Le général Evenepoel


Au matin d’une campagne cruciale dans les cols mythiques des Pyrénées, le Belge va mobiliser ses capacités naturelles de meneur d’hommes pour s’accrocher à sa deuxième place.

"Il fait partie de ces 
gens qui peuvent rester 
eux-mêmes tout en 
emmenant les autres, 
sans rien faire de spécial, 
juste en étant lui-même"
   - TOM STEELS, DIRECTEUR SPORTIF DE EVENEPOEL

13 Jul 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL - PIERRE CALLEWAERT

PAU (PYRÉNÉES-ATLANTIQUES) – À peine moins ambitieuse que celle du général Hannibal et ses éléphants dans les Alpes, la traversée des Pyrénées par Remco Evenepoel et ses équipiers marque la première campagne d’envergure de son Tour. Tourmalet, Pla d’Adet, Peyresourde, Portet-d’Aspet, plateau de Beille… Deux jours à 8000m de dénivelé et 10 heures de selle. On n’y va pas sans un solide chef de guerre.

Le Brabançon compte sur un train d’une quarantaine de personnes focalisées sur sa performance et son bien-être. En plus de ses six équipiers (le 7e, Casper Pedersen, a abandonné), gravitent autour de lui quatre directeurs sportifs, un médecin, des kinés, des nutritionnistes, des cuisiniers, un mécano de confiance pour son vélo, un entraîneur, un coach mental et même un responsable des matelas.

Au sommet de ce petit monde, le général Remco Evenepoel, 24ans, attentif au moindre détail, contrôle. Sans jamais forcer le trait, dit-on autour de lui. Klaas Lodewyck, son directeur sportif: «Il a une autorité naturelle depuis qu’il est enfant, il n’y a rien à lui inculquer sur ce plan. Vous l’avez ou pas. Les grands ont ça. Si vous faites semblant, ça ne marche pas.» Comment diriger un dirigeant? «Nous, les managers, on intègre cette personnalité dans nos décisions avec beaucoup de communication, on essaie toujours d’être à l’écoute de ses besoins et de les concilier aux impératifs de l’équipe.»

Tom Steels, 52 ans, quatorzième saison au volant d’une voiture Quick-Step derrière des personnages comme Mark Cavendish ou Philippe Gilbert: «C’est un meneur naturel, il fait partie des gens qui peuvent rester eux-mêmes tout en emmenant les autres, sans faire semblant, sans rien faire de spécial, juste en étant lui-même. Concrètement, on reconnaît un leader par le fait que, quand il s’exprime à la radio, ce qu’il dit est clair. C’est son cas. Tom Boonen était comme ça, Mikel Landa aussi. Ils prennent la parole et leur message est limpide. Il n’y a pas de fondement scientifique dans ce que je dis, mais je l’ai toujours remarqué.» L’an dernier, la rumeur s’amplifie d’un départ d’Evenepoel de chez Soudal Quick-Step. Son père Patrick déclare qu’il est bien possible que son fils ne soit plus dans l’équipe flamande en 2024 si elle ne s’arme pas pour le Tour, brandit des contacts avec plusieurs grandes équipes. Patrick Lefevere, manager général, se fâche tout rouge, rappelle qu’un contrat, ça se respecte : « C’est stupide! La famille Evenepoel devrait accorder ses violons.»

Le couac fait tellement désordre que Evenepoel tranche en personne. « Mon père et Patrick feraient mieux de se taire!, lâche-t-il avant le départ de la course en ligne du Mondial de Glasgow. Qu’ils me laissent faire. Je sais ce qui est bien pour moi et ce qui ne l’est pas.» C’est son père qui avait évoqué les racines de cette personnalité, soulignant le besoin de son fils unique de se tourner vers d’autres et à les fédérer. Capacité musclée dans le football qui l’a couvé à haut niveau.

Taper du poing, Evenepoel connaissait. À 10ans, il va trouver lui-même l’entraîneur de son club, Anderlecht, qu’il veut quitter pour le PSV Eindhoven. Né en 2000, il jouait avec les 1999 et s’était forgé une âme de meneur parmi les plus grands et les plus forts du vestiaire. « Je n’avais jamais vu cela, a raconté à la Dernière Heure Marc Van Ransbeeck, ancien entraîneur des jeunes du club. C’était un véritable patron sur le terrain. Il savait motiver ses équipiers mais également leur tomber dessus. Il lui arrivait de les engueuler.» Aux Pays-Bas, il prend naturellement le brassard de capitaine, comme à son retour à Anderlecht ou en sélection nationale chez les U15. Un bon patron connaît son sujet. Même s’il s’est plongé dans le cyclisme tardivement, il prouve un sens aigu de la course, illustré par ce Tour sans fausse note. « Il a un flair exceptionnel, assure Lodewyck. Il la ressent (la course), il connaît bien les parcours. C’est le signe qu’il a le contrôle. Quand on discute du parcours d’une étape puis qu’on va le consulter, on le laisse parler en premier. Ce qu’il nous dit est souvent ce que nous avions en tête.»

Steels ajoute qu’il est aussi « énormément investi dans son travail, plus que n’importe qui. Ça lui donne un levier pour exiger beaucoup de ses équipiers. Il ne force à rien mais il se met dans une situation où il peut se permettre d’exiger. » L’ancien sprinteur n’oublie pas que son sport porte une justice naturelle mais brutale. Dans une équipe, le chef, c’est le plus fort: «Il est aussi leur patron parce qu’il roule vite. Si vous faites mal aux autres quand vous roulez, ça aide.»

***

Roglic encore fâché avec le Tour

La « chasse » menée au ralenti pour tenter de rejoindre le peloton, jeudi après sa chute, n’augurait rien de bon pour Primoz Roglic. Son abandon, officialisé hier matin par son équipe Red Bull Bora-Hansgrohe, n’a donc étonné personne. « Il a chuté deux fois en deux jours. Son corps était trop meurtri pour continuer, même si nous avons écarté tout risque de commotion ou fracture, expliquait Rolf Aldag, son directeur sportif. Primoz a dit au revoir à l’équipe ce matin (hier), en remerciant tout le monde. » Roglic (6e du général à 4’42’’) avait tout axé sur ce Tour, où, à 34 ans, il revenait enfin en tant qu’unique leader après avoir quitté les Jumbo-Visma. « Si je gagne avant ça, ce ne sera que du bonus » , disait-il cet hiver. Sa victoire au Dauphiné, début juin, prouvait qu’il était sur le bon chemin après des débuts difficiles (coup de froid à Paris-Nice, abandon au Pays Basque) et, avant de s’envoler pour l’Italie et le départ du Tour, il avait rigolé : « Si j’arrive jusqu’à Nice, je serai heureux.» Il ne verra jamais le final du Tour, pas plus qu’en 2021 (non partant, 9e étape) et 2022 (n.p., 15e étape), ses deux dernières participations.

Il va « se concentrer sur les objectifs à venir » , a annoncé son équipe. Probablement la Vuelta (17 août au 8 septembre), qu’il a remportée trois fois. (P. Me.)

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