Un sprint rempli d’incertitudes
Ce scénario d’une arrivée à quatre maximum s’est présenté à plusieurs reprises à Audenarde depuis 2012 mais moins souvent que du temps de l’arrivée à Ninove. L’hypothèse existe et peut perturber les favoris.
“C’est un sprint atypique,
on n’a plus le moindre repère après
tous les efforts fournis en amont ''
- ALEXANDER KRISTOFF,
VAINQUEUR DU RONDE EN 2015
6 Apr 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS
COURTRAI (BEL) – Sur les treize arrivées à Audenarde sur le nouveau parcours apparu en 2012, sept se sont conclues par la victoire d’un homme seul et six au sprint mais en groupe très restreint, trois fois en duel, deux fois à quatre et une foisàtroiscoureurs.
Il ne faut évidemment pas exclure un tel scénario mais en écoutant les acteurs qui ont vécu depuis 2012 cette situation, le sprint à Audenarde n’a rien d’un sprint conventionnel. Hormis le premier remporté il y a treize ans par Tom Boonen face à Filippo Pozzato, ceux qui ont suivi « n’ont ressemblé à rien » selon l’analyse du champion belge. « Moi, je n’avais pas de référence sur cette arrivée, je ne pouvais donc pas encore imaginer qu’il pouvait y avoir des surprises, que des purs sprinteurs pouvaient être piégés. Face à Pozzato, j’étais sûr de ma pointe de vitesse, je ne me suis donc pas posé de questions. »
C’est deux ans plus tard, quand Fabian Cancellara se retrouve accompagné par trois Belges, Greg Van Avermaet, Sep Vanmarcke et Stijn Vandenbergh, que les premiers doutes sont apparus car les deux premiers pouvaient aller vite au sprint, ce qui n’était pas la qualité première du Suisse. Vanmarcke évoque un sprint « au ralenti à partir du dernier kilomètre car dans la tête on se demande s’il ne vaut pas mieux viser une place sur le podium. Il faut donc bluffer sur cette arrivée à Audenarde quand on n’arrive pas seul ». C’est exactement ce que raconte le directeur sportif de Fabian Cancellara à l’époque au volant de la voiture de l’équipe Trek, Dirk Demol. « On avait fait beaucoup de cinéma pour faire oublier Fabian. Ce n’est pas le physique qui fait la différence sur une telle arrivée, car après tous les efforts, tout le monde est râpé et tous les gars se retrouvent presque sur un pied d’égalité. Ça se joue alors dans la tête.»
Ce ne serait donc pas le plus rapide intrinsèquement qui aurait le dernier mot à Audenarde, ce que confirment de gros ratés, comme celui de Van der Poel en 2021, qui s’était fait endormir par le Danois Kasper Asgreen, ou Pogacar l’année suivante, qui s’était complètement embrouillé les pinceaux en attendant de lancer le sprint face au Néerlandais permettant à Dylan Van Baarle et Valentin Madouas de revenir sur le fil. « Ce qui est perturbant pour un pur sprinteur, c’est que c’est un sprint très lent, analyse Alexander Kristoff, vainqueur en 2015 face à Niki Terpstra. Sur le papier, tout semble facile, et le danger est de se dire que comme on est le plus rapide sur d’autres courses, ça marchera là aussi. Mais c’est totalement faux, c’est un sprint atypique, on n’a plus le moindre repère après tous les efforts fournis en amont. Il faut presque oublier les fondamentaux, remettre les compteurs à zéro et oublier ses certitudes.»
Patrick Lefévère, le patron de l’équipe Deceuninck-QuickStep de Kasper Asgreen en 2021, avait apprécié la malice de son coureur, qui avait dominé Van der Poel, le vainqueur sortant. « Asgreen avait joué la carte de la surprise, ce qui est aussi possible sur cette arrivée car les dix derniers kilomètres tout plats laissent de la place à la réflexion et donc aussi au doute. Mathieu ne s’était pas assez méfié de Kasper car il était peutêtre trop sûr de lui mais depuis il a bien retenu la leçon. » Le Danois avait profité justement de ces derniers kilomètres pour s’auto-convaincre que tout était jouable, même face à Van der Poel. « Sur cette arrivée, on doit essayer de dédramatiser la situation, nous avait-il expliqué quelques jours après sa victoire. Moi je savais que j’allais vite au sprint et je n’arrêtais pas de me dire “oui je suis bon au sprint! Oui ça va le faire!” Le danger, en voyant au loin les banderoles d’Audenarde, c’est d’être paralysé par l’enjeu. Et là, en effet, on peut déjà avoir tout perdu avant même de jouer le sprint.»
2012 TOM BOONEN
La force de l’expérience
Pour décrocher son troisième Tour des Flandres et entrer dans la légende de son sport, le cycliste belge avait fait parler sa vitesse pour s’imposer devant les Italiens Filippo Pozzato et Alessandro Ballan.

2014 FABIAN CANCELLARA
Le grand bluff

2015 ALEXANDER KRISTOFF
La logique respectée
Ce ne serait donc pas le plus rapide intrinsèquement qui aurait le dernier mot à Audenarde, ce que confirment de gros ratés, comme celui de Van der Poel en 2021, qui s’était fait endormir par le Danois Kasper Asgreen, ou Pogacar l’année suivante, qui s’était complètement embrouillé les pinceaux en attendant de lancer le sprint face au Néerlandais permettant à Dylan Van Baarle et Valentin Madouas de revenir sur le fil. « Ce qui est perturbant pour un pur sprinteur, c’est que c’est un sprint très lent, analyse Alexander Kristoff, vainqueur en 2015 face à Niki Terpstra. Sur le papier, tout semble facile, et le danger est de se dire que comme on est le plus rapide sur d’autres courses, ça marchera là aussi. Mais c’est totalement faux, c’est un sprint atypique, on n’a plus le moindre repère après tous les efforts fournis en amont. Il faut presque oublier les fondamentaux, remettre les compteurs à zéro et oublier ses certitudes.»
Patrick Lefévère, le patron de l’équipe Deceuninck-QuickStep de Kasper Asgreen en 2021, avait apprécié la malice de son coureur, qui avait dominé Van der Poel, le vainqueur sortant. « Asgreen avait joué la carte de la surprise, ce qui est aussi possible sur cette arrivée car les dix derniers kilomètres tout plats laissent de la place à la réflexion et donc aussi au doute. Mathieu ne s’était pas assez méfié de Kasper car il était peutêtre trop sûr de lui mais depuis il a bien retenu la leçon. » Le Danois avait profité justement de ces derniers kilomètres pour s’auto-convaincre que tout était jouable, même face à Van der Poel. « Sur cette arrivée, on doit essayer de dédramatiser la situation, nous avait-il expliqué quelques jours après sa victoire. Moi je savais que j’allais vite au sprint et je n’arrêtais pas de me dire “oui je suis bon au sprint! Oui ça va le faire!” Le danger, en voyant au loin les banderoles d’Audenarde, c’est d’être paralysé par l’enjeu. Et là, en effet, on peut déjà avoir tout perdu avant même de jouer le sprint.»
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2012 TOM BOONEN
La force de l’expérience
Pour décrocher son troisième Tour des Flandres et entrer dans la légende de son sport, le cycliste belge avait fait parler sa vitesse pour s’imposer devant les Italiens Filippo Pozzato et Alessandro Ballan.
2014 FABIAN CANCELLARA
Le grand bluff
Pourtant plus rapides sur le papier que Fabian Cancellara, Greg Van Avermaet et Sep Vanmarcke avaient été bernés par le jeu du Suisse. Le leader de la Trek avait une nouvelle fois démontré son génie tactique dans les derniers mètres.
2015 ALEXANDER KRISTOFF
La logique respectée
Parti à 28 kilomètres de l’arrivée avec Niki Terpstra, Alexander Kristoff, plus puissant, avait montré qu’il était le plus fort en s’imposant facilement au sprint devant le Néerlandais.
2020 MATHIEU VAN DER POEL
Duellistes en majesté
La chute de Julian Alaphilippe à 35 kilomètres de l’arrivée avait ouvert la voie à un duel royal entre Wout Van Aert et Mathieu Van der Poel, au terme duquel le petit-fils de Raymond Poulidor se montra le plus fort.
2021 KASPER ASGREEN
À l’usure
Outsider au départ, le coureur danois de Deceuninck-Quick Step avait attendu le tout dernier moment, à 200 mètres de l’arrivée, pour lancer un sprint ramassé qui finit par briser les ailes de Van der Poel.
2022 VAN DER POEL
Un final magistral
Dans un sprint un brin confus, avec les retours de Dylan van Baarle et Valentin Madouas à 250 mètres de la ligne, Van der Poel avait fait parler sa vitesse pour s’offrir le deuxième Tour des Flandres de sa carrière.
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