SOUS LE SOLEIL, ÇA SE TEND


EN ALERTE

Leur relation a longtemps été sympathique, mais depuis quelques étapes, TADEJ POGACAR et JONAS VINGEGAARD se regardent en chiens de faïence. L’explication promet d’être toujours plus sévère aujourd’hui et demain dans les Pyrénées.

13 Jul 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL - ALEXANDRE ROOS 
SOUS LE SOLEIL, ÇA SE TEND

PAU – Un sprint à Pau, une victoire de Jasper Philipsen, quoi de plus banal finalement. Mais ce résumé laconique est le trompe-l’oeil d’une routine, d’un ronronnement, alors quel ajournée d’ hier a été dé mente du début à la fin, les loups agités comme sous une pleine lune, une bataille incessante, entre les sprinteurs et les baroudeurs, entre les rivaux du général qu’on avait bêtement pensés en cure de repos et peignoirs blancs pour cette étape de plat avant les Pyrénées. Tout ça à la moyenne délirante de 48,8km/h, qui nous interroge sur comment cette nuée de fadas s’y est pris pour simplement soulager un besoin naturel.

Cet aspect pratique mis à part, cette journée a débordé de partout et au moment d’essayer de ranger dans notre cervelle le bazar laissé par les gamins, de remettre en ordre tous les jouets dans la malle, l’anachronisme du Tour de France nous a à nouveau frappés et par anachronisme, il faut lire beauté.

Ce refus de se plier aux exigences de l’époque, aux formats condensés qui se lisent sur des écrans de 10 cm de large, mais surtout aux sentences comminatoires, aux conclusions faciles, noires ou blanches, alors que la Grande Boucle, et cette journée en particulier, offre un foisonnement d’histoires, une cocotte en papier qu’on déplie chaque jour un peu plus pour en découvrir les mystères.

Il y a ainsi les leçons directes, indiscutables, Jasper Philipsen a remporté le sprint, réduit le score face à Biniam Girmay, 2-3 désormais au nombre des victoires, et son débours au classement par points (75 points de retard), même si avec une seule étape de sprint encore au programme, mardi, le Belge aura du mal à dévêtir l’Érythréen du maillot vert.

Les Visma ont couru comme la Dream Team qu’ils étaient jadis

Et puis il y a les conséquences, plus complexes, qui ne se dévoileront que plus tard, sans doute de manière partielle, et qui nous apprendront si les Visma-Lease a bike de Jonas Vingegaard ont laissé trop de forces hier, si les UAE de Tadej Pogacar peuvent encore malmener leurs adversaires après l’abandon de Juan Ayuso, malade, et de manière plus générale, à quel point tout le monde paiera ce type de journées en troisième semaine. Au-delà du choc de l’annonce hier matin de l’abandon de Primoz Roglic, tombé la veille, on peut découper ce bâton de dynamite d’étape en trois tronçons. Le premier s’étale sur 90 km, le temps qu’il a fallu au peloton, et surtout aux équipiers de Vingegaard, pour reprendre le gros de l’échappée et surtout ce filou d’Adam Yates, le lieutenant du Maillot Jaune, qui avait réussi à s’y faufiler et dont la présence menaçait beaucoup de positions au général. À peine regroupé, le peloton explosa à nouveau, démantelé par le vent de côté et l’accélération de Wout Van Aert et sa bande, encore eux, rapidement relayés par les dragsters de Pogacar qui appuyaient à leur tour sur la poignée. Cette nouvelle vague avait englouti les derniers fuyards – Magnus Cort Nielsen, Romain Grégoire, Julien Bernard, Michal Kwiatkowski –, qui s’étaient extraits à 95km du terme quand ils avaient compris qu’il fallait se débarrasser de Yates pour pouvoir espérer. Dans la première bordure, on ne trouvait alors qu’une quarantaine d’éléments, qui pilonnèrent pendant une vingtaine de bornes. Avant finalement une nouvelle jonction, à 40km de l’arrivée, quand le paquet se présenta dans les seules difficultés répertoriées du jour, la côte de Blachon et celle de Simacourbe, qui condamnèrent des sprinteurs comme Dylan Groenewegen et Alexander Kristoff. À ce moment-là, le peloton fuyait de toutes parts, par l’arrière et par l’avant, d’où s’exfiltrèrent le duo Carapaz-Johannessen, le trio Grellier-Stuyven-Van Moer, puis Burgaudeau, tous repris avant le sprint d’un paquet en lambeaux, où Maxim Van Gils, sanctionné d’une amende et de 60 points pour être passé trop en force contre Amaury Capiot, provoqua en plus une chute.

Les Visma ont donc beaucoup bossé, alors que les Pyrénées se dressent ce matin et qu’ils ont été en grande difficulté dans les premiers cols de ce Tour. Les Néerlandais ont couru hier comme la Dream Team qu’ils étaient jadis, dans le refus de leur nouvelle réalité, et on ne peut pas leur reprocher de tenter de tirer avantage d’un terrain où ils sont plus forts que leurs rivaux.

Pour les UAE de Pogacar, 
peut-être le début d’une 
stratégie plus fine et créative

La première bordure qu’ils ont enclenchée avait ainsi à la fois pour but de reprendre Yates mais aussi d’essayer de bousculer Pogacar. Les «Frelons» se sont en revanche retrouvés piégés dans un groupe très maigre, à rouler seuls, incapables de boucher le trou avec l’échappée, ce qui les obligea à se relever et à collaborer avec d’autres formations, les Jayco ou les Arkéa-B & B, intéressés par un sprint, les Soudal-QuickStep, qui défendaient le podium de Remco Evenepoel, comme quoi les alliances, dans le Tour, sont fluctuantes.

Quoi qu’il en soit, la formation de Vingegaard a usé des forces, d’autant plus qu’ils ont laissé un peu de main-d’oeuvre dans le sprint à Wout Van Aert (2e), dont il faut tout de même un peu caresser l’ego. Les UAE de Pogacar ont moins puisé dans leurs réservoirs, la mise en orbite de Yates leur a permis de suivre les mouvements en spectateurs et ce peut être le début d’une stratégie plus fine et créative. Et pour finir, devinez quoi, Tadej Pogacar n’a bien sûr pas pu s’empêcher de disputer le sprint (9e). «Ne vous inquiétez pas les gars», a-t-il souri à l’arrivée, incorrigible, déjà tourné vers le premier gros morceau de montagne du Tour, aujourd’hui, où il cherchera à nouveau à bousculer Jonas Vingegaard.

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