À JAMAIS LA PREMIÈRE


SACRÉE MAGICIENNE

Pour la première fois, une Française inscrit son nom au palmarès de la mythique classique du Nord. 
À 33 ans, la championne olympique de VTT à Paris s’y est imposée dès ses débuts sur les pavés de Roubaix. 

Pauline Ferrand-Prévôt a remporté Paris-Roubaix pour sa première participation, alors qu’elle hésitait encore à s’aligner hier matin et qu’elle ne devait que faciliter les desseins de la Néerlandaise Marianne Vos.

“Chez les hommes, on parle souvent des cinq Fantastiques, 
eh bien Pauline fait partie des Fantastiques''
   - MARION ROUSSE

13 Apr 2025 - L'Équipe
BENOÎT FURIC

ROUBAIX (NORD) – Le cerveau est un organe fascinant : il fait parfois naître de surprenantes questions à des moments inattendus. Ainsi, à quoi penset-on au vélodrome lorsqu’on s’apprête à remporter Paris-Roubaix, avec aux trousses quelques-unes des plus grandes cyclistes des vingt dernières années ? « Je me suis demandé: “Mais en fait, si elles arrivent en même temps que je boucle mon premier tour, qu’est-ce que je dois faire ? Est-ce que je me mets derrière le groupe ou alors les passer ?”, racontait hier avec humour Pauline Ferrand-Prévôt. Parce que je voulais ma photo toute seule. Personne n’est arrivé, et je me suis dit que c’était cool. »

Elle a eu sa photo en solitaire, bras levés, au moment de signer une immense victoire, pour sa première participation, l’année de son retour sur route – qualifiée jusqu’ici de saison d’apprentissage. Il faut avoir des talents de magicienne pour transformer une attaque en victoire ; pour métamorphoser 28 secondes d’avance à l’entrée d’un secteur pavés en 38 secondes à la sortie, tout en ayant pris seule la tête ; pour transfigurer un palmarès déjà imposant en faisant apparaître le pavé des vainqueures et en être la première Française lauréate.

Ferrand-Prévôt est pourtant revenue d’un purgatoire de poussières, de vent et de pavés. À l’entrée du secteur 12, à 54 kilomètres de la ligne, on pensait l’affaire pliée. La faute à une chute de plusieurs coureuses, dont la championne olympique de VTT, tandis que Lotte Kopecky, Lorena Wiebes, sa coéquipière Marianne Vos puis Ellen van Dijk, qui maraudait déjà à l’avant, se faisaient la malle dans un quatuor qui avait tout d’un quarté gagnant. Mais par les sortilèges de cette course, 25 kilomètres plus tard, on vit la Française s’extraire seule d’un groupe d’une vingtaine de rescapées, pour aller avaler Emma Norsgaard en tête, avant de filer vers l'Histoire. « Marianne m'avait dit d'attaquer, expliqua-t-elle après coup. Derrière, cela a mis un peu de temps à réagir. Et après, le temps que ça s'organise... J'ai surtout pensé à aider Marianne, pour faire travailler les autres à l’arrière. »

Pourtant, elle n’aurait jamais dû se retrouver sur la course, il y a deux mois (« J’étais supposé être en altitude, mais après les Strade Bianche, j’ai demandé à mon coach si c’était possible de venir ») comme il y a deux jours (« J'ai été malade, je n'étais pas sûre de prendre le départ ce (samedi) matin» ). Mais « on s'est dit que c'était peut-être bien, tout de même, de prendre le départ pour pouvoir aider Marianne du mieux possible. » Vos, la coéquipière, l’aînée, le modèle des jeunes années de « PFP » qui visait la victoire à Roubaix pour parachever une immense carrière. Pour s’y employer, on a alors vu Ferrand-Prévôt fureter à l’avant, juguler les envies adverses : « C’est une course de positionnement, et c’est quelque chose que j’arrive assez bien à faire. Sans trop me fatiguer, j’arrive à me faufiler. » « Elle montre effectivement dans toutes les courses à quel point elle se positionne bien, à quel point tout est en ordre, confiait Vos après avoir assisté au podium. Et puis c'est aussi très agréable d'avoir Pauline avec nous et qu’elle remporte la course. »

Au centre du vélodrome, dans l'ambiance encore incandescente des félicitations du public, la championne du monde Lotte Kopecky portait les traits fatigués de la déception d’avoir vu un météore jaune lui subtiliser la possibilité d’un doublé Flandres-Roubaix. Non loin, Margaux Vigié, coéquipière chez Visma, affichait un immense sourire : « À partir du Carrefour de l’Arbre, on a commencé à me dire “Pauline est devant”, puis c’est passé à “Pauline a gagné, Pauline a gagné”. Pfiouu, là tu gagnes 20 watts, et tu n’as qu’une envie, c’est d’arriver au Vélodrome. » Marion Rousse, qu’elle a longuement enlacée, lançait un pont vers d'autres horizons : « Chez les hommes, on parle souvent des cinq Fantastiques, eh bien Pauline fait partie des Fantastiques. »

Ferrand-Prévôt vient de signer un exploit, un de plus, comme si, le temps d'une journée, le doute était étranger à sa nature. « Il n'y a pas une minute où je me suis posé des questions. Même quand j'étais devant, je ne me suis même pas dit: “Ça va revenir ou pas ?” Je ne me suis même pas retournée une seule fois je pense », avant d’ajouter dans une formule heureuse : « Je n'avais même pas peur de perdre, mais j'étais contente de gagner.»

***


Légère interruption de l’entraînement pour Pauline Ferrand-Prévôt 
et son compagnon Dylan Van Baarle. Le temps d’un selfie.

Double pavé

Pauline Ferrand-Prévôt a rejoint dans l’histoire son compagnon, le Néerlandais Dylan van Baarle, vainqueur il y a trois ans. Une relation que le vélo traverse sans occuper la place centrale.

13 Apr 2025 - L'Équipe
B. F.

ROUBAIX – C’est sûr, il va falloir lui trouver de la place. Un pavé comme ça, c’est imposant, mais chez eux à Monaco, il faudra en faire cohabiter deux. En remportant Paris-Roubaix hier, Pauline Ferrand-Prévôt a inscrit son nom à un palmarès où figure déjà celui de son compagnon, le Néerlandais Dylan Van Baarle, vainqueur il y a trois ans.Légère interruption de l’entraînement pour Pauline Ferrand-Prévôt et son compagnon Dylan van Baarle. Le temps d’un selfie.

“Il a sa carrière, j’ai la mienne. 
Je le soutiens à 100 % et je ne veux pas qu’il sacrifie 
quoi que ce soit de sa carrière pour moi '' 
   - PAULINE FERRAND-PRÉVÔT, 
     À PROPOS DE DYLAN VAN BAARLE

« L’idée, c’est de les mettre proche l’un de l’autre. Je serai fière de mettre le mien à côté du sien », expliquait la Française hier après la course. Le couple avait expliqué le matin même dans le Parisien que celui de Van Baarle était posé sur leur table de salle à manger.

« Mais il va déjà falloir que j’arrive à le ramener en avion », riait-elle en zieutant la roche de 15 kg. Hier, elle a pris la tête de la course en lâchant Emma Norsgaard dans le secteur pavé de Camphin-en-Pévèle, où Van Baarle était parti seul lors de son édition victorieuse : «Danslaradio, ils me disaient :“Tuesentrain de faire la même chose que Dylan”. J’essayais de ne pas écouter enmedisant: “Ne te laisse pas distraire, Pauline.” Mais je pense que Dylan est fier. Et j’ai hâte de l’appeler, de le voir demain pour profiter avec lui et célébrer cette victoire. »

Les deux se sont connus à la fin de l’été 2022. Quelques messages échangés via Instagram, quand l’arrivée de la Française chez Ineos-Grenadiers commençait à bruisser et que le Néerlandais n’était pas encore parti chez Visma-Lease a bike.

Depuis, ils partagent beaucoup, mais pas les entraînements. À l’exception de vacances aux Antilles où ils avaient couru une compétition de VTT en duo à Curaçao, à l’automne 2023, « on ne s’entraîne jamais ensemble ». « On ne veut pas tout mélanger. Il roule vite : je ne veux pas le ralentir, et je ne veux pas non plus rouler en surdès régime avec lui, expliquait-elle à l’automne. On part ensemble mais chacun fait son entraînement de son côté ensuite. »

Pendant les Jeux, elle avait partagé son bonheur olympique à distance. Le Néerlandais était alors en stage de préparation pour la course olympique sur route, une semaine plus tard. Et Ferrand-Prévôt en était soulagée : « Je me sentais mieux qu’il ne soit pas là. Il a sa carrière, j’ai la mienne. Je le soutiens à 100 % et je ne veux pas qu’il sacrifie quoi que ce soit de sa carrière pour moi. » Aujourd’hui, elle suivra son compagnon pour la course masculine avant de décider ensemble du meilleur moyen de faire cohabiter deux pavés. 

***


Ils sont venus nombreux hier, le long des routes du Nord, 
encourager Pauline Ferrand-Prévôt.

La course d’hier était aussi la première de Pauline Ferrand-Prévôt en France depuis son retour sur route. Un baromètre de sa popularité monté haut dès le départ à Denain.

B.F.
Effervescence populaire

ROUBAIX – Ils sont aussi jaunes que le bus et attendent patiemment dans la douceur printanière de Denain. Christophe et Lydie Duquesne, vêtus aux couleurs du fan-club de Pauline FerrandPrévôt, ont fait les deux heures de trajet depuis l’Aisne pour voir la championne olympique de VTT. « On a déjà fait beaucoup beaucoup plus. On la suit depuis… Oh là là », cherche Christophe. «Onestlà parce que ça lui fait plaisir de voir des gens qui sont là pour elle », expliquent les deux quinquagénaires. À leur côté Manon Pauchet, 25ans: « Je la suis depuis mes 14ans!» La jeune femme était déjà dans le Paterberg la semaine précédente. Cette fois, elle a prévu un grand drapeau, terminé le matin même, à l’effigie de la championne, qu’elle compte agiter bien fort. Ici, on vient pour un petit regard complice, un mot d’encouragement, une étreinte fugace sur l’épaule.

Ils sont venus nombreux hier, le long des routes du Nord, encourager Pauline Ferrand-Prévôt.

"J’ai posé ma journée dès que j’ai 
su qu’elle venait pour Roubaix" 
   - ISABELLE, INFIRMIÈRE

Louise et Rose, pas encore 6 ans, attendent avec grand chapeau à signer et licorne dans le petit sac à dos. Leurs parents, Olivier et Hélène, sont venus en voisins, attirés par la présence de la championne : « On est venus pour les enfants, pour les motiver, pour leur montrer que les filles sont capables de faire comme les garçons », glisse Hélène. La famille au complet avait regardé la fin du Tour des Flandres la semaine précédente, avant de venir garnir le bas-côté herbeux où était stationné le bus. « C’est des personnes inspirantes », explique la mère des deux enfants.

Isabelle Thopart et Yohann Borel, un peu en retrait, sont aussi venus soutenir la Française. Mordus de vélo, ils sont venus d’Amiens, à une heure et demie de route : « J’ai posé ma journée dès que j’ai su qu’elle venait pour Roubaix », rayonne Isabelle, infirmière qui ne compte pas ses heures mais allumait la télé des patients pour voir Ferrand-Prévôt remporter l’or olympique. « Dans toutes les chambres, je leur disais : “Mettez la télé, ce sont les JO”, ritelle. Elle nous a fait pleurer. » « C’est incroyable le nombre qu’elle attire maintenant », s’extasie Yohann, devant la cinquantaine de personnes devant le bus, comparant avec les années VTT.

Ettrente-quatreminutesavant le départ, la porte s’ouvrit. L’effervescence gagna la foule, les mieux placés faisant passer livre de route et maillot à signer des moins bien lotis. Puis la nuée se dispersa, une fois la Française filant au départ.

À l’arrivée, Christophe et Lydie Duquesne attendaient au milieu du public, qui formaient une haie d’honneur jusqu’au bus de Visma-Lease a bike. Ils avaient réussi à se faufiler jusqu’au secteur de Mons-en-Pévèle, pour voir passer leur vedette : « À ce moment-là, elle était en chasse, et on était un peu déçu pour elle. » Mais le trajet dare-dare jusqu’au Vélodrome qui suivit a pris des allures de fête à regarder l’arrivée sur les téléphones : « C’est quand même la fille qui m’aura fait le plus pleurer dans ma vie », rigole Christophe Duquesne.

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EN BREF
PAULINE FERRANDPRÉVÔT
33 ans.
Route : Championne du monde (2014), Flèche Wallonne (2014), Paris-Roubaix (2025)
Cross-country : Championne olympique (2024), Championne du monde (2015, 2019, 2020, 2022, 2023)
Cross-country short-track : Championne du monde (2022, 2023)
Cyclo-cross : Championne du monde (2015)

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