«C’est un Martinez, merde!»


Vainqueur en 1978 de l’étape au Pla d’Adet où sera jugée l’arrivée aujourd’hui, Mariano Martinez, le grand-père de Lenny (Groupama – FDJ), avait remporté la même année le maillot de meilleur grimpeur.

"Mon frère disait que je descendais bien car je ne voyais pas le danger
Ce qui ne vous a pas empêché defaire carrière…"

13 Jul 2024 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS

GARCHIZY (NIÈVRE) – Dans sa maison de G arc hizy, si tuée à une heure de route de l’ arrivée à Saint-Amand-Montrond (10e étape), Mariano Martinez (75 ans) regarde l’étape et son petit-fils, Lenny, à la télévision, avec, sur la table, le supplément deL’ Équipec onsacré à EddyMerckx. L’ancien maillot de meilleur grimpeur du Tour en 1978 a la parole libre, trop, et ses positions parfois en décalage avec la société, peuvent mettre en difficulté son petit-fils et son équipe. Les liens entre les deux hommes sont distendus. Mais l’ancien coureur, né à Burgos (Espagne) en 1948 et arrivé en France à l’âge de 5 ans, reste un formidable conteur, emporté par ses digressions. Un ancien coureur au palmarès solide (deux étapes du Tour) mais qui a été sous-coté, participant peut-être à une forme d’aigreur qui accompagne aujourd’ hui son discours.

- Comment avez-vous découvert le vélo?

Mon papa ne roulait pas mais il avait un beau vélo, beaucoup trop cher pour ce qu’ il faisait–il était à l’ usine et à la ferme –, et qui ne quittait pas la chambre. Interdiction d’ y toucher! Mon frère aîné, Martin( décédé en 2012), qui a gagné plus tard une étape de la Vuelta( en1974), avaitvupasserdes cyclistes. Il avait pris le vélo de mon père et il avait accroché les gars qui lui avaient dit de prendre une licence. J’ avais deux ans de moins, je n’ avais pas de vélo et avec mon frère on était allés chez un crassier, ce qu’ on appelle aujourd’ hui une déchèterie. Et on avait trouvé un cadre de vélo de course. Mon frère l’ avait fait repeindre, on avait mis des roues, des manivelles en acier, il pesait 14 kg. Je ne me rappelle plus si je l’ ai remboursé( rires). Lorsde ma première année en cadets, zéro victoire. Je ne courais pas beaucoup, mon père refusait de m’ amener à des courses à 50 kilomètres de la maison, cela coût ait trop cher. Je n’avais aucune expérience de vélo, j’étais plus souvent le cul par terre! Sur une course, à la Charitésur-Loire, près d’ ici, j’ avais pris une plaque d’ égout, j’ étais tombé sous les yeux de mon père. Il m’ avait dit: “Tu ne courras plus”. “Ta gueule” et je suis remonté sur le vélo pour faire deuxième. J’ai appris à courircommeça.

- Votre père était fier de vous quand même?

Moins qu’ avec Martin, car j’ étais le deuxième dans la hiérarchie familiale, j’ avais des lunettes, des gros culs de bouteille. Il n’ avait qu’ une trouille, c’ est que je me casse la gueule et que je casse les lunettes. À l’ époque, il n’ y avait pas de complémentaire maladie. À 20 ans, j’ avais déjà été champion de France juniors mais je travaillais à la chaîne, à l’ usine Fiat, on refais ait des moteurs de camion. Je mettais ma pièce, tac-tac-tac. Il ne fallait en faire que 50 mais, moi, je continu ais. Le gars à côté me disait “hé gamin, qu’ est-ce que tu fais? Tu vas travailler à ce rythme jusqu’ à ta retraite ?” Je me mets alors à lire le journal. Dans son bureau, monsieur Petit( un contremaître) voit qu’ il manque un gars à mon poste, il me convoque: “C’est qui ça?” Il me montre le journal où l’ on me voit en photo avec mon club de Ne vers: “Ne jouez pas au malin avec moi, c’est le boulot ou le vélo ”. Je me sentais capable de faire les deux mais il m’ a dit“fin de contrat, allez chercher votre paie.” Cinquante ans après, j’aire croisé monsieur Petit. Je l’ ai remercié: “C’ est grâce à vous”.

- En 1978, vous vous imposez au Pla d’Adet et remportez votre première étape sur leTour.N’arrive-t-ellepasunpeutard (il a alors 30 ans) après trois places de deuxième (1973 et 1974deuxfois)?

Mais non, pas du tout! Je touchais la moitié du SMIG (SMIC) en frais de déplacement, forfait aire. Avec ma victoire, j’ ai multiplié mon salaire par trois au moins.

- Vous avez gagné une deuxième fois à Morzine en 1980,aprèsavoirgrimpé le Galibier où le peloton est passél’autrejour…


Mariano Martinez s’est imposé au Pla d’Adet en 1978.

Sauf qu’on passait dans le tunnel. Il doit faire 500 mètres, il n’était pas éclairé. Je l’ai passé tout seul, sans voiture devant, sans voiture derrière. J’ étais auras du mur, j’allais d’ un côté à l’autre, je frottais, je pensais que j’allais me casser la gueule.


- Vous étiez tombé justement, deux fois, pendant cette étape!

Non, une seule fois, les journaux avaient mal interprété. J’ avais loupé un virage et pris un chemin qui partait dans une maison mais je n’ étais pas tombé, j’ avais remonté le pâturage à pied. La chute, c’ est dans la descente de J ou x-Plane. Et c’ est parceque je tombe que je gagne. Avant, j’ avais été lâché dans le col de la Madeleine, ça allait trop vite mais en haut, les gars soufflent et moi j’ arrive lancé et je m’ en vais. Je prends la descente, sans cervelle, je fonçais dans les murs parceque je suis myope incurable. Mon frère disait que je descend ais bien car je ne voyais pas le danger .( Christian) Le vavasseur m’ avait rejoint car j’ avais levé le pied mais au même moment, j’ arrive dans le potager de cette maison et lui ne m’ attend pas. Quand je le rattrape, il ne veut plus rouler sauf si je lui laisse l’ étape. Hors de question. Mais si on se relève, ça rentre sur nous. Je lui propose alors de ne pas le lâcher dans Joux-Plane et de la jouer ensuite à la régulière. Et le vainqueur donnera 7000 francs au deuxième. On grimpe J ou x-Plane et je ne l’attaquepas,ilsemetdansmaroue.Je cafouille avec mes vitesse set il m’ attaque! Je suis libéré de ma promesse. Mais le con, il était plus fort que moi. Je finis parle rejoindre en haut et j’ embraye la descente à fond, sans l’ attaquer. J’ ai dix secondes d’ avance, je rate ce virage. Bref, je le rattrape dans Morzi ne où il y avait une traverse, une bosse de deux centimètres. Mon Le vavasseur se retourne pour voir où je suis et paf! Il tombe vingt mètres plus loin après la traverse.

- Existait-il beaucoup d’ arrangements?

Énormément! Beaucoup plus que vous ne l’ imaginez. Une fois, cela a joué contre moi sur le Tour en 1974 à Ai x-les-Bains derrière Merckx (il finit 2e).Laf au te à qui? Pou pou! (Raymond Poulidor, 3e) Il me voit attaquer de l’ arrière et hop il me serre contre le trottoir. Parce qu’ il était dans le coup avec Merckx mais je ne les avais pas. Aux Championnats du monde, à Montréal( en 1974), cela se reproduit: cette fois, je fais trois et Pou pou deuxième derrière Merckx. Parcequ’ i lavait touché cinq briques pour ne pas attaquer. Comment je le sais? Parce qu’ en rentrant en France, sur un critérium, Pou pou demande son argent àMerckx qui lui répond :“Désolé, j’ ai été payé en chèque.”

- Après votre fils Miguel, champion olympique de VTT en 2000, votre petit-fils Lenny est aussi un coureur prometteur...

Pourquoi moi, Miguel et Lenny? Parceque la maman aussi! Des on côté, ma femme avait trois frères qui ont couru à un bon niveau mais aussi son papa, une cinquantaine de victoires en amateurs. On parlait tout le temps vélo et Lenny en avait marre plus jeune. Il n’ aimait pas le vélo, il disait qu’ il n’ était pas doué mais qu’ il allait travailler. C’est un Martinez, merde! Lefils du professeur ne peut pas être dernier de la classe. Lors du Championnat de cyclocross de la Nièvre des cadets, il était arrivé au sprint avec des minimes (les dé parts étaient en décalé) et le speaker avait annoncé “c’estl’ arrivée!”, Lennyavait entendu ça et avait fait le sprint. Il gagne et lève les bras. Je lui dis “hop-hop, encore un tour pour les cadets”. Il est descendu du vélo, il m’ a dit“c’ est bon, j’aigagné” etil n’est pas reparti. Un sacré caractère.

- Quand vous voyez Lenny, queressentez-vous?

Quand il gagne, j’ai des frissons. Mais j’ai peur. Il est trop jeune (21 ans ). Quand il finit le Tour de Suisse, on me dit qu’ il n’ a pas récupéré, quinze jours avant le début du Tour. Il n’ avait rien à foutre sur le Championnat de France, il aurait dû rentrer et se reposer. Je me disque c’ est trop tôt. Mon summum, je l’ ai atteint en 72, j’ avais 24 ans. Il n’a pas encore 20 ans( ila21ans), ce n’ est qu’ un gamin. Hinault en 75, je suis dans son équipe (Gitane–Campagnolo) sur le Dauphiné, il nous faisait chier car il attaquait quand il ne fallait pas, départ à bloc! Mais il ne gagnait pas de courses, ni petites ni grandes. Il a gagné son premier Tour à 23 ans. Pourquoi certains disent que Lennyn’ a pas la carrure? Au pire, pour l’instant, Lennyc’ est Vingegaardenm oins fort. Il suit et c’ est déjà pas mal. Quand il gagne en haut du mont Faron (Classic Var, en février), l’ autre (Tobias Johannessen) lève les bras et Lennyal avis ta pour le passer. Il voit clair, pas comme le grand-père (rires). »

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