GREENWOOD Talent paradoxal
L’aisance technique et les statistiques ébouriffantes de l’ailier marseillais mettent tout le monde d’accord, mais ses prestations sont souvent frustrantes.
"C’est rare de faire un système pour un seul joueur,
mais avec certains, ça peut rejaillir sur toute l’équipe"
- CLAUDE PUEL
8 Mar 2025 - L'Équipe
ANTHONY CLÉMENT et BAPTISTE CHAUMIER
Quand on commence sa saison en marquant cinq fois en trois matches, on suscite forcément des promesses quine sont pas faciles à tenir au fil des mois. C’est l’histoire de Mason Greenwood, électrique l’été dernier pour ses débuts marseillais, muet un mois au tournant de l’automne et régulièrement décisif depuis, tout en laissant penser qu’il est capable de faire encore plus.
Sa prestation contre Nantes dimanche dernier (2-0) résume le mieux son paradoxe : impliqué sur le premier but, il a inscrit le deuxième et a été élu homme du match, mais son individualisme a agacé par ailleurs et ses éclairs n’ont pas fait oublier ses ballons perdus. Critiques injustes au regard de son influence sur le résultat, ou simple rançon d’un talent rare?
Roberto De Zerbi a son idée, et elle pique un peu. «Je l’ai voulu ici, c’est le premier joueur que j’ai contacté, et avant même de venir à l’OM, j’avais déjà appelé son père. Personne ne peut avoir plus d’estime pour lui que moi, mais j’en attends plus parce que ce qu’il fait ne nous suffit pas, a asséné hier l’entraîneur olympien. S’il veut réussir à maintenir ses ambitions de champion, il doit être plus constant, plus déterminant, et davantage se sacrifier.»
Attiré par les dribbles et les actions d’éclat, l’ailier ambidextre disparaît vite de la circulation quand le ballon n’est pas dans ses pieds, et le latéral derrière lui doit défendre pour deux. En 4-3-3, il laissait ainsi trop de brèches ouvertes pour l’adversaire et De Zerbi a notamment adopté le 3-4-3 pour masquer ses lacunes défensives, ce qui sert aussi ses qualités offensives car il est plus près du but.
Un système pour valoriser sa star, c’était également le plan de Claude Puel avec Hatem Ben Arfa à Nice, lors de la saison 20152016. « Il était tellement dominant que cela m’avait semblé évident. Positionné sur un côté, il avait tendance à toujours revenir sur son pied gauche, c’était trop prévisible. Je suis donc passé en 4-4-2 losange avec Ben Arfa en 10 et deux attaquants qui s’écartaient en phase défensive, se souvient le technicien, qui comprend De Zerbi. C’est rare de faire un système pour un seul joueur, mais avec certains, ça peut rejaillir sur toute l’équipe. “Lolo” (Laurent Blanc) a fait un peu la même chose à Paris quand il a eu Zlatan Ibrahimovic. Il était tellement au-dessus qu’il fallait construire autour de lui pour qu’il donne le meilleur de luimême.»
Destiné à une carrière en haute altitude quand il évoluait à Manchester United, Greenwood a changé d’horizon une fois accusé de lourdes violences conjugales, début 2022. Indésirable en Angleterre malgré l’abandon des poursuites, au point où il a demandé la nationalité sportive jamaïcaine, il a repris le fil de sa carrière dans des clubs moins huppés, où la finesse de ses pieds lui confère un statut particulier, à Getafe en Liga la saison dernière, et désormais à l’OM.
Il a d’emblée impressionné ses partenaires à l’entraînement, et ils savent ce qu’ils lui doivent, sans ignorer ses défauts. «C’est un joueur indispensable, et il y a plus de probabilités de gagner quand il est là. Parfois, il devrait peut-être un peu plus s’impliquer en défense, mais il apprend chaque jour, souffle le gardien Geronimo Rulli. Il a l’humilité pour reconnaître ses erreurs. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’on n’a pas encore vu le meilleur Mason. Il comprend de mieux en mieux les consignes de l’entraîneur.»
Avec Gouiri, le meilleur est peut-être à venir
Il faut dire que De Zerbi ne le lâche pas, devant les micros, mais aussi dans l’intimité des séances, lorsqu’il n’hésite pas à tancer sa nonchalance. L’Italien entretient des contacts réguliers avec le père de l’Anglais, toujours dans l’idée de gommer les passages à vide souvent observés au cours des grandes affiches.
Avec 15 buts dont 5 penalties, Greenwood fait toutefois partie de la crème de la Ligue1, car il est le joueur qui tire le plus en cadrant à 47 %, un ratio très respectable qu’on retrouve quand on dissèque ses occasions et ses dribbles.
Même si ses nuits ont été rabotées depuis février par la naissance de son deuxième enfant, il est également l’attaquant du Championnat qui tente et réussit le plus de passes, et son association naissante avec Amine Gouiri, numéro 9 plus technique, suggère que le meilleur est à venir. Si ce n’ est pas le cas, personne ne se priver a de le lui dire.
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