L’envers du Nord
Thierry Gouvenou, le directeur de Paris-Roubaix,
a mené la troupe sur le chemin de cette nouvelle reconnaissance officielle.
La reconnaissance officielle, qui lance pour de bon la semaine de ParisRoubaix, avait lieu hier. «L’Équipe» a pris la roue du directeur de l’Enfer du Nord, Thierry Gouvenou. Très tôt le matin jusqu’à tard le soir.
9 Apr 2025 - L'Équipe
THOMAS PEROTTO, PHOTOS : BERNARD PAPON
Les pavés ont-ils vraiment une odeur, une mémoire, une substantifique moelle qui en feraient des éléments d’un autre temps, d’une mythologie à part ? Poser la question, c’est déjà y répondre, ou alors c’est méconnaître l’histoire de Paris-Roubaix et de tout ce qui lui est accolé.
Thierry Gouvenou, directeur de la course, possède un attachement particulier à cette course: septième en 2002, équipier de Greg LeMond en 1991 quand le triple vainqueur américain du Tour de France avait décidé de s’aligner sur l’Enfer du Nord (Pogacar est cette année le premier vainqueur sortant du Tour à prendre le départ depuis cette date), encore équipier de Gilbert Duclos-Lassalle lors de sa victoire en 1992 et 1993, installé depuis 2004 chez l’organisateur ASO (propriété, comme L’Équipe, du groupe Amaury) et maître des horloges de cette semaine sainte. Le suivre, depuis 6h20 au départ de Paris, c’est s’assurer un long conte, haut en couleur et anecdotes. «Ah, la météo se décale, il y aurait de la pluie dimanche… Mais bon, la météo du mardi… », météorologise-t-il en mettant le cap, depuis le siège passager, vers Troisvilles (Nord).
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Dans la salle à manger de Françoise Santerre, située derrière le comptoir d’un bar-restaurant qui porte le prénom de sa patronne, la table est dressée, avec les cornichons, le saucisson à l’ail, le pâté de campagne et le pain. L’omelette baveuse arrive. La fameuse. La bière ou le café aussi. Puis l’assiette de fromages et la tarte au sucre. Rituel immuable, depuis quarante ans, pour tous ceux qui passent et repassent sur la reconnaissance de Paris-Roubaix en début de semaine.
Ce point de contact obligé a maintes fois noir ci les pages de ce journal, mais la répétition n’est pas pour autant synonyme de lassitude: «Àlafin des années 1980, les organisateurs cherchaient une autre entrée de pavés que Neuvilly, ils se sont arrêtés à Troisvilles et cherchaient un bistrot pour déjeuner. Françoise leur a dit : “Venez, j’ai des oeufs dans le frigidaire.” C’est resté, rembobine Gouvenou (55 ans). Elle est très impliquée dans la préservation des pavés et dans le vélo. C’est un rituel et c’est devenu un lieu de rassemblement. Ça fait partie de la reconnaissance. »
L’omelette dévorée sans sourciller, Gouvenou et Cédric Coutouly, responsable sportif chez ASO qui tient le volant, distribuent les tracés GPS. L’oeil est rivé sur la carte et le nom des secteurs pavés à égrener. Un cortège de voitures se forme, Gouvenou s’empare d’un talkie-walkie pour annoncer le programme à ses suiveurs, venus dans le Nord écouter la bonne parole.
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Famars, un retour, un fossé et un secteur cher à Alain Deloeuil
Parfois, on fait du nouveau avec de l’ancien. Le secteur pavé d’Artres-Famars (numéro 23, 1200m, 3 étoiles) n’était plus apparu sur Paris-Roubaix depuis 2014. Il amorce un passage de cinq secteurs en quinze bornes et fait son retour après des aménagements. « Il y avait toujours une grosse flaque ici, c’était dangereux. C’était inondé en permanence», rappelle Gouvenou. Des travaux ont commencé en février et c’était une condition des organisateurs pour revenir dans le coin.
Creusé sur le côté gauche, le fossé permettra
à l’eau de s’écouler en cas de pluie dimanche.
« C’est un secteur qui me tient à coeur. Il y en a d’ailleurs deux beaux qui ont été réhabilités (un premier de 1 300 m et le deuxième de 1 200 m), confie Alain Deloeuil, ancien directeur sportif de Cofidis, qui habite les environs. « La commune a très bien joué le jeu. On a rouvert sur un mètre de macadam pour nettoyer et creuser un fossé sur le côté gauche, pour que l’eau puisse s’écouler» , explique le retraité depuis un an et demi .« Il a fallu drainer et réguler sur le bas-côté. C’est important de maintenir ces secteurs. Il y a une vraie fierté des communes à avoir leur secteur pavé, reprend Gouvenou. Il faut les garder en vie. C’est un endroit qui comptera en plus, ça va densifier la course devant avant d’arriver sur Arenberg… »
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Denain et l’aura de Pauline Ferrand-Prévôt
La caravane médiatique a pris la route de Denain et de son complexe sportif Jean-Degros, pour présenter le Paris-Roubaix femmes avec Zwift. C’est la cinquième fois de suite que l’épreuve prend le départ de cette ville. «Onestà chaque fois comme des enfants qui attendent Noël », sourit Aymeric Robin, le président de la Communauté d’agglomération de La Porte du Hainaut. 148,5 km, 17 secteurs pavés (sur 29,2 km) pour une course lancée en 2021 et qui ne cesse de grandir. Pendant la conférence de presse, c’est la présence de la Française Pauline FerrandPrévôt (Visma-Lease a bike), à l’image de celle de Tadej Pogacar sur l’épreuve masculine, qui attire toute l’attention. «On scrutait la liste des engagées, on savait que pour elle c’était un objectif à moyen terme. Pour son retour sur route (elle a été championne olympique de VTT en 2024 après plusieurs années dans cette discipline), on voit qu’elle est en forme et ça laisse présager de belles choses, remarque Franck Perque, le directeur de l’épreuve. Sur ce terrain-là, exigeant, elle peut exister. » Mons-en-Pévèle ou le Carrefour de l’Arbre (mais pas la trouée d’Arenberg, pour l’instant…) attendent les coureuses. Le public, les médias ou les organisateurs attendent encore plus « PFP ».
La caravane médiatique a pris la route de Denain et de son complexe sportif Jean-Degros, pour présenter le Paris-Roubaix femmes avec Zwift. C’est la cinquième fois de suite que l’épreuve prend le départ de cette ville. «Onestà chaque fois comme des enfants qui attendent Noël », sourit Aymeric Robin, le président de la Communauté d’agglomération de La Porte du Hainaut. 148,5 km, 17 secteurs pavés (sur 29,2 km) pour une course lancée en 2021 et qui ne cesse de grandir. Pendant la conférence de presse, c’est la présence de la Française Pauline FerrandPrévôt (Visma-Lease a bike), à l’image de celle de Tadej Pogacar sur l’épreuve masculine, qui attire toute l’attention. «On scrutait la liste des engagées, on savait que pour elle c’était un objectif à moyen terme. Pour son retour sur route (elle a été championne olympique de VTT en 2024 après plusieurs années dans cette discipline), on voit qu’elle est en forme et ça laisse présager de belles choses, remarque Franck Perque, le directeur de l’épreuve. Sur ce terrain-là, exigeant, elle peut exister. » Mons-en-Pévèle ou le Carrefour de l’Arbre (mais pas la trouée d’Arenberg, pour l’instant…) attendent les coureuses. Le public, les médias ou les organisateurs attendent encore plus « PFP ».
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Pont Gibus et les pavés nettoyés par le lycée horticole
Il s’échine, sous les yeux des caméras et des micros tendus, à expliquer, réexpliquer pour les retardataires, son travail et sa passion. Sami Poingt, 19 ans, élève du lycée horticole de Raismes, est en pleine réfection des pavés du secteur de Wallers à Hélesmes, celui surnommé Pont-Gibus (numéro 18, 1 600 m, 3 étoiles). Un endroit qui tient son nom de Gilbert DuclosLassalle, qui avait construit son succès en 1992 à cet endroit. Au bord de l’eau, Sami raconte : « Ça fait cinq ans que je fais ce travail. On fait de la pose et dépose, on ne veut pas que l’eau stagne sur les côtés alors on fait une rigole. C’est pour éviter qu’il y ait des chutes, c’est pour la sécurité des coureurs. Après, c’est un Tetris géant pour bien replacer les pavés et les mettre à niveau. Les meilleurs du peloton passent ici, c’est une reconnaissance pour notre travail quand tout se passe bien. » Fier, presque ému, il ajoute sous le regard de son professeur en montrant trois photos et l’évolution des pavés : « C’est le respect de notre patrimoine, on l’entretient. »
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Gouvenou ses avait attendu à cet endroit-là de la reconnaissance. L’an dernier, le peloton s’ était déchiré en avis contraires sur la chicane mise en place à l’entrée de la mythique trouée d’Arenberg (numéro 19, 2300m, 5 étoiles) pour ralentir la vitesse. Cette année, pas de chicane, pas non plus d’entrée à pleine balle, mais un nouvel aménagement. « Nous avons fait nettoyer une ancienne voie qui permet désormais d’accéder autrement à la trouée d’Arenberg, observe le directeur de la course. Au lieu d’arriver en ligne droite, les coureurs vont faire quatre virages dans les 600 derniers mètres, et aborder le secteur à une vitesse située autour des 35 km/h. Ça fait quatre virages, en angle droit, à la place d’une ligne droite. Il faudra freiner pour prendre le virage, relancer. Et à chaque fois qu’il y a un virage, cela étire le peloton. On ne peut donc plus arriver à huit de front. »
Un peu plus tard, après un déjeuner pris sur le site minier, la voiture fend la trouée à allure moThierry dérée (environ 30 km/h) et il suffit d’être assis sur son siège et cramponné à la poignée de la porte pour se rendre compte des secousses. Sur le pavé, notamment dans la deuxième partie, beaucoup d’herbe a poussé. Les pâquerettes ont fleuri et donnent le sourire à tout le monde, comme un vrai goût de printemps. Dimanche, lancé dans cette ligne droite mythique et qui fait tant souffrir, Pogacar, Van der Poel et les autres penseront à tout sauf sourire.
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Les anecdotes en voiture et la fin d’une longue journée
La reconnaissance a pris fin sous la lumière orangée de la plaine de Bouvines à la sortie du Carrefour de l’Arbre (numéro 4, 2 100 m, 5 étoiles), dernier grand secteur pavé de tous les dangers dans la foulée de celui de Camphin-en-Pévèle (numéro 5, 1 800 m, 4 étoiles). Au Carrefour de l’Arbre, comme à Mons-enPévèle (numéro 11, 3 000 m, 5 étoiles) et à Gruson (numéro 3, 1 100 m, 2 étoiles), l’organisation placera d’ici dimanche du piquetage-cordage, pour retenir les spectateurs sur les bas-côtés. Et éviter les accidents.
« Ah tiens, je me suis gamellé ici en 2002, mais je ne me suis jamais relevé aussi vite d’une chute », rigole Gouvenou, qui aura, comme son pilote-copilote Cédric Coutouly, alterné toute la journée entreblagues,anecdotesetexplications sur le travail effectué en amont de la course. « S’il pleut dimanche, la reconnaissance n’aura servi à rien », soupire une dernière fois Gouvenou, dans la nuit qui est tombée sur les pavés comme à Paris. Rendez-vous dimanche.
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Passionné, spécialiste des pavés et héros de la journée,
Sami Poingt travaille pour la sécurité des coureurs.
Les grosses cuisses du peloton auront champ libre au Grand Prix de l’Escaut, aujourd’hui. La 113e édition de la plus ancienne des courses flamandes, qui relie les Pays-Bas à la Belgique sur 203 kilomètres – vierges de difficulté notable – verra sans doute, comme souvent, un sprinteur triompher dans les rues de Schoten. Un intraitable Tim Merlier (Soudal-Quick Step) avait cueilli le bouquet l’an passé et compte bien réitérer la performance, lui qui arrive sans Tour des Flandres dans les jambes et le palmarès de la saison déjà bien garni (6 victoires, dont 2 étapes de Paris-Nice).
Dans la dernière ligne droite, le Belge devra bagarrer contre un Jasper Philipsen (AlpecinDeceuninck) revanchard, double lauréat de l’épreuve (2021, 2023), mais 2e en 2024. D'autant plus que le Flamand n’a levé les bras qu’une seule fois (sur Kuurne-BruxellesKuurne) cette année et a souffert des conséquences d’une chute dans le final de Nokere Koerse mi-mars. Côté oustiders, Jordi Meeus (Red Bull-Bora hansgrohe), Milan Fretin (Cofidis) entre autres Dylan Groenewegen (Jayco AlUla) devraient garnir l’arrivée massive, histoire de compliquer les pronostics.
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