Full mental Jacquet
Jérémy Jacquet lors du match de Ligue 1
entre Saint-Étienne et Rennes (0-2), le 8 février.
Longtemps gêné par un corps en croissance, le défenseur central rennais se révèle, à 19 ans, en ce début d’année. Déterminé à trouver sa place au plus haut niveau, il dégage sur les terrains une assurance et une fiabilité dignes d’un joueur chevronné.
"Il dégage une sérénité, on dirait un gars de 30 ans"
- HAMDANE KAROUNI, SON ENTRAÎNEUR
DES U10 AUX U12 PUIS EN U14
"Plus vous lui mettez un contexte difficile, plus il s’adapte.
Il a peu de limites. À voir jusqu’où ça va le mener"
- SÉBASTIEN BICHARD, ADJOINT
DE L’ENTRAÎNEUR DU STADE RENNAIS
8 Mar 2025 - L'Équipe
FLAVIEN TRÉSARRIEU (avec J. Ri.)
Aucoeurd’ u ne région pari sienne qui bat essentiellement au rythme des victoires du PSG, il existe un club où l’on soutiendra en partie le Stade Rennais, ce soir. Un club situé dans le Val-de-Marne, bien connu du foot amateur pour y prodiguer les valeurs de ce sport et un savoir-faire à même d’aider les jeunes talents à se frayer un chemin vers les centres de formation. Ce club, c’est le RC Joinville, terre de la famille Jacquet. Là où Jérémy, 19 ans, a apprivoisé le ballon durant six ans. Dominique Jacquet, son père, y joue un rôle de bénévole. Sandrine Quimpert, sa mère, y occupe la fonction de secrétaire générale, et il n’est pas rare de la voir tenir la buvette du club.
Jérémy, lui, s’est construit au sein d’une génération talentueuse composée notamment d’Ilyes Housni, prêté par le Paris-SG au Havre, d’Ayman Aiki, envoyé pour la saison par Saint-Étienne à Bastia (L2), ou de Sékou Doucouré, apparu deux fois dans le groupe de Nantes. « Les petits étaient observés tous les week-ends et participaient à des détections un peu partout, se souvient Brice Jacquet, son grand frère. Jérémy était l’un des derniers à avoir été pris. »
Celui qui fait aujourd’hui 1,90 m jouait au milieu et était perçu comme un joueur prometteur, mais des blessures régulières ont empoisonné son adolescence, au point de ralentir, un temps, son apprentissage : il a dû composer avec la maladie d’OsgoodSchlatter (1), le lot de beaucoup d’ados à la croissance rapide, ou une blessure à un ménisque, notamment. Lors de sa première détection avec le Stade Rennais, il a eu le malheur de se déboîter une épaule tout seul. Résultat, intervention des pompiers. Mais ça n’a pas refroidi le club breton, qui l’a invité pour une nouvelle session. « Ilavait tout cassé », se souvient Hamdane Karouni, son entraîneur à Joinville des U10 aux U12 puis en U14. «Ses blessures ne l’ont jamais fait douter, il voulait revenir, revenir et revenir, affirme son grand ami Jeanuël Belocian, avec lequel Jacquet échange constamment. En étant animé par cet état d’esprit, tu t’ouvres toi-même les portes. »
Malgré tout, les qualités du garçon ont toujours été palpables. « Techniquement, c’est un joueur très fin, et nous, on le faisait évoluer dans l’entrejeu pour qu’il puisse travailler dans la densité, exp li queKaro uni. Maintenant qu’il a reculé d’un cran, il dégage une sérénité, on dirai tungars de 30 ans .» Cette facilité est ce qui frappe au premier regard les observateurs lorsque Jacquet se trouve sur un terrain. Et c’est en partie ce qui a convaincu Rennes de le rappeler de son prêt à Clermont (L2), quitte à dépenser la somme peu commune de 900000 € pour convaincre le club auvergnat de le laisser repartir dans son club formateur.
Depuis, Habib Beye – nommé quelques jours avant son retour, début février – l’a toujours titularisé et Jacquet a prouvé sur ses quatre premières titularisations qu’il maîtrisait déjà le niveau de la L1. Ça ne tient d’ailleurs peut-être pas du hasard si Rennes n’a pas encaissé de but sur les 328 minutes qu’il a disputées (2). « C’est une très bonne chose que le club ait fait cet investissement pour un joueur qui a une énorme marge de progression, estimait il y a peu le coach franco-sénégalais. Lorsqu’on a fait revenir Jérémy, on était persuadés qu’il serait le joueur que vous voyez là. »
Avant d’incarner l’une des révélations de ce début d’ année, Jacquet a vécu un p rem ierboostd ans sac arrière il y a un an, avec son prêt à Clermont, qui luttait pour son maintien dans l’élite. Alors que le jeune homme touchait du doigt le groupe pro, il avait vu ses camarades de la génération 2005, dont Désiré Doué, Mathys Tel et Belocian, y éclore. Lui attendait encore qu’on lui donne sa chance. « Il n’a pas hésité à aller à Clermont, retrace son frère Brice. Il restait en France, pas trop loin de la famille, ce qui était important. L’objectif était qu’il découvre les codes du quotidien d’un joueur pro. Ça l’a aidé » C’est là-bas que l’a découvert Sébastien Bichard, arrivé courant mars 2024 pour seconder Pascal Gastien avant de prendre sa suite l’été suivant. Celui qui est aujourd’hui l’adjoint de Beye à Rennes raconte: « Je me souviens d’une séance où je le vois arriver comme un avion devant Grejohn Kyei, qui est assez costaud. Avec derrière une magnifique relance. J’ai compris qu’il avait quelquechosededifférent.Ilestdominant,facile, sans jamais dégager de nonchalance. »
Avec Bichard, le courant est vite passé. Aupoint que Jacquet s’engage auprès de lui à retourner l’été dernier à Clermont, relégué en L2, en cas de nouveau prêt. Ce fut le cas, malgré l’approche du Paris FC. Et Jacquet est devenu une pierre angulaire du CF63. Les deux hommes se côtoient désormais en Ille-et-Vilaine. « Quand on s’est posé la question de le faire revenir, ce n’était pas pour lui faire plaisir », reprend Bichard, qui énumère :« Il a la capacité de fixer l’ adversaire,d’ amener le sur nombre. Et de mettre de très bons ballons au coeur du jeu, des renversements. Mais il doit développer son jeu de tête défensif et offensif. Plus vous lui mettez un contexte difficile, plus il s’adapte. Il a peu de limites. À voir jusqu’où ça va le mener. »
Bichard n’est pas le seul à se poser la question. De nombreux clubs observent de près l’évolution du gamin, et certains ont pris des renseignements cet hiver. « Si vous posiez la question à leurs dirigeants, Jacquet, c’était pas moins de 30 M€, souffle un recruteur européen. Imaginez bien que sa cote a encore augmenté depuis qu’il s’est imposé en L1. » De toute manière, le Stade Rennais n’ est pas pressé de laisser partir son joueur dont le contrat sera automatiquement prolongé d’ un an, jusqu’ en juin 2028, avec quelques apparitions en plus sous le maillot breton.
« Après le match à Montpellier (4-0), je lui ai dit: “Tu sais, à ton âge, moi, je n’avais pas ton niveau” », confie avec admiration son coéquipier Lilian Brassier. « Il me rend fier, ajoute Belocian. En plus, maintenant qu’il a fini de grandir, il va se renforcer physiquement. Il me fait penser à Ibrahima Konaté par son envergure, et il y a moyen qu’il atteigne son niveau.»
(1) La maladie d’Osgood-Schlatter est une inflammation de l’os et du cartilage de la tubérosité tibiale, qui provoque des douleurs et un gonflement au niveau du genou.
(2) Le SRFC a concédé deux buts contre Lille (0-2, le 16 février) une fois qu’il était sorti.
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EN BREF
19 ANS
DÉFENSEUR CENTRAL Stade Rennais
13 janvier 2024 : il dispute son premier match professionnel en entrant en jeu à la 86e lors d’un Rennes-Nice (2-0).
28 juillet 2024 : titulaire ce jour-là, il s’incline en finale de l’Euro U19 avec l’équipe de France, contre l’Espagne (0-2).
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6,5 - Jérémy Jacquet a obtenu une note moyenne de 6,5 lors des quatre derniers matches de Rennes, soient ses quatre premières titularisations en Ligue 1. Lors de son premier match, à Saint-Étienne (2-0, le 8 février), le défenseur central a été le mieux noté de son équipe (8/10) par les journalistes de « L’Équipe ».
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