INTOUCHABLE


TRIPLÉ POUR L’ÉRYTHRÉE

Biniam Girmay a remporté une troisième étape, renforçant son maillot vert et son statut de meilleur sprinteur du Tour, au bout d’une journée où Primoz Roglic est tombé et a perdu du terrain au général.

12 Jul 2024 - L'Équipe
ALEXANDRE ROOS

VILLENEUVE-SUR-LOT (LOT-ET-GARONNE) – Ce devait être une torture supplémentaire pour les coureurs de naviguer le long de ces lacs, étangs, ruisseaux au glougloutement rafraîchissant, de passer au ras des terrasses où les tranches de foie gras suaient dans la fournaise, de zigzaguer dans les ruelles de ces villages de pierres claires qui débordaient de chaleur et de vacanciers.

Une invitation à balancer son vélo et tout le reste au fond d’une mare, d’autant plus qu’au lendemain de la fête foraine du Massif central, on a bien senti que le Tour de France avait vraiment basculé dans sa deuxième moitié et dans une nouvelle phase, celle où la course la plus dure du monde sort son kit de chirurgien, trifouille et gratouille au plus profond de chacun pour voir ce qu’il y reste de forces et d’âme.

Le stade de l’impitoyabilité a été atteint ; les plus faibles, les malades sont guillotinés sans une dernière parole, une dernière prière. Il n’y a qu’à voir les dégâts causés par l’étape d’hier, dite de « transition ». Dans une Grande Boucle qui avait été jusque-là clémente en termes de chutes et d’abandons, la journée a envoyé quasiment autant de monde à la maison que toute la course depuis le départ et on ne connaît pas encore les conséquences dans les prochains jours de la gamelle survenue à 12km de l’arrivée, notamment sur Primoz Roglic, dont on reparlera.

Le mode survie est déjà activé pour beaucoup

Trois coureurs – Jonas Rickaert, tombé en début d’étape, et Soren Kragh Andersen, deux équipiers de Jasper Philipsen, ainsi que Yevgeniy Fedorov – ont ainsi terminé hors délai d’une étape certes mal plate, mais pas non plus hérissée comme une journée de montagne, alors que Pello Bilbao et Fabio Jakobsen ont bâché en cours de route, pâles et vidés.

La fatigue s’est installée, des virus circulent dans les équipes, le mode survie est déjà activé pour beaucoup, les défaillances guettent, alors qu’en miroir, les plus forts vont désormais se détacher encore plus de la masse. Cette deuxième mi-temps est le moment des dominants et Biniam Girmay l’a signifié de sa troisième victoire dans ce Tour. Philipsen, en difficulté cette année, privé hier du sillage de Mathieu Van der Poel, lui aussi dans un état grumeleux, on pensait que le gâteau des sprints serait partagé entre les autres bolides. Mais il faut croire qu’il y a toujours besoin d’un patron et l’Érythréen a remplacé le Belge dans ce rôle, au nombre de victoires mais aussi dans la quête du maillot vert.

Van Aert peut avoir les naseaux qui fument

Il possède désormais plus de 100 points d’avance, ce qui oblige quasiment Philipsen à remporter les deux derniers sprints de ce Tour, aujourd’hui à Pau et mardi à Nîmes (50 points chacun), même s’il y a aussi des points à récupérer dans les sprints intermédiaires.

Biniam Girmay est intouchable et même les remous de l’emballage d’hier n’ont pas suffi à égratigner sa supériorité. On a enfin vu Arnaud Démare sprinter dans ce Tour, bien emmené par Dan McLay, mais le Français, troisième, a été déclassé pour avoir tassé Wout Van Aert contre les barrières. Le Belge peut avoir les naseaux qui fument, car malgré cet obstacle, il a pris la deuxième place sur la ligne. Surtout, alors qu’il vit un Tour compliqué, quasi fantomatique, cela fait deux fois qu’il se fait écarter de la bagarre par un coureur ensuite déclassé, puisque Jasper Philipsen lui avait fait le même coup à Dijon (5e étape).

Mark Cavendish a lui aussi subi les foudres des commissaires, déclassé comme Démare pour s’être déplacé en crabe dans le paquet. Un sprint chahuté donc, alors que le nombre d’opportunités pour les grosses cuisses a fondu, ce qui crée de la nervosité, et que la main-d’oeuvre se raréfie pour les emmener, ce qui favorise le chaos.

La chute d’hier dans le final a ainsi éliminé quelques soutiens, notamment pour Arnaud De Lie. Elle s’est produite à 12km de l’arrivée, dans une zone qui avait été relevée par les états-majors des équipes, avec beaucoup de mobilier urbain, notamment cet îlot directionnel en demi-cylindre qui coupait la chaussée en deux. C’est là-dessus qu’Alexey Lutsenko a buté le premier alors que les formations de favoris et celles de sprinteurs, qui avaient rattrapé 30km plus tôt l’échappée du jour (Valentin Madouas, Quentin Pacher, Anthony Turgis, Jonas Abrahamsen), bataillaient pour être toutes au même endroit, à l’avant.

Un schéma classique, et de retrouver ce poissard de Primoz Roglic à terre l’était tout autant. Le Slovène, épaule droite râpée, est reparti, escorté par tous ses équipiers de Red Bull Bora, mais il a déboursé 2’27’’ à Villeneuve-sur-Lot et il y avait dans cette poursuite un peu molle de la tristesse, de l’abattement, mais aussi l’impression d’une inquiétude pour la suite. Pour l’instant, Roglic, désormais sixième au classement général, a vu le podium s’éloigner, à plus de 3’30’’, et les prochaines heures diront s’il peut continuer et, si oui, dans quel état.

Pogacar se fait une petite frayeur et une séance vidéo

Cette mésaventure a été un nouveau rappel de la fragilité du sort de chacun dans ce Tour de France, ainsi que des vérités balancées à la hâte, et Tadej Pogacar s’est lui aussi fait une petite frayeur hier, emmêlé dans une première chute à 180km de l’arrivée, où il a été obligé de mettre pied à terre et de changer de vélo. À l’arrivée, le Maillot Jaune a glissé que, contrairement à ses habitudes, il avait revisionné des images de l’étape du Lioran, mercredi, et de son bras de fer avec Jonas Vingegaard, qu’il avait analysé les moments forts de chacun.

Il a sans doute pu constater qu’il ne pouvait pas courir face au Danois comme contre les autres, avec la même légèreté. Il aura encore l’étape du jour pour ruminer tout cela. Elle doit l’emmener à Pau, au pied des Pyrénées, où, demain, il aura l’occasion de montrer qu’il a retenu la leçon.



***

Roglic, chute et rechute

RÉGIS DUPONT

Le Slovène est tombé, comme la veille, et il a perdu près de 2’30’’. Ses rêves de podium sont compromis et son épaule droite est touchée.

VILLENEUVE-SUR-LOT – Avant le départ à Florence, Primoz Roglic (34ans) avait répété à plusieurs reprises son espoir que l’arrivée de Red Bull à la tête de son équipe lui donne des ailes. Il semble bien qu’elles se soient repliées pour de bon hier dans la traversée de La Sauvetat-sur-Lède. Le Slovène, qui se trouvait alors dans le premier tiers du peloton, a été une victime collatérale de la glissade d’Alexey Lutsenko sur un aménagement de voirie placé en plein centre de la chaussée, à 12 kilomètres de l’arrivée. Tombé à une douzaine de kilomètres de l’arrivée, Primoz Roglic est reparti avec plusieurs de ses équipiers qui l’avaient attendu.

Le Kazakh a entraîné dans sa chute, entre autres, le leader de la Red Bull BoraHangsrohe, qui s’est relevé, a été attendu par ses coéquipiers, mais n’est jamais parvenu à réintégrer le peloton. Pire, son retard, estimé à 50 secondes quand il est remonté sur son vélo, a atteint 2’27’’ sur la ligne. Un débours invraisemblable sur une si courte distance pour un coureur qui aurait fini en pleine possession de ses moyens.

Primoz Roglic a reculé à la sixième place du classement général, dépassé par Joao Almeida (UAE Emirates) et Carlos Rodriguez (Ineos Grenadiers). Ses espoirs de podium sont très compromis. Mais sera-t-il seulement en pleine possession de ses moyens pour défendre ses chances?

Contrairement à la veille au Lioran, où il avait chuté sans dommage dans un virage, alors qu’il était dans le sillage de Remco Evenepoel, Primoz Roglic avait cette fois le maillot déchiré sur l’épaule droite. Et les tubes de gels explosés dans sa poche arrière témoignaient d’un choc bien plus traumatisant.

Une zone identifiée comme dangereuse

Le Slovène, tombé sur cette même épaule lors du Critérium du Dauphiné, il y a un mois et six jours, avait aussi fait partie des coureurs esquintés lors du Tour du Pays Basque, plus tôt dans la saison. Il chute beaucoup en 2024, et il a été piégé dans une zone que certaines équipes avaient repérée comme dangereuse, et annoncée comme telle par Radio Tour. «Une chute comme celle d’aujourd’hui ne devrait pas arriver, s’est offusqué Merijn Zeeman, manager de l’équipe Visma-Lease a bike. Il y avait des aménagements impossibles à voir pour le peloton. Vous ne pouvez pas faire rouler le peloton du Tour dans un passage comme ça, c’est irresponsable.»

Rolf Aldag a, de son côté, évoqué « la poisse. Le docteur examine Primoz pour déterminer de quels soins médicaux il a besoin, a déclaré le manager de Red Bull Bora Hansgrohe. On espère tous qu’il n’y aura rien de grave. Pour le moment, le plus important c’est Primoz lui-même, pas son résultat au Tour de France. On espère qu’il ne s’est pas entraîné si dur pour rien.»


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