«Nous ne sommes plus qu’une poignée, nous comptons sur vous»
Photo Photo12. Ullstein Bild
Des détenus d’Auschwitz quittent le camp après leur libération en janvier 1945.
Le 27 janvier 1945, l’armée rouge forçait les portes du camp d’extermination où plus d’un million de personnes ont trouvé la mort.
Les derniers survivants doivent aujourd’hui encore mener le combat de la mémoire.
A Auschwitz, Esther Senot retrouve sa soeur, Fanny, déportée en février 1943.
A son chevet, tandis qu’elle est mourante, elle lui promet de survivre pour témoigner.
27 Jan 2025Libération
Par Bernadette Sauvaget
Aelles quatre, Ginette Kolinka, Esther Senot, Yvette Lévy et Judith ElkánHervé frôlent les 400 ans. Sûrement plus d’ailleurs tant les années d’effroi traversées au cours de la Seconde Guerre mondiale et les mois d’enfer vécus pendant leur déportation à Auschwitz comptent, à l’échelle des souffrances humaines, au centuple. Calée dans son fauteuil roulant, Ginette Kolinka, bientôt 100 ans, a un peu froid. Elle a recouvert ses épaules d’un châle et ses genoux d’un plaid. Inlassablement, se rattrapant avec humour quand elle perd le fil, l’ancienne déportée aux cheveux courts témoigne une fois encore, le 19 janvier, au Mémorial de la Shoah à Paris, en amont des grandes commémorations qui se tiennent pour les 80 ans de la libération d’Auschwitz-Birkenau et des camps. Près de Cracovie en Pologne, l’immense complexe est devenu le symbole de l’extermination des Juifs d’Europe (un million y ont été assassinés) et de l’univers concentrationnaire nazi. A Paris, le président de la République, Emmanuel Macron, se rend ce lundi matin au mémorial avant de participer l’après-midi à la cérémonie internationale qui a lieu à Auschwitz-Birkenau en présence d’une trentaine de chefs d’Etats et de gouvernements. En 2025, l’anniversaire de l’ouverture des camps revêt une importance singulière. Dans dix ans, il n’y aura plus de survivants, de témoins directs, ces murs vivants contre le négationnisme et l’antisémitisme qui flambe à nouveau.
Ginette Kolinka est arrivée à Auschwitz-Birkenau le 16 avril 1944 par le convoi 71. Sa famille, vivant à Paris, s’était réfugiée à Avignon, en zone libre, pour échapper à l’intensification des persécutions. Le 13 mars 1944, elle est arrêtée avec une partie des siens puis incarcérée à Drancy. «Je n’ai jamais eu honte d’être juive, je n’ai jamais caché que je l’étais», clame-t-elle. La revenante des camps traîne pourtant une culpabilité mordante, collante. «A l’arrivée à Auschwitz, c’étaient des hurlements.» Ginette
Kolinka est assise par terre. «Au milieu de ces hurlements, j’entends qu’il y a des camions qui emmènent au camp les personnes qui n’aiment pas marcher, qui sont fa tiguées, qui sont malades.» A son père et à son frère Gilbert, elle recommande de monter dans l’un d’eux. «En disant cela, je les ai envoyés à la mort. Toujours, toujours, je me suis sentie responsable.» Ginette Kolinka sait bien que ce n’est pas vrai, que Hitler, comme elle le dit simplement, «haïssait les Juifs», que son père et Gilbert n’étaient pas dans les tranches d’âge retenues pour rejoindre les commandos de travail ; ce qui évitait, à Auschwitz, une mort immédiate mais expédiait vers des mois de tourments. La survivante, absorbée par son récit, tourne, tout à coup, la tête à droite. «Tu es là, toi ?» s’exclame-t-elle, voyant, à ses côtés, Esther Senot. La dame de 96 ans porte un pull jaune vif et une polaire bleu électrique.
«Nous n’avions plus d’identité»
Elégamment, Ginette Kolinka propose de laisser la parole à «sa copine». Les deux dames vivent dans le même établissement à l’Institut national des Invalides, à Paris. «Ginette Kolinka a témoigné tardivement, à partir du début des années 2000, quand elle a arrêté de faire les marchés. Ce sont les autres déportés qui l’ont poussée à témoigner», raconte l’historien Tal Bruttmann (lire page 3) qui l’apprécie beaucoup. Discrète, Ginette Kolinka n’évoque pas, ce dimanche 19 janvier, qu’elle a partagé avec Simone Veil la même paillasse à Auschwitz. «Les nazis se servaient de tout pour nous salir, nous humilier», explique l’ancienne déportée. Elle n’a pas oublié «la honte» de se retrouver brutalement nue, d’être rasée.
La presque centenaire ferme les yeux pour écouter Esther Senot. Née en Pologne, celle-ci raconte son enfance de pauvreté, passage Ronce, le quartier de Belleville à Paris, et comment elle a échappé de peu à la rafle du Vél d’Hiv, le 16 juillet 1942. Quasiment seule au monde, vivant dans un foyer à Paris, elle est finalement arrêtée en août 1943, tenant tête, quelques instants, aux policiers. Esther Senot est déportée, à 15 ans, à Auschwitz par le convoi 59, «sélectionnée» à son arrivée, comme une centaine d’autres, pour rejoindre les commandos de travail. En compagnie de Marie, âgée de cinq ans de plus qu’elle, rencontrée à Drancy. «On ne s’est plus quittées, raconte Esther Senot. De ce convoi, nous sommes les deux seules à être revenues.» Quatre-vingts ans plus tard, l’ancienne déportée est encore capable de dire en allemand le numéro tatoué sur son avantbras, 58 319. «Nous n’avions plus d’identité. Dès l’instant où on était interpellé dans le camp, il fallait que l’on donne immédiatement notre numéro en allemand. Il fallait l’apprendre et dans ces conditions, on l’apprend vite.» Comme Ginette Kolinka, elle est d’abord affectée à des travaux de terrassement pour l’extension du camp. Plus tard, elle rejoint l’atelier de tissage; ce qui, d’après elle, lui a sauvé la vie, les conditions de travail étant moins difficiles qu’à l’extérieur. A Auschwitz, Esther Senot retrouve sa soeur, Fanny, déportée en février 1943. A son chevet, tandis qu’elle est mourante, elle lui promet de survivre pour témoigner.
«On est restées dans une terreur que vous n’imaginez pas ! Les nazis sortaient leur pétard quand ça les amusait. Certaines voulaient se jeter sur les barbelés», raconte Yvette Lévy, 98 ans, déportée à Auschwitz en juillet 1944 par le convoi 77. Elle porte, ce dimanche 19 janvier au Mémorial de la Shoah, une veste rose, A l’été 42, cette éclaireuse scoute a 16 ans et participe, à Paris, au sauvetage d’enfants dont les parents ont été arrêtés pendant la rafle du Vél d’Hiv. Des actes de résistance qu’elle mène jusqu’à son arrestation. D’Auschwitz, elle se souvient de séances torturantes et angoissantes d’appels matin et soir, des «sélections» à répétition qui envoyaient celles malades ou trop faibles vers les chambres à gaz. «On se tenait bien droites, on se frottait les joues avec la betterave de la soupe quand on passait devant le SS», raconte-t-elle.
«Incapacité de faire le deuil»
Judith Elkán-Hervé, 98 ans, ne veut guère évoquer ses souffrances: «Ce qui nous faisait peur à ma mère et moi, c’était d’être séparées. Nous n’aurions pas pu survivre l’une sans l’autre.» Ce qui lui reste, dit-elle, «c’est l’incapacité de faire le deuil» de ceux qui sont morts à Auschwitz et dans les camps: «Quand je ne serai plus là, il n’y aura plus personne pour se souvenir de leurs noms.» Après les applaudissements du public, Esther Senot, inquiète de la marche du monde, réclame encore un peu d’attention. «Nous ne sommes plus qu’une poignée. Je compte sur vous, dit-elle à l’attention des jeunes, pour que vous puissiez témoigner en notre nom face aux négationnistes et autres faussaires de l’histoire.» Ginette Kolinka espère, elle, que l’on comprenne que si elle parle, «c’est parce que certains haïssaient les Juifs». «On ne peut pas aimer tout le monde, c’est pas possible, plaide-t-elle modestement. Mais on peut essayer de s’accorder avec tout le monde.»
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Ecouter
27 Jan 2025 - Libération
EDITORIAL - Par Dov Alfon
Le 27 janvier 1945, les soldats de l’armée rouge ouvrent les portes du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau et en libèrent les survivants. L’opinion mondiale découvre alors l’existence des camps d’extermination nazis, organisés à échelle industrielle. En France, où même le terme «rescapé» va faire débat, des voix vont très vite s’élever pour se plaindre qu’on en parle trop. En réalité, peu de journaux se sont émus de la découverte des camps. Parmi eux, le journal résistant Libération (dont les ayants droit nous feront bien plus tard l’honneur de nous céder leur titre), est pratiquement le seul à publier en première page un reportage sur ce qu’il appelle «Le camp de la mort lente», avec l’Humanité, qui publiait dès le 13 septembre 1944 un témoignage glaçant de l’intérieur du camp. L’opinion publique ne veut alors pas les écouter, nous explique dans une passionnante interview l’historien Tal Bruttmann, car elle n’a pas envie d’entendre ce que ces Juifs, résistants, communistes et tant d’autres ont vécu pendant la guerre. Elle n’en a pas plus envie aujourd’hui, quand les enseignements de ce 80e anniversaire sont largement ignorés. En Europe, où ne vit plus que 10 % de la population juive mondiale, contre 60 % en 1939, les antisémites sont plus que jamais à l’offensive, revigorés par les massacres du 7 Octobre en Israël et par le réflexe immédiat d’imputer aux Juifs leurs terribles conséquences pour les Palestiniens. Les enseignants sont souvent peu armés pour aborder le sujet en classe, tant les formations sont tout aussi rares que les interpellations sont nombreuses. Les rescapées que nous avons réunies pour un entretien plein de tristesse – mais aussi d’espoir – le savent : le but de la commémoration d’aujourd’hui est avant tout de tirer d’Auschwitz des leçons pour le présent.
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Pour enseigner la Shoah, le besoin d’une «mise à jour des savoirs»
27 Jan 2025
Libération
SARAH FINGER Correspondante à Montpellier
Désireux de consolider leurs connaissances, nombre d’enseignants de l’académie de Montpellier partent visiter chaque année le camp d’Auschwitz.
Alors que les derniers témoins directs de la barbarie nazie s’éteignent et que ressurgissent des discours de haine, comment enseigner aujourd’hui la Shoah ? Dans l’académie de Montpellier, une cinquantaine d’enseignants et de personnels d’établissements, du primaire comme du secondaire, se saisissent chaque année de cette question en participant à un voyage d’études de quatre jours qui les emmène à Cracovie, dans l’un des anciens ghettos juifs, puis à Auschwitz-Birkenau. Cette formation, accessible à tous les enseignants, comprend une journée à Paris, au Mémorial de la Shoah, lequel finance ce programme. Nadège Anguiviel, professeure d’histoire-géographie au collège Gérard-Philipe, à Montpellier, a effectué il y a quelques mois ce voyage : «Alors que j’étais persuadée que je maîtrisais la question de la Shoah, je me suis à nouveau formée sur le sujet, mais cette fois véritablement en profondeur. Ce parcours de formation nous apporte des références, des définitions claires, des arguments, des réponses scientifiques et pas seulement historiques.» Classé REP (réseau d’éducation prioritaire), le collège Gérard-Philipe accueille de nombreux enfants dont les familles sont originaires d’Afrique du Nord, de Turquie ou encore d’Amérique latine. «Personnellement, je n’ai jamais été confrontée à des tensions en classe lorsque j’évoque la Shoah, mais je dois répondre à de très nombreuses questions, souligne l’enseignante. A la suite de la formation dont j’ai bénéficié, j’ai modifié mes approches sur cette question. Je m’appuie par exemple sur le carnet de croquis d’Auschwitz, plus adapté que des photos de cadavres qui peuvent paraître irréelles aux élèves. Et je commence par évoquer Treblinka plutôt qu’Auschwitz, dont le fonctionnement était beaucoup plus complexe.»
«Bon angle». Elsa Rault, professeure de français dans ce même collège, a choisi d’aborder largement durant ses cours la question des génocides et des massacres intervenus au XXe siècle. Elle aussi compte bientôt suivre la formation organisée par le Mémorial car, dit-elle, «il faut avoir les idées très claires pour enseigner la Shoah, afin de ne pas verser dans des émotions malvenues».
«Chez nous, la demande pour cette formation est forte, constate Marie-Ange Rivière, inspectrice et référente mémoire et citoyenneté à l’académie de Montpellier. Les enseignants ressentent le besoin d’une mise à jour de leurs savoirs sur la Shoah afin d’être mieux armés scientifiquement et plus efficaces en classe, mais aussi pour apporter des réponses rationnelles et choisir le bon angle d’approche dans leurs cours.» Car cette page de l’histoire, estime l’inspectrice, reste difficile à enseigner, même si «le négationnisme s’avère très rare chez les élèves» : «Ce sujet peut faire l’objet de remarques visant à minorer son importance, constate Marie-Ange Rivière. Ou bien certains enfants suggèrent que les enseignants en parlent trop.»
Outil. Le dernier voyage en Pologne organisé pour les enseignants de l’académie de Montpellier, en avril, fut l’occasion de créer un outil pédagogique précieux. L’intégralité des visites guidées et des conférences organisées durant cette formation a en effet été suivie et enregistrée par Laure Méravilles, journaliste dans une radio associative de Montpellier et responsable du Point information jeunesse. Plus de vingt heures de rushes ont ainsi été chapitrées en 22 podcasts de 30 minutes au sein d’un corpus disponible en ligne et sobrement intitulé «Comment enseigner la Shoah ?»
On aborde le sujet en classe de CM2, puis en troisième et en terminale. Mais, bizarrement, les enseignants seraient peu préparés à l’évoquer, comme le déplore Fabrice Romanet, professeur d’histoire-géographie à Bron, près de Lyon, et correspondant académique pour le Mémorial de la Shoah: «Nous n’avons pas de formation solide sur cette thématique. La Shoah n’est pas enseignée durant un parcours classique en histoiregéographie, elle ne constitue pas un champ disciplinaire. Or il faut être armé pour faire face à des remarques sur des questions socialement vives comme la Shoah, la colonisation, l’esclavage, la guerre d’Algérie, le génocide des Arméniens… Il faut savoir quoi répondre aux élèves.»
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"Siamo rimasti in pochi, contiamo su di voi"
Foto12. Immagine di Ullstein - I detenuti di Auschwitz lasciano il campo dopo la liberazione nel gennaio 1945.
Il 27 gennaio 1945 l’Armata Rossa forza i cancelli del campo di sterminio dove morirono più di un milione di persone. Gli ultimi sopravvissuti devono ancora oggi condurre la lotta per la memoria.
Ad Auschwitz, Esther Senot trovò sua sorella Fanny, deportata nel febbraio 1943.
Al suo capezzale, mentre stava morendo, promise di sopravvivere per testimoniare.
Tutte e quattro, Ginette Kolinka, Esther Senot, Yvette Lévy e Judith Elkán Hervé, hanno quasi 400 anni. Sicuramente di più, poiché gli anni di paura vissuti durante la Seconda guerra mondiale e i mesi di inferno vissuti durante la deportazione ad Auschwitz contano, sulla scala delle sofferenze umane, cento volte tanto. Seduta sulla sua sedia a rotelle, Ginette Kolinka, quasi centenaria, ha un po' freddo. Si copre le spalle con uno scialle e le ginocchia con una coperta. Instancabile, ritrovando l'umorismo quando perde il filo, l'ex deportata dai capelli corti testimonia ancora una volta, il 19 gennaio, al Memoriale della Shoah di Parigi, in vista delle grandi commemorazioni per l'80° anniversario della liberazione dei campi di Auschwitz e Birkenau. Nei pressi di Cracovia, in Polonia, l'immenso complesso è diventato il simbolo dello sterminio degli ebrei d'Europa (ve ne furono assassinati un milione) e del mondo concentrazionario nazista. A Parigi, il presidente della Repubblica francese Emmanuel Macron si reca questo lunedì mattina al memoriale prima di partecipare nel pomeriggio alla cerimonia internazionale che si svolge ad Auschwitz-Birkenau alla presenza di una trentina di capi di Stato e di governo. Nel 2025 assume particolare importanza l’anniversario dell’apertura dei campi. Tra dieci anni non ci saranno più sopravvissuti, né testimoni diretti, questi muri viventi contro la negazione dell’Olocausto e l’antisemitismo che divampa di nuovo.
Ginette Kolinka arrivò ad Auschwitz-Birkenau il 16 aprile 1944 con il convoglio 71. La sua famiglia, residente a Parigi, si era rifugiata ad Avignone, nella zona franca, per sfuggire all'intensificarsi della persecuzione. Il 13 marzo 1944 fu arrestata con alcuni familiari e poi incarcerata a Drancy. “Non mi sono mai vergognata di essere ebrea, non ho mai nascosto di esserlo”, proclama. Il fantasma dei campi, tuttavia, porta con sé un senso di colpa pungente e appiccicoso. “All’arrivo ad Auschwitz si sentirono delle urla”. Ginette
Kolinka è seduta per terra. “In mezzo a queste urla, sento che ci sono camion che portano al campo persone che non riescono a camminare, che sono stanche, che stanno male”. A suo padre e a suo fratello Gilbert consiglia di entrare in uno di essi. “Dicendogli questo li ho mandati a morire. Sempre, sempre, me ne sono sentita responsabile”. Ginette Kolinka sa bene che questo non è vero, che Hitler, come dice lei semplicemente, “odiava gli ebrei”, che suo padre e Gilbert non rientravano nella fascia di età prescelta per unirsi ai commando di lavoro; che evitò, ad Auschwitz, la morte immediata ma portò a mesi di tormento. La sopravvissuta, assorta nella sua storia, gira improvvisamente la testa verso destra. "Sei qui?" esclama vedendo Esther Senot al suo fianco. La signora, 96 anni, indossa un maglione giallo brillante e una felpa blu elettrico.
“Non avevamo più un’identità”
Con eleganza, Ginette Kolinka suggerisce di lasciare parlare “la sua amica”. Le due donne vivono nello stesso istituto presso l'Institut national des Invalides, a Parigi. “Ginette Kolinka ha testimoniato tardi, dall'inizio degli anni 2000, quando ha smesso di fare mercati. Sono stati gli altri deportati a spingerla a testimoniare”, dice lo storico Tal Bruttmann (leggi pagina 3) che la apprezza moltissimo. Discreta, Ginette Kolinka non dice, questa domenica, 19 gennaio, di aver condiviso la stessa panchina ad Auschwitz con Simone Veil. «I nazisti usavano di tutto per sporcarci, umiliarci», spiega l'ex deportata. Non ha dimenticato “la vergogna” di ritrovarsi brutalmente nuda, di essere rasata.
La quasi centenaria chiude gli occhi per ascoltare Esther Senot. Nata in Polonia, racconta la sua infanzia povera, al Passage Ronce, il quartiere di Belleville a Parigi, e come è scampata per un pelo alla retata di Vél d'Hiv del 16 luglio 1942. Quasi sola al mondo, vive in un ostello a Parigi, alla fine fu arrestata nell'agosto del 1943, resistendo per qualche istante alla polizia. Esther Senot fu deportata, all'età di 15 anni, ad Auschwitz dal convoglio 59, “selezionata” al suo arrivo, come un centinaio di altri, per unirsi ai commando di lavoro. In compagnia di Marie, di cinque anni più grande di lei, conosciuta a Drancy. "Non ci siamo mai lasciati", dice Esther Senot. Di questo convoglio siamo le uniche due ad essere tornate”. Ottanta anni dopo, l'ex deportata può ancora pronunciare in tedesco il numero tatuato sul suo avambraccio, 58.319: “Non avevamo più un'identità. Dal momento in cui siamo stati arrestati nel campo, abbiamo dovuto dare immediatamente il nostro numero in tedesco. Dovevi impararlo e in queste condizioni lo impari velocemente. Come Ginette Kolinka, fu inizialmente assegnata ai lavori di sterro per l'ampliamento del campo. Successivamente entra nel laboratorio di tessitura; cosa che, secondo lei, le ha salvato la vita, essendo le condizioni di lavoro meno difficili che fuori. Ad Auschwitz, Esther Senot trovò sua sorella Fanny, deportata nel febbraio 1943. Al suo capezzale, mentre stava morendo, promise di sopravvivere per testimoniare.
“Siamo rimasti in un terrore che non potete immaginare! I nazisti ci lanciavano i loro petardi se la cosa li divertiva. Alcuni di noi volevano gettarsi sul filo spinato», racconta Yvette Lévy, 98 anni, deportata ad Auschwitz nel luglio 1944 dal convoglio 77. Questa domenica, 19 gennaio, al Memoriale della Shoah, indossa una giacca rosa, Nell'estate del 42, questo scout ha 16 anni e partecipa, a Parigi, al salvataggio di bambini i cui genitori sono stati arrestati durante la retata del Vél d'Hiv. Atti di resistenza che ha portato avanti fino al suo arresto. Di Auschwitz ricorda sessioni tortuose e dolorose di appelli mattutini e serali, ripetute “selezioni” che mandavano i malati o troppo deboli alle camere a gas. “Stavamo dritti, ci sfregavamo le guance con la barbabietola della zuppa quando passavamo davanti alle SS”, racconta.
“Incapacità di piangere”
Judith Elkán-Hervé, 98 anni, non vuole quasi parlare della sua sofferenza: “Ciò che spaventava me e mia madre era la separazione. Non avremmo potuto sopravvivere l’una senza l’altra”. Ciò che le resta, dice, "è l'incapacità di piangere" coloro che morirono ad Auschwitz e nei lager: "Quando non ci sarò più, non ci sarà più nessuno che piangerà. Ricordate i loro nomi". Dopo gli applausi del pubblico, Esther Senot, preoccupata per come va il mondo, pretende un po' più di attenzione. “Siamo rimasti solo un manipolo di noi. Conto su di voi, ha detto ai giovani, affinché possiate testimoniare in nostro favore contro i negazionisti e gli altri falsari della storia”. Ginette Kolinka spera che la gente capisca che se parla “è perché alcuni odiavano gli ebrei”. “Non possiamo amare tutti, non è possibile”, supplica con modestia. Ma possiamo provare ad andare d’accordo con tutti”.
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Ascoltare
di Dov Alfon
Il 27 gennaio 1945, i soldati dell'Armata Rossa aprirono i cancelli del campo di sterminio di Auschwitz-Birkenau e liberarono i sopravvissuti. L'opinione pubblica mondiale scoprì allora l'esistenza dei campi di sterminio nazisti, organizzati su scala industriale.
In Francia, dove perfino il termine "sopravvissuto" sarà oggetto di dibattito, non tarderanno ad alzarsi voci per lamentarsi del fatto che se ne parli troppo. In realtà, pochi giornali si commossero per la scoperta dei campi. Tra questi, il quotidiano della resistenza Libération (i cui detentori dei diritti ci avrebbero fatto l'onore di darci il loro titolo molto più tardi), fu praticamente l'unico a pubblicare in prima pagina un resoconto di quello che chiamava "Il campo di sterminio", con Humanity, che pubblicò una agghiacciante testimonianza dall'interno del campo il 13 settembre 1944.
L'opinione pubblica non voleva ascoltarli, spiega lo storico Tal Bruttmann in un'interessante intervista, perché non voleva sentire cosa avevano vissuto questi ebrei, questi partigiani, questi comunisti e tanti altri durante la guerra. Oggi non ha più voglia di farlo, visto che le lezioni di quell'80° anniversario sono state ampiamente ignorate. In Europa, dove oggi vive solo il 10% della popolazione ebraica mondiale, rispetto al 60% del 1939, gli antisemiti sono più che mai all'offensiva, rinvigoriti dai massacri del 7 ottobre in Israele e dall'immediato riflesso di dare la colpa agli ebrei e le terribili conseguenze per i palestinesi.
Spesso gli insegnanti non sono adeguatamente preparati ad affrontare l'argomento in classe, poiché la formazione è tanto rara quanto numerose le sfide. I sopravvissuti che abbiamo riunito per un'intervista piena di tristezza – ma anche di speranza – sanno che l'obiettivo della commemorazione odierna è soprattutto quello di trarre insegnamenti da Auschwitz per il presente.
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Gli ebrei della Polonia, dove furono costruiti i principali campi di sterminio, chiedono di non abbassare la guardia contro l'antisemitismo.
27 gennaio 2025 - Liberation
PATRICE SENÉCAL Corrispondente a Varsavia
Ti guarda con i suoi penetranti occhi azzurri e, come per avvertirti, dice: "Il mondo è così stupido... Non avremmo dovuto scendere dall'albero migliaia di anni fa". A 96 anni, Bernard Offen conserva una mente vivace e una memoria intatta. E l'energia per testimoniare fino all'ultimo respiro. Sarà uno dei cinquanta sopravvissuti che lunedì prenderanno parte alle commemorazioni della liberazione del campo di Auschwitz-Birkenau, ottant'anni fa. Mentre gli ultimi testimoni scompaiono, sorge spontanea una domanda cruciale: come potrà essere preservata la memoria della Shoah dopo di loro?
Per la prima volta dal 1945, in seguito all'attentato del 7 ottobre 2023 in Israele, Bernard Offen afferma di sentirsi "minacciato in quanto ebreo", vedendo crescere ovunque un antisemitismo dalla dimensione "antiumana". Seduto nella sua piccola e luminosa cucina, riceve gli ospiti in questo giorno di gennaio nel suo appartamento nel quartiere Kazimierz, culla del rinnovamento della vita ebraica a Cracovia. Bello, con un pizzetto curato e bretelle con l'immagine di Duke Ellington, racconta la sua vita nel quartiere della sua infanzia, Podgorze, trasformato in ghetto dopo l'invasione nazista del 1939. Dopo aver conosciuto il ghetto, poi i campi di concentramento di Julag I, Plaszow e Mauthausen, Bernard e suo padre arrivarono ad Auschwitz nell'agosto del 1944. Solo lui sarebbe sopravvissuto. Dopo aver trascorso gli anni del dopoguerra negli Stati Uniti, scelse di rivisitare il Paese in cui era nato, in un “processo di guarigione”. "Un giorno a Detroit, stavo guardando il mio tatuaggio e ho pensato: 'Bernard, sei mai stato in questa merda?'"
Campo minato
Anche l'intellettuale ebreo Konstanty Gebert non è molto soddisfatto della situazione mondiale. Tra gli scaffali pieni di libri del suo appartamento di Varsavia, questo ex attivista del movimento Solidarnosc decifra lucidamente: “L’ordine internazionale del dopoguerra è fallito. È tornato il ritorno della guerra come normale strumento politico. Ciò significa anche la fine della delegittimazione dell'antisemitismo, che non è mai stata così forte dal 1945. Non siamo stati in grado di trasformare l'esperienza della Shoah in una barriera permanente contro il ritorno dell'antisemitismo." Gebert nota con amarezza che è l'Europa occidentale ad "aver avuto la precedenza sull'Europa centrale" in termini di atti antisemiti. Se può contare sulla solidarietà dei passanti a Varsavia quando si sentono insulti per la sua kippah, "non è così per le strade di Parigi", confida questo francofono, che non avrebbe immaginato "venti anni fa che saremmo stati lasciamo che qualcuno gridi “morte agli ebrei”.
In Polonia la questione della memoria resta un campo minato. Perché, se nessun altro Paese ha così tanti Giusti elencati dal memoriale di Yad Vashem, le denunce sono state frequenti. "La stragrande maggioranza era indifferente, molti erano partecipanti." In questo Paese, un tempo culla dell'ebraismo europeo, ne restano solo poche decine di migliaia, rispetto agli oltre tre milioni che esistevano prima della Shoah. "Gran parte dei polacchi pensa che la storia ebraica non sia la loro."
Si dimenticano gli altri campi
"Ho la sensazione di sapere cosa fosse Auschwitz fin da quando ero bambina, senza averci mai vissuto", racconta Ewa Luczynska, 74 anni, residente a Varsavia e figlia di un sopravvissuto. La madre, scampata all'ultimo minuto alle camere a gas, parlava continuamente del campo: dei lavori forzati, della fame, della terribile "marcia della morte" a cui prese parte nel gennaio 1945, lasciando il campo a piedi in un convoglio di prigionieri diretti in Germania, sotto la minaccia dei fucili delle SS. Un giorno, quando era adolescente, Ewa vede una foto d'archivio di una donna che "sembra un morto vivente". Questa è sua madre, ad Auschwitz. "Funse da cavia per gli esperimenti medici nazisti, che le iniettarono due volte il tifo per vedere come avrebbe reagito il suo corpo già indebolito." Sua madre le nascose per tutta la vita le sue origini ebraiche. "Un giorno le chiesi di dirmi la verità sulla nostra ebraicità e lei mi rispose in yiddish: 'Ewa, non fare domande stupide'".
Sebbene Auschwitz resti il simbolo per eccellenza della barbarie nazista, "è solo una parte della storia dell'Olocausto", avverte Franciszek Bojanczyk, che lavora presso il Museo di storia ebraica Polin di Varsavia. È fondamentale, secondo questo ebreo polacco di 32 anni, non lasciare che tutti gli altri campi di sterminio sprofondino nell'oblio, come quello di Treblinka, dove morirono circa 900.000 persone, tra cui alcuni suoi familiari.
Auschwitz ha conservato le sue torri di guardia, i suoi crematori, le sue baracche in mattoni, attirando ogni anno fino a due milioni di visitatori. "Ma è un errore trattare Auschwitz come un museo", afferma Konstanty Gebert. Non è un orrore del passato: lo abbiamo creato noi e coesiste tra noi." Discendente di sopravvissuti, deve la sua vita "due volte" alla madre, che ha combattuto i nazisti, "arma in mano, per il mio diritto a nascere": "Lo scopo del memoriale era far fallire Auschwitz per sempre. Altrimenti la mamma avrà perso la guerra."
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Insegnare la Shoah: la necessità di “aggiornare le conoscenze”.
27 gennaio 2025
Libération
SARAH FINGER Corrispondente a Montpellier
Ogni anno, molti insegnanti del Provveditorato agli Studi di Montpellier visitano il campo di Auschwitz per consolidare le proprie conoscenze.
In un momento in cui gli ultimi testimoni diretti della barbarie nazista si stanno estinguendo e i discorsi di odio stanno riemergendo, come si dovrebbe insegnare la Shoah oggi? Nell'autorità educativa di Montpellier, ogni anno una cinquantina di insegnanti e personale scolastico delle scuole primarie e secondarie affrontano questa domanda partecipando a un viaggio di studio di quattro giorni che li porta a Cracovia, in uno degli ex ghetti ebraici, e poi ad Auschwitz-Birkenau. Il corso, aperto a tutti gli insegnanti, comprende una giornata a Parigi presso il Mémorial de la Shoah, che finanzia il programma.
Nadège Anguiviel, insegnante di storia e geografia presso la scuola secondaria Gérard-Philipe di Montpellier, ha partecipato al viaggio qualche mese fa: “Ero convinta di aver imparato a conoscere il tema della Shoah, ma questa volta dovevo approfondire l'argomento. Questo corso di formazione ci fornisce riferimenti, definizioni chiare, argomenti, risposte scientifiche e non solo storiche”. Classificata come REP (rete educativa prioritaria), la scuola secondaria Gérard-Philipe ha molti bambini le cui famiglie provengono dal Nord Africa, dalla Turchia e dall'America Latina. Personalmente, non ho mai dovuto affrontare tensioni in classe quando parlo della Shoah, ma devo rispondere a molte domande”, dice l'insegnante. In seguito alla formazione ricevuta, ho cambiato il mio approccio al tema. Per esempio, uso il quaderno degli schizzi di Auschwitz, che è più appropriato delle foto di cadaveri, che possono sembrare irreali agli alunni. E inizio parlando di Treblinka piuttosto che di Auschwitz, che era molto più complesso.
“Un buon punto di vista”. Elsa Rault, insegnante di francese presso lo stesso istituto, ha scelto di trattare ampiamente il tema dei genocidi e dei massacri del XX secolo nelle sue lezioni. Anche lei ha intenzione di seguire la formazione organizzata dal Memoriale nel prossimo futuro, perché, dice, “è necessario avere le idee molto chiare quando si insegna la Shoah, per non cadere in emozioni inappropriate”.
Marie-Ange Rivière, ispettrice e coordinatrice della Memoria e della Cittadinanza presso l'autorità educativa di Montpellier, osserva che “c'è una forte richiesta di questa formazione nella nostra regione. Gli insegnanti sentono l'esigenza di aggiornare le loro conoscenze sulla Shoah, in modo da essere più attrezzati scientificamente e più efficaci in classe, ma anche per fornire risposte razionali e scegliere il giusto angolo di approccio nelle loro lezioni”. L'ispettore ritiene che questa pagina di storia rimanga difficile da insegnare, anche se “la negazione è molto rara tra gli alunni”: “Questo argomento può essere oggetto di osservazioni volte a sminuirne l'importanza”, osserva Marie-Ange Rivière. Oppure alcuni bambini suggeriscono che gli insegnanti ne parlano troppo”.
Uno strumento. L'ultimo viaggio in Polonia organizzato in aprile per gli insegnanti dell'autorità educativa di Montpellier è stata l'occasione per creare un prezioso strumento didattico. Tutte le visite guidate e le lezioni organizzate durante il corso sono state seguite e registrate da Laure Méravilles, giornalista dell'associazione radiofonica di Montpellier e responsabile del Punto di informazione per i giovani. Più di venti ore di filmati sono state raccolte in 22 podcast di 30 minuti che fanno parte di un corpus online intitolato “Comment enseigner la Shoah?
L'argomento viene affrontato nelle classi CM2, poi in troisième e terminale. Fabrice Romanet, insegnante di storia e geografia a Bron, vicino a Lione, e corrispondente accademico del Mémorial de la Shoah, lamenta: “Non abbiamo una formazione solida in questa materia. La Shoah non viene insegnata come parte di un corso standard di storia e geografia, non è un'area tematica. Ma bisogna essere armati per affrontare commenti su temi socialmente sensibili come la Shoah, la colonizzazione, la schiavitù, la guerra d'Algeria, il genocidio armeno... Bisogna sapere come rispondere agli alunni”.
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