Le dernier des résistants


28 Mar 2025 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PIERRE MENJOT

A coiffé hier Juan Ayuso, son bourreau de la veille, et repris au jeune Espagnol le leadership. 
À 35 ans, le Slovène aux 89 victoires est toujours là, détaché mais déterminé.

"La passion qu’a Roglic pour son sport est incroyable"
   - PATXI VILLA, L’UN DE SES 
     DIRECTEURS SPORTIFS CHEZ RED BULL

MONTSERRAT (ESP) – C’est un lieu chargé d’histoire, de spiritualité, ces bergers qui aperçurent la statue de la Vierge Marie dans une grotte, lançant au IXe siècle la construction d’un monastère au pied de ces pics de roche majestueux, découpés par les anges avec une scie en or, selon la légende catalane, pour donner Montserrat. Un joli belvédère sur le monde où sont montés toute la journée des pèlerins à deux roues, massés pour assister à un nouveau duel entre Juan Ayuso et Primoz Roglic, cette fois remporté par le Slovène, dans une forme d’anachronisme, de résistance au poids des années qui vous poussent vers la sortie, qu’il refuse d’envisager pour l’instant, « même si chacune de mes victoires est de plus en plus proche d’être ma dernière », philosophait-il au pied de la basilique.

Roglic a 35 ans et, dans un cyclisme chamboulé par le jeunisme, où les anciens comme Geraint Thomas (38 ans) ou Mikel Landa (35 ans) reculent doucement, il demeure « l’un des quatre meilleurs du monde », soutenait Giulio Pellizzari, son équipier chez Red Bull-Bora-Hansgrohe. L’Italien a quatorze printemps de moins, son aîné en a bien conscience, lui qui se bat depuis deux jours avec un rival de 22 ans à peine.Maisilesthabituéàcesjeunes « qui volent », lance-t-il. «À l’intérieur, j’ai toujours 20 ans, je pourrais me colorer les cheveux pour paraître plus jeune, rigolait l’homme aux quatre Vueltas, sous contrat jusqu’en 2026. J’ai commencé le vélo à 23 ans, un âge où, aujourd’hui, un cycliste doit avoir gagné des Monuments et des grands Tours. C’est un challenge de me maintenir, d’accepter de changer des choses pour rester compétitif. »

Il le fait à la Roglic. Très professionnel, mais accompagné d’un détachement jamais feint. À l’heure où les cadors prennent les départs des courses pour les gagner, lui est capable de se pointer au Tour d’Algarve, en février, loin de son pic de forme, les jambes même pas rasées (ce qu’il montrait volontiers). Et de se satisfaire d’une 2e place, mercredi à la Molina, seulement battu à la photofinish par Ayuso mais content de ses sensations « et parce qu’il y a un sautoir pas loin je crois, de ce côté-là », montrait l’ancien sauteur à ski.

Une victoire de plus ou de moins, qu’importe, il en compte déjà 89, et même gagner le Tour de France, qui lui échappa l’avantdernier jour en 2020 (battu par Tadej Pogacar lors du chrono de la Planche des Belles Filles), « ne changerait pas ma vie, confiait-il l’an passé. Je resterais le même, ma famille resterait la même, et je reviendrais l’année suivante sur le Tour. Je suis ainsi, je ne veux avoir aucun regret à la fin de ma carrière, mais je n’ai jamais mis tout mon être dans toutes ces choses. À la fin, il faut être heureux, peu importe le résultat. »

Unmantradeperdantmagnifique qui colle mal à son palmarès (outre ses Vueltas : 1 Giro, un titre olympique du contre-la-montre, 2 Tirreno, 2 Dauphiné, 1 ParisNice…) et aux sacrifices qu’il s’impose, comme ces trois semaines en stage au Teide (Espagne) avant le Tour de Catalogne, « soit un mois à sacrifier la famille ». « Audelà de toutes ses victoires, la trace que va laisser Primoz dans l’histoire, c’est combien il lutte, combien il aime son sport, appuie Patxi Vila, l’un de ses directeurs sportifs chez Red Bull cette semaine. Cette passion qu’il a est incroyable. »

Depuis son arrivée dans l’équipe allemande, l’an passé, « Rogla », assez solitaire et qui conserve davantage d’amis dans le ski que dans le cyclisme, bien qu’apprécié de tous, a dû changer. Devenir leader d’une équipe espérant grandir avec lui. Montrer l’exemple. Cela lui a pris « beaucoup d’énergie », jugeait-il en décembre, espérant redevenir «un simple coureur » en 2025. Mais l’aura du Slovène, inversement proportionnelle à son style sur le vélo, cul posé sur la selle, épaules gainées, arrêter le compteur pour seule célébration, le rattrape. « J’ai choisi cette équipe pour lui, donc je suis très heureux de pouvoir ne serait-ce que déjeuner et dîner aveclui», pétillait Pellizzari, tombé dans ses bras à l’arrivée hier. « Il prend soin des jeunes, avec un leadership tranquille, très positif, abonde son directeur sportif. Il leur dit : ‘’Il faut du temps, tu vas y arriver, moi quand j’ai commencé je faisais aussi beaucoup d’erreurs, bien plus que toi’’. »

Il en commet encore, pas plus tard que mercredi quand, en tête du virage-clé, à 150 mètres de l’arrivée, il avait laissé la porte ouverte à son rival Ayuso. « C’est un champion, car d’autres auraient tenté de me coincer », soulignait l’Espagnol. Hier, le champion était toujours là, seul à le suivre lors de l’attaque du coureur d’UAE à 2,5 kilomètres de l’arrivée, et le voilà leader du Tour de Catalogne, dans la même seconde que son jeune rival. « Il reste des étapes difficiles à venir, on va faire jour après jour et on verra à la fin », balayait Roglic, en préparation pour le Giro (9 mai-1er juin). Peut-être gagnera-t-il la course catalane dimanche, peut-être pas, mais après tout, qu’importe ?

***

Martinez grignote

Quatrième à la Molina mercredi, quatrième hier à Montserrat, Lenny Martinez a profité des deux étapes de montagne pour s’installer dans le haut du classement du Tour de Catalogne. « J’étais un peu bloqué par (Enric) Mas dans le virage pour faire le sprint pour la 3e place, mais je remonte une place au général », jugeait le leader de Bahrain-Victorious, désormais 5e d’un classement très serré derrière Roglic et Ayuso (dix coureurs en quarante secondes). Le peloton soufflera un peu aujourd’hui, avec une étape dédiée aux sprinteurs délestés de Kaden Groves (2e et 3e des deux premières étapes), malade et qui a abandonné hier. Avant le retour de la montagne, demain, et une journée à 4000 mètres de dénivelé positif en à peine 159 kilomètres.

Commenti

Post popolari in questo blog

Dalla periferia del continente al Grand Continent

Chi sono Augusto e Giorgio Perfetti, i fratelli nella Top 10 dei più ricchi d’Italia?

I 100 cattivi del calcio