Le musée du Sport fait son cinéma


6 Apr 2025 - L'Équipe
DE NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX 
TEXTE : VINCENT HUBÉ 
PHOTOS : ALEXIS RÉAU

À partir du 11 avril, le musée national du Sport, à Nice, se met au 7e art avec l’exposition temporaire « Action ! ». De « Charlot boxeur » à « Rasta Rockett », en passant par « Rocky », les classiques du genre sont à l’honneur. Le fruit d’un travail de collecte particulièrement compliqué.


Jean Dujardin a donné son accord pour qu’une 
des planches de surf de « Brice de Nice » soit exposée.

NICE – Work in progress. Vendredi dernier, au musée national du Sport à Nice (MNS), à une semaine de l’ouverture de l’exposition Action! Le sport au cinéma (jusqu’au 16 novembre), des pièces arrivent encore. Dans la première salle, une responsable du Collège de France surveille scrupuleusement le bon accrochage d’un objet prêté par son établissement: un fusil photographique, ancêtre de la caméra, inventé par Étienne-Jules Marey, en 1882, pour capter le mouvement. Plus loin, un représentant du prince Albert II de Monaco s’assure qu’un casque d’Ayrton Senna, issue de la collection princière, pour évoquer le documentaire d’Asif Kapadia (en 2010) trouve sa bonne place dans une vitrine. Claire Vasdeboncoeur, la responsable des expositions du musée, veille auprès des uns et des autres à ce qu’un soin maximal soit apporté à l’installation. « Cette exposition est un grand défi, résume-t-elle, les mains gantées pour ne rien salir. Et la monter en un an, c’est chaud… Idéalement, il faut un an et demi, deux ans. En plus, sur le thème sport et cinéma, il y a trop d’histoires à raconter… » Des histoires, cette exposition en a connu elle aussi, entre sa genèse compliquée et la collecte, laborieuse mais finalement fructueuse, de la centaine d’objets présentés dans les 600 m2 disponibles, nichés au coeur de l’Allianz Riviera.

Beaucoup de refus préalables

En 2025, le cinéma fête ses 130 ans. Pour autant, difficile de trouver trace jusque-là d’une exposition d’envergure mêlant sport et ciné. « On a regardé, pour moi, ça n’avait jamais été fait », estime ainsi Julien Camy, commissaire, avec son père Gérard, de l’expo niçoise. « En Europe, c’est sûr, c’est une première », avance de son côté Marie Grasse, la directrice générale du musée. Les Camy ont ce projet en tête depuis la sortie de leur livre référence Sport & Cinéma, en 2016 (éd. du Bailli de Suffren, pour la première édition) et ils imaginaient que les Jeux à Paris, en 2024, faciliteraient leur tâche. Pas vraiment…

Ils ciblent d’abord la Cinémathèque française, à Paris. « Pendant un moment, ils n’ont pas dit non mais nous ont fait attendre, se souvient Gérard Camy. Pour décider finalement que ça ne les intéressait pas. » Après ce refus, les Camy se tournent vers la ville de Courbevoie, qui dit d’abord oui avant de décliner « pour des raisons budgétaires ». Également sollicitée, la ville de Cannes passe aussi son tour. Le musée national du Sport, lui, se montre beaucoup plus intéressé. « On a dit oui tout de suite », annonce Marie Grasse. Normalement, l’expo 2025 de Nice aurait dû être consacrée aux mangas, celle des Camy étant au départ programmée pour 2026. « Finalement, on l’a avancée d’un an ; les mangas, c’était compliqué, précise Vincent Duluc, grand reporter à L’Équipe et président du conseil d’administration du MNS. C’était important d’avoir une exposition forte après 2024 (année record pour le musée, avec plus de 100 000 visiteurs contre 80000 en 2023).» Restait à trouver quoi présenter au public… Avec 45000 objets et 400000 documents danssonfonds,leMNSfournitprèsdelamoitiédespièces. Dont beaucoup de posters de films issus d’une collection – « hallucinante », selon Julien Camy – de 18 000 affiches en tout genre. Les visiteurs pourront ainsi admirer, entre autres, celles de Charlot Boxeur (1915), de la Fureur du dragon (1972) ou plus récemment de Joue-la comme Beckham (2002).

« Rocky », un dur combat

Pour l’affiche annonçant l’exposition, le musée aurait bien voulu mettre en avant Sylvester Stallone dans Rocky (1976). Mais les discussions avec un de ses agents n’ont jamais abouti, et faute d’accord, le musée n’a pas voulu prendre de risque juridique. Trois versions d’affiche sont donc déclinées avec Brice de Nice (2005), Rasta Rockett (1993) et une évoquant bien Rocky, mais sans photo de Stallone. En revanche, Nice a essayé d’obtenir en prêt une paire de gants du film, conservée au Smithsonian’s National Museum of American History, à Washington. « Les frais étaient monstrueux, plusieurs dizaines de milliers d’euros, entre les assurances, la caisserie, le transport…, révèle Claire Vasdeboncoeur. Le musée Matisse (à Nice) nous avait aussi alertés sur les frais annexes qui peuvent arriver après… Notre budget est limité. On a préféré mettre l’argent sur les extraits de films (plus d’une heure dans toute l’exposition). » Rocky est bien évoqué cependant dans l’expo, notamment avec une impressionnante Steadicam prêtée par la Cinémathèque, le même modèle que celui utilisé par le réalisateur, John G. Avildsen. On trouve aussi un gant avec un graffiti de l’artiste C215, réalisé en 2022 et tiré des collections du musée.

Un peu de « Raging Bull » aussi

Concernant Raging Bull (1980), un autre film de boxe mythique, toutes les archives se trouvent au Harry Ransom Center, à Austin, au Texas. Problème, « tout est bloqué, rien ne peut sortir avant 2028 », prévient Claire Vasdeboncoeur. Les Camy ont cependant obtenu une sorte de fac-similé du scénario, annoté par le réalisateur Martin Scorsese et son acteur principal, Robert De Niro. « L’original fait deux cents pages mais on a pris des extraits, la scène mythique’’You fuck my wife’’ et une autre de combat, raconte Julien Camy. Les gens pourront le feuilleter et voir que De Niro était très impliqué dans l’écriture et qu’il réécrivait beaucoup les séquences. »


L’exposition « Action ! » a tenu à rendre hommage aux grands films de sport, dont « Rocky » avec Sylvester Stallone, malgré les difficultés à obtenir des pièces d’origine (ici un gant réalisé en 2022 par l’artiste C215)

Les stars françaises sollicitées

La quête du graal cinémato-sportif est une tâche plus qu’ardue. « La plupart du temps, à la fin d’un tournage, les objets sont jetés ou récupérés par les décorateurs et les costumiers pour un film suivant », explique Julien Camy. Il souhaitait ainsi présenter un maillot porté par Patrick Dewaere dans Coup de tête (1979), de Jean-Jacques An naud.«Monp ère a demandé à An naud,iln’ avait strictement rien gardé. Il lui a dit de regarder avec Guy Roux qui, lui non plus, n’avait rien. Et on n’a pas retrouvé le costumier… » Pas de chance non plus avec Alain Chabat pour Didier (1997). « Il n’a pas eu le temps de fouiller sa cave en totalité », indique Claire Vasdeboncoeur. En revanche, Benoît Poelvoorde a retrouvé chez lui un maillot du Vélo de Ghislain Lambert (2001), et le prête. De son côté, Jean Dujardin a donné son accord pour que la boîte de production de Brice de Nice, Mandarin, file une des trois planches de surf du film. Il a aussi accepté d’apparaître sur une des affiches. Gilles Lellouche, pour leGrand Bain (2018), ou Cédric Le Gallo, pour les Crevettes pailletées (2019), ont aussi confié des pièces.

Les prêts viennent parfois de l’étranger. Comme un masque d’Éric Cantona dans Looking for Eric (2009), arrivé par la poste anglaise directement de Sixteen Films, la société de production de Ken Loach. « Dès qu’on dit être avec le musée national du Sport, c’est synonyme de sécurité de conservation… », assure Julien Camy. Un objet est venu d’encore plus loin : les judogis d’Arienne Mandi, l’actrice principale de Tatami (2024), envoyés de Géorgie par la costumière du film. Et Zar Amir Ebrahimi, la co-réalisatrice qui jouait aussi la coach, a passé sa propre tenue lors des rencontres « Sport, littérature et cinéma », à Lyon, en février dernier.

Vieilles voitures et nouvelles répliques

De son côté, le musée des 24 Heures du Mans prête plusieurs pièces, dont le chapeau de cow-boy de Matt Damon dans Le Mans 66 (2019) ainsi qu’un tableau de bord de Ford GT 40, utilisé par le réalisateur James Mangold pour les gros plans. Un collectionneur privé propose, lui, une splendide Porsche 917K couleur bleu ciel, sponsorisée par Gulf. Un modèle identique à celui piloté par Steve McQueen dans Le Mans (1971). L’original appartenait, il y a peu, à l’humoriste américain Jerry Seinfeld, mais l’exemplaire présenté a aussi une belle histoire : il participe toujours à des courses et compte parmi ses pilotes Philippe Siffert, le fils de Jo Siffert (décédé en 1971), très impliqué dans le tournage du film. À signaler aussi une Coccinelle, très ressemblante à la Choupette d’Un amour de Coccinelle, production Disney culte de 1969.

Selon Marie Grasse, « c’est toujours mieux d’avoir l’original mais quand il n’existe plus ou n’est pas disponible, plutôt que rien, c’est bien que le visiteur ait une reconstitution ». Une dizaine de répliques parsèment ainsi l’exposition, des maillots mais aussi le bobsleigh de Rasta Rockett. « Le bobsleigh des Jeux de 1988 est au Canada Sports Hall of Fame, à Calgary, affirme Julien Camy. J’ai envoyé un message par principe, ils ne m’ont même pas répondu… » Le musée a alors fait appel à une artiste locale, Dany Yi, spécialisée dans les matériaux composites. «Jemesuis vraiment amusée à le faire, confie-t-elle. Le bob est constitué de morceaux de polystyrène encollés, sauf l’essieu, en bois. Je me suis basée sur les photos et j’ai revu le film pour être sûre d’être la plus fidèle possible. » Avantage de ce nouveau bob par rapport à l’original, les visiteurs pourront monter dessus et se faire prendre en photo. À chacun son cinéma.

« Action! Le sport au cinéma », du 11 avril au 16 novembre, au musée national du Sport, à l’Allianz Riviera, à Nice. Entrée: 8 € (10 € avec l’exposition permanente). Gratuit pour les moins de 18 ans.

***

V. H.
Nice, conservatoire de Paris 2024


Nice est à 700 km de Paris, qu’importe. « Le musée national du Sport va devenir aussi le musée des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 », annonce Vincent Duluc, grand reporter à L’Équipe et président du conseil d’administration du musée. « L’idée est de jouer à la fois sur l’héritage de Paris 2024 et d’aller ensuite progressivement vers les Jeux d’hiver 2030, qui vont se dérouler dans les Alpes françaises et en partie à Nice (pour les épreuves sur glace et la cérémonie de clôture) », poursuit Marie Grasse, la directrice générale. Paris 2024 sera tout d’abord l’objet d’une exposition temporaire en 2026, avec une ouverture avant les Jeux d’hiver de Milan-Cortina (6-22 février). Puis un espace permanent devrait être trouvé dans l’enceinte de l’établissement.

Pour l’instant le fonds spécifique est en cours de constitution. Le musée a ainsi récupéré, cette semaine, deux jeux (or, argent, bronze) de médailles olympiques et paralympiques. Fin 2024, plus de 300 objets avaient déjà fait le voyage de Paris aux Alpes-Maritimes : des tenues des cérémonies, des torches, le drapeau olympique, les Phryges, etc. Le Musée olympique, à Lausanne, devrait également être sollicité. Les champions, eux aussi, participent. Titré l’an dernier, Kauli Vaast a déjà confié sa planche de surf. Ne reste plus qu’à la convoyer de Tahiti à Nice.

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