Argentine 1978, El Abrazo del Alma : une étreinte éternelle


25 juin 1978, alors que le pays vit dans la terreur d’une dictature féroce, un cri de joie embrase l’Estadio Monumental. Un doublé de Kempes propulse l’Albiceleste sur le toit du monde. 
Non loin de là, Víctor Dell’Aquila s’apprête à entrer dans la légende du football argentin.


Écrit par : Nicolas Cougot - Lucarne Opposée
 Catégorie : Culture foot 
 Publié le : 21 Janvier 2024

25 juin 1978, l’Estadio Monumental retient son souffle pendant cent vingt minutes avant enfin de pouvoir se libérer, dans un cri de joie commun, célébrant son nouveau Dieu Kempes, l’homme d’un titre qui restera à jamais le premier. Ce jour de juin joyeux, couronnement d’une Coupe du Monde organisée en pleine tempête d’une dictature meurtrière vient offrir le plus doux des opiums à un peuple qui souffre. Ce 25 juin 1978, Ricardo Alfieri l’immortalise d’une photo devenue légende au pays bleu ciel et blanc : el Abrazo del Alma.

Victor Dell’Aquilla est un amateur de foot comme bien d’autres en Argentine, ou presque. Alors qu’il n’a que douze ans, un poteau électrique et une électrocution sont à un rien de lui ôter la vie. Terrible destin qui choisit finalement de lui enlever ses deux bras. Le jeune Victor, qui se demande alors pourquoi continuer de vivre, aura la réponse bien des années plus tard après un énième clin d’œil d’un destin définitivement bien joueur. Toute sa vie, Victor Dell’Aquilla l’a vécue au rythme de son Boca. Xeneize pur et dur, sa vie n’est que jaune et bleu. Le football est tout pour Victor, il s’y dévoue corps et âme. « Le football était une thérapie. Il m’a aidé à échapper à mon handicap. Je jouais et tous les dimanches, j’étais en contact avec le football, » déclarera-t-il plusieurs années plus tard. Ses dimanches se passent à la Bombonera, à s’époumoner pour son Boca, à se rapprocher de ses idoles : « À Boca, je suivais les matchs depuis le banc de touche avec el Toto Lorenzo (NDLR : Juan Carlos Lorenzo, dit el Toto, entraîneur de Boca entre 1976 et 1979 et qui offre notamment deux Libertadores et une Intercontinentale au club) ». Alors Victor est un habitué des invasions de terrain profitant des trous dans le grillage, de connaissances au sein des services de sécurité ou auprès des photographes. Mais ce 25 juin 1978, le destin farceur a placé la finale dans l’antre de l’ennemi, le Monumental de River Plate. Et tout est différent.


« Le jour de la finale, je n’ai pas retrouvé la connaissance qui devait me faire entrer du côté des handicapés. On m’a dit que c’était plein. » Alors Victor s’installe dans la platea, derrière le but, il assiste au triomphe de l’Albiceleste, les minutes défilent, lorsque Bertoni inscrit le but de la victoire, la confusion règne dans des tribunes qui entrevoient enfin un succès en Coupe du Monde. Victor en profite, la sécurité s’est relâchée, il pénètre sur la pelouse. « C’était quelque peu risqué car nous étions sous la dictature militaire. Au moment où j’ai vu que la police cherchait à m’attraper, je me suis souvenu ce que m’avait dit un commissaire : quand la police te poursuit, tu dois entrer sur le terrain, elle n’a pas le droit d’y pénétrer ». Alors Victor se lance sur le terrain, il n’a qu’une envie, lui hincha de Boca, aller étreindre « son » joueur, Alberto Tarantini qui tombe à genou. Ironie du destin, alors que Victor court vers son idole xeneize, il s’aperçoit alors que face à Tarantini, Ubaldo Fillol est aussi à genou.

 

Fillol, gardien de légende de l’ennemi River Plate vers qui Tarantini se dirige alors. Les deux joueurs tombent dans les bras l’un de l’autre, Victor s’arrête, les manches vides de bras de son pull tombent devant lui, étreinte invisible d’un supporter de foot à un Xeneize et un Millonario. « Quand j'ai vu que l'arbitre levait la main, j'ai passé mes pieds, fléchi et tac ! Je suis tombé. Mais ils ont continué à jouer, ils avaient ajouté des minutes. Alors j'ai marché lentement et je me suis tenu à côté du poteau de Fillol. Et quand l'arbitre a sifflé la fin, j'ai couru à la recherche de quelqu'un à faire un câlin. À un moment donné, Tarantini s'est agenouillé comme s'il priait Dieu. Fillol a fait de même et ils se sont étreints. Je suis allé vers eux, j'ai ralenti et mes manches sont tombées en avant. Et là, Alfieri a pris la photo. Je la lui ai dédicacée ». Ricardo Alfieri ne manque pas la scène, le clic clac de son appareil immortalise ce moment. Lorsqu’il rentre à la rédaction d’El Gráfico, son cliché devient une, est baptisé « El Abrazo del Alma ». Il devient le cliché de cette Coupe du Monde 1978, celle du premier titre d’un pays alors plongé dans les ténèbres.

Victor continue alors de vivre sa passion en jaune et bleu, à vibrer pour son Boca. Quelques années plus tard, Alfieri retrouvera Dell’Aquila pour lui offrir sa photo devenue iconique. Plus tard, une autre photo signée Ricardo Alfieri resurgit. Elle a été prise près de huit ans plus tôt lors d’un Racing - River. Alors que River vient d’inscrire son deuxième but du match, Juan José López court vers Eduardo Anzarda, le buteur. Alfieri capte ce moment, quand apparait un gamin sans bras. Alfieri oublie cette photo jusqu’à ce que les archivistes du Gráfico ne la lui montrent. Il s’aperçoit alors que cet homme sans bras est le même que ce soir de juin au Monumental. Deux images, un même protagoniste mais une répercussion bien différente. Car ce 25 juin 1978, el Abrazo del Alma n’est pas une simple photo. Le supporter de Boca privé de ses deux bras venu donner une étreinte invisible à un Xeneize et un Millonario rivaux d’hier, frères d’aujourd’hui, devient la plus belle illustration d’un pays alors divisé par les disparitions, mutilé par une dictature sanglante qui faisait alors régner violence et terreur. El Abrazo del Alma devient l’étreinte d’un peuple que les blessures encore ouvertes n’ont alors pas empêché de s’unir, malgré les rivalités, pour savourer une joie, aussi éphémère qu’elle pouvait alors l’être.



Article initialement publié le 30/10/2016, dernière mise à jour le 21/01/24

Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.

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Il 25 giugno 1978, mentre il Paese viveva sotto il terrore di una feroce dittatura, un grido di gioia infiammò l'Estadio Monumental. Kempes segnò due volte per trascinare l'Albiceleste in cima al mondo. Poco lontano, Víctor Dell'Aquila stava per diventare una leggenda del calcio argentino.

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Scritto da : Nicolas Cougot Categoria: Cultura calcistica Pubblicato il: 21 gennaio 2024

Il 25 giugno 1978, l'Estadio Monumental trattenne il respiro per centoventi minuti prima di liberarsi in un grido di gioia collettiva, celebrando il suo nuovo dio, Kempes, l'uomo del  titolo che rimarrà per sempre il primo. Questo gioioso giorno di giugno, coronamento di una Coppa del Mondo organizzata nel bel mezzo di una dittatura assassina, offrì il più dolce oppio a un popolo sofferente. Il 25 giugno 1978, Ricardo Alfieri lo immortalò in una foto che è diventata leggenda nel cielo biancocelestie del Paese: el Abrazo del Alma.

Victor Dell'Aquilla è un tifoso di calcio come tanti altri in Argentina, o quasi. Quando aveva solo dodici anni, un palo elettrico e una folgorazione hanno rischiato di togliergli la vita. È stato un destino terribile che alla fine ha scelto di prendergli entrambe le braccia. Il giovane Victor, che si chiedeva perché mai dovesse continuare a vivere, avrebbe trovato la risposta molti anni dopo, dopo l'ennesima strizzata d'occhio del destino. Per tutta la vita, Victor Dell'Aquila ha vissuto al ritmo del suo Boca. Xeneize fino in fondo, la sua vita è stata tutta gialloblù. Il calcio è tutto, per Victor, che vi si dedica anima e corpo. “Il calcio è stato come una terapia. Mi ha aiutato a sfuggire alla mia disabilità. Giocavo e ogni domenica ero a contatto con il calcio”, dichiarerà molti anni dopo. Le domeniche le trascorreva alla Bombonera, tifando per il Boca e avvicinandosi ai suoi idoli: “Al Boca seguivo le partite dalla panchina con "el Toto" Lorenzo (N.d.T.: Juan Carlos Lorenzo, detto el Toto, allenatore del Boca tra il 1976 e il 1979, che ha fatto vincere al club due titoli Libertadores e un Coppa Intercontinentale). Victor non era nuovo all'invasione di campo, approfittando di buchi nella recinzione, di conoscenti nel servizio d'ordine e di fotografi. Ma il 25 giugno 1978, il destino ha voluto proiettare la finale nella tana del nemico, il Monumental del River Plate. E tutto fu diverso.

“Fuimos Campeones”, la libertà di fronte alla dittatura

“Il giorno della finale non riuscivo a trovare la persona che conoscevo e che poteva farmi entrare nel settore disabili. Mi dissero che era pieno. I minuti passano e quando Bertoni segna il gol della vittoria, sugli spalti regna la confusione, perché finalmente si intravede la prima vittoria (argentina) in un mondiale. Victor ne ha approfittato, visto che la sicurezza era stata allentata, ed è entrato in campo. “Era un po' rischioso perché eravamo sotto una dittatura militare. Nel momento in cui ho visto che la polizia stava cercando di prendermi, mi sono ricordato di quello che mi aveva detto un commissario: quando la polizia ti insegue, devi entrare in campo, a loro non è permesso”. E così Victor è sceso in campo e ha voluto solo abbracciare il “suo” giocatore, Alberto Tarantini, che è caduto in ginocchio. Ironia della sorte, mentre Victor correva verso il suo idolo xeneize, si è accorto che di fronte a Tarantini era inginocchiato anche Ubaldo Fillol.

Fillol, il leggendario portiere dei rivali, il River Plate, verso il quale Tarantini si stava dirigendo. I due giocatori caddero l'uno nelle braccia dell'altro, Victor si fermò, le maniche vuote del suo maglione cadute davanti a lui, l'abbraccio invisibile di un tifoso di calcio a uno xeneize e a un millonario. “Quando ho visto che l'arbitro stava alzando la mano, ho alzato i piedi, ho fatto una flessione e toc! Sono caduto. Ma loro continuavano a giocare, avevano aggiunto minuti. Così ho camminato lentamente e mi sono messo vicino al palo di Fillol. E quando l'arbitro ha fischiato, sono corso fuori a cercare qualcuno da abbracciare. A un certo punto, Tarantini si è inginocchiato come se pregasse Dio. Fillol ha fatto lo stesso e si sono abbracciati. Sono andato verso di loro, ho rallentato e le mie maniche sono cadute in avanti. È stato allora che Alfieri ha scattato la foto. L'ho firmata per lui”. Ricardo Alfieri non ha perso un colpo, il click della sua macchina fotografica ha immortalato il momento. Quando tornò alla redazione di El Gráfico, la sua foto divenne un titolo e fu soprannominata “El Abrazo del Alma”. Divenne un'istantanea del Mondiale 1978, il primo titolo per un Paese allora sprofondato nell'oscurità.

Victor continuò a vivere la sua passione in giallo e blu, tifando per il suo Boca. Qualche anno dopo, Alfieri avrebbe incontrato nuovamente Dell'Aquila e gli avrebbe regalato la sua foto-simbolo. In seguito, è riemersa un'altra foto di Ricardo Alfieri. Era stata scattata quasi otto anni prima, durante una partita Racing-River. Con il River che aveva appena segnato il secondo gol della partita, Juan José López correva verso l'attaccante Eduardo Anzarda. Alfieri immortalò il momento, quando apparve un ragazzo senza braccia. Alfieri si dimenticò della foto finché gli archivisti del Gráfico non gliela mostrarono. Fu allora che si rese conto che l'uomo senza braccia era lo stesso che aveva visto quella sera di giugno al Monumental. Due immagini, lo stesso protagonista, ma ripercussioni molto diverse. Perché il 25 giugno 1978, el Abrazo del Alma non era solo una foto. Il tifoso del Boca privato delle braccia, venuto a dare un abbraccio invisibile a uno xeneize e a un millonario, rivali in passato e fratelli nel presente, divenne la più bella illustrazione di un Paese allora diviso dalle sparizioni, mutilato da una dittatura sanguinaria in cui regnavano violenza e terrore. El Abrazo del Alma diventa l'abbraccio di un popolo le cui ferite ancora aperte non gli impedirono di unirsi, nonostante le rivalità, per assaporare una gioia tanto fugace quanto effimera.


Articolo pubblicato originariamente il 30/10/2016, ultimo aggiornamento il 21/01/24

Nicolas Cougot
Creatore e caporedattore di Lucarne Opposée.

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