Italie, le néant bleu
Éliminée par la Suisse après un match désastreux, la tenante du titre a payé des lacunes et des erreurs qui ne datent pas d’aujourd’hui.
30 Jun 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE MÉLISANDE GOMEZ
À force de repousser tout ce qui s’approchait de son but, Gianluigi Donnarumma aura été le trompe-l’oeil de cet Euro, celui qui a fait passer l’Italie pour une équipe correcte. Sans lui, la Nazionale aurait fait match nul contre l’Albanie (victoire 2-1, le 15 juin), elle aurait perdu 7-0 contre l’Espagne (défaite 1-0, le 20) puis 2-0 contre la Croatie (1-1, lundi), et elle aurait été éliminée au premier tour, à son niveau.
Elle aurait évité ainsi une soirée humiliante contre la Suisse (0-2), où des Azzurri complètement délavés n’avaient ni les pieds, ni les jambes, ni la tête. Ils ont fini sous la bronca de leurs tifosi et la tête basse, à se demander sans doute comment ils avaient pu tomber si bas. Les raisons existent.
Le manque de talent
Le constat désolé est le même depuis 2010 quand l’Italie, tenante du titre, avait été éliminée sans gloire au premier tour de la Coupe du monde: le pays, pourtant une terre de football et l’un des plus beaux palmarès de l’histoire du jeu, ne sort plus de «fuoriclasse». Le manque de qualité technique a encore sauté aux yeux face à la Suisse, et il ne reste plus que l’école des gardiens de but pour garder la face.
Dans le onze de départ, ils étaient trois joueurs de l’AS Rome (Mancini, Cristante et El-Shaarawy), qui a fini 6e de Serie A. Nicolo Fagioli, qui n’a pas joué de la saison après une suspension pour paris illégaux, a été lancé au milieu dans l’espoir qu’il allume quelques étincelles, et ces tentatives disent bien le manque de solutions dans le paysage, pour Luciano Spalletti. «C’est moi qui ai choisi les joueurs, c’est donc ma responsabilité» , a répété le sélectionneur, hier.
Celle de sa fédération aussi, sans doute : depuis près de quinze ans que le constat est dressé, les politiques efficaces tardent. Pour développer des grands joueurs, le foot italien pâtit du manque d’infrastructures, d’une culture trop tactique qui bride les talents, et du peu d’intérêt de la majorité des clubs à vraiment investir dans la formation. Gabriele Gravina, le président de la Fédération, qui a vu sa sélection manquer la Coupe du monde au Qatar, va-t-il prendre la mesure de la situation?
Le manque de temps
La mission était compliquée pour Spalletti, propulsé d’un coup sur le banc de la sélection alors que personne ne s’y attendait, et surtout pas lui. En plein mois d’août, Roberto Mancini venait de démissionner et laissait sa fédération dans l’embarras. Alors que l’équipe n’était toujours pas qualifiée pour l’Euro, « Mancio » avait-il pressenti le fiasco?
Spalletti a eu dix mois et autant de matches pour préparer la compétition. «Les autres entraîneurs ont eu vingt matches, moi la moitié, regrettait-il hier. Et dès mon arrivée, j’avais un fusil sur la tempe et on me disait: “Tu dois gagner.” J’ai probablement besoin de plus de connaissance directe.»
Réputé pour la qualité du jeu qu’il arrive à développer en club, Spalletti a semblé tâtonner dans cet Euro, changeant de système, d’équipe et virant de bord aussi sur les entraînements. Après une première semaine où les séances duraient près de deux heures, sans cesse interrompues par les consignes tactiques, il a allégé le menu d’un coup. Face à la Suisse, la condition physique des joueurs a été catastrophique, et leurs vaines tentatives de réussir trois passes de suite, aussi.
Le manque de caractère
Il n’y a rien à sauver dans le contenu de la rencontre des Italiens, amorphes, qui n’ont cadré qu’une frappe, sans danger, à un quart d’heure de la fin. Pas de pressing, pas de coordination, pas de justesse, un néant tel que la question du mental se pose forcément. Trimballés par l’Espagne en phase de groupes, les Italiens se sont-ils relevés de ce match ? Depuis les départs de Giorgio Chiellini et Leonardo Bonucci, duo décisif il y a trois ans, les leaders manquent dans ce vestiaire, où Donnarumma est un capitaine irréprochable mais jeune (25 ans).
Le gardien parisien a tenté, par la voix, de motiver ses coéquipiers, hier, mais tous semblaient perdus. Gianluca Scamacca, attendu comme le 9 que l’Italie espère depuis si longtemps, a pu constater que la pression n’était pas la même qu’à l’Atalanta Bergame, Jorginho, fatigué, n’a pas pu prendre les clés au milieu, Nicolò Barella a manqué son match et il n’y avait plus grand monde pour guider la troupe.
«Nous avons des joueurs pour nous relever, espérait Donnarumma. Jouer des Coupes d’Europe va aider les jeunes à mieux gérer ces matches, à avoir l’intensité et le rythme qu’il faut. J’ai essayé de secouer l’équipe mais on n’a pas eu l’envie de réagir, l’envie de s’entraider, on a manqué de tout, c’est inacceptable.» Inacceptable, comme en 2018, quand elle avait manqué la Coupe du monde en Russie, comme en 2022, quand elle n’a pas fait le voyage au Qatar. Le dire, c’est un début, il reste à faire en sorte que cela change.
La Suisse leur dit merci
Après une partition parfaitement exécutée face à l’Italie, la Nati s’est qualifiée pour la deuxième fois de son histoire en quarts de finale de l’Euro, portée par trois hommes clés.
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL - SÉBASTIEN BURON
BERLIN – Pendant et après la rencontre, les « Schwiizer Nati » pouvaient retentir dans les tribunes du stade Olympique de Berlin. Supérieure dans tous les compartiments, la Suisse a donné la leçon à son ancien maître, l’Italie, qu’elle n’avait plus battue dans un grand tournoi depuis 1954 et depuis onze rencontres.
Victorieuse pour la première fois dans un match à élimination directe lors d’une compétition internationale, qui plus est face au tenant du titre, la formation helvète a marqué les esprits. « C’est magique » , pour Dan Ndoye, « mérité » pour Breel Embolo, « de sacrées émotions » pour Remo Freuler, le premier buteur du jour. Comme en 2021 après son succès contre la France (3-3, 5-4 aux t.a.b.), une performance alors inédite, la Suisse prendra part aux quarts de finale de l’Euro, guidée par trois hommes forts.
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