Patrick Lefévère - LE DERNIER DINOSAURE


Patrick Lefévère tombe dans les bras de Remco Evenepoel, 
vainqueur de LiègeBastogne-Liège en 2022.

À près de 70 ans et plus de cinquante dans le cyclisme, le directeur général de Soudal Quick-Step, Patrick Lefévère, se retire à la fin de l’année. Le Belge laissera une trace indélébile.

12 Dec 2024 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

Personne n’avait vraiment cru Patrick Lefévère capable de passer la main quand il en a parlé pour la première fois, il y a un peu plus de cinq ans. On avait alors imaginé un nouveau coup de bluff de sa part, on voyait mal le monde du cyclisme sans ce personnage haut en couleur, qui avait vu passer d’autres patrons d’équipes à forte personnalité, comme Manolo Saiz, Johan Bruyneel ou Bjarne Riis.

Il a été pendant près de trente ans le véritable patron du cyclisme, à la tête de son équipe, qui a régné sur les palmarès (950 victoires!), mais aussi comme président de l’AIGCP, la puissante association des groupes sportifs, qui en faisait l’un des hommes forts face aux organisateurs, dont ceux du Tour de France, avec lesquels il fut souvent en conflit.

Soninfluenceasouventdépassélecadre de son équipe car sa parole avait du poids, même si ses dernières prises de position (parfois désobligeantes) concernant Julian Alaphilippe notamment, ou son bras de fer avec le père de Remco Evenepoel, avaient laissé percer chez lui une grosse fatigue. Toujours sous traitement médical après une lourde intervention chirurgicale il y a plus de vingt ans, Lefévère, qui aura 70 ans le 6 janvier, a avoué hier que sa santé avait aussi été un argument dans sa décision de quitter le navire.

Il avait rêvé de voir Gilbert lui succéder

C’est après avoir récupéré Philippe Gilbert dans son équipe en 2017 qu’il avait vraiment commencé à cogiter sur sa retraite. Il avait vu dans son champion ardennais un successeur légitime, il aimait cette personnalité de gagneur et d’entrepreneur qui correspondait à ce qu’il avait été depuis les débuts de sa carrière. Mais ce rêve d’une passation de pouvoir « très cycliste » n’était resté qu’au stade de simple projet, Gilbert n’ayant pas voulu franchir le pas. Lefévère en avait gardé une profonde amertume, convaincu qu’il avait pourtant un luxueux héritage à transmettre, celui du fabricant de parquets Quick-Step, ce nom générique accolé à son équipe depuis le début des années 2000 malgré d’autres sponsors titres.

Ce partenaire historique symbolise encore aujourd’hui une forme de fidélité indéfectible dans ce monde du cyclisme où les liens se font et se défont du jour au lendemain au gré de l’influence des agents. Lefévère avait fait de la région de Courtrai son fief, dans ce rayon d’une quinzaine de kilomètres où se retrouvaient ses employés au service course, ses partenaires comme Quick-Step et une grande partie de ses coureurs belges, habitant au même endroit, à cheval entre les Flandres orientale et occidentale. Dans les années 70, quand sa famille vendait des voitures d’occasion à Roulers, à quelques kilomètres de Tourcoing à la frontière française, lui avait choisi une autre voie, le cyclisme. Une belle carrière lui tendait les bras quand il s’était imposé sur une étape des Trois Jours de La Panne en 1976 puis Kuurne-Bruxelles-Kuurne en 1978, presque devant chez lui, et quelques semaines plus tard sur une étape du Tour d’Espagne (le premier que remporta Bernard Hinault).

Mais les longs déplacements loin de la maison familiale et ses difficultés à trouver sa place dans ce milieu qu’il jugeait « trop sauvage (pour lui) » l’avaient convaincu de tout arrêter et de reprendre sa formation de comptable. Quand Walter Godefroot, l’ancien grand rival d’Eddy Merckx, lui avait ouvert les portes de l’équipe Weinmannàlafin des années 80, personne n’imaginait alors que ce discret directeur sportif deviendrait dix ans plus tard « Monsieur Paris-Roubaix ».

60 succès en moyenne par saison

C’est une nouvelle rencontre avec un des pionniers du sponsoring à grande échelle dans le cyclisme, le docteur Squinzi, patron de Mapei, qui allait le faire passer dans une autre dimension en 1995 à la tête de l’équipe italo-belge. Il y avait ramené ses cadres de l’équipe GB-MG, Johan Museeuw et Franco Ballerini notamment, qui allaient respectivement remporter dès la première année le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. L’équipe Mapei-GB est ainsi vite devenue la « numéro1 » mondiale sur les classiques du Nord. Et en 1996, il sera même confronté à un énorme dilemme de riche avec trois de ses coureurs seuls échappés (Museeuw, Bortolami et Tafi) vers le vélodrome de Roubaix. Lefévère au volant de la voiture nia toujours avoir reçu les consignes du docteur Squinzi: « C’est moi seul qui ai décidé que Johan ( Museeuw) gagnerait et c’est moi seul qui leur ai donné l’ordre de ce tiercé » , a-t-il toujours répété sans jamais éteindre vraiment la polémique.

Le Flamand a suscité autant d’admiration que d’exaspération. Il était un bon client devant les micros, usant rarement de la langue de bois même quand il s’agissait d’égratigner ses coureurs. Il fut respecté grâce à son palmarès hors norme mais fut souventaussiaucentre descritiques,saréussite suscitant bien des jalousies.

Alors que le déclin de son équipe était annoncé chaque année au moindre faux pas sur les classiques, il continuait de comptabiliser autour de 60 succès en moyenne par saison. Entre sa première tête de gondole, Johan Museeuw, puis FrankVandenbroucke et Tom Boonen, avec lesquels il entretenait des relations père fils, Richard Virenque, à qui il tendit la main après sa suspension, Sylvain Chavanel, son véritable protégé, et Julian Alaphilippe, qu’il avait fait passer pro, jusqu’à l’éclosion de Remco Evenepoel, Patrick Lefévère a toujours su créer un état d’esprit particulier, faisant naître le fameux Wolfpack, véritable label de sa réussite.

Mais sa gestion ressemblait de plus en plus à celle d’une véritable entreprise, avec plus de 150 employés ces dernières années et des choix stratégiques et économiques qui l’avaient souvent contraint à s’asseoir sur ses sentiments, comme quand il avait dû se séparer de coureurs qu’il aimait profondément: Philippe Gilbert, Mark Cavendish ou Sylvain Chavanel. Il avait surtout su faire évoluer l’identité flamande de l’équipe de ses débuts vers une idée plus cosmopolite de son groupe, pour des raisons sportives mais également politiques. Sans l’avoir cherché, il restera certainement un précurseur dans son sport.

***

L'ULTIMO DINOSAURO

A quasi 70 anni e per oltre cinquanta nel ciclismo, il direttore generale della Soudal Quick-Step, Patrick Lefévère, lascerà l'incarico alla fine dell'anno. Il belga lascerà un segno indelebile.

12 dicembre 2024 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

Nessuno credeva davvero che Patrick Lefévère sarebbe stato in grado di dimettersi quando ne parlò per la prima volta poco più di cinque anni fa. All'epoca, immaginavamo un altro bluff da parte sua, ed era difficile vedere il mondo del ciclismo senza questo personaggio colorito, che aveva visto passare altri capi squadra dalla forte personalità, come Manolo Saiz, Johan Bruyneel e Bjarne Riis

Per quasi trent'anni è stato il vero padrone del ciclismo, a capo della sua squadra che regnava sovrana (950 vittorie!), ma anche come presidente dell'AIGCP, la potente associazione dei gruppi sportivi, che lo ha reso uno degli uomini più forti di fronte agli organizzatori, compresi quelli del Tour de France, con i quali era spesso in conflitto.

La sua influenza si è spesso estesa al di là della sua squadra, poiché le sue parole avevano un peso, anche se le sue ultime (e talvolta sprezzanti) prese di posizione nei confronti di Julian Alaphilippe in particolare, e il suo scontro con il padre di Remco Evenepoel, hanno mostrato che stava diventando molto stanco. Lefévère, che compirà 70 anni il 6 gennaio, è ancora in cura dopo aver subito un importante intervento chirurgico più di vent'anni fa e ieri ha ammesso che anche la sua salute è stata determinante nella decisione di lasciare la squadra.

Sognava di vedere Gilbert come suo successore

È stato dopo l'ingresso di Philippe Gilbert nella sua squadra, nel 2017, che ha iniziato a pensare davvero al suo ritiro. Vedeva nel campione delle Ardenne un legittimo successore e gli piaceva la personalità vincente e imprenditoriale che corrispondeva a ciò che era stato lui fin dall'inizio della sua carriera. Ma il sogno di un passaggio di consegne “molto ciclistico” rimase un mero progetto, perché Gilbert non volle fare il grande passo. Lefévère era profondamente amareggiato, convinto di avere un'eredità lussuosa da trasmettere, quella del produttore di pavimenti Quick-Step, il nome generico che è stato legato alla sua squadra dai primi anni 2000, nonostante altri title sponsor.

Questo partner storico simboleggia ancora oggi una forma di fedeltà incrollabile nel mondo del ciclismo, dove i legami si creano e si spezzano da un giorno all'altro per il capriccio degli agenti. Lefévère aveva fatto della regione di Kortrijk la sua roccaforte, in un raggio di una quindicina di chilometri dove si trovavano i suoi dipendenti del reparto corse, i suoi partner come la Quick-Step e un gran numero di corridori belgi, che vivevano nella stessa zona, a cavallo tra le Fiandre orientali e occidentali. Negli anni '70, quando la sua famiglia vendeva auto usate a Roeselare, a pochi chilometri da Tourcoing, al confine con la Francia, aveva scelto una strada diversa: il ciclismo. Si prospettava una grande carriera quando vinse una tappa della Tre Giorni di De Panne nel 1976, poi la Kuurne-Bruxelles-Kuurne nel 1978, quasi davanti al pubblico di casa, e poche settimane dopo una tappa del Giro di Spagna (la prima vinta da Bernard Hinault).

Ma i lunghi viaggi lontano dalla casa di famiglia e le difficoltà a inserirsi in un ambiente che considerava “troppo selvaggio (per lui)” lo convinsero a interrompere tutto e a tornare ad allenarsi ma da contabile. Quando Walter Godefroot, l'ex grande rivale di Eddy Merckx, gli aprì le porte del team Weinmann alla fine degli anni '80, nessuno immaginava che questo discreto direttore sportivo sarebbe diventato, dieci anni dopo, “Monsieur Paris-Roubaix”.

60 successi in media a stagione

Il nuovo incontro con uno dei pionieri della sponsorizzazione su larga scala nel ciclismo, il dottor Squinzi, boss della Mapei, lo porterà in un'altra dimensione nel 1995 alla guida della squadra italo-belga. Riporta in patria i suoi corridori della GB-MG, in particolare Johan Museeuw e Franco Ballerini, che al primo anno vincono rispettivamente il Giro delle Fiandre e la Parigi-Roubaix. La squadra Mapei-GB divenne rapidamente la numero 1 al mondo nelle classiche del nord

Nel 1996 si trovò addirittura di fronte a un enorme dilemma da ricchi, con tre dei suoi corridori da soli in fuga (Museeuw, Bortolami e Tafi) verso il velodromo di Roubaix. Lefévère, al volante dell'auto, ha sempre negato di aver ricevuto istruzioni dal dottor Squinzi: “Sono stato solo io a decidere che Johan (Museeuw) avrebbe vinto e sono stato solo io a dare loro l'ordine (d'arrivo, ndr) per questa tripletta”, ha sempre ripetuto senza mai spegnere davvero le polemiche.

Il fiammingo suscitava tanta ammirazione quanto esasperazione. Era un buon cliente davanti ai microfoni, raramente parlava a sproposito anche quando si trattava di litigare con i suoi corridori. Era rispettato grazie alla sua straordinaria lista di successi, ma era anche spesso al centro di critiche e il suo successo suscitava molta gelosia.

Mentre il declino della sua squadra veniva annunciato ogni anno al minimo errore nelle classiche, continuò a ottenere una media di circa 60 vittorie a stagione. Dal suo primo fuoriclasse, Johan Museeuw, a FrankVandenbroucke e Tom Boonen, con cui mantenne un rapporto padre-figlio, a Richard Virenque, a cui diede una mano dopo la squalifica del corridore (per lo scandalo Festina al Tour 1998, ndr), a Sylvain Chavanel, il suo vero pupillo, a Julian Alaphilippe, che fece diventare professionista, fino all'emergere di Remco Evenepoel, Patrick Lefévère riuscì sempre a creare uno stato d'animo speciale, dando vita al famoso "Wolfpack", vero marchio del suo successo.

Ma il suo stile di gestione stava diventando sempre più simile a quello di una azienda, con più di 150 dipendenti negli ultimi anni e scelte strategiche ed economiche che spesso lo costringevano a non fare i conti con i suoi sentimenti, come quando ha dovuto lasciare andare corridori a lui molto cari: Philippe Gilbert, Mark Cavendish e Sylvain Chavanel. Soprattutto, è riuscito a cambiare l'identità fiamminga della squadra con cui era partito verso un'idea più cosmopolita del suo gruppo, per motivi sportivi e politici. Senza averlo cercato, rimarrà certamente un precursore nel suo sport.


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