ineos Grenadiers), terzo uomo sul podio, quando Jorgenson è venuto a congratularsi con lui. “Imbattibile”, ha concordato il suo baffuto compagno di squadra Victor Campenaerts. Ma soprattutto “in controllo ogni giorno”, ha detto (il suo compagno) Edoardo Affini. Questa Parigi-Nizza è stata molto più dura dell'anno scorso, molto più veloce, e Matteo ha sempre manovrato bene. Ho sentito che aveva più fiducia in se stesso, perché sapeva cosa era in grado di fare, e ha gestito la squadra molto bene, dicendo che voleva così e così in un tale momento, o che un altro corridore doveva affrontare questo o quell'altro. Sta davvero diventando quello che considero un ottimo leader”.

Lo Jorgenson versione 2024 è stato uno dei migliori corridori della stagione, capace di vincere una gara di una settimana come una classica delle Fiandre prima di mettersi al servizio di Jonas Vingegaard al Tour (8°). Ma dopo un primo anno di successo con Visma-Lease a bike, dove ha trovato l'ambiente perfetto per soddisfare il suo desiderio di spingere ogni dettaglio al limite, lo Jorgenson del 2025 sembra destinato ad andare ancora più in alto.

Venerdì mattina, mentre Jonas Vingegaard lasciava la squadra dopo la caduta, è stato lui a motivare i suoi compagni di squadra e a indicare il punto-chiave del percorso. Il risultato: un vantaggio che ha intrappolato un gruppo di rivali. “È sereno e naturalmente flemmatico, ed è fantastico stargli vicino”, ha detto Axel Zingle. Ieri i Red Bulls lo hanno messo alla prova isolandolo. Ma la Maglia Gialla è rimasta stoica: due attacchi di Lipowitz sulla côte de Peille, due reazioni immediate, prima di scattare sul col d'Èze, dove nessuno è riuscito a prendergli la ruota, la discesa che fa ogni giorno, uno sguardo verso casa sulla Moyenne Cor di nicchia, e il rettilineo finale dove è riuscito ad avvantaggiarsi, anche se non è riuscito a prendere Sheffield, il suo connazionale, che lo descrive come una “leggenda” dopo queste due vittorie in fila.

“Ho pensato a questa settimana per quattro mesi”, ha ricordato Jorgenson. Quattro mesi in cui ha insistito molto per tornare, nonostante la sua squadra volesse schierarlo per la Tirreno. “Dopo la pausa, a novembre, ho richiamato Grischa (Niermann, il suo direttore sportivo) per dirgli che non ero motivato ad allenarmi per la Tirreno come invece lo ero per la Parigi-Nizza, così ho chiesto di venire qui. Sono contento che lui e Jonas abbiano accettato.

La leadership condivisa con il danese avrebbe potuto diventare un problema e l'attacco del due volte vincitore del Tour sulla Loge des Gardes (quarta tappa), quando Jorgenson era in giallo, ha sollevato dubbi sulla strategia della squadra. La caduta dello scalatore il giorno successivo ha messo fine a tutto questo. E il capo ha parlato. "Capo no, ma leader sì", ha risposto il nizzardo adottivo. "Questo è uno dei miei obiettivi di quest'anno: controllare la squadra ed esprimere la mia opinione durante le riunioni”.

Una risorsa per Visma nelle classiche fiamminghe

I suoi obiettivi sportivi erano di fare altrettanto bene e, dopo il successo di ieri, sarà una risorsa preziosa per la squadra neerlandese nelle classiche delle Fiandre. Dopodiché si preparerà per il Tour de France, come semplice compagno di squadra, promette. La Visma gli ha offerto la possibilità di essere protagonista del Giro a maggio, ma il ragazzo cresciuto nel Chambéry CF (Cyclisme Formation) ha rifiutato. Ci ha pensato “molto durante l'inverno” e preferisce aspettare un po', “ma è un obiettivo che mi sono posto nella mia carriera. Prima avevo obiettivi che consideravo impossibili e li ho raggiunti, come la Parigi-Nizza, che mai avrei immaginato di vincere e che ho appena vinto due volte. Ora devo puntare un po' più in alto. Uno di questi è quello di ripetersi l'anno prossimo sulla "Course au Soleil", come ha già promesso, senza aspettare di conoscere il parere dei suoi dirigenti.

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