JONAS ABRAHAMSEN: «J’étais égoïste»


Le Norvégien, maillot à pois du Tour, pesait 20 kilos de moins au début de sa carrière, obnubilé par sa quête de maigreur et ses bienfaits supposés.

10 Jul 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOY ÉSPÉCIAL - YOHANN HAUTBOIS

ORLÉANS – Jonas Abrahamsen, le porteur du maillot à pois, a la poignée de main ferme des gars bien gainés, le sourire angélique et les bouclettes d’un enfant malgré ses 28 ans. Difficile de croire que cette carcasse de près de 80 kilos (77 sur le Tour) flottait dans ses cuissards il y a encore quelques années, obnubilé par son poids (60 kilos), avant de comprendre que son corps, pour exprimer toutes ses qualités physiologiques, avait besoin de carburant, de manger tout simplement. Lundi, lors de la journée de repos, pendant laquelle il s’est enfilé sans trembler un gâteau à la cannelle et un burger, le Norvégien de la formation Uno-X Mobility est revenu sur ses années de privation qui ont bouleversé sa puberté et qui auraient pu lui coûter une carrière au plus haut niveau.

- S’il vous plaît, dites-nous que vous êtes fatigué après cette première semaine où vous avez passé 498 kilomètres dans les échappées...

(Il rit.) Oui, oui, je suis fatigué et j’apprécie vraiment cette journée de repos. Cette semaine a été incroyable pour moi mais difficile. J’ai commencé avec cette échappée dès la première étape (vers Rimini), avec un seul gars dans ma roue et ce n’ était pas la chose la plus simple. Mais heureusement, j’ai pu prendre assez de points et obtenir le maillot de meilleur grimpeur. C’ est énorme pour moi puisque je suis le premier Norvégien à porter ce maillot. Le jour d’ après, je repars en échappée et, cette fois, jeter mine deuxième de l’étape (derrière Kévin V auquelin), je prends encore des points et même le maillot vert. C’était incroyable. 

- Auriez-vous pu être aussi en durant et puissant avec 20 kilos en moins comme il y a quelques années? 

Non. Quand je pesais 60 kilos, je n’avais pas d’énergie. À partir du moment où j’ai pris 20 kilos, mon corps a très bien réagi, j’ai commencé à prendre du muscle et mon poids s’est stabilisé autour de 80 kilos. Je sais maintenant que je suis sur le Tour grâce à ce changement. Quand j’étais maigre, je ne courais vraiment pas bien.

“Ma puberté était comme un ours 
qui hiberne, elle dormait. 
Je m’entraînais tellement, 
(...) je mangeais tellement peu que 
mon corps s’est éteint pendant 
quatre, cinq ans"

- Quand avez-vous pris conscience de la nécessité de plus vous alimenter?

Autour de 19 ans. Mes résultats chut aient et je devais modifier quelquechose pour devenir meilleur. On a donc discuté avec l’ équipe mais il faut comprendre que ce n' est pas facile des' en sortir. Cela va audelà du vélo. Avant, j’ étais totalement concentré sur moi-même. Maintenant, j’ ai une petite amie, j’ ai plus de connexion avec mes amis, je ne pense plus à moi uniquement. Quand vous êtes maigre, vous n’ avez pas assez d’ énergie pour réfléchir à autre chose qu’ à vous-même. Parceque je n’ avais en tête que ce que je devais manger, la façon de m’ entraîner, comment améliorer telle ou telle chose. J’étais égoïste. 

- Vous n’ avez pas pris 20 kilos en faisant n’ importe quoi. Que la été le processus? 

J’ai obtenu de l’aide de la part de James (Moran, le nutritionniste d’Uno-X Mobility) et de mon équipe pour prendre du volume, après des années à travailler seul pour ne pas prendre de kilos et ne manger que saine ment. J’ai alors compris que je devais manger plus, du sucre, des gâteaux, des choses normales. Et d’un coup, j’ai pris du muscle, je suis devenu plus gras, j’ai commencé à plus m’ entraîner, à consommer plus de glucides que mon corps éliminait sans problème. Les kilos sont arrivés très vite.

- Sur certaines images, on vous voit en effet avec un visage, disons, bouffi ...  

Parce que mon corps n’ était pas habitué à tout ce sucre, ces protéines, ces glucides. C’est pour cela que vous me trouviez un peu gros (rires). Mais, maintenant, mon poids est stable après avoir connu des hauts et des bas. Je mange ce que je veux. Hors saison, je prends un peu de poids, surtout quand il fait froid chez nous. Je fais donc des réserves mais pas trop non plus, maximum deux kilos! Mais je prends aussi du plaisir avec mon plat préféré, les tacos! J’adore ça et quand je rentre chez moi, ma mère m’en prépare. 

- Cette quête de maigreur vous avait-elle été imposée à vos débuts out out simplement avez-vous été influencé par vos modèles dans le cyclisme? 

Quand j’ avais 16 ans, c’ était culturel dans le peloton devoir les coureurs très maigres, même dans mon pays. Je pensais: si je suis maigre, je grimper ai plus vite en haute montagne. Je ne pensais qu’àça.

- Au point de retarder votre puberté?

Oui, c’ est fou. Ma puberté était comme un oursquihiberne,elledormait.Je m’ entraînais tellement, plus de 1200 heures dans l’ année, je mangeais tellement peu que mon corps s’ est éteint pendant quatre, cinq ans. À 20 ans je faisais 16 ans. Jusqu’ au jour où mon corps s’ est réveillé, où j’ ai commencé à rencontrer des filles, des choses comme ça (sourires). C’est intéressant de constater ce que beaucoup d’ entraînement et peu de nourriture peuvent infliger à votre corps. 

 - Aujourd’ hui, je me sens beaucoup mieux dansmoncorps. Aujourd’ hui, quel type de coureur êtes-vous? 

Je pense être plutôt bon dans les classiques, notamment Paris-Roubaix et le Tour des Flandres (*). Ces courses sont faites pour moi. Je grimpe aussi pas mal les bosses, je suis à l’ aise en grave let je peux aussi aider mes sprinteurs. Je peux faire pas mal de choses. Mon but est de gagner une étape du Tour mais je sais que je ne pourrai pas gagner au sommet comme je l’ avais fait lors del’ É tape du Tour( en 2017, au col de l’ Izoard) quand je pesais 60 kilos. Mais une autre, un peu plus plate, oui.

"C’est aussi un message envoyé 
à tous les coureurs pour leur dire 
qu’on n’a pas besoin d’être si maigre 
mais qu’il faut faire en fonction 
du corps que vous avez"

- Que ressentez-vous quand vous voyez des images de vous si maigre?

C’était aussi une bonne époque mais je suis quand même très heureux d’ avoir pris la décision d’ évoluer. Cela fait partie de ma vie et peut-être qu’ aujourd’ hui mon corps utilise mieux les graisses. Ce ne sont pas de mauvais souvenirs, j’ étais heureux mais je suis mieux aujourd’ hui. 

- Vous savez que les gens comme nous vous détestent, on cherche tous à perdre dupoids! 

(Rires.) Oui, tous les autres coureurs, la plupart du temps, cherchent à perdre du poids et moi, j’ en prends et je suis meilleur. Je pense que cela démontre aux jeunes que cela ne sert à rien d’ être trop maigre trop tôt. Il vaut mieux grandir, se construire et ensuite aller dans des équipes professionnel les où vous pouvez mettre en place un protocole. Ce n’ est pas ce que j’ ai fait! C’ est aussi un message envoyé à tous les coureurs pour leur dire qu’ on n’ a pas besoin d’ être si maigre mais qu’ il faut faire en fonction du corps que vous avez.»

(*) Cette saison, il a remporté la Brussels Cycling Classic et terminé deuxième de À Travers la Flandre.

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