Pogacar, chef de meute


À seulement 25 ans, le Slovène, d’abord timide, s’est révélé au fil des années comme un leader affirmé, plus rassembleur qu’autoritaire, auprès de ses équipiers.

15 Jul 2024 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS

Pogacar, chef de meute

PLATEAU DE BEILLE (ARIÈGE) – Avec ses airs de trublion monté sur ressorts, ses singeries une fois la ligne d’arrivée passée, ses réseaux sociaux alimentés par des partenariats commerciaux et ses petites blagues, sur des sons d’Eminem le plus souvent, Tadej Pogacar a tout de l’élève ingérable. Bon élève, évidemment, mais pas assez pour enfiler le costume du délégué de classe, propre sur lui, prêt à ferrailler avec les professeurs. Il n’a pas toujours été ainsi et, au début de sa carrière professionnelle, le Slovène affichait plutôt un caractère timoré, réservé, mais la confiance engendrée avec ses succès sur la route ont transformé l’adolescent de Komenda en un leader.À 5,4 kilomètres de l’arrivée au plateau de Beille, Tadej Pogacar a attaqué Jonas Vingegaard et a réussi à distancer son dauphin.

Aujourd’hui, à 25 ans, il discute d’égal à égal avec Fernandez Matxin et Mauro Gianetti, les deux piliers de la formation émirienne qui ont longtemps réussi à le cadrer, au sujet de son programme de courses notamment. Mais, après deux échecs sur le Tour de France qui l’ont un peu froissé, il a enfin obtenu, cet hiver, de s’aérer la tête et de disputer le Giro, ce qui lui avait été refusé jusque-là. Et pour réaliser le doublé Giro-Tour, il a réuni une véritable armada sur cette Grande Boucle qu’il a encore dominée de ses ailes déployées au-dessus du tapis vert des Pyrénées ce week-end.

Samedi, dans la montée vers Saint-Lary-Soulan, il a joué les artificiers à 8 kilomètres du sommet, dynamitant la course et la tactique de son équipe, en lançant son lieutenant, son aîné Adam Yates (31 ans), pas vraiment au courant du plan apparemment: «Il m’a dit d’attaquer et j’ai attaqué. » Sans moufter, parce que comme le souligne Pavel Sivakov, « sa façon de courir, tout pour l’attaque, influe aussi sur nous. Quand on annonce, “allez les gars, on fait péter la course”, ce n’est pas toujours tactiquement la chose la plus intelligente à faire mais on y va parce qu’on en a envie.

Ce n’est pas qu’on court sur les émotions, mais comme on y croit tous, on y va à 100 %. On sent sa confiance et quand il nous dit “on y va”, il se rate rarement.»


Le Maillot Jaune, Tadej Pogacar, entouré par ses coéquipiers d’UAE.

Dix-sept victoires déjà cette saison et il ne leur laisse pas beaucoup de miettes sur ce Tour, car la marge avec Jonas Vingegaard était encore ténue mais il ne manque jamais de saluer le travail de ses équipiers (hier, il a déclaré « chapeau à mes équipiers » ), de les mettre en avant sur ses réseaux lors des sorties d’entraînement communes sur la Côte d’Azur, café et pâtisseries partagés au soleil. Une équipe de copains, jure Mauro Gianetti, le manager qui a vu grandir « Pogi » depuis son arrivée chez UAE en 2019: « Il aime ses coéquipiers, il les adore, il donne tout pour eux et c’est pour cela qu’eux l’adorent en retour. Ils sont même plus que des équipiers, ils veulent aider leur ami. »

Parfois grognon, il ne s’énerve jamais en interne

Ainsi, tous ou presque (Juan Ayuso, autre gros potentiel, a semblé plus traîner la jambe jusqu’à son abandon, vendredi) se mettent à la planche pour le double vainqueur de Liège-Bastogne-Liège, dans un ordre bien défini, et sans souffrir d’évoluer dans son ombre alors que la plupart (Joao Almeida, Yates, Sivakov et Ayuso) pourraient être leaders dansd’autresformations.Sivakov ne cache pas que, « parfois, quand je suis dans mon rôle d’équipier, je me dis que certains jours j’aurais pu avoir des ambitions. Mais quand on a un leader comme lui, cela facilite la chose. L’émotion sera aussi grande quand on aura franchi la ligne».

Parfois grognon, quand tout ne va pas dans son sens, quand il a le sentiment de se répéter devant les médias et de perdre du temps, il peut se crisper mais rarement en interne. Gianetti ne l’a jamais surpris en train d’enguirlander ses ouailles: « Quand c’est nécessaire, il prend la parole, sérieusement, mais il n’a pas besoin d’être mis en avant, il ne fait pas de long discours et il est écouté. Donc, non, il n’est pas dur. » « C’est quelqu’un d’exigeant, appuie son équipier Pavel Sivakov. Pour être à ce niveau, il faut l’être mais en même temps, il ne va pas se prendre la tête si quelque chose ne fonctionne pas comme il le veut. Il tourne facilement la page. J’ai vu chez d’autres leaders cette habilité à switcher. Geraint (Thomas, son ex-leader chez Ineos) ne se prend pas non plus la tête sur des détails. Tadej, plus que Geraint d’ailleurs, est beaucoup plus exigeant sur le matériel, il regarde tous les détails. Mais il veut des mecs en qui il peut avoir confiance, qui vont faire le travail pour lui. Mais jamais il ne nous a engueulés, ce n’est pas une personne comme ça. Il nous motive par la confiance qu’il dégage. » Et l’intéressé, comment se voit-il?

Avant le Tour, il exprimait sa fierté d’être « le leader d’une telle équipe » , tout en déniant en être un : « Je ne me considère pas comme un leader, je reste le même. Avec les gars autour de moi, on travaille pour un même objectif, la victoire. Je ne suis pas un patron autoritaire (sourires). Nous avons d’autres leaders pour ça, les directeurs sportifs, les managers. Moi, je fais juste mon boulot et quand vous avez sept coureurs autour de vous qui savent exactement quoi faire, vous n’avez pas besoin de leur dire grand-chose. » Au contraire, il lui suffit de deux-trois mots, d’appuyer sur le bouton pour lancer sa meute dévorer un peloton au supplice.

***

Pogacar a fait « craquer » Vingegaard

Du plateau de Beille où il s’est imposé hier, à Nice, une ville qui lui est familière puisqu’il habite Monaco, Tadej Pogacar n'oublie pas qu’il lui reste encore six étapes et 857 kilomètres avant de pouvoir parler de sacre, son troisième après ceux de 2020 et de 2021 : « Le Tour se finit normalement sur les ChampsÉlysées mais cette année, c’est Nice. Quand on arrivera à Nice, qu’on prendra à gauche sur l’avenue principale, alors ce sera fini, pas avant. » Dans son duel avec Jonas Vingegaard, il sait néanmoins qu’il a fait plus que creuser l’écart : « J’ai tout donné jusqu’à la ligne. J’entendais tout le temps qu’il était à 35 secondes, je pensais qu’il pouvait peut-être revenir mais à la fin, j’ai su que je l’avais fait craquer. » (Y. H.)

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