Ewan vole toujours
Au placard cet hiver, contraint de trouver une troisième équipe en treize mois et proche de raccrocher, « Pocket Rocket » s’est imposé au sprint hier, signant son retour, à 30 ans.
9 Apr 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT
LODOSA (ESP) – Le calme avant la roquette. Après une journée à bourdonner sur de longues lignes droites au milieu des champs de fleurs et d’oliviers, tenant en laisse les cinq échappés à deux minutes à peine, le peloton s’est déchaîné dans le final, sentant arriver le fameux pont situé à 400 mètres de l’arrivée à Lodosa, cet enchaînement droite-gauche qui pouvait propulser vers la victoire au sprint. En tête aux 200 mètres, Luca Van Boven (Intermarché-Wanty) s’est alors dit « putain, je vais gagner ! Mais Ewan était largement plus rapide que moi. »Caleb Ewan dans son style particulier a fait la différence hier dans les derniers mètres à Lodosa.
L’Australien a soufflé tout le monde, dans son style caractéristique qui lui vaut le surnom de « Pocket Rocket », avancé sur sa machine, le torse presque posé sur le ceintre, et a tourné pour de bon la page « d’un hiver difficile », confiait-il ensuite, prenant le soin de peser ses mots.
« Je n’étais pas certain de poursuivre ma carrière, pas certain d’avoir envie de continuer non plus. C’était beaucoup de questions et pas une situation facile avec mon ancienne équipe (Jayco-AlUla, qu’il n’a jamais citée). Ils jouaient une sorte de jeu avec moi, je ne savais pas si j’ étais toujours dans l’ effectif ou pas, et juste avant Noël, ils m’ont fait comprendre que je ne faisais plus vraiment partie du groupe (bien que sous contrat), explique-t-il.
Quand, une semaine avant le début de saison, vous n’avez pas d’équipe… Je ne savais pas, est-ce qu’il fallait que je demande à toutes les autres formations si elles avaient une place pour moi ? Je me suis dit que je continuerais à condition d’en trouver une où je pouvais imaginer retrouver mon meilleur niveau. Mais courir pour courir, non, j’ai une famille et plus rien à prouver, j’ai déjà accompli tout ce que j’espérais réussir dans ma carrière. »
"Caleb a beaucoup travaillé depuis son arrivée,
mais il y a les jambes et la tête, la confiance.
Tout le monde aime travailler avec lui"
- CHRISTIAN KNEES, DIRECTEUR SPORTIF D’INEOS
À 30 ans, il était à un tournant qui aurait pu être le dernier d’une carrière brillante (65 succès désormais). Vainqueur d’étape sur les trois Grands Tours (et même cinq fois sur le Tour et le Giro), deux fois deuxième de MilanSan Remo, le coureur passé par la piste semblait passé du côté obscur depuis le Tour 2023. Après deux podiums (3e, 2e), le leader de Lotto abandonnait la course lors de la 13e étape, s’attirant les foudres de son manager (« Je n’ai jamais vu ça », rouspétait Stéphane Heulot).
Retour chez les Australiens de Jayco et un environnement familier en 2024. R e-flop, avec des résultatsdécevants et une réputation de garçon difficile à gérer. Jusqu’à sa mis eau placard cet hiver.
Mais Ineos, qui n’avait plus eu de sprinteur majeur depuis une dizaine d’années, a tenté le coup et l’a signé pour une saison, fin janvier, et se frotte déjà les mains. Dès sa rentrée, Ewan a levé les bras sur la Semaine Coppi et Bartali (le 25 mars), et il a donc remis ça hier, profitant de l’absence de concurrence .« Vous ne pouvez pas vous attendre à ça, avouait son directeur sportif Christian Knees.
Mais on est heureux pour lui, qu’il ait gagné, qu’il nous ait fait confiance. Caleb a beaucoup travaillé depuis son arrivée, mais il y a les jambes et la tête, la confiance. Il est très relax, dit ce dont il a besoin, tout le monde aime travailler avec lui. » Ewan, lui, n’a cessé de souligner le soutien d’Ineos, alors qu’il «ne croyait plus possible, à un moment, de revenir au top ». Le revoilà, toujours prêt à exploser.
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Trois Bleus dans les six premiers d’une étape de sprint sur une course World Tour, cela n’arrive pas tous les jours. C’est pourtant ce qu’ont réussi Bastien Tronchon (Decathlon-AG2R La Mondiale, 3e), Thibaud Gruel (Groupama-FDJ, 4e) et Axel Zingle (Visma-Lease a bike, 6e) hier. Une déception pour ce dernier, qui visait la gagne mais qui a perdu son poisson-pilote Victor Campenaerts à trois kilomètres de l’arrivée sur chute. Une vraie réussite pour les deux premiers, qui se sont invités en l’absence des meilleurs sprinteurs.
« Je sortais de bons sprints à l’entraînement, donc je me suis dit pourquoi ne pas essayer, a expliqué Tronchon. Ç’a motivé l’équipe à prendre les devants, ils ont d’ailleurs super bien bossé. Je n’ai pas souvent l’occasion de faire le sprint donc 3e, c’est cool. » (P.M.)
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