LA CHICANE DE LA DISCORDE


5 Apr 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL 
LUC HERINCX (avec A. RO.)

Demandé par le syndicat des coureurs, le ralentissement qui sera imposé à l’entrée de la Trouée d’Arenberg, dimanche, et reconnu par une partie des équipes, hier, déchire le peloton.

"Ce qui peut peut-être les sauver, 
c’est qu’il pleuve et que le crash ait lieu sur le secteur d’avant. 
Si c’est sec et que ça arrive pleine balle là, 
ça ne va pas passer" 
- MARC MADIOT, MANAGER DE GROUPAMA-FDJ ET DOUBLE VAINQUEUR À ROUBAIX

WALLERS-ARENBERG (NORD) – La star de cette 121e édition de Paris-Roubaix n’est pas un coureur. C’est cette petite surélévation en béton en forme de haricot au milieu du boulevard des Mineurs d’Arenberg. Filmée sous tous les angles, analysée par les passionnés, et enfin contournée par les quelques équipes à l’essai, hier, elle est au coeur d’une polémique depuis sa sélection comme moyen de ralentissement du peloton à l’approche de la mythique Trouée d’Arenberg, dimanche. « Est-ce une blague ? » , a même demandé le favori de la course, Mathieu Van der Poel (Alpecin-Deceuninck), sur son compte X (ex-Twitter), mercredi soir.

Au contraire, c’est un sujet pris très au sérieux depuis une semaine, lorsque l’ancien cycliste australien Adam Hansen, président du syndicat des coureurs (le CPA, Cyclistes professionnels associés), a sollicité Thierry Gouvenou. À la suite d’un vote des coureurs en faveur d’un ralentissement avant la redoutable ligne droite pavée, « il a suggéré trois propositions, explique le directeur de la course. Au final, on a réalisé celle que je refusais au départ mais c’est la seule qu’on pouvait mettre en place dans le temps imparti ».

Les Visma-Lease a bike emmenés par Dylan Van Baarle – satisfait de la solution retenue, à en croire les émojis qu’il a publiés sur ses réseaux sociaux – ont été les premiers à tester le dispositif vers midi, hier. Après le chemin de fer traversé à une cinquantaine de mètres de la Trouée, les « Frelons » ont tourné à droite pour contourner le haricot avant de négocier un demi-tour très technique qui « devrait baisser la vitesse aux alentours de 25-30 km/h » , selon Gouvenou, au moment de tourner encore à droite pour entamer les pavés par une grosse relance. « Pour l’avoir fait aujourd’hui (hier), je pense que l’effort va être de 40 secondes plus long que d’habitude dans la Trouée, observe Adrien Petit. À cette intensité, ça fait beaucoup. » « L’idée de ralentir la course et d’étirer le peloton avant Arenberg, on ne peut pas être contre, concède Marc Madiot, manager de l’équipe Groupama-FDJ et double vainqueur à Roubaix (1985 et 1991). Seulement, la chicane, comme elle est foutue là, on est sur une épingle à cheveux sur laquelle les mecs vont arriver à 50 km/h. Les premiers vont essayer de passer, s’il y en a un qui se loupe, il y en aura 80 dans le même cas. Ça ne peut pas passer sans tomber, pour moi. »

Malgré une reconnaissance amputée par la boue qui rendait certains secteurs impraticables pour l’équipe TotalÉnergies, le jeune Thomas Gachingard (23 ans) est venu découvrir le passage en voiture, en début d’après-midi. « Ce n’est que mon premier Paris-Roubaix mais à mon avis ça va être encore plus de stress, tout le monde va vouloir être placé, prévoyait-il. Et tomber, que ce soit sur les pavés ou le bitume, ça fait toujours mal. »

Chargé également du tracé du Tour de France, Gouvenou a évidemment conscience de ces craintes, il les avait même déjà partagées aux coureurs. « Je leur ai écrit en les prévenant qu’il y aurait des coups de frein plus importants avant la trouée, précise-t-il. Mais ils m’ont répondu qu’ils préféraient freiner fort au risque de chuter sur le goudron plutôt que d’entrer sur la trouée à 60 km/h. »

C’est l’avis de Matteo Jorgenson (VismaLease a bike), qui a publié sur son compte X une photo de l’Australien Mitchell Docker, le visage couvert de sang après une chute dans la Trouée en 2016. « Est-ce cela que les fans veulent voir? a commenté l’Américain, récent vainqueur de Paris-Nice. Des coureurs complètement couverts de sang après avoir glissé la tête la première à 80 km/h sur des pavés pointus dans une forêt? Je préfère encore quelques virages et des gars qui glissent sur la chaussée… »

Empruntée par la plupart des équipes avec prudence, notamment les Ineos-Grenadiers, qui ont exploré la nouveauté à deux reprises – contrairement aux IntermarchéWanty, qui ont réussi à garder beaucoup de vitesse à leur unique passage –, la chicane n’a provoqué aucune chute, hier, sur une chaussée humide. « Ce qui peut peut-être les sauver, c’est qu’il pleuve et que le crash ait lieu sur le secteur d’avant, à Haveluy, note justement Madiot. Ça étirera peut-être davantage le truc. Si c’est sec et que ça arrive pleine balle là, ça ne va pas passer. »

Une solution à 500m de la Trouée l’an prochain

Ce qui ne pourrait pas passer, ce sont aussi les voitures suiveuses. L’arrivée des Visma à la chicane fut cocasse, lorsque la direction sportive néerlandaise a hésité à s’engager, préférant finalement tirer tout droit dans la trouée pour s’éviter un demi-tour compliqué. « Ça ne passe pas en une manoeuvre » , se disait Julien Jurdie dans le véhicule des Decathlon-AG2R La Mondiale. Gouvenou rassure : « Les barrières seront installées bien au large, ce qui permettra de déborder sur le trottoir et de passer en une seule fois. Je l’expliquerai bien à la réunion des directeurs sportifs. »

Chez les coureurs, les premières expériences n’ont pas apaisé les tensions. Gachignard avoue: « On en a parlé un peu dans l’équipe et avec d’autres coureurs. Ce qu’il se passe sur les réseaux depuis hier (mercredi), c’est incroyable. Les anciens nous disent: ‘’C’est pas normal, la Trouée, ça a toujours été comme ça en ligne droite!’’ Et ils ont peut-être raison, il y a des choses parfois plus dangereuses avec des rétrécissements dans les villages par exemple. » Imperturbable, Gouvenou ne changera de toute façon pas d’avis d’ici à dimanche: « C’est comme ça, la Trouée a toujours fait parler depuis sa mise en place en 1968. Mes prédécesseurs ont imaginé plein de choses, même de la prendre à l’envers! »

En matière de brainstorming, Jurdie suggère qu’il « faudrait peut-être réfléchir à une façon de ralentir à environ 500 m pour que le peloton entre à 40 km/h » . Et c’est d’ailleurs l’option qui devrait être privilégiée dans les années à venir. « On irait à gauche direction le site minier puis à droite pour le longer jusqu’au chemin de fer, explique Gouvenou. Ensuite, on tournerait à nouveau à droite puis à gauche pour entrer dans la trouée. Si on nous avait prévenus il y a trois semaines, voire un mois, on aurait pu le faire cette année, mais ça nécessitait quelques aménagements. »


De toute façon, au-delà de la Trouée d’Arenberg et de Paris-Roubaix, la préoccupation des coureurs relève d’un enjeu beaucoup plus large. Les dirigeants s’accordent à dire que les vitesses atteintes ces dernières années ne permettent pas d’assurer la sécurité des coureurs. « C’est là qu’on est un petit sport, en comparaison aux sports auto par exemple, qui, eux, quand ça va trop vite, ralentissent les voitures, pointe Madiot. C’est nous, notre matériel, nos vélos, nos bonshommes sur le vélo, qui devons trouver des moyens pour ralentir. » La grosse chute sur le Tour du Pays basque, hier, prouve qu’il fallait bien plus qu’une chicane pour réduire les accidents.

***

Laporte de retour dimanche à Paris-Roubaix

5 Apr 2024 - L'Équipe
P.L.G.

Forfait pour Gand-Wevelgem, qu'il avait remporté l'an passé, et pour le Tour des Flandres, Christophe Laporte a été retenu par son équipe Visma-Lease a Bike pour Paris-Roubaix, dimanche. Souffrant de maux d'estomac avant Milan-San Remo où il avait abandonné, il avait par la suite été handicapé par des douleurs à la selle, selon le staff médical néerlandais, qui l'avaient empêché de participer à la campagne des classiques flamandes où il faisait figure de leader au côté de Wout Van Aert. Si le Belge, victime d'une chute lors d'À Travers la Flandre la semaine dernière, est forfait pour le reste des classiques, le retour du Français met du baume au coeur de l'équipe néerlandaise, encore touchée hier par l'accident de Jonas Vingegaard au Pays basque. Si Laporte n'a pas participé à la reconnaissance des pavés avec son équipe, on l'a aperçu sur une partie du parcours. Le rôle du Varois dimanche (10e l’an dernier) reste une énigme après trois semaines sans compétition. Il est remonté sur le vélo seulement la semaine dernière.

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