Joueur révolutionnaire, le triple Ballon d’or a ensuite marqué son époque en tant que tacticien aux principes de jeu spectaculaires. Une vision inspirante encore aujourd’hui et qui lui vaut de donner son nom au nouveau trophée de meilleur entraîneur de la saison décerné par France Football.
9 Nov 2024 - France Football
par Florent Torchut
Joueur, il avait réinventé son métier comme personne, à la baguette du grand Ajax Amsterdam des années 1960-1970, des Pays-bas et du Barça, dont il était à la fois le leader technique et spirituel. Passé sur le banc, Johan Cruyff n’a pas oublié son esprit révolutionnaire au vestiaire. Amoureux transi du jeu, il retrouve l’ajax à l’été 1985, un an après avoir raccroché les crampons avec Feyenoord. Avec deux idées phares : déployer un jeu attrayant et former des joueurs adaptés à ce nouveau modèle. Bien qu’il n’ait pas encore officiellement son diplôme d’entraîneur en poche – mais en avait-il besoin ? –, le mythique numéro 14 prend en main l’équipe première et y impose son plan de jeu autour d’une génération prodigieuse (Frank Rijkaard, Marco van Basten, Dennis Bergkamp…) qui s’adjuge la Coupe des Coupes face au Lokomotiv Leipzig en 1987 (1-0) et deux Coupes des Pays-bas, sans toutefois enrayer l’hégémonie du PSV Eindhoven en Championnat, lors de ses deux saisons et demie sur le banc.
En faisant de son gardien Stanley Menzo le premier relanceur de l’équipe, parfois loin de sa cage, et en instaurant un système à trois défenseurs (“À l’époque, toutes les équipes jouaient avec deux attaquants, je n’avais donc pas besoin de quatre défenseurs”, justifiait-il), il renoue avec l’esprit du football total de ses années de footballeur, en même temps qu’il innove.
"Une attaque se construit dès que le gardien touche le ballon.
C’est lui le premier attaquant”
- Johan Cruyff
"Toutes ses décisions allaient dans le sens du beau jeu”
- Andoni Zubizarreta
L’éternel architecte du Barça
C’est toutefois loin de ses racines bataves qu’il va écrire un nouveau chapitre de sa légende, celle d’entraîneur. À Barcelone, qu’il avait déjà remis sur la carte du foot lors de la saison 1973-1974, en lui offrant son premier titre de champion après quatorze ans de disette. Depuis son départ en 1978, le Barça n’a remporté qu’une autre Liga (en 1985) et court après la gloire. Au printemps 1988, le président Josep Lluis Nuñez est acculé par les socios, le fisc espagnol et ses propres joueurs.
Fin avril, ces derniers organisent une conférence de presse à l’hôtel Hesperia de Barcelone pour exprimer leur mécontentement, alors que leurs salaires ont fuité dans la presse. Cet épisode, connu comme “el motin d’hesperia” (la mutinerie d’hesperia) coûte son poste à Luis Aragones. Nuñez songe à nommer Javier Clemente sur le banc, mais, pour sauver sa tête, il doit réaliser un gros coup, médiatique et sportif. Johan Cruyff est intronisé et fait souffler un vent nouveau dans la cité méditerranéenne. “Je ne promets pas de titres, mais du spectacle, lance-t-il lors de sa présentation. On va remplir de nouveau le stade (qui sonnait creux depuis quelques saisons). Je suis déterminé à laisser une empreinte exceptionnelle dans l’histoire de ce club, ma deuxième maison.” Avec un effectif largement renouvelé, le Néerlandais entame sa révolution, inspirée de la philosophie de jeu proposée par son mentor Rinus Michels qu’il a connu à la tête des trois équipes qui ont marqué sa carrière : l’ajax (de 1965 à 1971), les Paysbas (1974) et le Barça (1973-1978).
Réflexologie, baseball et rondo
Le premier de ses commandements est une évidence qu’il porte comme un étendard. “Si nous avons le ballon, les autres ne peuvent pas marquer.” À l’entraînement et dans la préparation des matches, il ne laisse rien au hasard. À l’ajax, il avait demandé à un chanteur d’opéra de transmettre ses techniques d’inspiration et d’expiration à ses joueurs. Au Barça, il débarque un jour accompagné d’un réflexologue, considérant que “toute l’énergie du corps passe par les pieds”. Ses influences sont multiples et loin de se limiter au football. “J’ai toujours aimé les sports tactiques tels que le baseball et le basket, confie-t-il dans ses Mémoires, publiées chez Solar en 2016. Dans ma jeunesse, le baseball m’a appris à toujours avoir un coup d’avance.” Il inculque à ses ouailles un style de jeu comme jamais aucun autre entraîneur ne l’a fait avant lui, autour d’une réflexion mûrie. “L’espace sur le terrain est le fil rouge de ma vision du jeu : il s’agit surtout de créer de l’espace pour soi-même, expose-t-il. Pour ce faire, la phase de préparation de l’action est cruciale. Une attaque se construit dès que le gardien touche le ballon. C’est lui le premier attaquant.”
Chaque début d’entraînement est systématiquement animé par un rondo (toro) qui permet à ses joueurs de travailler leurs gammes entre possession, circulation et position. L’objectif ? Former constamment des triangles qui offrent en permanence au porteur de balle deux solutions. Principe fondamental qui sera notamment repris par Pep Guardiola vingt ans plus tard. Andoni Zubizarreta, le portier barcelonais, n’en est pas exempté. “Il voyait le gardien comme un joueur spécialisé, qui devait entièrement s’impliquer dans le jeu de l’équipe, témoigne celui qui a porté le maillot blaugrana plus de quatre cents fois entre 1986 et 1994. Il me faisait participer aux rondos et aux petits matches d’entraînement comme n’importe quel autre joueur.” Des ballons de rugby se substituent parfois à ceux de foot, afin d’aiguiser le sens de l’anticipation de ses hommes. Les jours de match, il est aussi pionnier en faisant arroser la pelouse afin d’accélérer le jeu et donner le tournis à son rival.
Ailiers inversés, faux 9 et petits gabarits
De l’équipe première aux catégories de jeunes, Johan Cruyff forge un 4-3-3 qui se mue en 3-4-3 au rythme des montées de Ronald Koeman et permet au Barça de dominer l’entrejeu, avec la complicité d’ailiers inversés, chargés de créer des espaces, à l’instar de Hristo Stoitchkov, gaucher qu’il fait régulièrement évoluer à droite, l’une de ses trouvailles. “Le Mister était un phénomène, estime le Bulgare, qui le considère comme essentiel dans sa quête du Ballon d’or 1994. Il a complètement bouleversé la façon de jouer au football en nous demandant notamment de créer du mouvement et des espaces en permanence.”
Cruyff invente aussi le poste de faux numéro 9 pour Michael Laudrup, générant le chaos dans les rangs adverses. “Toutes ses décisions allaient dans le sens du beau jeu, reprend Zubizarreta. Avant lui, bien jouer n’était pas nécessairement associé à la gagne. Il était convaincu qu’en traitant bien le ballon, on pouvait prendre du plaisir et en donner au public, tout en étant compétitif. Pour cela, il s’appuyait sur des joueurs alliant vitesse, compréhension du jeu et habileté.” Le génial architecte mise ainsi sur des profils parfois marginalisés, car la technique et la vision du jeu priment pour lui sur le physique. “Pep Guardiola et Ronald Koeman n’étaient pas rapides et n’étaient pas vraiment des défenseurs, mais nous jouions toujours dans le camp adverse et ils étaient toujours bien placés et interceptaient donc tout le temps le ballon”, analysait-il.
Alors que le milieu catalan est cantonné à l’équipe C et jugé comme trop frêle à son arrivée, il le fait monter en réserve, avant de l’intégrer à l’équipe première, à 17 ans à peine, comme il l’avait fait pour Aron Winter et Dennis Bergkamp au même âge à l’ajax. “À partir de là, les entraîneurs du Barça ont commencé à comprendre que l’essentiel, c’est de dominer le ballon, assurait le maestro. Dans ce domaine, les petits ont un avantage. Dès leur plus jeune âge, ils vont apprendre à éviter les contacts. Ils vont devoir apprivoiser le ballon et voir plus vite que les autres, pour ne pas avoir à encaisser les chocs.”
À jamais le premier en 1992
Sa première saison sur le banc du Barça est couronnée par la victoire en Coupe des Coupes face à la Sampdoria Gênes
Johan Cruyff
Né le 25 avril 1947 à Amsterdam (Pays-bas). Décédé le 24 mars 2016 à Barcelone (Espagne), à 68 ans. Attaquant. International néerlandais (48 sélections, 33 buts).
Parcours d’entraîneur
Ajax Amsterdam (1985-1988), FC Barcelone (19881996), Catalogne (novembre 2009-janvier 2013).
Palmarès d’entraîneur
Coupe d’europe des clubs champions 1992 ; Coupe d’europe des vainqueurs de Coupes 1987 et 1989 ; Championnat d’espagne 1991, 1992, 1993 et 1994 ; Coupe des Pays-bas 1986 et 1987 ; Coupe du Roi 1990 ; Supercoupe d’europe 1992 ; Supercoupe d’espagne 1991, 1992 et 1994.
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Giocatore rivoluzionario, il tre volte vincitore del Pallone d'Oro ha lasciato il segno come tattico con principi di gioco spettacolari. La sua visione è ancora oggi fonte di ispirazione e gli è valso il diritto di essere nominato nuovo allenatore stagionale di France Football.
9 novembre 2024
Francia Calcio
Di Florent Torchut
Da giocatore ha reinventato la sua professione come nessun altro, alla guida del grande Ajax Amsterdam degli anni '60 e '70, dell'Olanda e del Barcellona, dove è stato leader tecnico e spirituale. Ora in panchina, Johan Cruyff non ha dimenticato il suo spirito rivoluzionario nello spogliatoio. Appassionato del gioco, tornò all'Ajax nell'estate del 1985, un anno dopo aver appeso le scarpette al chiodo con il Feyenoord. Le sue due idee-chiave erano sviluppare un gioco attraente e formare giocatori adatti a questo nuovo modello. Anche se non aveva ancora ufficialmente in tasca il patentino di allenatore - ma ne aveva bisogno? - il leggendario numero 14 prese il comando della prima squadra e impose il suo piano di gioco a una prodigiosa generazione di giocatori (Frank Rijkaard, Marco van Basten, poi Dennis Bergkamp eccetera), che vinsero la Coppa delle Coppe 1987 contro la Lokomotiv Lipsia (1-0) e due Coppe d'Olanda, ma non riuscirono a fermare il dominio del PSV Eindhoven in campionato durante le sue due stagioni e mezzo in panchina.
L'eterno architetto del Barça
Tuttavia, è lontano dalle sue radici bataviane che scriverà un nuovo capitolo della sua leggenda di allenatore. Al Barcellona, dove aveva già riportato il club sulla mappa del calcio nella stagione 1973-1974, guidandolo alla conquista del primo titolo di campionato dopo 14 anni di digiuno. Dalla sua partenza nel 1978, il Barça ha vinto solo un altro titolo di Liga (nel 1985) e sta ancora inseguendo la gloria. Nella primavera del 1988, il presidente Josep Lluis Nuñez viene messo alle strette dai socios, dal fisco spagnolo e dai suoi stessi giocatori.
Alla fine di aprile, questi ultimi organizzarono una conferenza stampa all'hotel Hesperia di Barcellona per esprimere il loro malcontento, dopo che i loro stipendi erano trapelati sulla stampa. Questo episodio, noto come “el motin d'hesperia” (l'ammutinamento dell'hesperia), costò il posto a Luis Aragones. Nuñez pensò di nominare Javier Clemente in panchina, ma per salvarsi il collo dovette mettere a segno un grande colpo mediatico e sportivo. Johan Cruyff è stato ingaggiato e ha portato una ventata di aria fresca nella città mediterranea. Non prometto titoli, ma solo divertimento”, ha detto durante la sua presentazione. Riempiremo di nuovo lo stadio (che è stato vuoto nelle ultime stagioni). Sono determinato a lasciare un segno eccezionale nella storia di questo club, la mia seconda casa”.
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