HINAULT EN 7 CARACTÈRES

Bernard Hinault fête ses 70 ans ! Et pour l’occasion, Vélo Mag a décliné, lettre par lettre, son nom. Pour mieux explorer le caractère du plus grand champion français de tous les temps qui a tant marqué les esprits par son tempérament buté, son franc-parler et son exceptionnelle détermination.

8 Nov 2024 - Vélo Magazine

Né le 14 novembre 1954 à Yffiniac, dans les Côtes-d’armor, Bernard Hinault a 70 ans. Le plus grand champion français de tous les temps a marqué les esprits par son tempérament buté, son franc-parler, son exceptionnelle détermination. Ça nous a donné une idée : décliner son nom, lettre par lettre, pour mieux explorer ce caractère en granit.


Sous le maillot de La Vie Claire, et avec des pédales à courroies. 
Une de ses missions fin 1983: développer la pédale automatique avec Look.

H - Hinault COMME HARGNEUX

« Hinault dans les cordes », a titré L’équipe. Le Giro 1982 est à cinq jours de son terme, et le Breton a perdu son maillot rose au profit de Silvano Contini (pas le premier venu, vainqueur un mois plus tôt de Liègebastogne-liège). Il est vexé. Pas seulement pour la sévérité de la claque (2’14’’ à combler au général), mais surtout à cause de la manière dont il a été manoeuvré par l’équipe Bianchi. Sa colère est d’autant plus vive qu’il a fait, en consultant une carte routière avec Cyrille Guimard la veille, une mauvaise estimation du terrain. Les chevrons indicateurs de pente suggéraient sur le papier une déclivité en hausse dans les derniers kilomètres du col de Croce Domini, et fort de cette conviction, le Breton avait laissé partir Baronchelli, Contini et Prim (trois Bianchi) qu’il comptait bien corriger avant même le sommet, à la façon de garnements un peu trop intrépides à qui on tire les oreilles pour mieux les humilier et les inciter à ne pas recommencer. Erreur d’appréciation.

Il n’est pas le seul: les suiveurs croient déceler les premiers résultats d’une campagne de harcèlement opérée par la Bianchi. Que l’on pense un seul instant qu’il était dans l’incapacité de suivre le trio de l’équipe italienne met plus encore en rogne le Blaireau. Il est à température pour l’un des plus grands numéros de sa carrière : « Le lendemain, au départ, j’étais très en colère, il suffisait de regarder ma gueule pour savoir à quoi s’attendre. » L’étape est courte, 85 kilomètres, et l’ascension finale du Montecampione – plutôt roulante – n’est pas de nature à effrayer des coureurs qui songent déjà à l’étape reine entre Cuneo et Pinerolo, la veille de l’arrivée à Turin. Hinault est trop vexé pour attendre. Il ordonne à ses équipiers de rouler à bloc jusqu’au pied du Montecampione, et après 1 500 mètres d’ascension à peine, il attaque franchement, contrevenant à ses habitudes de partir au train, à la seule force de ses reins : « Se prendre une branlée la veille, ça non, je ne pouvais l’accepter, il fallait régler les comptes tout de suite. Dans le virage qui a suivi mon attaque, tellement j’allais vite, ma pédale a même raclé le sol en faisant l’intérieur ! J’ai encore le bruit en tête. » Lucien Van Impe tente bien un temps de s’accrocher, mais l’asphyxie le guette bientôt, une bien douce pénitence au regard du calvaire que traverse le Maillot Rose, en proie à une crise intérieure qui se soldera par un passif de 3’27’’.

Onze mois plus tard, à la Vuelta. Le mauvais temps, les coups de boutoir incessants des coureurs espagnols qui se sont ligués contre lui, un genou de plus en plus douloureux, un chrono raté : Bernard Hinault semble pour la première fois en situation de perdre un Grand Tour « à la pédale ». À 72 heures de l’arrivée à Madrid, trois Espagnols, Julian Gorospe, Alvaro Pino et Alberto Fernandez, occupent les trois premières places du général. Il reste une dernière occasion, entre Salamanque et Avila. Que va faire l’animal blessé? Secondé par un Laurent Fignon qui finit l’épreuve en trombe, Bernard Hinault éparpille l’opposition dans le Puerto de Serranillos, très loin d’avila, à 80 bornes du but, et pousse à bout, mentalement autant que physiquement, le pauvre Gorospe qui subit une véritable déculottée (+ 20’40’’). Le bon sens aurait commandé au Breton de quitter la course, ou du moins de lever le pied en acceptant la défaite, mais la perspective d’être battu a au contraire décuplé sa hargne. Succès en poche mais corps abîmé, il ne prendra pas le départ du Tour de France cette année-là.

I - Hinault COMME INTUITIF

« Paulo, tu me les brises ! » C’est en substance ce que Bernard Hinault a lancé un jour à Paul Köchli qui n’abandonnait pas l’idée de lui faire porter une ceinture de fréquence cardiaque. En 1984, le Blaireau est toujours une tête de pioche, mais le milieu considère déjà que son temps est révolu. Laurent Fignon a remporté le Tour de France l’année d’avant, et le blond aux petites lunettes ovales a les faveurs de Cyrille Guimard chez Renault-gitane, débouchant sur l’inévitable divorce avec Hinault, en délicatesse avec un tendon qui lui a valu une opération en août 1983. Repreneur d’entreprises en péril, Bernard Tapie crée l’équipe La Vie Claire avec une même optique de relance, non plus de produits manufacturés, mais autour d’un homme, Hinault, à qui il confie la mission de développer les premiers prototypes de pédales automatiques (Tapie avait racheté Look pour 1 franc en 1983). Puisqu’elle se veut innovante, l’équipe s’adjoint les services de Paul Köchli, un avant-gardiste en matière d’entraînement qui officie à l’école des Sports de Macolin, en Suisse, une référence en la matière. Contrevenant à l’idée d’un champion un peu rustre, ne comptant que sur sa force, c’est même Hinault qui a activé la piste Köchli. Il se montre curieux, confesse même à Vélo Magazine : « J’ai réappris à m’entraîner. » Mais Hinault reste Hinault : pas d’artifices qui me dictent ma façon d’agir ! « Ton machin (la ceinture cardiaque liée au Polar), je vais le mettre ! Une fois, pour te prouver que je n’en ai pas besoin. » Mise en place du protocole, une bosse de quinze bornes, du gros pourcentage, du moins gros, des replats : le coeur obstinément calé dans la zone définie par le coureur, entre 168 et 171 pulsations/ minute, et ce verdict sans appel: « Ton truc, Paulo, tu peux le remballer ! » Bien entendu, Hinault n’aurait jamais supporté les oreillettes.

Pour prouver leur inutilité, il aurait fait l’inverse de ce qu’on lui demandait, et avec sa force, boostée par l’orgueil d’avoir raison coûte que coûte, il aurait tout de même gagné ! L’intuition, l’instinct, appelez cela comme vous voulez, c’est de ça que Bernard Hinault tirait son plaisir sur un vélo, lui qui n’a jamais cessé de considérer son sport comme un jeu. Ses accélérations impromptues, contre le cours des événements, ont contribué à sa légende, et pour n’en citer qu’une, liée à une vexation l’année précédente (bien sûr, le Blaireau est rancunier…), on peut rappeler le Tour de Lombardie 1979 : persuadé qu’il avait été la cible d’une coalition italienne en 1978 visant à faire gagner Francesco Moser, Hinault était parti seul à la faveur d’un faux plat anodin à plus de 150 bornes de l’arrivée. Guimard avait tenté de le raisonner, il s’était contenté de répondre : « T’occupes ! » Un petit groupe avait fini par recoller, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Silvano Contini dans sa roue : « Je l’ai asticoté plusieurs fois pour voir ce qu’il avait encore dans le ventre, puis je l’ai battu au sprint. » Fin de l’histoire.


1978, première participation au Tour de France. Et première victoire d’étape à l’occasion du chrono entre Saint-émilion et Sainte-foy-lagrande.

N - Hinault COMME NONCHALANT

Soudain, quelqu’un frappe à la vitre de la Peugeot 504, déclenchant une molle réaction chez l’homme assis sur le siège arrière. « Bernard, c’est l’heure ! » insiste le type. L’heure de se réveiller. L’heure de gagner le Tour de France. Bernard Hinault a 23 ans, il porte le maillot de champion de France, et le pays entier se demande encore s’il est bien le phénomène annoncé. L’année précédente, en 1977, il avait remporté à la surprise générale Gand-Wevelgem, la presse belge, faute selon elle d’une vraie concurrence, avait titré « Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. » Vexé, le Breton avait remporté cinq jours plus tard Liège-bastogneliège. Au nombre des premiers battus: Merckx, De Vlaeminck, Maertens, Thurau. C’est sûr, on tient là un champion intéressant, en avait-on déduit le soir à table, avec cette dose de prudence qui commande de ne pas s’enflammer trop vite (il n’y a qu’un Merckx par génération, et celui-ci n’avait même pas mis un terme à sa carrière en 1977…)

21 juillet 1978. Dans deux jours, le Tour est à Paris. Joop Zoetemelk est en jaune depuis l’étape de l’alped’huez, que son compatriote Hennie Kuiper a remportée. Son heure est peut-être venue de gagner une épreuve qu’il a déjà terminée trois fois deuxième, et jamais au-delà de la 8e place en sept participations. Il a pour lui l’avantage de l’expérience avant le contre-la-montre entre Metz et Nancy, le style de rendezvous à vous vriller l’estomac en raison de sa longueur, 72 kilomètres. Peut-être que le Néerlandais espère au fond de lui que ce type pour qui la France en pince perdra ses moyens, victime de l’enjeu, de sa jeunesse et de son statut de néophyte de l’épreuve (d’ailleurs, ne l’avait-il pas sèchement battu dans le chrono du Puy-de-dôme ?).

À l’intérieur de la Peugeot 504, Bernard Hinault dort du sommeil du juste. Rien, pas même les inévitables curieux, ne l’a empêché de roupiller ferme. Il a rendez-vous avec l’histoire, et il pionce. En 1972, le Premier Pas Dunlop (le Championnat de France pour les juniors) avait été sa première victoire significative, et lorsque monsieur Leroux, son éducateur, l’avait conduit la veille pour une reconnaissance du circuit, il avait dormi tout du long, Bernard Hinault avait bien ri des années plus tard quand il nous avait raconté l’anecdote. Quelques coups contre la vitre suffisent à le réveiller. Il se sent frais. L’esprit, le corps. Après onze kilomètres de course, Hinault a comblé son retard sur Zoetemelk. Dans le final, le vent de face joue en faveur de la puissance du Breton, équipé d’un 54x12. Sur la ligne, 4’10’’ séparent les deux hommes. Hinault vient de gagner le premier de ses cinq Tour de France. À propos de sa décontraction avant un événement majeur, il nous avait glissé un jour : « Tu crois que Michel Platini tremble avant de taper dans un ballon ? » La nonchalance s’est illustrée de plusieurs manières chez Bernard Hinault. Le natif d’yffiniac ne présentait pas ce côté obsessionnel de Merckx qui voulait tout gagner. Il était au contraire pour le partage des biens, se réservant le haut du panier. Il considérait que certaines victoires n’allaient rien apporter à son statut, et qu’il valait mieux dès lors les abandonner à d’autres, dans l’espoir parfois d’une forme de reconnaissance sur le terrain. Il était également l’inverse d’un Merckx à l’entraînement (c’est parce qu’il était archi prêt très tôt dans la saison que le Cannibale a gagné sept fois Milan-san Remo, premier Monument du calendrier), se trouvant facilement des excuses pour ne pas partir rouler, quitte à s’infliger une grosse séance avant un rendez-vous majeur. C’est dans ce rapport ambigu avec son sport que l’on mesure également à quel point Bernard Hinault était doté d’une nature exceptionnelle.

A - Hinault COMME ALTIER

Sur la ligne d’arrivée de Valenced’agen, dans le Tour 1978, les coureurs sont à l’arrêt. Ils font grève. Le matin même, ils se sont levés à 4 h 30 après avoir regagné la veille leur hôtel vers 23 heures, pas douchés, le ventre vide, ratatinés par une première étape de montagne qui s’est achevée à Saint-lary-soulan-pla d’adet. Ils viennent d’en finir avec une étape de 158 kilomètres (courue à 25 km/h de moyenne en signe de protestation), et vont remettre ça tout à l’heure pour une deuxième demi-étape vers Toulouse, longue de 96 bornes. Business is business, songent les organisateurs. Trop, c’est trop, ruminent les coureurs. Au premier rang, on distingue Freddy Maertens, Michel Pollentier, Hennie Kuiper, Jan Raas, Gerrie Knetemann, les figures emblématiques du peloton, les incontournables têtes de gondole. Le Maillot Jaune, Joseph Bruyère, est au deuxième rang, mais sur le côté, un peu à l’écart. Les bustes pivotent un coup à droite, un coup à gauche, un coup vers l’arrière, ça discute entre grévistes, ça ressemble à un bahut dissipé, et seul Bernard Hinault, en première ligne, demeure raide comme un piquet, les deux pieds bien campés au sol, le vélo coincé entre les jambes, les mains jointes dans le dos, comme pour signifier son intention de ne pas bouger d’un millimètre.

Il est l’oeil du cyclone, l’élément central au calme inquiétant. Il a quelque chose de magnétique. Son maillot bleu-blanc-rouge probablement, vierge de toute marque. Mais la fascination vient d’ailleurs : son menton relevé, sa mâchoire serrée, son regard noir, son air de défi, ses allures de boxeur avant le combat. Dans la colère, Hinault a une gueule. On la découvrait dans toute sa «splendeur » ce 12 juillet 1978, mais on la reverrait souvent, parfois de manière furtive, en course. Ses adversaires savaient, à la noirceur de l’oeil, à la mâchoire serrée, qu’ils allaient passer un mauvais quart d’heure, et probablement que le Blaireau jouait de cet artifice comme d’une arme psychologique.

Ce port altier, cet air hautain d’un jeune coq monté sur ses ergots ont le don d’exacerber l’irritation de Félix Lévitan, le patron du Tour, sur la ligne d’arrivée de Valence-d’agen: «Je n’ai pas à parler avec vous… » « Pardon ? On est deux et on va parler ! » Plus tard, les deux hommes entretiendront une relation constructive au sujet des conditions « de travail » des coureurs, et Hinault rappellera un jour : « Un coureur qui ne dort pas dans son lit dort sur la route. » Au fait, savez-vous comment s’est déroulée la demi-étape suivante ? Hinault a attaqué dès le départ, le peloton a roulé en file indienne pendant trente bornes, 300 mètres derrière lui. Paraît-il qu’il devait évacuer sa colère. Et aussi que Cyrille Guimard l’avait engueulé au prétexte qu’il avait laissé du jus à jouer les syndicalistes. Bernard Hinault avait relevé le menton, serré la mâchoire et la courroie de ses cale-pieds, puis il était parti au charbon.

U - Hinault COMME USANT

Un soleil de plomb règne ce jour-là sur les Pyrénées. Les coureurs ont encore les jambes lourdes du contre-la-montre par équipes de la veille, et demain, retour aux gros braquets avec un nouveau chrono, individuel cette fois. En attendant, et dans une forme d’urgence, ils doivent retrouver le coup de pédale de la montagne dans cette étape qui les mène à Saint-lary-soulan - Pla d’adet. Quand le peloton déteste, Bernard Hinault aime. Cela fait cinq jours que le Tour de France 1981 s’est élancé de Nice, et l’épreuve ne fait qu’une brève incursion dans le massif pyrénéen avant de ne retrouver la haute montagne que douze jours plus tard, dans les Alpes. Hinault a les jambes qui le démangent. Il a pris le maillot jaune à Nice, l’a laissé ensuite à Gerrie Knetemann, et a tout son temps devant lui. Mais son mode de raisonnement échappe au commun des cyclistes. Peyresourde ouvre le bal des grands cols du Tour : dès les premières rampes, le Blaireau décide d’un rythme de croisière qui colle à ses caractéristiques hors normes, autrement dit qui met au supplice les 149 autres coureurs du peloton. Hinault n’attaque pas, il roule au train. C’est à travers le regard affolé et suffoqué de ses adversaires que l’on voit à quel point il va vite. Ça pète de partout. Knetemann, Maertens, ouais, pourquoi pas. Bernaudeau, Willems, De Rooy... un peu tôt, mais bon. Zoetemelk (vainqueur sortant du Tour), Agostinho, Laurent, Van de Velde, alors là… Au sommet, seuls Phil Anderson et Alberto Fernandez (qui a fait les deux contre-la-montre en dedans en prévision de cette étape) sont encore dans sa roue. Dans la vallée, Hinault ne s’oppose pas au retour de Criquielion, Lejarreta et Van Impe, qu’il considère déjà com me des faire-valoir, et entame la montée vers Pla d’adet dans le même esprit que précédemment, à Peyresourde. Il fera peu de cas de l’attaque de Van Impe, vainqueur làhaut, et s’attachera plutôt à consulter la liste des perdants : Laurent à 3’35’’, Winnen à 3’55’’, Kuiper à 4’15’’, Bernaudeau à 4’30’’, Zoetemelk à 6’24’’… Peu ou prou, Hinault adoptera la même tactique, qui n’en est pas une en l’occurrence, vers Morzine et Le Pleynet-les Sept Laux, où il mettra un point d’honneur à s’imposer devant Bernaudeau, son ex-équipier désigné leader chez Peugeot. Il faudra attendre le Tour de France 1984, et sa position de challenger de Laurent Fignon, pour le voir revenir à des attaques plus franches, car au plus fort de sa carrière, il s’appuie sur cette capacité à tenir longtemps un effort à très haute intensité pour faire sauter ses adversaires.


Ce qui définissait le mieux Hinault (ici en 1978), c’était sa science du train. Sa tactique était rudimentaire : il entamait les premières rampes d’un col à un rythme élevé, puis accélérait progressivement !

Son véritable plaisir, celui qui à ses yeux traduit le mieux sa supériorité, il le trouve dans le fait de positionner son « régulateur de vitesse » à sa guise et de sentir, sans jamais se retourner, que ses rivaux craquent les uns après les autres dans sa roue. Il nous avait confié un jour le caractère « jouissif » de cette sensation, la secrète excitation à percevoir l’impuissance à laquelle sont réduits ceux qui s’échinent à suivre son allure. C’est de cette manière, tour après tour (ah, la fameuse côte de Domancy), qu’il était devenu champion du monde à Sallanches l’année d’avant. C’est comme ça aussi qu’il s’employa à gagner son quatrième Tour de France en 1982, que ce soit vers le Pla d’adet, Orcières-merlette ou l’alpe-d’huez. Pour Cyrille Guimard, aucun doute, c’est le plus gros potentiel du XXE siècle, sans cette obsession « merckxienne » de vouloir tout écraser, tout le temps.

Sa VO2 max est mesurée au-delà de 90 ml/min/kg, et sa biomécanique est parfaite, ce qui induit une gestuelle plus économe, donc plus durable. Selon Jean Ginet, ancien chef de service de physiologie et médecine du sport au CHU de Nantes, son taux d’hématocrite est naturellement élevé, ses muscles à l’effort sont bien oxygénés. Un solide patrimoine génétique sur lequel il plaque ce que d’aucuns ont qualifié chez lui de « science du train » : « Des attaques, des vraies, j’en compte très peu. Monter au train a toujours été ma tactique. Tu te cales entre 168 et 171pulsations/min – je connaissais bien mon corps –, tu sais que tu en as encore sous la savate, et les autres explosent les uns après les autres. » Beau et cruel à la fois.

L - Hinault COMME LIBRE PENSEUR

Des années après la grève de Valence-d’agen (voir la lettre A), Bernard Hinault croise à nouveau la route de Jean-michel Baylet, le maire avec lequel il a eu maille à partir sur la ligne d’arrivée de la cité occitane. Le ton est cordial, mais le notable ne manque pas de rappeler l’épisode de la protestation, curieux peut-être de savoir si le Breton exprimerait quelques regrets. La réaction fuse : « Ton bled, sans notre grève, on ne le connaîtrait même pas ! » Hinault a le tutoiement facile, et il livre cash ses pensées, l’un étant le prélude de l’autre chez ce caractère entier. Il tutoie les politiques, les grands patrons, les VIP de tout poil, et, preuve de la place qu’il occupe dans le paysage sportif hexagonal, personne n’y trouve à redire.cette entorse aux convenances fait partie de son charme, pour ne pas dire qu’elle agit comme un label, un certificat d’authencité. Devenu ambassadeur du Tour après sa carrière sportive, le Breton accueille Philippe Dousteblazy, nouvellement élu maire de Lourdes et futur ministre de la Culture, dans sa voiture d’invités. Halte au bord de la route, l’édile émet le souhait de sortir du véhicule pour saluer le public, Hinault, rigolard, l’en dissuade : « Je devrais descendre aussi, et plus personne ne fera attention à toi ! » En 1987, le Tour part de Berlin, et c’est le patron des patrons allemands, l’équivalent chez nous du président du Medef, qui prend place dans la voiture d’hinault. Ce dernier s’aperçoit que le garde du corps, assis à l’arrière, est étrangement raide, et finit par comprendre: «T’as un balai dans le c… ou quoi ? Retire ce flingue qui te gêne, tu te sentiras mieux ! » Cette fonction d’ambassadeur, qui le rend omniprésent sur les aires de départ et d’arrivée du Tour, a ses inconvénients : on sollicite sans cesse son avis sur l’état du cyclisme français, et le statut de dernier vainqueur de l’épreuve ne fait qu’augmenter la pression médiatique. Il livre le fond de sa pensée, injustement accusé en retour d’être un vieux radoteur. Il pourrait choisir le politiquement correct, adoucir son propos et s’assurer ainsi un peu de tranquillité, mais comment demander à quelqu’un qui a remporté Liège-bastogne-liège à 22 ans et le Tour de France à 23 ans de travestir sa vérité ou de faire preuve de mansuétude ? Son opinion est sévère mais peut-elle être autrement?


Victime d’une crevaison dans l’étape des pavés du Tour 1979, Bernard Hinault chasse avec Sven-Ake Nilsson dans sa roue. À Roubaix, Zoetemelk est le nouveau Maillot Jaune, 
mais le Breton récupérera son bien à Morzine-avoriaz.

Ces dernières années, la presse nationale surcotait Thibaut Pinot, Romain Bardet ou Julian Alaphilippe dans la course au maillot jaune, mais Hinault douchait les ardeurs : « Si un Français gagne le Tour, c’est par erreur. » Ce n’était pas de la méchanceté, c’était son point de vue. Le Breton a toujours considéré le cyclisme comme un jeu, exhortant les coureurs d’aujourd’hui à se montrer plus entreprenants. Il regrette l’absence de prises de risque, égratignant au passage les directeurs sportifs : « Quand il y a des nazes dans les voitures, il y a des nazes sur le terrain ! » Bien entendu, cette liberté de ton, il l’a toujours exercée. En 1977, fort tout de même d’un test réussi au Critérium du Dauphiné, il clame tout haut : « L’an prochain, ce n’est pas pour le découvrir que je vais au Tour de France, c’est pour le gagner!» Une fois sur place, il n’a aucun égard pour Joop Zoetemelk, déjà trois fois deuxième de l’épreuve : « Le vieux, je vais lui faire la peau… » Le ton était donné, on était prévenu.

T - Hinault COMME TÊTU

En avril 1977, Bernard Hinault n’est encore que ce jeune coureur qui intrigue ses aînés par son assurance un rien condescendante. Au palmarès, il compte déjà le Circuit de la Sarthe, Paris-camembert, le Tour d’indre-et-loire, le Tour de l’aude et le Tour du Limousin, mais il n’est pas non plus en position de jouer les divas. Cyrille Guimard, qui a pris la direction de l’équipe Gitane-campagnolo la saison précédente, l’a engagé au Tour des Flandres. Ce n’est pas au goût de l’apprenti champion. Par la fenêtre de sa chambre, dans un hôtel de Sint-niklaas, il voit un ciel bas qui peine à retenir sa masse d’eau. Le jeune coureur ne parvient pas à se défaire de l’image du Koppenberg et de ses pavés disjoints (refaits depuis), quasiment impraticables sous la pluie.


Avec Charly Bérard, Bernard Vallet et Maurice Le Guilloux (de g. à dr.), 
lors du chrono par équipes entre Louvroil et Valenciennes, dans le Tour 1984.

Monter à pied, comme la plupart des coureurs, très peu pour lui («Je n’avais pas envie de contribuer à ce cirque », confiera-t-il plus tard.) Plus l’heure du départ approche, plus il maudit Guimard. Ça bouillonne sévère dans sa tête : « Qu’il aille se faire foutre!» La course démarre, Jean Chassang, son équipier, fait le tour de la place et se cache derrière une fontaine. Hinault, lui, disparaît dans une rue adjacente. À la stupéfaction de son directeur sportif qui lui fera parvenir une lettre recommandée. Quelques jours plus tard, Hinault gagnera Gand-wevelgem puis Liège-Bastogne-Liège.

Chez lui, cependant, la forme la plus aboutie de l’entêtement, qu’il a presque érigée en art de vivre, concerne son obstination à toujours trouver mieux à faire qu’à s’entraîner. Maurice Le Guilloux en sait quelque chose. En sa qualité d’équipier et de voisin, il avait été mandaté par Guimard pour aller le faire rouler dans la semaine qui précédait le Tour de Lombardie 1979. Il lui fallait cette victoire pour remporter le Super Prestige Pernod, la plus haute distinction à cette époque. Gros kilométrage quotidien inscrit au livre de bord, le pauvre Maurice recevait chaque jour une fin de nonrecevoir, tout étant prétexte (une pelouse à tondre, trop de pluie, quelques travaux…) à rester à la maison. La veille de la course, c’est à vélo, et sous l’ordre de Guimard, que les Renault-gitane sont allés chercher leur dossard, et selon le témoignage de Le Guilloux, l’aller-retour s’est fait à 50 à l’heure dans le sillage du Breton : « C’est simple, on a fait un chrono par équipes dans sa roue ! Le soir, il nous a dit : “Demain, j’ai besoin de personne, vous roulez jusqu’au ravito, c’est bon.’’ » Et bien entendu, le Blaireau a remporté le Lombardie (voir I comme intuitif). Connaissant son loustic, Le Guilloux a souvent rusé avec Hinault à l’entraînement, lui imposant un petit rab de kilomètres dans l’espoir qu’il n’y verrait que du feu. Pas dupe des intentions cachées de son compagnon de route habituel, Bernard Hinault chaussait à la sortie suivante des boyaux lisses et rapides qui étaient une manière de représailles (c’était leur façon de sceller leur complicité).

« Il dit qu’il s’entraînait deux fois plus que les jeunes d’aujourd’hui ? feint de s’étonner Jean-françois Bernard, son équipier à La Vie Claire. Quand il fallait remplir les carnets de bilan en fin de saison, il demandait à Kim Andersen, le plus rigoureux d’entre nous: “T’as fait combien de bornes ?” S’il disait 10 000, Hinault notait 12 000 sur le sien. » L’entêtement justifiait bien quelques petits arrangements avec la vérité. 


Le franc–parler et les prises de position tranchées auront été une constante 
dans la carrière (ici en 1984) du quintuple vainqueur du Tour de France.




Bernard Hinault compie 70 anni! Per l'occasione, Vélo Mag ha analizzato il suo nome lettera per lettera. Per esplorare meglio il carattere del più grande campione francese di tutti i tempi, che ha lasciato un'impronta così duratura con il suo temperamento testardo, la sua schiettezza e la sua eccezionale determinazione.

8 novembre 2024 - Rivista Vélo

Nato il 14 novembre 1954 a Yffiniac, Côtes-d'Armor, Bernard Hinault ha compiuto 70 anni. Il più grande campione francese di tutti i tempi ha lasciato un segno indelebile con il suo temperamento testardo, la sua schiettezza e la sua eccezionale determinazione. Ci è venuta un'idea: scrivere il suo nome, lettera per lettera, per esplorare meglio questo personaggio granitico.

Con la maglia de La Vie Claire e i pedali a strappo.

Una delle sue missioni, alla fine del 1983, è stata quella di sviluppare il pedale automatico Look.


H - Hinault AS Ringhio

“Hinault alle corde”, titolava L'équipe. Mancano solo cinque giorni al Giro del 1982 e il bretone ha perso la maglia rosa a favore di Silvano Contini (non il primo corridore a farlo, che aveva vinto la Liegi-Bastogne-Liegi un mese prima). È arrabbiato. Non solo per la gravità dello schiaffo (2'14'' da recuperare nella classifica generale), ma soprattutto per il modo in cui è stato manovrato dal team Bianchi. La sua rabbia è stata accentuata dal fatto di aver sbagliato a valutare il terreno consultando una cartina stradale con Cyrille Guimard il giorno prima. I galloni che indicavano la pendenza suggerivano, sulla carta, che la pendenza sarebbe aumentata negli ultimi chilometri del passo di Croce Domini e, forte di questa convinzione, il bretone aveva lasciato andare Baronchelli, Contini e Prim (tre Bianchi), cosa che intendeva correggere già prima della vetta, alla maniera dei furfanti intrepidi che si fanno pungere le orecchie per umiliarli meglio e spingerli a non farlo più. Un errore di valutazione.

Non è l'unico: i seguaci credono di vedere i primi risultati di una campagna di molestie da parte di Bianchi. Il fatto che si possa pensare per un attimo che non sia riuscito a tenere il passo del trio della squadra italiana fa arrabbiare ancora di più il Tasso. Il giorno dopo, alla partenza, ero molto arrabbiato, bastava guardarmi in faccia per capire cosa mi aspettava. La tappa era breve, appena 85 chilometri, e l'ascesa finale di Montecampione - piuttosto ondulata - non ha spaventato più di tanto i corridori che già pensavano alla tappa regina tra Cuneo e Pinerolo, il giorno prima dell'arrivo a Torino. Hinault era troppo arrabbiato per aspettare. Ha ordinato ai suoi compagni di squadra di pedalare a tavoletta fino ai piedi del Montecampione e, dopo appena 1.500 metri di salita, ha attaccato subito, rompendo la sua abitudine di partire in testa al gruppo, con la sola forza dei suoi lombi: “Prendere una batosta il giorno prima, no, non potevo accettarlo, dovevo chiudere subito i conti. Nella curva dopo il mio attacco, andavo così veloce che il mio pedale ha addirittura raschiato il terreno all'interno! Sento ancora il rumore nella mia testa. Lucien Van Impe ha provato a resistere per un po', ma è stato presto sull'orlo dell'asfissia, una penitenza lieve rispetto al calvario che ha vissuto il corridore della Maglia Rosa, in preda a una crisi interiore che ha portato a un deficit di 3'27”.

Undici mesi dopo, alla Vuelta. Maltempo, pressione incessante dei corridori spagnoli che si coalizzano contro di lui, un ginocchio sempre più dolorante, una cronometro fallita: Bernard Hinault sembra per la prima volta nelle condizioni di perdere un Grande Giro “sui pedali”. A 72 ore dal traguardo di Madrid, tre spagnoli, Julian Gorospe, Alvaro Pino e Alberto Fernandez, occupano i primi tre posti della classifica generale. C'è un'ultima possibilità, tra Salamanca e Avila. Cosa farà l'animale ferito? Sostenuto da Laurent Fignon, che ha terminato la gara con il botto, Bernard Hinault ha disperso gli avversari nel Puerto de Serranillos, molto lontano da Avila, a 80 km dall'arrivo, e ha spinto al limite il povero Gorospe, sia mentalmente che fisicamente, che ha subito una vera e propria batosta (+ 20'40''). Il buon senso avrebbe imposto al bretone di abbandonare la corsa, o almeno di rilassarsi e accettare la sconfitta, ma la prospettiva di essere battuto ha decuplicato la sua determinazione. Con il successo in tasca e il fisico danneggiato, quell'anno non partecipò al Tour de France.

I - Hinault come INTUITIVO

“Paulo, mi stai spezzando il cuore! Questo è ciò che Bernard Hinault disse una volta a Paul Köchli, che non voleva rinunciare all'idea di fargli indossare una fascia cardio. Nel 1984, il Tasso era ancora in testa alla classifica, ma l'ambiente riteneva che il suo tempo fosse già passato. Laurent Fignon aveva vinto il Tour de France l'anno prima e il biondo con gli occhialini ovali era stato preferito da Cyrille Guimard alla Renault-Gitane, portando all'inevitabile divorzio con Hinault, alle prese con un tendine del ginocchio che aveva richiesto un'operazione nell'agosto 1983. Rilevando aziende in pericolo, Bernard Tapie creò il team La Vie Claire con lo stesso obiettivo di rilanciare, non più prodotti fabbricati, ma intorno a un uomo, Hinault, a cui affidò la missione di sviluppare i primi prototipi di pedali automatici (Tapie aveva acquistato Look per 1 franco nel 1983). Poiché il team voleva essere innovativo, si avvalse dei servizi di Paul Köchli, un allenatore all'avanguardia che lavorava presso la scuola sportiva di Macolin in Svizzera, un punto di riferimento nel settore. Contrariamente all'idea di un campione un po' becero che si affida solo alla sua forza, fu addirittura Hinault a rivolgersi a Köchli. Incuriosito, ha persino confessato a Vélo Magazine: “Ho imparato di nuovo ad allenarmi”. 

Ma Hinault resta Hinault: niente espedienti che impongano il mio comportamento! “La tua cosa (il cardiofrequenzimetro Polar), la metterò! Solo una volta, per dimostrarvi che non ne ho bisogno. Il protocollo è stato messo in atto: una salita di quindici chilometri, alcuni alti, alcuni bassi, alcuni pianeggianti: il cuore ostinatamente bloccato nella zona definita dal corridore, tra 168 e 171 battiti al minuto, e il verdetto senza appello: “Il tuo coso, Paulo, puoi metterlo in valigia! Naturalmente, Hinault non avrebbe mai sopportato gli auricolari.

Per dimostrare la loro inutilità, avrebbe fatto il contrario di ciò che gli era stato chiesto, e con la sua forza, rafforzata dall'orgoglio di avere ragione a qualunque costo, avrebbe comunque vinto! Intuizione, istinto, chiamatelo come volete, è questo il piacere che Bernard Hinault provava in bicicletta, e non ha mai smesso di trattare il suo sport come un gioco. Le sue accelerazioni improvvise, contro il corso degli eventi, hanno contribuito alla sua leggenda, e per citarne una, legata a una seccatura dell'anno precedente (certo, il Tasso serba rancore...), possiamo ricordare il Giro di Lombardia del 1979: convinto di essere stato il bersaglio di una coalizione italiana che nel 1978 mirava a far vincere Francesco Moser, Hinault partì da solo grazie a un innocuo falso piano a più di 150 km dall'arrivo. Guimard cercò di farlo ragionare, ma lui rispose semplicemente: “Non preoccuparti! Alla fine un gruppetto l'ha raggiunto, finché è rimasto solo Silvano Contini alla sua ruota: “L'ho punzecchiato un paio di volte per vedere cosa gli rimaneva, poi l'ho battuto in volata. Fine della storia.

1978, prima partecipazione al Tour de France. E prima vittoria di tappa nella cronometro tra Saint-émilion e Sainte-foy-lagrande.


N - Hinault COME NONCHALANTE

All'improvviso, qualcuno bussa al finestrino della Peugeot 504, provocando una lieve reazione da parte dell'uomo sul sedile posteriore. “Bernard, è ora di svegliarsi! È ora di svegliarsi. È ora di vincere il Tour de France”. Bernard Hinault aveva 23 anni, indossava la maglia di campione di Francia e tutto il Paese si stava ancora chiedendo se fosse davvero il fenomeno che era stato annunciato. L'anno prima, nel 1977, aveva vinto la Gand-Wevelgem con grande sorpresa di tutti e la stampa belga, in mancanza di una vera concorrenza, aveva titolato “Nel regno dei ciechi, il guercio è re”. Esasperato, il bretone vinse la Liegi-Bastogneliège cinque giorni dopo. Tra i primi battuti: Merckx, De Vlaeminck, Maertens, Thurau. Non c'è dubbio, abbiamo un campione interessante”, concludemmo quella sera a tavola, con quella dose di cautela che impone di non farsi prendere la mano troppo in fretta (c'è un solo Merckx per generazione, e lui non aveva ancora concluso la sua carriera nel 1977...).

21 luglio 1978. Tra due giorni il Tour sarebbe arrivato a Parigi. Joop Zoetemelk indossava il giallo dalla tappa di Alped'huez, vinta dal suo connazionale Hennie Kuiper. Forse è arrivato il momento di vincere una corsa in cui è già arrivato tre volte secondo, senza mai superare l'ottavo posto in sette partecipazioni. Ha il vantaggio dell'esperienza in vista della cronometro tra Metz e Nancy, un evento che fa rivoltare lo stomaco per la sua lunghezza (72 chilometri). Forse l'olandese spera che questo ragazzo, per il quale la Francia ha una cotta, perda i nervi, vittima della posta in gioco, della sua giovane età e del suo status di neofita dell'evento (dopo tutto, non l'ha battuto pesantemente nella cronometro di Puy-de-Dôme?).

All'interno della Peugeot 504, Bernard Hinault dorme il sonno dei giusti. Nulla, nemmeno gli inevitabili spettatori, gli ha impedito di sonnecchiare profondamente. Ha un appuntamento con la storia e lo sta rispettando. Nel 1972, il Premier Pas Dunlop (il campionato francese per juniores) era stata la sua prima vittoria significativa, e quando Monsieur Leroux, il suo allenatore, lo aveva portato il giorno prima a fare una ricognizione del circuito, lui aveva dormito per tutto il tempo. Bernard Hinault aveva riso di gusto, anni dopo, quando aveva raccontato l'aneddoto. Sono bastati alcuni colpi alla finestra per svegliarlo. Si sentiva fresco. Nella mente e nel corpo. Dopo undici chilometri di corsa, Hinault aveva ridotto il distacco da Zoetemelk. Nel tratto finale, il vento contrario ha favorito la potenza del bretone, dotato di una 54x12. Al traguardo, 4'10” separavano i due uomini. Hinault aveva appena vinto il primo dei suoi cinque Tour de France. Parlando del suo atteggiamento rilassato prima di un evento importante, una volta ci disse: “Pensate che Michel Platini tremi prima di calciare un pallone?

Bernard Hinault era disinvolto sotto molti aspetti. Il nativo di Yffiniac non era ossessivo come Merckx, che voleva vincere tutto. Al contrario, era favorevole a dividere il bottino, riservandosi il primo premio. Considerava che certe vittorie non avrebbero aggiunto nulla al suo status e che quindi era meglio lasciarle ad altri, a volte nella speranza di una forma di riconoscimento sul campo. Era anche l'opposto di Merckx nell'allenamento (fu proprio perché era così pronto all'inizio della stagione che il Cannibale vinse sette volte la Milano-Sanremo, la prima Monumento del calendario), trovando facilmente scuse per non uscire e pedalare, anche se ciò significava infliggersi una lunga seduta prima di un evento importante. È in questo rapporto ambiguo con il suo sport che si può misurare anche la misura in cui Bernard Hinault era dotato di una natura eccezionale.

A - Hinault COME ALTIER

Al traguardo di Valenced'agen, nel Tour del 1978, i corridori erano fermi. Erano in sciopero. Quella stessa mattina, si erano alzati alle 4.30 dopo essere rientrati in albergo intorno alle 23.00 della sera precedente, senza vestiti, con lo stomaco vuoto, avvizziti dalla prima tappa di montagna conclusasi a Saint-lary-soulan-pla d'adet. Hanno appena terminato una tappa di 158 chilometri (corsa a una velocità media di 25 km/h in segno di protesta), e lo rifaranno a breve per una seconda mezza tappa fino a Tolosa, di 96 chilometri. Gli affari sono affari, dicono gli organizzatori. Quando è troppo è troppo, ruminano i corridori. In prima fila, Freddy Maertens, Michel Pollentier, Hennie Kuiper, Jan Raas, Gerrie Knetemann, le figure emblematiche del gruppo, i protagonisti imprescindibili. La Maglia Gialla, Joseph Bruyère, è in seconda fila, ma di lato, un po' in disparte. I busti si spostano a destra, a sinistra, dietro, gli attaccanti chiacchierano, sembra un chiacchiericcio dissipato, e solo Bernard Hinault, in prima fila, rimane rigido come un palo, entrambi i piedi ben piantati a terra, la bicicletta incastrata tra le gambe, le mani strette dietro la schiena, come a indicare la sua intenzione di non muoversi di un millimetro.

È l'occhio del ciclone, l'elemento centrale con una calma inquietante. C'è qualcosa di magnetico in lui. Probabilmente è la sua maglia blu-bianco-rossa, non segnata. Ma il fascino viene da altrove: il suo mento rovesciato, la sua mascella serrata, il suo sguardo nero, la sua aria di sfida, il suo sguardo da pugile prima dell'incontro. Quando era arrabbiato, Hinault aveva una bocca. L'abbiamo vista in tutto il suo “splendore” il 12 luglio 1978, ma l'avremmo rivista spesso, a volte in modo furtivo, durante la corsa. I suoi avversari sapevano, dall'oscurità dei suoi occhi e dal serrarsi della sua mascella, che li aspettava un momento difficile, e il Tasso probabilmente usava questo artificio come arma psicologica.

Questo portamento altero, quest'aria altezzosa da giovane gallo sugli artigli ha avuto il dono di esacerbare l'irritazione di Félix Lévitan, il boss del Tour, al traguardo di Valence-d'agen: “Non devo parlare con te...” “Pardon? “Cosa? Siamo in due e dobbiamo parlare! In seguito, i due uomini avrebbero mantenuto un rapporto costruttivo sul tema delle condizioni di “lavoro” dei corridori, e Hinault avrebbe ricordato un giorno: “Un corridore che non dorme nel suo letto dorme sulla strada”. A proposito, sapete com'è andata la mezza tappa successiva? Hinault ha attaccato fin dall'inizio e il gruppo ha corso in fila indiana per trenta chilometri, 300 metri dietro di lui. A quanto pare aveva bisogno di sfogare la sua rabbia. E anche che Cyrille Guimard lo aveva rimproverato perché aveva lasciato un po' di succo per fare il sindacalista. Bernard Hinault sollevò il mento, strinse la mascella e strinse la cinghia delle pedane, poi si mise al lavoro.

U - Hinault come indossatore

Un sole cocente regna sui Pirenei quel giorno. Le gambe dei corridori sono ancora appesantite dalla cronometro a squadre del giorno precedente e domani torneranno alle armi con un'altra cronometro individuale. Nel frattempo, e con urgenza, devono tornare a pedalare in montagna in questa tappa verso Saint-lary-soulan - Pla d'adet. Quando il gruppo odia, Bernard Hinault ama. Sono passati cinque giorni da quando il Tour de France 1981 è partito da Nizza, e l'evento ha fatto solo una breve incursione nei Pirenei prima di tornare in alta montagna dodici giorni dopo, sulle Alpi. Le gambe di Hinault erano in fibrillazione. Ha preso la maglia gialla a Nizza, l'ha lasciata a Gerrie Knetemann e ha molto tempo a disposizione. Ma il suo modo di pensare sfugge al ciclista medio. Peyresourde apre le danze dei grandi colli del Tour: fin dalle prime rampe, il Tasso impone un ritmo di crociera all'altezza delle sue straordinarie caratteristiche, in altre parole mette a ferro e fuoco gli altri 149 corridori del gruppo. Hinault non attacca, va al passo. Si capisce quanto sia veloce dagli sguardi di panico e di soffocamento dei suoi avversari. C'erano scoregge dappertutto. Knetemann, Maertens, sì, perché no. Bernaudeau, Willems, De Rooy... un po' in anticipo, ma ben fatto. Zoetemelk (vincitore uscente del Tour), Agostinho, Laurent, Van de Velde, poi... In cima, solo Phil Anderson e Alberto Fernandez (che aveva fatto le due cronometro all'interno in preparazione di questa tappa) erano ancora alla sua ruota. A valle, Hinault non si oppose al ritorno di Criquielion, Lejarreta e Van Impe, che già considerava di secondo piano, e iniziò la salita di Pla d'adet con lo stesso spirito di prima, a Peyresourde. Presta poca attenzione all'attacco di Van Impe, che ha vinto lassù, e guarda invece alla lista dei perdenti: Laurent a 3'35'', Winnen a 3'55'', Kuiper a 4'15'', Bernaudeau a 4'30'', Zoetemelk a 6'24''... Più o meno, Hinault adottò la stessa tattica, che in questo caso non era affatto una tattica, verso Morzine e Le Pleynet-les Sept Laux, dove si fece un punto d'onore di vincere davanti a Bernaudeau, suo ex compagno di squadra designato leader alla Peugeot. Solo al Tour de France del 1984, e nella sua posizione di sfidante di Laurent Fignon, tornò a sferrare attacchi più aperti, perché all'apice della sua carriera si affidava alla capacità di resistere per lunghi periodi ad altissima intensità per spazzare via gli avversari.

Ciò che meglio caratterizzava Hinault (nella foto nel 1978) era la sua conoscenza del treno. Le sue tattiche erano rudimentali: iniziava le prime rampe di un passo di montagna a un ritmo elevato, poi accelerava gradualmente!

Il suo vero piacere, quello che ai suoi occhi esprime al meglio la sua superiorità, deriva dal posizionare il suo “cruise control” a piacimento e dal sentire, senza mai guardarsi indietro, che i suoi rivali stanno crollando uno dopo l'altro nella sua ruota. Una volta ci ha raccontato quanto fosse “piacevole” questa sensazione, il brivido segreto di percepire l'impotenza a cui sono ridotti coloro che lottano per stargli dietro. È in questo modo, giro dopo giro (la famosa salita di Domancy), che è diventato campione del mondo a Sallanches l'anno prima. Fu anche il modo in cui si accinse a vincere il suo quarto Tour de France nel 1982, che fosse sul Pla d'adet, sull'Orcières-Merlette o sull'Alpe-d'Huez. Per quanto riguarda Cyrille Guimard, non c'è dubbio che sia il più grande corridore potenziale del XX secolo, senza l'ossessione “merckxiana” di voler schiacciare tutto, sempre.

Il suo VO2 max è misurato a oltre 90 ml/min/kg e la sua biomeccanica è perfetta, il che porta a un movimento più economico e quindi più duraturo. Secondo Jean Ginet, ex responsabile della fisiologia e della medicina sportiva dell'ospedale universitario di Nantes, il suo livello di ematocrito è naturalmente elevato e i suoi muscoli sono ben ossigenati durante l'esercizio. Questo solido patrimonio genetico è alla base di quella che alcuni hanno definito la sua “scienza del treno”: “Ho avuto pochissimi attacchi reali. Salire sul treno è sempre stata la mia tattica. Ti regoli tra le 168 e le 171 pulsazioni al minuto - conoscevo bene il mio corpo -, sai che hai ancora energia, e gli altri esplodono uno dopo l'altro. Bello e crudele allo stesso tempo.

L - Hinault come pensatore libero

Anni dopo lo sciopero di Valence-d'agen (vedi lettera A), Bernard Hinault incrociò nuovamente Jean-michel Baylet, il sindaco con cui ebbe un incontro al traguardo della cittadina occitana. Il tono è stato cordiale, ma il sindaco non ha mancato di ricordare l'episodio della protesta, forse curioso di sapere se il bretone avrebbe espresso qualche rimpianto. La reazione non si fece attendere: “Se non fosse stato per il nostro sciopero, non sapremmo nemmeno che hai sanguinato! È facile parlare con Hinault dandogli del tu, e le sue riflessioni sono in contanti, l'una preludio dell'altra in questo personaggio dal cuore d'oro. Si dà del tu con politici, grandi capi e VIP di ogni tipo e, a riprova del posto che occupa nel panorama sportivo francese, nessuno si oppone. Questo allontanamento dalle convenzioni fa parte del suo fascino, per non dire che agisce come un'etichetta, un certificato di autenticità. Diventato ambasciatore del Tour dopo la sua carriera sportiva, il corridore bretone ha accolto Philippe Dousteblazy, neoeletto sindaco di Lourdes e futuro ministro della Cultura, nella sua auto ospite. Fermatosi sul ciglio della strada, il sindaco espresse il desiderio di scendere dal veicolo per salutare il pubblico, ma Hinault, ridendo, lo dissuase: “Dovrei scendere anch'io e nessuno ti presterà più attenzione! 

Nel 1987, il Tour partì da Berlino, e fu il capo dei datori di lavoro tedeschi, l'equivalente in Francia del presidente del Medef, a prendere posto nell'auto di Hinault. Hinault notò che la guardia del corpo sul sedile posteriore era stranamente rigida e finalmente capì: “Hai una scopa nel culo o cosa? Togliti quella pistola dalla faccia, ti sentirai meglio! Questo ruolo di ambasciatore, che lo rende onnipresente alla partenza e all'arrivo del Tour, ha i suoi svantaggi: gli viene costantemente chiesto un parere sullo stato del ciclismo francese e il suo status di ultimo vincitore dell'evento non fa che aumentare la pressione mediatica. Esprime le sue opinioni, ma viene ingiustamente accusato di essere un vecchio rimbambito. Potrebbe optare per la correttezza politica, ammorbidire le sue parole e garantirsi così un po' di pace, ma come si può chiedere a uno che ha vinto la Liegi-Bastogne-Liegi a 22 anni e il Tour de France a 23 di nascondere la sua verità o di essere indulgente? La sua opinione è dura, ma può essere altrimenti?

Bernard Hinault subisce una foratura nella tappa in pavé del Tour 1979 e insegue con Sven-Ake Nilsson alla sua ruota. A Roubaix, Zoetemelk era la nuova Maglia Gialla, ma il corridore bretone la reclamò a Morzine-Avoriaz.

Negli ultimi anni, la stampa nazionale ha esaltato eccessivamente Thibaut Pinot, Romain Bardet e Julian Alaphilippe nella corsa per la maglia gialla, ma Hinault ha voluto placare gli entusiasmi: “Se un francese vince il Tour, è per errore. Non si tratta di malizia, ma del suo punto di vista”. Il bretone ha sempre considerato il ciclismo come un gioco, esortando i corridori di oggi a essere più intraprendenti. Deplorava la mancanza di assunzione di rischi, rimproverando i team manager: “Quando ci sono dei perdenti nelle macchine, ci sono dei perdenti sul campo! Naturalmente, ha sempre esercitato questa libertà di tono. Nel 1977, forte di una prova di successo al Critérium du Dauphiné, proclamò ad alta voce: “L'anno prossimo non andrò al Tour de France per scoprirlo, ma per vincerlo! Una volta lì, non aveva alcun riguardo per Joop Zoetemelk, che era già arrivato tre volte secondo nella corsa: “Ucciderò il vecchio...”. Il tono è stato impostato, siamo stati avvertiti.

T - Hinault COME TÊTU

Nell'aprile del 1977, Bernard Hinault era ancora un giovane ciclista che incuriosiva gli anziani con la sua sicurezza un po' condiscendente. Aveva già vinto il Circuit de la Sarthe, la Parigi-Camembert, il Tour d'Indre-et-Loire, il Tour de l'Aude e il Tour du Limousin, ma non era nemmeno in grado di fare il divo. Cyrille Guimard, che aveva preso il comando della squadra Gitane-Campagnolo la stagione precedente, lo iscrisse al Giro delle Fiandre. L'idea non piacque all'apprendista campione. Dalla finestra della sua stanza in un hotel di Sint-niklaas, vide un cielo basso che faticava a trattenere la massa d'acqua. Il giovane ciclista non riusciva a togliersi di dosso l'immagine del Koppenberg e dei suoi ciottoli disarticolati (poi riemersi), praticamente impraticabili sotto la pioggia.

Con Charly Bérard, Bernard Vallet e Maurice Le Guilloux (da sinistra a destra), durante la cronometro a squadre tra Louvroil e Valenciennes, al Tour 1984.

La salita a piedi, come la maggior parte dei corridori, non faceva per lui (“Non volevo far parte di questo circo”, avrebbe confessato in seguito). Più si avvicinava la partenza, più malediceva Guimard. Nella sua testa ribolliva tutto: “Che si fotta! La corsa iniziò e Jean Chassang, suo compagno di squadra, fece il giro della piazza e si nascose dietro una fontana. Hinault sparì in una strada adiacente. Con grande stupore del suo team manager, che gli inviò una lettera raccomandata. Pochi giorni dopo, Hinault vinse la Gand-Wevelgem e poi la Liegi-Bastogne-Liegi.

Per lui, tuttavia, la forma più compiuta di testardaggine, che ha quasi elevato ad arte di vivere, è stata l'ostinazione nel trovare sempre qualcosa di meglio da fare che allenarsi. Maurice Le Guilloux ne sa qualcosa. Come compagno di squadra e vicino di casa, gli fu chiesto da Guimard di correre con lui nella settimana che precedeva il Giro di Lombardia del 1979. Aveva bisogno di questa vittoria per aggiudicarsi il Super Prestige Pernod, la massima onorificenza dell'epoca. Con un elevato chilometraggio giornaliero registrato sul diario di bordo, il povero Maurice si vedeva rifiutare ogni giorno una scusa (un prato da tagliare, troppa pioggia, qualche lavoro da fare...) per rimanere a casa. Alla vigilia della gara, è in bicicletta, e agli ordini di Guimard, che l'équipe Renault-Gitane va a ritirare i propri numeri, e secondo Le Guilloux, il viaggio di andata e ritorno è stato fatto a 50 all'ora sulla scia del bretone: “È semplice, abbiamo fatto un tempo di squadra sulla sua ruota! La sera ci disse: 'Domani non ho bisogno di nessuno, andate al ravito e basta'”. E naturalmente il Tasso vinse il Lombardia (vedi I per l'intuizione). 

Conoscendo il suo amico, Le Guilloux spesso ingannava Hinault in allenamento, costringendolo a percorrere qualche chilometro in più nella speranza di vedere solo fuoco. Non ingannato dalle intenzioni nascoste del suo abituale compagno di viaggio, Bernard Hinault, come forma di ritorsione (era il loro modo di suggellare la loro complicità), indossava tubi lisci e veloci nell'uscita successiva.

Dice di essersi allenato il doppio dei giovani di oggi?” Jean-François Bernard, suo compagno di squadra a La Vie Claire, finge stupore. Quando era il momento di compilare i bilanci a fine stagione, chiedeva a Kim Andersen, il più rigoroso di tutti: “Quanti chilometri hai fatto? Se lui diceva 10.000, Hinault scriveva 12.000 sul suo”. La sua testardaggine giustificava qualche piccolo compromesso con la verità.

La schiettezza e le posizioni nette sono state una costante nella carriera (qui nel 1984) del cinque volte vincitore del Tour de France.

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