L’«Empereur» est mort


Rik Van Looy est décédé dans la nuit de mardi à mercredi chez lui, en Belgique, juste avant son 91e anniversaire. Si la postérité gardera son surnom d’« Empereur d’Herentals », la Flandre perd un dieu qui régna sur le cyclisme des années 1960.

"C’était une icône du cyclisme, 
Rik Van Looy quand même, 
quand tu vois les courses qu’il a gagnées"
   - EDDY MERCKX, HIER

19 Dec 2024 - L'Équipe
PIERRE CALLEWAERT

Le temps n’y pourra rien, ni la statue de Rik Van Looy plantée sur la Grand-Place à l’ombre du beffroi de Herentals, la ville qui en fit son empereur. Héros là-bas, il semble ne rester de lui de notre côté de l’Escaut que quelques lignes de palmarès d’une vie de coureur que seule sa mort, dans la nuit de mardi à mercredi, chez lui, peut raviver. Rik Van Looy, né le 20décembre 1933. Champion du monde sur route en 1960 et 1961. Trois décennies, des années 1950 à 1970, une carrière sur route, et sur piste, à récolter des bouquets de fleurs coupées, plus de 400 au total, on se perd à chercher un décompte précis. Avant qu’on ne distingue les Monuments des autres courses, retenons que Van Looy a empilé Milan-San Remo (1958), Tour des Flandres (1959, 1962), Paris-Roubaix (1961, 1962 et 1965), Liège-Bastogne-Liège (1961), Tour de Lombardie (1959). Il fut le premier à vaincre ainsi ces cinq sommets, et seuls deux Belges l’ont suivi à ce jour, Roger De Vlaeminck et Eddy Merckx. À l’évocation de cet accomplissement, il répondait récemment avec le ton ferme et vif qu’il avait repris après des années de silence médiatique: «Oui! Mais j’ai aussi gagné trois fois Gand-Wevelgem, dont une fois le mercredi entre les Flandres et Roubaix!» Exploit inédit, aussi.La statue de Rik Van Looy, en civil comme il l’avait souhaité, domine la Grand-Place d’Herentals depuis 2017.

Homme de classique protéiforme, sprinteur autoritaire aux cuisses de boeuf, routier insatiable et grimpeur guerrier, Van Looy compte aussi 37 victoires dans des grands Tours, dont 7 dans le Tour de France. Un rendez-vous peut-être manqué avec la gloire cycliste éternelle qu’a connue Eddy Merckx en brillant sur les lacets de France. Van Looy y serait allé trop tardivement, selon lui, se réservant pour le Giro où il excellait aussi en montagne, avec son équipe italienne de machines à café, Faema. Dès sa première participation au Tour, en 1962, il était renversé par une moto. Il pensait encore il y a peu qu’il aurait pu le gagner. Merckx, Van Looy: rarement un passage de témoins ne fut aussi violent. Eddy a 19ans quand il entre à la Solo Superia, en 1965, au service de Van Looy qui renifle déjà en lui son Brutus: «Je savais qu’il deviendrait le meilleur coureur du monde.» Le bizutage fut vinaigré. Les grognards de Van Looy malmenaient cet ambitieux qui se tartinait du sirop de Liège au petit-déjeuner. Ils moquaient ses traits, le baptisant méchamment Jack Palance, l’acteur qui campait Attila à Hollywood.

Vexé, Merckx a gagné à son tour, puis a quitté la caserne Van Looy après une saison. Lui aussi voudra des troupes à sa botte comme celle que Van Looy avait montée à son service, sa Garde rouge, qui préfigurait les trains actuels boulonnés pour un seul autocrate.

“Ce que les gens doivent retenir de moi ? Rien''
   - RICK VAN LOOY


À l’annonce de la mort de Van Looy hier, Eddy Merckx a réagi: «Ça m’a beaucoup touché. Je savais qu’il n’était pas bien depuis un mois, mais lui ne l’admettait pas. Il était assez fier, à juste titre, parce que c’était un super champion. C’était une icône du cyclisme, Rik Van Looy quand même, quand tu vois les courses qu’il a gagnées. C’est un type qui avait une forte présence, une grosse personnalité.» Qui fut aussi un rival : «Peut-être que j’aurais eu plus de mal face à lui s’il avait été plus jeune (ils avaient 12 ans d’écart). Je l’ai effacé peut-être mais lui avait fait la même chose avec Rik Van Steenbergen (...) C’est comme ça , c’est la vie.» Les deux se sont réconciliés depuis longtemps, déjeunaient ensemble à l’occasion. Mais leur rivalité avait coupé la Belgique, comme en calque à la fracture culturelle du royaume.


En 1961, Rik Van Looy, dans son maillot de champion du monde, remporte LiègeBastogne-Liège (à gauche) cinq semaines après s’être arrogé Paris-Roubaix (ci-contre à droite). 
Sur le Tour de France 1963, il remporte 4 étapes dont la dernière, TroyesParis, 
et est félicité au Parc des Princes par son épouse, Nini.

Quand le Tour s’était lancé depuis Bruxelles en 2019, aucun son du triomphe fait à Mercxk ne parvenait un peu plus au nord, au village de Grobbendonk, en Campine, où était né Van Looy, à un coup de pédale de Herentals. Et l’«Empereur» avait refusé de se rendre à la capitale. «Il y a toujours deux clans, a expliqué dans L’Équipe Paul De Keyser, observateur du cyclisme pour le Nieuwsblad : celui de Merckx et celui de Van Looy. Pour beaucoup de Flamands, Van Looy est resté le dieu. Merckx, c’est le Bruxellois.»

Van Looy avait aussi saisi les ficelles d’une notoriété moderne. Après sa carrière, il s’était pris de passion pour les chevaux et a présidé le club de football de Herentals. Sa femme, Nini, a été l’amour de sa vie et a joué un rôle primordial dans sa carrière et sa notoriété. Il était inconsolable depuis sa disparition en 2021, l’imaginait toujours à ses côtés dans un canapé quand il regardait les courses et limitait ses visites au cimetière pour oublier qu’elle était partie.

Quand ses amis de Herentals lui avaient parlé d’ériger une statue à son effigie sur la Grand-Place, à la gauche d’une taverne, non loin de la ligne d’arrivée du Grand Prix qui porte son nom, il avait refusé d’être monumentalisé en vulgaire coureur. Il est figé droit debout en blouson et pantalon, mains en poches, souliers hors proportion. Une autre légende locale, Wout Van Aert, croise peut-être parfois son regard vert-de-gris au pied du beffroi de la Halle aux draps. Les deux hommes ont vécu à 500 mètres seulement l’un de l’autre, mais se sont rarement parlé. Van Looy, qui avalait encore il y a quelques années ses 50 km de vélo le long du canal Albert, n’épargnait rien de sa vision acérée aux coureurs d’aujourd’hui. Sincèrement admiratif de Van Aert, Mathieu Van der Poel ou Remco Evenepoel, ancien footballeur comme lui, mais circonspect sur certaines évolutions scientifiques: «On ne peut pas étudier en soufflerie Van Aert à bout de forces dans Paris-Roubaix.» (Het Nieuwsblad).

L’héritage concret de Van Looy à Herentals restera son école de cyclisme, la Vlaamse Wielerschool, une structure régionale qui infuse le cyclisme en Flandre. « Ce que les gens doivent retenir de moi? répondait-il à L’Équipe en 2019: rien. Ce que je dirais de moi à un lecteur français d’aujourd’hui qui ne me connaît pas? Rien, c’est mieux. Je ne lui dirais même pas que j’étais coureur. Je veux qu’on retienne de moi mon école de cyclisme qui permet aux plus jeunes de courir. Moi à 12ans, je ne courais pas de course. Je livrais des journaux à vélo dans les rues, par ici.»

***

EN BREF

RIKVANLOOY (BEL)

Né le 20 décembre 1933; mort le 18 décembre 2024 à 90 ans. 
Coureur professionnel de 1953 à 1970. Palmarès :
Champion du monde 1960 et 1961 ; Milan-San Remo 1958 ; Tour des Flandres 1959 et 1962 ; Paris-Roubaix 1961, 1962, 1965, Liège-Bastogne-Liège 1961, Tour de Lombardie 1959, Gand-Wevelgem 1956, 1957 et 1962, ParisTours 1959 et 1967, Flèche Wallonne 1968.
37 étapes de grands Tours (7 du Tour de France, 12 du Giro et 18 de la Vuelta).

***

L'“Imperatore” è morto

Rik Van Looy è morto martedì sera nella sua casa in Belgio, poco prima del suo 91° compleanno. Anche se i posteri conserveranno il suo soprannome di “Imperatore di Herentals”, le Fiandre hanno perso un dio che ha regnato sul ciclismo negli anni Sessanta.

“Era un'icona del ciclismo, 
Rik Van Looy, 
quando si vedono le corse che ha vinto”.
   - EDDY MERCKX, IERI

19 dicembre 2024 - L'Équipe
PIERRE CALLEWAERT

Il tempo non cambierà nulla, e nemmeno la statua di Rik Van Looy che si erge sulla Grand-Place all'ombra del campanile di Herentals, la città che ne ha fatto l'Imperatore. Là era un idolo, ma sulla nostra sponda della Schelda tutto ciò che sembra rimanere di lui sono alcune righe del palmarès di una vita agonistica che solo la sua morte in casa, martedì sera, può far rivivere. 

Rik Van Looy, nato il 20 dicembre 1933. Campione del mondo su strada nel 1960 e nel 1961. Tre decenni, dagli anni '50 agli anni '70, una carriera su strada e su pista, collezionando mazzi di fiori recisi, più di 400 in tutto, è difficile tenere un conto preciso. 

Prima di distinguere i Monumenti dalle altre corse, ricordiamo che Van Looy ha accumulato Milano-San Remo (1958), Giro delle Fiandre (1959, 1962), Parigi-Roubaix (1961, 1962 e 1965), Liegi-Bastogne-Liegi (1961), Giro di Lombardia (1959). È stato il primo ciclista a conquistare tutte e cinque queste vette, e solo due belgi lo hanno seguito fino ad oggi, Roger De Vlaeminck e Eddy Merckx. Quando gli è stato chiesto di questo risultato, ha recentemente risposto con il tono deciso e vivace che aveva ripreso dopo anni di silenzio mediatico: “Sì, ma ho anche vinto tre volte la Gand-Wevelgem, compresa una volta il mercoledì tra il Fiandre e la Roubaix! La statua di Rik Van Looy, in borghese come desiderava, domina la Grand-Place di Herentals dal 2017.

Proteico classicista, autorevole velocista dalle cosce muscolose, insaziabile corridore su strada e scalatore guerriero, Van Looy vanta anche 37 vittorie nei Grandi Giri, tra cui 7 al Tour de France. Forse gli è mancata l'eterna gloria ciclistica di cui ha goduto Eddy Merckx quando ha brillato sui lacci di Francia. Van Looy ritenne di essere arrivato troppo tardi, riservandosi per il Giro, dove si distinse anche in montagna con la sua squadra italiana di macchine da caffè, la Faema. Alla sua prima apparizione al Tour, nel 1962, fu investito da una moto. Fino a poco tempo fa, pensava ancora di averlo potuto vincere. Merckx, Van Looy: raramente un passaggio di consegne è stato così violento. Eddy aveva 19 anni quando entrò nella Solo Superia nel 1965, al servizio di Van Looy, che già fiutava il suo Bruto: “Sapevo che sarebbe diventato il miglior corridore al mondo”. Il nonnismo era acre. I grugni di Van Looy maltrattavano questo ambizioso cavaliere che era solito spalmarsi di sciroppo di Liegi a colazione. Si prendevano gioco dei suoi lineamenti, chiamandolo maliziosamente Jack Palance, l'attore che interpretava Attila a Hollywood.

Esasperato, Merckx vinse a sua volta, poi lasciò la caserma Van Looy dopo una stagione. Anche lui vorrà delle truppe ai suoi ordini, come quelle che Van Looy mise al suo servizio, la sua Guardia Rossa, che prefigurava gli attuali treni imbullonati per un unico autocrate.

“Cosa dovrebbe ricordare la gente di me? Niente”.
   - RICK VAN LOOY

Quando ieri è stata annunciata la morte di Van Looy, Eddy Merckx ha reagito: “Sono stato molto toccato. Sapevo che non stava bene da un mese, ma non lo ammetteva. Era molto orgoglioso, e giustamente, perché era un grande campione. Era un'icona del ciclismo, Rik Van Looy, se si considerano le gare che ha vinto. Era un uomo con una forte presenza e una grande personalità. Era anche un rivale: “Forse avrei avuto più difficoltà se fosse stato più giovane (avevano 12 anni di differenza). Avrei potuto respingerlo, ma lui aveva fatto la stessa cosa con Rik Van Steenbergen (...) È così, è la vita”. I due si sono riconciliati da tempo e ogni tanto pranzano insieme. Ma la loro rivalità aveva diviso il Belgio, come un riflesso della divisione culturale del regno.

Nel 1961, Rik Van Looy, con la sua maglia di campione del mondo, vinse la Liegi-Bastogne-Liegi (a sinistra) cinque settimane dopo aver vinto la Parigi-Roubaix (a destra). 
Nel Tour de France 1963 vinse 4 tappe, compresa l'ultima, la Troyes-Paris, 
e si congratulò al Parco dei Principi con la moglie Nini.

Quando il Tour partì da Bruxelles nel 2019, nessun suono del trionfo a Merckx giunse al villaggio di Grobbendonk, nel Kempen, un po' più a nord, dove Van Looy era nato, a una pedalata da Herentals. E l'“Imperatore” si era rifiutato di recarsi nella capitale. Ci sono sempre due clan”, ha spiegato Paul De Keyser, editorialista di ciclismo per il Nieuwsblad, a L'Équipe: il clan Merckx e il clan Van Looy. Per molti fiamminghi, Van Looy è ancora il dio. Merckx è l'uomo di Bruxelles.

Anche Van Looy aveva afferrato i fili della fama moderna. Dopo la carriera, sviluppò la passione per i cavalli e divenne presidente del club calcistico Herentals. Sua moglie, Nini, è stata l'amore della sua vita e ha giocato un ruolo fondamentale nella sua carriera e nella sua fama. Dalla sua morte, avvenuta nel 2021, lui era inconsolabile: la immaginava sempre accanto a sé sul divano quando guardava le corse e limitava le sue visite al cimitero per "dimenticarne" la scomparsa.

Quando i suoi amici di Herentals gli hanno parlato di erigere una statua nella Grand-Place, a sinistra di una taverna, non lontano dal traguardo del Gran Premio che ne porta il nome, ha rifiutato di essere monumentalizzato come un volgare corridore. È congelato in piedi, in giacca e pantaloni, con le mani in tasca e le scarpe fuori misura. Un'altra leggenda locale, Wout Van Aert, può talvolta incontrare il suo sguardo verdognolo ai piedi del campanile di Halle aux draps. I due uomini vivevano a soli 500 metri l'uno dall'altro, ma raramente si parlavano. Van Looy, che qualche anno fa stava ancora ingoiando la sua corsa in bicicletta di 50 km lungo il Canale Alberto, non risparmiava nulla della sua visione acuta per i ciclisti di oggi. Aveva una sincera ammirazione per Van Aert, Mathieu van der Poel e Remco Evenepoel, un ex calciatore come lui, ma era cauto riguardo a certi sviluppi scientifici: “Non si può studiare Van Aert in una galleria del vento quando è fuori soglia alla Parigi-Roubaix”. (Het Nieuwsblad).

L'eredità concreta di Van Looy a Herentals rimarrà la sua scuola di ciclismo, la Vlaamse Wielerschool, una struttura regionale che infonde il ciclismo nelle Fiandre. Quello che la gente dovrebbe ricordare di me”, ha detto a L'Équipe nel 2019, ”è niente. Cosa direi oggi di me a un lettore francese che non mi conosce? Meglio ancora, niente. Non gli direi nemmeno che ero un corridore. Quello per cui voglio essere ricordato è la mia scuola di ciclismo, che ha dato la possibilità ai più giovani di gareggiare. A 12 anni non correvo. Consegnavo i giornali in bicicletta per le strade della zona.

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