Philipsen sans histoire


Sans victoires lors des cinq premiers sprints disputés depuis le départ du Tour, l’équipe Alpecin-Deceuninck a retrouvé sa respiration, son teint frais et ses espoirs avec la victoire limpide de son sprinteur belge.

10 Jul 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PIERRE CALLEWAERT

SAINT-AMAND-MONTROND (CHER) – Ça paraît parfois si simple, une course. On monte sur son vélo après le casse-croûte, on pédale 180 km et des brouettes à une allure de colo, on s’assied au fond du peloton pour raconter des blagues avec les copains. Puis on dirait que le vent se met à souffler, on remonte au premier rang au cas où les copains se découperaient en éventails, puis finalement non. Dès qu’on voit la banderole des 15km, on resserre ceinture et bretelles, on mange, on boit, on y retourne, on se met dans la roue du copain au maillot arc-en-ciel et on bat les meilleurs coureurs du monde sans les faire tomber.

Au fond d’une zone d’activités sans joie de Saint-Amand-Montrond, Jasper Philipsen, 26ans, a rallumé le sourire à 10000 lux de l’an dernier (4 victoires), qu’une série de tartines tombées du mauvais côté avaient effacé la semaine dernière. Première victoire sur ce Tour 2024, sa septième en cinq éditions, dans un sprint d’une clarté exemplaire. «Même si ça a l’air facile à la télé, ce n’est jamais facile de gagner un sprint, corrigeait-il hier soir. Vous avez pu le constater avec la première semaine de merde qu’on a vécue.»

Chute à Turin à la troisième étape sur un final dessiné pour lui. Deuxième à SaintVulbas, sur un strapontin VIP pour assister au couronnement de sir Cavendish et engraisser sa collection de deuxièmes places sur le Tour (9). Puis ce mauvais réflexe, à Dijon sur Wout Van Aert, maladroitement justifié par une barrière qui se serait resserrée par magie, sanctionné d’un déclassement mal digéré. Dans l’ombre de l’histoire qui s’écrivait sans lui, Philipsen abandonnait aussi dans la même frustration le maillot vert à Biniam Girmay.

Comme un cessez-le-feu

Philipsen admet que «cette étape de plat ne devait pas être très cool à regarder à la télé. Elle invitait plutôt à se vautrer dans le sofa.» L’absence d’échappées téméraires y est pour beaucoup. Et une fois tous les trains partis à l’heure, celui d’Alpecin n’avait plus qu’à se poser en gare, piloté comme prévu par Mathieu van der Poel. «J’ai déjà dit, expliquait le champion du monde à la chaîne NOS, que l’année dernière, presque tous nos sprints étaient réussis et se déroulaient parfaitement, mais ça ne peut pas toujours se passer à la perfection. Aujourd’hui, on était tous super motivés. On est sortis bien à l’avant dans les virages du final, c’était délicat mais ça a marché.»

Lui qui avait réconforté son sprinteur au cuissard ensanglanté à Turin dit ne pas avoir eu à le regonfler de confiance en soi: «Il est resté calme et motivé pour les étapes de sprint qui reste. Je ne lui ai pas beaucoup parlé. Il n’a pas douté de lui-même et aujourd’hui, il a lancé son sprint au moment où il s’en est senti capable.»

La limpidité du sprint de Saint-Amand Montrond signe comme un cessez-le-feu dans la sempiternelle et dangereuse bagarre des sprinteurs, qui ne filent pas toujours droit et ne sont pas toujours épinglés comme il faudrait. Certains dénoncent des sprints de cow-boy dignes du «Far West». À Dijon, Wout VanAert s’indignait, criait au récidiviste incorrigible, et appelait à des sanctions immédiates sinon ça allait mal finir. Son compatriote campinois était déclassé et tombait à la 107e place. Après des excuses officielles du coupable, Van Aert a raconté hier au Nieuwsblad: «J’ai lu ses excuses sur Instagram, mais il ne m’a pas fait d’excuses personnelles.»

Au car d’Alpecin, les rires avaient remplacé les mines grises de Dijon. Parmi quelques supporters, Adrie van der Poel, père de Mathieu, plaisantait: «Mais non, le sourire n’était pas parti ! L’an dernier tout tombait juste, cette année, non. Je trouve même l’équipe beaucoup plus relaxe que l’an passé.» Et analysait le sprint en expert: «Je trouve toujours les longues lignes plus dangereuses. Tu es dans les roues, tu te dis que tu as les bonnes jambes mais tu ne mets jamais le nez dans le vent. Alors qu’ici, avec deux ou trois virages, le peloton a pu s’étirer et dans ces cas-là, il n’y a presque jamais de problème.»

Le maillot vert encore jouable

Surgi de sa voiture, Philip Roodhooft, manager général, tapait dans toutes les mains à sa portée. Soulagé: «La première victoire est toujours la plus difficile à aller chercher. Ça nous a pris plus longtemps qu’on ne l’imaginait ou que les médias ne l’attendaient. On s’est créé une certaine pression, on est restés calmes, on a enfin gagné. Et on regarde la suite avec confiance. En plus, aujourd’hui, on a vu un travail d’équipe vraiment parfait et ils l’ont tous prouvé, ça ajoute de la valeur à cette victoire. On n’a pas pu éviter d’accumuler une certaine pression (en première semaine) mais on prend comme un compliment l’attente autour de nous pour gagner. Il y a quatre ans, on est venu pour la première fois en espérant une étape; maintenant, tout le monde estime évident qu’on gagne. Ça ne l’est pas. On en espère une deuxième mais on va surtout profiter de celle-là sans exagérer vu ce qui arrive.»

Sans trop de gourmandise, Philipsen peut-il se remettre à viser le maillot vert? «Biniam Girmay fait un très bon Tour jusqu’à présent, répond-il. Il a beaucoup de points d’avance (74), et je me suis d’abord concentré sur les victoires d’étape.» Tant qu’il est mathématiquement à portée de main, Alpecin ne délaissera pas le maillot, Philipsen et Girmay ont même profité de la sieste du peloton pour aller se disputer respectivement 15 et 13 points hier lors du sprint intermédiaire de Romorantin.

Prochain match demain, avenue d’Agen à Villeneuve-sur-Lot, au bout d’une longue ligne droite comme Adrie Van der Poel ne les aime pas.

***

EN BREF
JASPER PHILIPSEN
Belge, 26 ans Équipe: AlpecinDeceuninck
Palmarès: 47 victoires dont Milan-San Remo 2024 et 3 étapes de la Vuelta.
Ses Tours de France: 
- 5e participation.
- Meilleur classement: 91e. 
- 7 victoires d’étape. 
- Maillot vert en 2023.

Commenti

Post popolari in questo blog

Dalla periferia del continente al Grand Continent

Chi sono Augusto e Giorgio Perfetti, i fratelli nella Top 10 dei più ricchi d’Italia?

I 100 cattivi del calcio